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  • Matthieu 22. Culte du souvenir : réaliser qu’on ne perd pas tout.

    Matthieu 22
    19.10.2014
    Culte du souvenir : réaliser qu’on ne perd pas tout.

    Exode 3 : 9-15       Jean 12 : 20-25     Matthieu 22 : 23-33
    Téléchargez le texte : P-2014-10-19.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons entendu qu’on vient poser à Jésus une question sur la résurrection. L’idée de résurrection fait problème aujourd’hui, Mais, comme on l’a perçu dans le récit biblique, elle faisait déjà problème à l’époque de Jésus.
    Les pharisiens croyaient à la résurrection, à la fin des temps, une résurrection qui devait précéder le jugement dernier. De leur côté, les sadducéens n’y croyaient pas, elle posait trop de problèmes pratiques à leurs yeux. Ce groupe vient donc poser une question à Jésus, mais plus pour le mettre dans l’embarras ou pour montrer l’absurdité de l’idée de résurrection que pour recevoir une réponse.
    Mais Jésus les prend au sérieux. Il partage même avec eux l’idée que la résurrection est absurde si elle aboutit à une sorte de société de revenants qui reproduit notre réalité dans un autre monde. La résurrection n’a pas de sens si c’est la répétition de nos vies actuelles.
    La réponse de Jésus efface tous les cas particuliers. Jésus revient toujours aux fondamentaux, à la relation à Dieu. A chaque question, Jésus renvoie à la Bible et, dans la Bible, aux récits fondamentaux. Jamais il ne discute de l’application d’un cas particulier, d’une situation particulière en lien avec un commandement de la loi de Moïse. Jésus replace tout directement devant Dieu, comme s’il disait : Mais qu’en pense Dieu lui-même ? Jésus va toujours directement à l’essentiel.
    Là, il est question de la vie et de la mort. Où est Dieu quand il s’agit de vie et de mort ? Jésus déclare : « Dieu est le Dieu des vivants et non des morts. » Comment comprendre cette affirmation ? Surtout si on lit la phrase entière : « Dieu dit « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » le Dieu des vivants et non des morts » (Mt 22:32).
    Or nous savons qu’Abraham, Isaac et Jacob sont décédés ! Il y a très longtemps. Comment Dieu est-il le Dieu des vivants et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui sont morts ? Si Dieu n’est le Dieu que des vivants, qui est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et le Dieu de nos morts ? Dire ces deux phrases, c’est dire que Dieu possède une puissance de vie qui transcende, qui dépasse la mort.
    Mais revenons à notre réalité. Quand un de nos proches décède, nous avons le sentiment de tout perdre, d’être amputé d’une partie de nous-même. Quelque chose qui nous faisait vivre nous est arraché. Que pouvons-nous opposer à cette perte ? Par nous-mêmes : rien. Nous nous sentons dans l’impuissance, nous nous sentons abandonnés, démunis.
    Nous avons à faire un travail de récupération pour nous relever du deuil. Je vais prendre une l’image d’une autre perte (peu comparable en intensité, mais peut-être éclairante). Vous perdez votre téléphone portable. Vous pourrez probablement récupérer certaines choses : votre numéro de téléphone, peut-être vos contacts, peut-être encore certaines données si votre téléphone était synchronisé avec votre ordinateur ou que vous avez sauvegardé des données sur le « cloud ».
    Nous pouvons faire un travail de récupération, de mémoire pour nous réapproprier ce que nous avons perdu lors de la séparation d’avec un proche. Lors d’un décès, la relation est brusquement interrompue. Il n’y aura pas de nouveau dialogue. Par contre, ce qui a été vécu, ce qui a été échangé, reçu, tout cela subsiste. Dans une relation, on a développé beaucoup de choses, on a été nourri. On est beaucoup plus riche après avoir connu cette personne qu’avant. Il est donc important de retrouver tout cela et de le nommer.
    Accepter l’absence, c’est retourner en arrière, rechercher les souvenirs, rechercher tout ce qui nous appartient dans cette relation.  Rechercher autant ce qui nous a nourri que ce qui nous a blessé ; ce qu’on a aimé et ce qu’on a regretté ; ce qu’on a vécu ensemble et ce qui nous a manqué.
    Ce travail de mémoire permet de laisser aller le mort, tout en récupérant ce qu’on a développé grâce à lui ou elle. Ce travail de mémoire permet de quitter le mort en tant que mort, et de garder ce qui est vivant de lui, une image de lui qui peut nous accompagner dans la vie et vers la vie. Faire ce travail de mémoire permet d’être plus riche après cette traversée du deuil qu’avant. Il permet de laisser la dépouille ou les cendres au cimetière et d’emporter le souvenir de son image vivante avec nous, pour avancer dans la vie et grandir. Faire son travail de deuil, c’est se bagarrer pour être plus vivant après qu’avant.
    Et si Jésus dit que Dieu est le Dieu des vivants et qu’il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, comme s’ils étaient vivants, c’est parce qu’Abraham, Isaac et Jacob nous ont laissé un héritage d’actes et de paroles qui les rendent vivants et qui nous permettent d’être vivants aujourd’hui.
    Nous n’avons rien à faire de leurs tombeaux, si nous sommes habités par leurs paroles vivantes. Celui qui peut garder d’un proche — quitté dans le chagrin — une parole qui le soutienne, un geste qui le nourrit, une image encourageante, celui-là sera plus vivant et plus fort.
    La mort nous fait perdre des êtres chers, elle nous rappelle aussi notre propre fragilité. Dès la naissance, nous pouvons mourir. La mort installe la réalité dans nos vies. Ce que nous vivons n’est pas « pour beurre » ! C’est très inconfortable, mais cela nous confronte aux vraies questions, celles que nous voudrions escamoter. Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Tout est-il absurde ?
    Si la mort nous apprend la fragilité de la vie, elle nous dit aussi que la vie est un vrai cadeau, dont on peut se réjouir. Méditer sur la mort, c’est méditer sur la vie ! Et cela afin d’être plus vivants, plus présents à la vie.
    Si la mort nous force à nous séparer, elle nous apprend aussi à rester en lien — malgré la séparation. Elle nous apprend à choisir nos attachements, à maintenir nos attachements malgré les pertes.
    Apprendre à vivre, c’est apprendre à perdre et à réaliser qu’on ne perd pas tout ! Quelque chose demeure ! Quelque chose vit ou revit !
    Jésus disait « Si le grain ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12:25). Dieu nous promet que nos pertes ne nous font pas tout perdre. Dieu est un Dieu de vie qui remet de la vie là où nous croyions avoir tout perdu. Dieu promet de nous relever et de nous donner toujours plus de vie dans nos vies, en gardant vivants, au dedans de nous, ceux que nous chérissons.
    Amen

    Cette prédication a largement puisé dans l’interview avec Alix Noble dans l’émission sur RTS « A vue d’esprit » La mort en fumée (3_5) du 5 mars 2014.

    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Matthieu 22. Que rendez-vous à Dieu ?

    Matthieu 22
    12.10.2014
    Que rendez-vous à Dieu ?


    Jean 2 : 23-25       Matthieu 22 : 15-22        Matthieu 22 : 34-40

    Télécharger la prédication : P-2014-10-12.pdf
    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    « Est-il permis de payer l’impôt à César ? » (Mt 22:17) Voilà ce qu’on demande à Jésus. Mais cette question n’est pas posée pour recevoir une réponse. Elle est posée pour tendre un piège à Jésus. Alors il nous faut voir ce qu’il y a autour pour comprendre et le sens de la question et la portée de la réponse de Jésus.
    Voici la situation. Jésus attire les foules par son franc-parler, par des paroles neuves, des paroles et des gestes qui vivifient, qui donnent du sens et de l’espoir aux petites gens. Cela inquiète les autorités, d’autant plus que, maintenant, Jésus s’autorise à venir prêcher dans le Temple de Jérusalem.
    Nous avons vu dimanche dernier que Jésus ose dire que le peuple est plus près de Dieu que les autorités religieuses ! Alors ces autorités décident de coincer Jésus. Elles veulent pouvoir l’accuser d’être un adversaire, un ennemi, soit des romains, soit des juifs. D’où cette question sur l’impôt.
    Si Jésus répond qu’il ne faut pas payer l’impôt, il va pouvoir être livré aux romains comme un zélote, un résistant, un opposant au régime ou un terroriste. Si Jésus répond qu’on peut payer l’impôt, il aura à dos tous les pharisiens à la recherche de la pureté de la Loi. Les adversaires de Jésus sont sûrs de leur coup.
    Mais le récit nous dit trois choses. La première, c’est que Jésus est clairvoyant. Comme le souligne fréquemment l’évangéliste Jean (Jn 2:25), Jésus connaît le cœur humain. Il voit ce qui se passe en chacun, il voit derrière les paroles l’intention du cœur. Aussi, Jésus déjoue-t-il le premier coup : il affirme tout de go que cette question est posée dans l’intention de le piéger.
    Ensuite, il déjoue ce piège en leur demandant de lui présenter une pièce de monnaie. Quelqu’un en sort une de sa poche et la lui montre. Le piège est déjà retourné. On entre dans la deuxième partie. Par ce geste et cet échange, Jésus montre à ses adversaires qu’il est déjà trop tard pour se poser la question de l’impôt.
    Si refuser de payer l’impôt est une façon de garder les mains propres et le cœur pur face à Dieu en refusant le contact avec les romains païens, et bien c’est peine perdue si on a des pièces romaines dans son porte-monnaie. Ils sont déjà impliqués, ils sont déjà mouillés, ils ont déjà les mains sales, si c’est sale de faire du commerce avec les romains. La question de l’impôt est secondaire, subsidiaire.
    Aussi, Jésus peut-il dire de rendre à César ce qui est à César, ce qui veut dire qu’il est indifférent — aux yeux de Dieu et de la Loi de Moïse — de payer l’impôt, mais cela veut aussi dire que les romains ne leur prennent que ce qu’ils ont apporté, donné. Les juifs peuvent le leur rendre. Les juifs peuvent leur rendre leur monnaie, s’ils pensent que posséder ces pièces leur salit les mains ! C’est très ironique vis-à-vis de ceux qui pensaient garder les mains propres en refusant de débourses ces pièces.
    Jésus désamorce ainsi la possible accusation d’être contre les romains, mais aussi l’idée des pharisiens que payer l’impôt est une atteinte à la pureté de leur foi, puisque Jésus leur dit, en quelque sorte : si vous voulez être purs, débarrassez-vous de ces pièces en payant l’impôt.
    Mais le plus important vient dans la troisième partie.

    Jésus fait remarquer que les pièces romaines portaient une image, celle de César, et que cela indiquait quel était le propriétaire de la pièce. Et Jésus a complété sa phrase « Rendez à César ce qui est à César » par « et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22:21). C’est ce bout de phrase qui est le plus important. Comme s’il disait à ses interlocuteurs : Maintenant, regardez-vous. Regardez-vous les uns les autres et que voyez-vous ? La même question que lorsqu’on lui présente la pièce : « Ce visage et ce nom gravé, de qui sont-ils ? » (v.20) A qui appartiennent vos visages ? A la ressemblance de qui ont-ils été façonnés ?
    Avec ce « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu » Jésus renvoie ceux qui l’écoutent à l’Ecriture, à la parole de leur créateur, au souvenir de ces paroles du premier récit de la Genèse : « Dieu dit : Faisons l’être humain ; qu’il soit comme une image de nous, à notre ressemblance. » (Gn 1:26).
    Alors que les pharisiens et les hérodiens réunis essaient de piéger Jésus avec une question sans importance, Jésus les recentre sur la question essentielle : quelle est votre relation à Dieu ?
    Jésus renvoie à Dieu ceux qui se perdent dans les questions annexes de comment bien faire ? Quelle attitude adopter dans la société ? Puis-je faire cela ou est-ce contre la Loi ? Dois-je plutôt manger ceci ou cela ? Contre cette façon de couper les cheveux en quatre, Jésus renvoie ceux qui l’écoutent à la question primordiale, essentielle : Que rendez-vous à Dieu ? Que faites-vous de votre vie ? A quoi la consacrez-vous ?
    « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Par cette injonction, Jésus invite ses interlocuteurs à se décentrer, à quitter les questions secondaires pour aller à l’essentiel, pour se replacer devant Dieu. Jésus nous invite à nous déplacer pour nous recentrer. A passer d’un légalisme à une relation avec Dieu. A passer de l’obéissance à la confiance. A passer de la peur de faire faux à l’amour confiant. A passer du secondaire à l’essentiel.
    Et cet essentiel, Jésus va en parler un peu plus loin (Mt 22:34-40) en citant les deux commandements les plus grands : Aimer Dieu de toutes ses forces et aimer son prochain comme soi-même.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Matthieu 21. Plus personne ne donne l’ordre à son fils d’aller travailler dans la vigne !

    Matthieu 21
    5.10.2014
    Plus personne ne donne l’ordre à son fils d’aller travailler dans la vigne !

    Matthieu 7 : 15-23        Matthieu 21 : 28-32

    Télécharger la prédication : P-2014-10-05.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus raconte une parabole : un homme avait deux fils, mais ce n’est pas la parabole du fils prodigue. Jésus se trouve à Jérusalem, il est dans le Temple et il enseigne. Des prêtres et des anciens viennent alors lui demander ce qu’il fait là, de quelle autorité il se permet d’enseigner dans le Temple.
    C’est donc dans une atmosphère de conflit d’affrontement que Jésus leur raconte cette parabole. Ce n’est d’ailleurs qu’un début dans la polémique. Juste après cette parabole, Jésus raconte la parabole des méchants vignerons, puis des invités qui refusent de venir au banquet du royaume. Et cette partie se terminera par l’annonce de la destruction du Temple ! Nous avons donc là une parabole polémique, adressée aux autorités du Temple.
    Jésus engage donc le dialogue en leur demandant leur avis sur une situation : Un père donne le même ordre à ses deux enfants. Le premier dit non, mais fait le travail. Le second dit ou, mais ne fait pas ce qui lui est demandé. Qui a donc agit selon la volonté du père ? Les responsables du Temple sont d’accord que c’est celui qui a agit, même s’il a commencé par renâcler.
    Et c’est là que Jésus prononce son jugement sur ceux qui l’entourent. Le premier fils — qui dit non, mais qui fait le travail — ce sont les foules, les gens du peuple méprisés qui ont suivi Jean Baptiste et qui suivent maintenant Jésus. Le deuxième fils — celui qui dit qu’il va faire, mais ne fait rien — ce sont ceux qui tiennent des discours religieux, mais qui n’ont suivi ni Jean Baptiste, ni Jésus.
    [Une remarque sur la transmission de ce récit dans les manuscrits. Après la scission entre la synagogue et les judéo-chrétiens, cette parabole a été lue comme étant l’image du peuple juif qui a refusé Jésus et des païens qui l’ont accepté, au point que dans certains manuscrits, la parabole a été réécrite dans « l’ordre chronologique » : le premier fils étant celui qui dit oui et n’y va pas, le second fils étant celui qui dit non et qui y va. La bonne réponse donnée est alors le deuxième fils. Entre ces deux versions, celle du premier fils qui dit non et y va quand même a plus de chance d’être celle que Jésus a prononcée.]
    Restons sur la formule de Jésus. Il est question de paroles et d’actes. Et il est clair — Jésus l’a déjà dit dans le Sermon sur la Montagne — c’est l’action qui est déterminante. « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume de Dieu, mais seulement ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7:21) ou encore : « un bon arbre ne peut pas produire de mauvais fruits » (Mt 7:18).
    On pourrait croire qu’on est dans une théologie des œuvres où le salut dépendrait de ses bonnes actions. Je crois plutôt qu’on est là face à la cohérence d’une vie. Les actes sont révélateurs de la vie intérieure. Tenir un discours et agir de manière inverse, c’est de l’incohérence ou de l’hypocrisie. C’est pourquoi Jésus s’attaque aux responsables religieux et qu’il met en garde son troupeau contre les faux prophètes qui sont des loups déguisés en agneaux. Jésus dit « vous les reconnaîtrez à leurs actions » (Mt 7:16).
    C’est ce que nous voyons souvent dans le fanatisme religieux : de grands discours sur la pureté — pureté du mouvement à l’interne et méchanceté de tous les autres — grands discours qui débouchent sur des appels, au minimum à la séparation, au pire à la violence.
    C’est malheureusement ce qu’on voit aujourd’hui avec le pseudo-état islamique en Irak et au Levant. De grands discours et l’imprécation du nom d’Allah et des violences innommables qui révèlent la vraie nature de ce mouvement.
    On pourrait se dire : mais en quoi cela nous concerne-t-il ? Ce n’est pas ici, ce n’est pas notre religion. Le problème, c’est qu’il y a des gens de chez nous qui s’en vont là-bas, se battre et endosser cette idéologie. Ça c’est notre problème ! Qu’avons-nous manqué, en tant que société, pour que des jeunes de chez nous soient séduits par de tels prophètes ?
    Que voyons-nous chez nous ? (1) Sur le plan religieux, il y a peu de discours, peu d’actes, peu d’actions. Tout ce que notre société propose aux jeunes, c’est d’entrer dans la consommation et le divertissement. Les parents ont peur d’imposer quoi que ce soit à leurs enfants. Le parent propose, l’enfant dispose ! Il doit constamment choisir par lui-même, sans savoir la préférence de ses parents.
    Cela conduit à un deuxième constat. (2) Notre société a renoncé a toute prescription. Il n’y a plus de père qui donne l’ordre à son fils d’aller travailler dans la vigne. Il n’y a plus d’ordre, il n’y a plus de mission, il n’y a plus de désignation d’une tâche à faire pour que le monde tourne. Tout est optionnel, donc il semble que tout est égal, que tout est de même valeur.
    Il n’y a plus d’instance qui dise : il y a ce travail, cette tâche qui vaut la peine d’être réalisée. Plus personne ne dit qu’il y a des valeurs pour lesquelles il vaut la peine de se battre, ou bien des maux contre lesquels il vaut la peine de se battre. Alors des jeunes vont se battre là où on leur donne une raison, même mauvaise. Sommes-nous à ce point désillusionnés que nous ne pouvons plus nous mobiliser et appeler les jeunes à se mobiliser avec nous pour se battre, pacifiquement.
    En faveur de quoi pourrait-on se mobiliser aujourd’hui ? Essayez d’y réfléchir quelques secondes. L’absence de réponse qui saute aux yeux est bien révélatrice du problème.
    Voilà quelques causes pour lesquelles se mobiliser, se battre. Pour plus de justice, plus d’équité, plus de tolérance. Moins de discrimination, moins de machisme. Plus de respect, plus de transparence économique. Moins d’exploitation, moins de mépris ou de xénophobie, etc.
    Il y en a des objectifs pour lesquels se battre utilement. Mais qui les nomme ? Qui appelle à aller travailler dans la vigne ? Notre société n’est même plus dans les cas de figure qu’énonce Jésus ! Dire quelque chose et ne pas le faire ou ne rien confesser mais le faire.
    Aujourd’hui, c’est inquiétant, il y a comme un consensus à ne plus rien dire et à ne plus rien faire, on reste vautré devant son écran.
    Nous avons le droit, nous avons le devoir de dire nos valeurs, d’être prescripteur (prophètes) pour la justice, le droit, le respect, l’entraide… Ensuite chacun aura le choix d’y aller ou pas. Mais l’Eglise manque à sa tâche, à son but si elle ne dit plus rien, si ses fidèles ne disent plus où est l’Evangile.
    Nous avons à dire qu’il y a du travail dans la vigne. Si nous renonçons à ce rôle de prescripteur, de prophète, alors ce seront d’autres qui seront là, à notre place, avec d’autres valeurs et souvent comme des loups déguisés en agneaux. A nous d’agir.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

    Dans le même sens, cet éditorial paru le JE 9.10.2014 dans Le Temps :

    Leur djihad, notre vide  Par Par Sylvain Besson

    Pour triompher des combattants fanatisés de l’Etat islamique, l’Occident doit redonner un sens à sa propre civilisation... (suite pour les abonnés... droits réservés)
    fin de l'article : "Parler de liberté et de prospérité ne suffira pas. Toucher le public cible des terroristes – des jeunes en quête d’engagement existentiel – implique de discuter de notions évacuées de nos vies comme Dieu, la mort, le sacrifice. Et ce faisant, de retrouver la conviction que nos sociétés ont des valeurs plus nobles à offrir que la technique, l’amusement ou le confort matériel."
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