Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

p) Epitres

  • De la loi à la foi. "C'est par la foi que vous êtes enfants de Dieu"

    (3.4.2005)

    Galates 3

    De la loi à la foi. "C'est par la foi que vous êtes enfants de Dieu"

    1 Jean 3 : 1-3         Galates 3 : 23-29

    télécharger le texte P-2005-04-03.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles qui avez fait baptiser vos enfants,

    Nous sommes le peuple de Dieu, plus encore, nous sommes les enfants de Dieu. Autant l'apôtre Paul que Jean l'Ancien affirment que nous sommes enfants de Dieu. Que veulent-ils dire par cette nouvelle appellation ? Il y a là l'affirmation que la relation à Dieu — à travers Jésus-Christ — est totalement différente de ce qu'elle était dans le judaïsme d'alors et dans les religions mythologiques des grecs et des romains.

    Paul en parle en opposant la loi et la foi. La loi représente tout ce que l'être humain — nous — devrait faire pour plaire à Dieu, pour être adéquat dans la relation à Dieu ou tout simplement pour avoir le sentiment d'exister, d'avoir de la valeur.

    On peut retrouver cette exigence dans d'autres modèles de lois : pour être un bon citoyen, il faut remplir un certain nombre d'obligations, payer ses impôts à temps, aller voter, respecter toutes les lois, etc. Idem pour être un bon consommateur, un bon automobiliste, etc. Et puis il y a les obligations sociales, il faut être une bonne mère, un bon père; il faut être "tendance", "in", "fashion" ; il faut être jeune, beau et riche, etc.

    Pas besoin de dieux grecs ou romains pour être assujettis à de multiples obligations, notre société se charge assez de nous dire ce qu'il faut faire pour être considérés, pour être à la mode, pour être aimés. Tout cela relève de la loi, des contraintes extérieures dont on nous fait croire qu'elles nous donnent accès au bonheur. En fait, ces exigences nous renvoient plutôt à nos échecs et à nos manques.

    A nos échecs, parce que nous n'arrivons pas à être à la hauteur des modèles — retouchés — que nous balance la publicité; parce que nous n'arrivons pas au niveau de perfection qu'on nous fait miroiter comme source de bonheur. A nos manques, parce que nous avons nos limites, nos faiblesses, nos ras-le-bol. Ces modèles finissent par nous culpabiliser et nous paralyser. On n'ose plus rien faire de peur de faire faux.

    L'apôtre Paul voyait ce système à l'œuvre dans la loi juive. Je l'ai transposé dans notre monde actuel. La façon d'en sortir existe autant pour Paul que pour nous : en changeant de système de référence.

    Le système de la loi, c'est celui du patron d'entreprise où chaque employé doit servir les buts de l'entreprise. Le système de la foi que l'évangile propose c'est que chacun à pour "devoir" de devenir lui-même.

    C'est pour expliquer cela que Paul et Jean utilisent la notion d'enfant de Dieu. Dieu n'est pas le patron d'une entreprise où chacun doit servir les buts de cette entreprise. Dieu est un père dont la seule volonté est que chacun de ses enfants avance à la découverte de sa propre personnalité et puisse accomplir les buts qu'il se fixe lui-même.

    De même que notre rôle de parents est de conduire nos enfants à devenir eux-mêmes et non pas des images de nous-mêmes; de même, Dieu souhaite que nous apprenions à exister — non pas pour lui plaire — mais pour devenir des êtres vrais.

    La loi ne conduit qu'à l'obéissance et à l'adaptation. La foi, la confiance, aide à grandir, à se développer, à devenir soi-même dans la liberté.

    L'apôtre Paul nous invite donc à changer notre image de Dieu. Non, Dieu n'est pas un Dieu mesquin ou chicaneur qui nous attend au tournant avec une liste de nos fautes pour nous épingler. Non. Dieu nous fait confiance, il nous regarde avec amour et bienveillance, nous encourageant dans nos premiers pas comme dans les pas difficiles lorsque la route est semée d'embûches.

    Dieu a pour nous un amour inconditionnel, nous n'avons pas besoin d'être parfaits pour être aimés, nous n'avons pas besoin d'être "tendance", "in", "à la mode" pour avoir accès au bonheur. De même nous n'avons pas besoin d'être des parents parfaits pour élever nos enfants, pour qu'ils nous aiment, pour les aimer et les aider à grandir.

    C'est en sachant que nous sommes aimés inconditionnellement que nous serons capables d'aimer nos enfants (ou nos proches). C'est en leur parlant, en leur transmettant cette certitude que Dieu est amour que nous pourrons leur transmettre le goût de Dieu. C'est en étant sûrs d'être aimés que nous pourrons être vrais avec nous-mêmes, avec nos proches, avec Dieu et avec nos enfants.

    Par le baptême que nous avons reçu, nous sommes unis à Jésus-Christ, celui qui nous montre que Dieu n'est pas un patron qui juge, mais un Père qui aime.

    Par la confiance que nous plaçons en Dieu, nous pouvons être assurés que notre être — que la vérité de notre être — ne dépend pas des exigences du monde actuel, mais repose sur Dieu et sur Dieu seul.

    Le baptême et le signe que notre nom — notre être — est inscrit dans le cœur de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

     

  • En quête de la cité de Dieu

    (27.2.2005)

    Hébreux 11

    En quête de la cité de Dieu

    Matthieu 24 : 1-2        Romains 8 : 14-17         Hébreux 11 : 1-2+8-10

    télécharger le texte P-2005-02-27.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    En cherchant les textes bibliques pour le message de ce matin, je suis tombé sur une phrase qui m'a intriguée :

     

    "Abraham habita sous des tentes, car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur." (Hb 11:9-10).

    Cette phrase m'a intriguée parce qu'elle donne à un fait historique (Abraham vivait sous tente) une raison théologique. Dans la même phrase, on se trouve à deux niveaux différents, en déséquilibre, comme avec un pied sur le trottoir et un pied sur la route. Il y a des raisons historiques pour lesquelles Abraham vivait sous tente, c'est qu'il était nomade, qu'il avait des troupeaux qu'il devait suivre ou conduire paître en changeant constamment de lieux.

    Mais l'auteur de la lettre aux Hébreux ne se préoccupe pas d'histoire, mais de sens. Pour le suivre, il faut donc accepter de tout interpréter théologiquement, symboliquement. Au-delà du fait historique qu'Abraham vivait sous tente, c'est un choix qui devient symbolique. Abraham choisit d'habiter sous tente, dans une habitation provisoire, démontable, déplaçable, parce qu'il attend autre chose.

    Il est dans une attente, dans une quête, il a une exigence : il ne s'installera que dans la cité de Dieu, celle dont Dieu est l'architecte. Abraham est le premier personnage de l'histoire biblique, l'ancêtre du peuple d'Israël, celui qui reçoit l'appel de Dieu ("Va, quitte ton pays" Gn 12:1), celui qui reçoit la promesse d'être le père d'un grand peuple (c'est la signification de son nom), celui qui reçoit la promesse d'un pays où ses descendants s'installeront.

    C'est le roi David qui va réaliser le rêve de la cité de Dieu en choisissant Jérusalem et en y préparant les plans du Temple de Dieu, que son fils réalisera. Avec David, puis Salomon, vient le Temple, lieu de résidence de Dieu. Un étape d'installation pour le peuple.

    On pourrait croire que la cité qu'attendait Abraham est réalisée. Pourtant le Temple de Salomon sera détruit en 587 av. J.-C. et le peuple sera exilé à Babylone. Au retour de l'Exil, un deuxième Temple sera érigé, détruit à son tour. Un troisième Temple sera mis en construction par Hérode le Grand. Ce Temple n'est pas totalement achevé quand Jésus le visite avec ses disciples. Mais il est grandiose, imposant, impressionnant. tous les pélerins sont en admiration devant cette merveille architecturale. C'est du solide, il est fait pour durer mille ans. Il a la force du visible et pourtant Jésus prévoit que le ver est dans le fruit, qu'il ne représente pas la réalisation de l'attente d'Abraham. Ce Temple n'est pas l'image de Dieu sur la Terre, ce n'est pas dans ce Temple que les croyants doivent mettre leur confiance, Jésus dit à ses disciples ;

     

    "il ne restera pas ici une seule pierre posée sur une autre, tout sera renversé" (Mt 24:2)

    L'évangile nous révèle que la présence de Dieu ne réside pas dans les pierres d'un édifice — aussi beau et grandiose soit-il. Le temps de la Passion nous révèle que la présence de Dieu se trouve en Christ, dans cet homme qui va mourir sur la croix et que Dieu ressuscitera.

    La cité qu'attendait Abraham, c'est le Christ, il est la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur. En Christ, est la promesse de la vraie vie, d'une vie qui ne se contente pas du superficiel, du paraître, du visible.

    L'auteur de la lettre aux Hébreux définit la foi comme "être sûr de ce qu'on espère, être convaincu de la réalité de ce qu'on ne voit pas" (Hb 11:1). C'est la certitude qu'il y a une réalité au-delà de ce qu'on touche, de ce qu'on voit. Une réalité plus solide, plus sûre que celle que l'on voit, puisque ce qu'on voit peut s'effondrer, être détruit.

    Je crois que construire une foi comme celle-ci, c'est faire le parcours d'Abraham, David et Jésus, c'est passer par ces trois étapes.

    A. Dans un premier temps, c'est l'errance du nomade qui habite sous tente. Un temps de quête, de recherche, de voyages. On visite les croyances et les doctrines, on goûte à ceci ou cela, tout en espérant, en attendant de trouver quelque chose qui réponde à nos aspirations, à nos espoirs. C'est une collecte d'informations, d'expériences, qui peu à peu nous mène à nous fixer en un point pour y construire notre "temple".

    B. Alors on est roi chez soi, on a son système de pensées, ses certitudes. On a l'assurance d'une construction bien solide. Une double question se pose ici: cette architecture est-elle à l'épreuve des coups durs de la vie, des coups de boutoirs du malheurs ? Et cette architecture est-elle habitée d'une vraie Présence ?

    C. Ce à quoi l'évangile, le Christ nous appelle, c'est à miser davantage sur la Présence que sur les murs. Cette troisième étape que nous avons à vivre, c'est de faire grandir la Présence de Dieu, la Présence de l'amour dans l'architecture de nos convictions. Cette Présence, l'apôtre Paul la nomme l'Esprit saint.

     

    Dans les mots de Paul : "C'est l'Esprit saint qui fait de vous des fils de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : Papa. (…) Nous sommes ses enfants, donc nous aurons aussi part aux biens que Dieu a promis à son peuple, nous y aurons part avec le Christ." (Rm 8 : 15,17)

    Si nous partons en quête comme Abraham et vivons sous des tentes (au sens symbolique), il nous est promis aussi que nous serons accueillis dans la cité dont Dieu est l'architecte et le constructeur : la cité sans murs de sa Présence, de son amour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Dieu est lumière, il n'y a point trace d'obscurité en lui

    (28.12.1997)

    1 Jean 1

    Dieu est lumière, il n'y a point trace d'obscurité en lui

    Esaïe 63 : 7-9.        1 Jean 1:5-10, 2: 1-2.        Jean 1 : 14-18

    télécharger le texte : P-1997-12-28.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Jésus-Christ,

    A Noël, nous avons fêté la naissance de Jésus, la lumière qui a brillé dans nos ténèbres. Cette lumière est une image de l'action de Dieu sur nous, une image qui doit nous dire comment la présence de Dieu nous affecte directement, comment elle agit dans nos vies.

    Le texte de l'épître de Jean nous dit cela concrètement mais dans des mots et des catégories difficiles à comprendre aujourd'hui. [lire 1 Jean 1 : 5-9]

    Ce passage demande une traduction dans nos mots d'aujourd'hui. Que signifient les termes : lumière, ténèbres, communion, péché, qui reviennent à plusieurs reprise dans notre texte ?

    Pour entrer dans ce vocabulaire, il faut comprendre comment fonctionne l'être humain. L'être humain est un être de relation. Il communique pour être en relation et tirer quelque chose de positif pour lui dans la communication. Nous cherchons des échanges créateurs de chaleur humaine, d'intimité, d'émotion, par des échanges verbaux, sentimentaux, émotionnels, gestuels, corporels.

    Nous avons besoin "d'une dose quotidienne" de ces gratifications, de ces signes de reconnaissance, de ces valorisations, de ces caresses amicales pour entretenir notre être, notre estime de soi.

    Tout irait bien si nous savions formuler ces besoins en demandes directes, et si nous recevions ce que nous demanderions directement. Mais cela ne se passe justement pas comme cela (à cause du péché).

    Vous avez tous entendu dire une fois ou l'autre que le péché est une rupture de la relation. Je dirai que c'est davantage un trouble, une distorsion de la relation. On peut faire parfois plus de mal en maintenant une relation faussée, aliénante, qu'en la rompant.

    Depuis que nous sommes nés, tous nos besoins n'ont pas été comblés (cela est impossible) et nous avons grandi, dans ce que nous avons ressenti comme un manque, une pénurie. Et nous nous sommes construit avec des croyances réalistes et raisonnables dans notre environnement et face à une réalité d'un monde dure, injuste, frustrant par nature (sans que ce soit la faute de personne en particulier). Ces croyances sont la racine du péché, parce qu'elles contredisent le message d'amour de Dieu. Ces croyances ressemblent à cela.

    1) Je ne suis pas assez bien pour que les autres m'aiment. En conséquence, je dois les tromper sur le fond de mon être, en construisant une façade, afin de me faire aimer.

    2) Il n'y a pas assez d'amour pour tout le monde. En conséquence, je dois lutter contre les autres pour obtenir ma part et je dois conserver ce que j'obtiens de peur de manquer plus tard.

    3) Les autres, qui ont aussi besoin d'amour, agissent comme moi. En conséquence, je dois me méfier d'eux.

    Ces trois croyances nous conduisent dans ce que Jean appelle les ténèbres, l'obscurité, le mensonge, le péché.

    Je crois que nous avons suffisamment d'éléments pour traduire le texte de l'épître de Jean et comprendre le message de Dieu qui renverse nos croyances.

     

    v.5 Dieu est lumière,

    il n'y a pas trace d'obscurité en lui.

    Dieu offre des échanges clairs,

    il n'y a pas de sous-entendus, de chantages ou de donnant-donnant

    v. 6 Si nous disons "nous sommes en communion avec Dieu"

     

    et que nous marchons dans les ténèbres, alors nous mentons, nous ne pratiquons pas la vérité.

    Si nous disons "nous sommes branchés sur l'approvisionnement divin" (dans l'abondance de l'amour)

    et que dans nos relations nous grugeons les autres, nous faisons de faux échanges, alors nous sommes en contradiction, nous sommes dans le mensonges, loin de relations claires.

    v. 7 Si nous marchons dans la lumière

    comme lui-même est dans la lumière —

    alors nous sommes en communion avec les autres.

    Si nous avons des relations claires

    comme Dieu a des relations claires —

    alors nous pouvons être vraiment proches les uns des autres, partager une vraie intimité.

    v. 8 Si nous disons " nous n'avons pas de péchés"

     

    nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous.

    Si nous disons "j'en suis a un stade où toutes mes relations sont claires, je ne fais plus de faux échanges"

    cette simple affirmation est une contrevérité, je m'égare moi-même

    v.9 Si nous confessons nos péchés

    fidèle et juste comme il est —

    il nous pardonnera nos péchés,

    et nous purifiera de toute iniquité.

    Si nous sommes prêts à voir et dire les distorsions de nos relations

    alors Dieu nous pardonne pleinement,

    et il nous aidera à nous débarrasser de nos stratégies courantes.

    Dieu nous donne une foi nouvelle pour remplacer nos vieilles croyances qui troublent nos relations.

    1) Dieu nous aime tels que nous sommes, sans rien ajouter, sans rien retrancher de nous-mêmes. Nous pouvons être tels que nous sommes et être aimés.

    2) Dieu est la source inépuisable de l'amour. Il y a assez d'amour pour tout le monde. Il n'est pas nécessaire de se la voler les uns les autres. Ce que nous donnons aux autres, Dieu nous l'avait déjà donné et nous le redonne au centuple.

    3) Les autres ont besoin d'amour et cela n'est plus un problème, même s'ils continuent à vouloir nous en prendre, puisqu'il y en a assez pour tous. Je n'ai plus besoin de me méfier des autres puisque c'est Dieu qui donne par mon intermédiaire.

    En résumé et pour terminer :

    Dieu est amour
    il nous aime chacun tel que nous sommes
    personne ne peut rien contre nous.

    Nous pouvons vivre de ces certitudes, elles sont la clé du bonheur.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Le Christ donne à l'Eglise des personnes

    (26.1.2003) Ephésiens 4

    Le Christ donne à l'Eglise des personnes

    Matthieu 13 : 31-32.   Ephésiens 4:1-6.    Ephésiens 4: 7 et 11-16

    télécharger le texte : P-2003-01-26.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Un des principes fondateurs du protestantisme est le recours à la Bible comme première et dernière instance pour dire le "vrai" en matière de "doctrine", de ce que nous avons à penser et à croire. L'Ecriture seule [sola scriptura] est la mesure, le tuteur, l'inspiration pour définir notre foi, notre vision de Dieu et ce que doit être notre service.

    Tout ce que nous avons construit et construisons encore — en tant qu'individu ou en tant qu'Eglise — doit être évalué, examiné, critiqué ou rénové [réformé] en fonction de ce que la Bible nous dit.

    Dans un temps où le travail de l'Eglise est de plus en plus souvent remis en cause — cela a été le cas du travail missionnaire, le travail de l'Eglise en dehors de nos frontières; c'est le cas depuis la mise en place d'EaV pour notre travail, ici, en interne — il est important de relire dans la Bible les textes qui nous parlent de l'Eglise comme celui d'Ephésiens 4.

    Avant d'aborder le contenu très riche de ce texte, j'aimerais rappeler cette phrase célèbre du théologien catholique Alfred Loisy : "Jésus annonçait le Royaume et c'est l'Eglise qui est venue." On entend souvent cette phrase dite sur un ton désabusé, comme si l'Eglise était un échec par rapport à l'annonce du Royaume. Ce n'est pas ce que voulait dire Alfred Loisy.

    Le décalage existe entre le Royaume et l'Eglise, mais l'important : c'est que nous en soyons conscients, pas que nous pleurions sur ce décalage. Le Royaume est encore devant nous, comme un but et une espérance. l'Eglise est présente, non comme un but, mais comme un moyen.

    Jésus proclamait la venue de son Règne, l'Eglise est la communauté de ceux qui l'espèrent et l'attendent (mais pas les bras croisés). Comme l'arbre de la parabole qui vient d'une graine insignifiante, l'Eglise est promise à la croissance à partir de nos personnes, même si nous nous considérons comme insignifiants — ce qui n'est pas le regard que Dieu a sur nous.

    Le texte d'Ephésiens 4 nous rappelle d'abord l'unicité de Dieu qui nous appelle à l'unité des croyants dans la communauté. Cette unité — un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême — est le fondement de la communauté.

    Cette unité ne se fait pas dans l'uniformité. L'unité est l'attachement à la même source qui est le Christ et au même but qui est la proclamation de la bonne nouvelle. Entre la source et le but se trouve la diversité des personnes et des chemins.

    "Le Christ a fait des dons particuliers, il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, évangélistes, pasteurs, catéchètes, etc..." (Eph 4:11).

    Le Christ donne à l'Eglise des personnes avec chacune des particularités et des compétences différentes pour faire croître l'ensemble. L'Apôtre parle là de "peuple de Dieu" puis de "corps." L'Eglise est avant tout une communauté, une communauté qui est invitée — d'abord dans le concret — à se soutenir, se supporter les uns les autres.

    L'Apôtre ne plane pas dans les nuages, il sait les difficultés à être ensemble. Mais il ne doute pas de la générosité de Dieu, il sait les dons du Christ. Ces personnes données à l'Eglise — dans l'énumération qui est faite — ont pour tâche la proclamation de la Parole.

    L'Apôtre n'a pas le souci de structurer l'Eglise. L'unité de l'Eglise ne repose pas sur son organisation, mais sur l'Evangile partagé dans la communauté. Les vocations des uns et des autres — et chacun trouve sa vocation particulière — ont pour buts le service chrétien et la progression dans la foi. Deux buts différents, mais indispensables l'un à l'autre : l'action et l'enrichissement de l'être. La progression de la foi nourrit le service et le service apporte à la foi la dimension de l'amour fraternel.

    Aujourd'hui, nous recevons deux personnes qui sont parties — au nom des Eglises de chez nous — au Cameroun. Je pourrais ici vanter leur vocation et leur service, leur travail et leur engagement. J'aurais peur de le faire — non pas parce qu'ils manqueraient de l'un ou de l'autre, mais parce que cela nous sert trop souvent d'alibi pour cacher ou dévaloriser notre vocation personnelle.

    Il n'y a pas besoin d'être missionnaire au loin ou occuper la chaire comme ministre pour pouvoir se dire qu'on a une vocation. La vocation n'est pas réservée à quelques-uns ! C'est l'ensemble du peuple de Dieu qui est appelé à grandir afin que chacun puisse parvenir à ce que l'Apôtre appelle : le stade d'adulte dans la foi.

    L'adulte dans la foi est celui qui a trouvé des repères suffisamment solides pour ne pas être ballotté au gré des différentes affirmations qu'il peut entendre autour de lui.

    Etre adulte dans la foi, c'est savoir ce qu'on a soi-même reçu du Christ et savoir trouver sa place dans la communauté — c'est-à-dire être conscient de sa vocation et du lieu de son service.

    Dans la communauté, où s'exerce un seul baptême, nous sommes tous des baptisés égaux dans l'amour reçu du Christ, et tous également porteur d'une vocation, pour des fonctions diverses.

    En ce dimanche missionnaire, où nous prions pour l'avancement du Règne de Dieu, où nous consacrons une partie de nos biens à soutenir le ministère de ceux qui partent à l'étranger, au travers du Département Missionnaire, n'oublions pas notre responsabilité personnelle d'agir ici, dans notre vie de tous les jours pour faire rayonner l'Evangile.

    "Ainsi — comme le dit l'Apôtre — lorsque chaque membre agit comme il le doit, le corps entier grandit et se développe par l'amour." (Eph 4:16)

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

     

  • Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils

    pour le dimanche de Pentecôte

    Galates 4

    Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils

    Jean 14 : 25-29.       Actes 2 : 1-17.         Galates 4 : 1-7

    télécharger le texte : P-2020-05-31.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous vivons le dimanche de Pentecôte, jour où l'Eglise commémore le don de l'Esprit saint aux disciples et à l'Eglise toute entière. Jésus — nous l'avons entendu dans la lecture de l'Evangile de Jean — avait annoncé à ses disciples que l'Esprit saint serait envoyé une fois qu'il les aurait quittés.

    Luc — dans le livre des Actes — nous dépeint comment a pu se dérouler la première Pentecôte. Et Paul, finalement, explique à la jeune Eglise de Galatie pour quoi, dans quel but l'Esprit saint leur est donné : "Pour prouver que vous êtes bien ses fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son fils, l'Esprit qui crie « Abba ! mon Père ! ». Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4 : 6-7)

    L'Esprit qui est donné au croyant par Dieu crée un lien de filiation. Ce lien de filiation indique plusieurs choses (il est peut-être bon d'avoir ici en mémoire la parabole que Jésus a racontée sur le "fils prodigue", sans oublier le fils aîné de la parabole (Luc 15:11-32)) :

    a) la première chose que nous montre le lien de filiation, c'est la proximité. Père et fils sont proches, ils se côtoient, ils travaillent ensemble. L'idée de séparation est vue comme une anomalie, un échec de la relation.

    b) la deuxième chose qui vient avec la filiation, c'est la notion d'héritage. Chez nous on dit "Tel père, tel fils" ou bien "Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre." Qu'il le veuille ou non, qu'il l'accepte ou se révolte, l'enfant hérite beaucoup de choses de ses parents en termes d'héritage psychologique, d'attitudes et de comportement.

    c) enfin, la filiation signifie aussi la copropriété de l'héritage (voyez le fils aîné de la parabole qui ne s'en doutait pas !). Il y a une communauté de gestion, communauté de biens. Ce qui appartient au père appartient aussi au fils. L'Esprit du Père est donné aux fils pour mener une oeuvre commune dans le monde !

    Paul définit le fils en l'opposant à l'esclave. C'est très important pour l'Eglise de Galatie qui avait la tentation de replonger dans une spiritualité fondée sur l'obéissance stricte à la Loi (avec le risque de devenir des pharisiens chrétiens) et pour nous aujourd'hui où le monde ne parle que de liberté : défendre le monde libre (contre le terrorisme); avoir plus de temps libre; lutter contre toutes les atteintes à la liberté, etc... Ça sonne bien et honni soit celui qui osera dire le contraire ! Mais de quelle liberté s'agit-il ? Celle de tous ou celle du petit groupe qui contrôle celle des autres ?

    Paul oppose l'esclavage à la filiation : "Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4:7). La liberté, c'est Dieu qui la donne et la liberté n'est pas l'abandon de tout lien — comme s'il était possible de vivre sans lien, donc sans relations — mais l'attachement à un maître qui libère par opposition à un maître qui enchaîne et asservit.

    La liberté n'est pas l'abolition de toutes les lois, cela ne peut conduire qu'au rétablissement de la loi du plus fort. La liberté, c'est d'accomplir la loi (le double commandement d'amour) non par soumission scrupuleuse et par crainte d'une punition, mais par choix, parce qu'on a compris la bonté et l'utilité du commandement. Accomplir la loi, non par soumission comme l'esclave, parce que le maître l'a dit, mais par l'Esprit de Dieu, parce qu'on a compris où cela conduit.

    Par exemple, on m'a dit de ne pas tricher ni mentir. Le ferais-je parce que j'ai peur de la transgression ou parce que je comprends que sans cette règle je ne peux pas vivre de vraies relations avec quiconque ?

    L'Esprit de Dieu nous rend libre chaque fois qu'il nous aide à comprendre la visée d'une règle et nous conduit à l'adopter comme si c'était nous-mêmes qui l'avions inventée !

    Mais cette question de liberté n'est-elle pas devenue caduque dans notre société occidentale ? N'avons-nous pas toutes les libertés qu'il nous faut, même trop de liberté — comme on l'entend parfois ? Quel est cet esclavage dont nous parle Paul ? Que veut-il dire lorsqu'il écrit : "nous étions esclaves des forces spirituelles du monde" (Gal 4:3) ? Est-ce dépassé ou est-ce encore actuel ?

    Si je pose la question, c'est que je pense que c'est encore actuel. Il y a encore aujourd'hui un combat à mener pour la liberté contre les "forces spirituelles du monde". Simplement il faut actualiser le vocabulaire. On ne peut plus parler en termes de forces célestes, d'anges et de démons. Aujourd'hui le vocabulaire parle de pressions sociales, de modes, de tendances, de trends ou encore de conditionnements ou de pulsions. Et c'est vrai que ces luttes ne doivent plus être projetées sur l'écran du ciel, hors de nous.

    La lutte se mène en nous-mêmes et dans la société pour savoir à qui nous allons faire allégeance : sera-ce aux manipulateurs de l'opinion publique; aux endormeurs de conscience; aux charmeurs de nos égos; aux vendeurs de rêve qui se remplissent les poches ? Ou sera-ce à ce Dieu qui nous veut libres, libres de toute dépendance, libres de former notre opinion, libres de remplir nos caddies selon nos besoins et non selon les désirs des publicitaires ?

    Qu'est-ce qui fait un esprit libre dans les tempêtes du monde actuel ? Si nous sommes un voilier soumis aux vents de tous ceux qui veulent nous asservir, il faut choisir une destination. D'où que vienne le vent, un voilier peut voguer vers sa destination. Il peut y parvenir par une multitude de chemins.

    Lorsque Dieu nous donne son Esprit, pour faire de nous des Fils, il nous donne cette destination, ce but, et il nous donne la liberté de choisir notre voie pour y parvenir.

    Que l'Esprit de Dieu qui vous fait enfants de Dieu vous accompagne sur votre route.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Comme Paul, s'inscrire dans la lignée des témoins de la résurrection

    Pour le dimanche de Pâques, 12 avril 2020

    1 Corinthiens 15

    Comme Paul, s'inscrire dans la lignée des témoins de la résurrection

    1 Corinthiens 15 : 1-11.          Matthieu 28 : 1-10

    télécharger le texte : P-2020-04-12.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans chacun des Evangiles, Pâques, c'est le récit des femmes qui se rendent au tombeau de Jésus, dans le but de faire sa toilette mortuaire et l'enterrer dignement. Et c'est la surprise d'une réalité toute autre : celui qu'on cherche parmi les morts n'est pas là, il est vivant et il attend ses disciples en Galilée.

    Ces récits des Evangiles nous montrent les premiers témoins, leurs réactions, leur perplexité, leur foi ou leurs doutes. Ces récits nous donnent l'impression d'une proximité, d'une immédiateté des témoins avec les événements qui rend leur foi facile et — à nos yeux — leurs doutes risibles : Pourquoi les disciples ne croient-ils pas les femmes ? Pourquoi Thomas doute-t-il lorsqu'il a Jésus devant les yeux ?

    Si nous avions eu tout cela sous les yeux, ne serait-il pas facile de croire ? Cela ne serait-il pas convainquant pour nos voisins, nos proches, ceux qui doutent ?

    Comment passer de la première génération, celle des témoins visuels, aux générations suivantes, celles qui doivent croire sans voir ? C'est là que le témoignage de Paul, l'apôtre Paul, est important.

    Paul ne faisait pas partie des disciples de Jésus du vivant de celui-ci. Paul n'a pas été témoin du tombeau vide. Paul n'a pas été témoin des apparitions de Jésus entre Pâques et l'Ascension. Pire, Paul a été un persécuteur des premiers disciples, des premières communautés chrétiennes. Il s'est élevé contre la prétention des chrétiens à témoigner d'un certain Jésus de Nazarteh, tué par les autorités juives et romaines et prétendument ressuscité !

    Paul a cependant vécu une conversion sur le chemin de Damas. De persécuteur de Christ, il est devenu son apôtre, son défenseur, son ardent prédicateur. Dans sa première lettre à la communauté de Corinthe, Paul énumère les témoins des apparitions de Jésus : Pierre, puis les Douze apôtres, ensuite une foule nombreuse dont les Evangiles ne parlent pas. Et Paul se place après eux tous, comme le plus modeste d'entre eux.

    Paul se met donc sur la liste des témoins d'une apparition, mais non pour s'en glorifier, s'en vanter, mais pour montrer combien grande est la grâce de Dieu. Dieu lui a fait la grâce, à lui le persécuteur, de lui faire connaître Jésus-Christ. Paul n'a pas lieu de s'enorgueillir de cette apparition, de cette révélation, elle met simplement en relief la force de retournement, de renouvellement que contient la résurrection.

    Paul explique cela à la communauté de Corinthe. A Corinthe, il semble que Paul soit face à une communauté très diverse, qui est composée en partie de très petites gens et en partie de mystiques ou d'illuminés (dirait-on aujourd'hui) qui se glorifient d'expériences religieuses particulières et probablement spectaculaires.

    Paul, face à cela, les invite tous à revenir au Credo de base de la foi chrétienne. Il veut rassembler autant les illuminés qui impressionnent, que les gens modestes qui sont impressionnés par les premiers et se sentent inférieurs, incapables, abaissés.

    Paul répète ce Credo de base en quelques mots :

    "Le Christ est mort pour nos péchés (comme l'avaient annoncé les Ecritures)

    il a été enterré;

    il est revenu à la vie le troisième jour (comme l'avaient annoncé les Ecritures)

    il est apparu (à Pierre, aux Douze, à 500, à moi...)" (1 Co 15:3-4)

    Paul se place sur la liste des témoins, pour montrer qu'il y a une place pour chacun dans cette liste, lui qui se qualifie d'avorton, de moins que rien parce qu'il a débuté comme persécuteur.

    Ceux qui se prévalent du Christ et d'expériences grandioses n'ont pas compris la mort et la résurrection de Jésus. La résurrection de Jésus — l'homme crucifié — est le signe donné par Dieu du retournement, du renouvellement de toutes choses, dans la vie personnelle de chacun comme dans le cosmos tout entier.

    La résurrection de Jésus par Dieu est un événement indescriptible, impossible à raconter et à voir par des yeux humains (d'où des récits très différents suivant les Evangiles) parce que c'est l'irruption de la réalité divine dans le monde des humains. L'irruption d'une réalité toute autre, toute différente de nos échelles de valeurs humaines.

    L'irruption d'une espérance dans le désespoir;

    d'une ouverture dans nos impasses et nos blocages;

    d'une réconciliation possible dans nos brouilles et nos ruptures;

    d'une guérison de nos blessures intérieures;

    d'une libération de nos découragements, de nos lassitudes et de nos fatalismes.

    Croire en la résurrection, c'est se placer dans la liste des témoins pour faire mémoire du passé (Jésus était mort et il est vivant), c'est vivre du renouvellement, du retournement du présent, et c'est s'ouvrir à une futur, dans la confiance de Dieu. Oui, Christ est ressuscité et nous en sommes — encore aujourd'hui — les témoins.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • La puissance tue l'amour (III)

    1 Jean 4

    15.9.2019

    La puissance tue l'amour

    Osée 2 : 16-21.      1 Jean 4 : 7-12

    télécharger la prédication : P-2019-09-15.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Voici la troisième prédication de ma série sur la sauvegarde de la création. Dans la première prédication, je montrais qu'il faut penser la liberté avec l'amour du prochain. Dans la deuxième prédication, qu'il faut penser la liberté avec la finitude du monde. Dans celle-ci, je souhaite montrer qu'il faut repenser Dieu, revoir notre image de Dieu.

    J'ai l'impression qu'une bonne partie des abus qui se commettent aujourd'hui sur notre planète sont dus aux représentations que nous nous faisons de nous-mêmes et de Dieu. Je m'explique.

    Le Christianisme insiste sur l'affirmation de Genèse 1 : 27 que l'être humain a été fait à l'image de Dieu. En raccourci : nous sommes des petites divinités ! Ou pour le dire autrement, nous pouvons nous comporter comme Dieu se comporte. Cela semble magnifique ! Mais cela dépend de l'image que nous nous faisons de Dieu. Si Dieu est notre modèle, quel Dieu adorons-nous ?

    Le Nouveau Testament nous dit « Dieu est amour » (1 Jn 4:16). Mais pendant des siècles — et jusqu'à aujourd'hui dans nombre de cantiques — l'Eglise a affirmé que Dieu est le Tout-puissant. Pendant des siècles, l'Eglise s'est adossée à cette affirmation de la puissance de Dieu pour asseoir sa domination sur la société et régenter les comportements. Cela est tellement entré dans la tête des gens que beaucoup se demandent « Qu'ai-je fait au bon Dieu pour que ce malheur m'arrive ? »

    Certes le courant majoritaire de l'Ancien Testament, les récits de la sortie d'Egypte et la conquête de Canaan, nous montrent un Dieu qui exerce sa puissance. Mais il existe un courant minoritaire qui met en avant un Dieu qui cherche à séduire sa fiancée (le peuple d'Israël) avec le prophète Osée, les passages sur le serviteur souffrant (Esaie) ou un Dieu qui accompagne son peuple en Exil (Ézéchiel).

    C'est le courant sur lequel s’appuie Jésus qui présente un Dieu qui sollicite l'amour de son peuple en se donnant à lui.

    Il y a quelques années, j'ai vu un film (Elle s'appelle Ruby, 2012) qui présentait un écrivain. Il écrit une histoire sur la fille de ses rêves. Or un jour, il la trouve assise dans son salon. Il s'aperçoit qu'elle agit exactement comme il l'a écrit dans son cahier la veille.

    Du coup, chaque soir il écrit ce qu'il souhaite vivre avec elle le lendemain. Et cela arrive. S'il veut qu'elle soit gaie, elle est gaie. S'il veut qu'elle soit triste, elle est triste. Il est tout-puissant. Il peut avoir tout ce qu'il veut.

    Mais rapidement vient le manque... de surprise. Elle fait ce qu'il veut, mais du coup, elle n'a pas de personnalité. Si elle l'aime, c'est qu'il l'a écrit. Mais l'aime-t-elle vraiment si c'est lui qui le lui commande ?

    C'est exactement la problématique d'un Dieu puissant qui commande de l'aimer. Si ce commandement est puissant et efficace, il recevra de l'amour commandé, mais ce n'est pas de l'amour libre, spontané, authentique !

    La puissance tue l'amour. Cette idée fait partie du courant minoritaire de l'Ancien Testament, comme le prophète Osée le développe en montrant Dieu faire la cour à son peuple comme à une fiancée.

    Philosophiquement, on exprime cela dans le « triangle impossible » : face au mal, de ces trois qualités de Dieu, seules deux peuvent être compatibles, jamais les trois ensemble : la bonté, la puissance et le fait d'être compréhensible.

    Si Dieu est bon et tout-puissant, alors il ne peut pas être compris.
    Si Dieu est puissant et compréhensible, il ne peut pas être bon.

    Si Dieu est compréhensible et bon, alors il ne peut pas être tout-puissant.

    Peut-on choisir laquelle de ces trois qualités nous pouvons — ou nous devons — abandonner ? Ce n'est pas nous qui allons choisir ! Regardons simplement comment le Christ agit *1:

    - Jésus se montre bon, il guérit, il fait montre de tolérance, il met de l'amour dans ses relations.

    - Jésus nous montre un Dieu compréhensible, qui donne des commandements clairs — au contraire des pharisiens qui ergotent sur les détails (Mc 1:27).

    - Jésus renonce à se défendre face au sanhédrin et à Pilate. Il ne réplique pas à ses persécuteurs, il accepte la mort sur la croix.

    Les Evangiles sont clairs, Jésus a renoncé à la puissance. Il présente Dieu comme un appel — à l'amour et à la justice — en espérant que quelques-uns répondront à cet appel.

    Après Vendredi-Saint et l'acceptation de la mort sur la croix, la résurrection montre que cet abandon de la toute-puissance n'est pas la mort de Dieu. C'est le début d'un autre Dieu, le Dieu Amour, un Dieu qui respecte infiniment l'être humain.

    Avec cette nouvelle image de Dieu, nous pouvons nous construire — en reflet de Dieu selon la Genèse — une autre image de nous-mêmes.

    Nous n'avons plus à courir après la puissance, le pouvoir, la domination. Ce sont des voies sans issues. Et ce sont des voies qui mettent notre planète en danger.

    Pour sauver la planète de la surchauffe, nous avons à changer bien de nos modes de faire. Mais nous ne pourrons transformer nos actions que lorsque nous aurons changé nos motivations à agir. Tant que notre moteur intérieur sera la domination pour la possession, le commerce pour l'enrichissement, la compétition pour rassurer notre ego, nous échouerons.

    Soyons à l'image de Dieu *2: il se donne gratuitement (par grâce), nous pouvons renoncer à quêter les récompenses ou à tracter notre présence. Dieu donne tout, nous pouvons renoncer à thésauriser, à accaparer. Dieu est amour, nous pouvons renoncer à dominer pour nous ouvrir et nous offrir les uns aux autres.

    Amen.

    *1 inspiré de : Daniel Marguerat (sous la direction de), Dieu est-il violent ?, Paris, Bayard, 2008, pp. 110-111.

    *2 inspiré de Jacques Ellul, Vivre et penser la liberté, Genève, Labor et Fides, 2019, pp. 134-135.

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

     

  • Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme (I)

    1 Corinthiens 10

    25.8.2019

    Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme

    1 Corinthiens 10 : 23-33        Marc 2 : 23-27

    télécharger le texte : P-2019-08-25.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    L'état de notre planète est devenu une thématique majeure de notre société dans son ensemble depuis environ une année. Beaucoup, mais qui étaient restés minoritaires, avaient cette préoccupation depuis plus longtemps. Dès 1990, le Conseil oecuménique des églises (COE) avait lancé une action intitulée « Paix, justice et sauvegarde de la Création » pour sensibiliser les Eglises à l'écologie. Dans notre Eglise, le mois de septembre a été choisi pour rappeler aux paroissiens le thème de la création.

    Aujourd'hui et les deux prochains dimanches, mes prédications porteront sur le thème de la sauvegarde de la création, de la planète. Je m'inspire d'un article que Jacques Ellul a écrit en 1983 déjà, intitulé « La responsabilité du Christianisme dans la nature et la liberté ».* Il y décrit comment le Christianisme a été un mouvement d'immense libération de l'être humain. L'être humain est libéré des pouvoirs (compris comme les tabous), de la Loi, de la morale sociologique et de la religion (comprise comme superstition) (p.547). L'Evangile est libération, mais ces libertés sont associées à l'amour, pour que la liberté soit constructive et non pas destructrice.

    Aujourd'hui, nous abordons la libération vis-à-vis de la Loi, de la loi divine. Dans la deuxième lecture, nous voyons Jésus transgresser le quatrième commandement du Décalogue, le sabbat avec ses disciples. Aux pharisiens qui le lui reprochent, il répond : « Le sabbat a été fait pour l'homme, non l'être humain pour le sabbat (Mc2:28).

    Une phrase par laquelle Jésus affirme que la loi divine n'a pas été donnée pour asservir l'être humain (le rendre obéissant), mais pour le libérer, pour le rendre responsable. A l'être humain de choisir ce qu'il faut faire, en toutes circonstances, pour répondre à l'appel de Dieu ou aux besoins de son prochain.

    Voilà une libération incroyable ! Les premiers croyants l'ont bien compris, ils en ont fait un slogan — peut-être pour l'évangélisation — « Chez nous tout est permis » ! L'apôtre Paul reprend ce slogan : Oui, tout est permis, mais ! Mais tout n'est pas constructif (1 Co 10:23), mais tout n'est pas utile (1 Co 6:12), mais tout n'aide pas mon prochain à grandir.

    Paul choisit le thème de la viande sacrifiée aux idoles — c'est-à-dire abattue dans les temples païens — comme exemple. Il est d'accord sur le fait que les idoles n'existent pas, ce sont seulement des statues de pierre. Donc elles n'ont aucun pouvoir et n'influencent pas la « qualité » de la viande ou le devenir du croyant. Le chrétien a cette connaissance et peut librement en manger.

    Mais Paul met une limite à cette liberté : le trouble que cela peut créer chez un chrétien moins avancé (1 Co 8:9-13), ou bien le contre-témoignage que cela pourrait apporter à un païen. Ce dernier pourrait croire que le chrétien honore aussi son idole.

    La limite à la liberté est donc posée par le risque d'atteinte à l'autre, au prochain ou à Dieu. Il n'y a pas de limite intérieure. La liberté intérieure est totale, mais elle n'abolit pas l'attention à l'autre, la sollicitude, l'amour.

    L'amour du prochain devient la mesure du comportement. Saint Augustin résumait cela en disant : « Aime, et fais ce que tu veux ! »

    Cette libération a créé une ouverture incroyable contre les tabous et les superstitions. Elle a permis l'exploration et la découverte du monde, l'explosion de la curiosité, les grandes découvertes avec la navigation autour du globe, l'amélioration de la médecine en ouvrant les corps à la dissection (même si l'Eglise y était plutôt opposée). Elle a permis l'explosion de l'exploitation des ressources du globe, les colonies, les industries, etc.

     

    On voit que cette libération a permis plein de choses extraordinaires, mais aussi une masse de fléaux, de catastrophes. d'asservissement et d'esclavage. La terre a été considérée comme un supermarché en libre service pour les plus entreprenants et les plus téméraires, voir simplement les plus forts et les plus violents.

    La société occidentale — libérée de ses tabous et de sa crainte de Dieu — s'est emparée du slogan « Tout est permis » mais a abandonné, oublié, rejeté toute limite posée par le respect du prochain.

    Il a été décidé qu'il était plus important d'édifier des entreprises rentables et profitables que d'édifier des communautés humaines conviviales et sociales.

    Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme : la liberté sans l'amour du prochain.

    Individuellement, nous pouvons être irréprochables dans notre respect et notre amour du prochain, malgré cela, nous participons à un système qui exploite les humains au nom de la liberté économique. Nous participons à un système qui exploite la planète — au point de ruiner la biodiversité et le climat — au nom de la liberté des entreprises et — pendant les campagnes de votations — au nom de l'emploi.

    Aussi vertueux que soient nos comportements individuels envers notre prochain et envers la planète, il n'y a pas d'issue sans un changement de système. Il est nécessaire de réintroduire la limite de l'attention, du respect du prochain. Réintroduire la composante humaine, le volet social. Pour plagier Jésus, il faut réaffirmer : l'économie a été faite pour l'homme, non l'être humain pour l'économie.

    C'est ce renversement qu'attendent et que veulent provoquer les jeunes, et les moins jeunes, qui manifestent pour le climat, parce qu'il s'agit le leur vie, de leur survie pour les 80 prochaines années qu'ils ont à vivre sur cette seule planète.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019.

     

    * publié dans Jacques Ellul, Vivre et penser la liberté, Genève, Labor et Fides, 2019, pp.547-553.

     

     

  • On peut être autonome sans couper la relation !

    Romains 8

    1.7.2018

    On peut être autonome sans couper la relation !

    Romains 8 : 12-17       Luc 11 : 9-13

    télécharger le texte : P-2018-07-01.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ, chère famille,

    Nous venons de vivre un baptême. Cela nous donne l'occasion de repenser à notre baptême et à sa signification, ou plutôt à ses significations. Si vous vous souvenez de la scène du baptême de Jésus, l'accent est mis sur deux choses : l'adoption par Dieu : "Celui-ci est mon fils bien-aimé"( Mc 1:11) et sur le don de l'Esprit saint "qui descend comme une colombe" sur Jésus (Mc 1:10). Ce double aspect est relevé par l'apôtre Paul dans le passage de la lettre aux Romains que vous avez entendu, avec cette phrase centrale : "L'Esprit saint fait de vous des enfants de Dieu" (Rm 8:16).

    Il y a dans le baptême un aspect passif et un aspect actif, de notre part. L'aspect passif est dans le fait de recevoir le baptême, recevoir quelque chose qui nous dépasse, que nous ne pouvons pas acquérir ou forcer, c'est l'action de Dieu. Dieu agit, il nous accueille, il nous reçoit, il reçoit cet enfant aujourd'hui, indépendamment de ce qu'il peut ou ne peut pas comprendre en ce jour. Le baptême, l'Esprit saint, nous sont donnés, cela nous dépasse, comme la vie nous a été donnée, sans que nous n'y soyons pour rien.

    Mais il y a aussi un côté actif, quelque chose que nous pouvons faire à partir de notre baptême : c'est d'abord d'accepter ce cadeau, cette adoption, cet amour que Dieu nous manifeste. Recevoir… Et puis, encore plus activement, nous pouvons décider de nous servir de ce que nous avons reçu. Il est inutile de recevoir un cadeau pour le laisser au fond d'un placard. Avec le baptême, Dieu nous donne le saint Esprit. Nous pouvons nous en servir, l'adopter : adopter la façon de penser qui vient de Dieu, se laisser inspirer par sa pensée, choisir Dieu comme source d'inspiration.

    Oui, mais qu'est-ce que Dieu pense ? L'apôtre Paul met en opposition nos désirs égoïstes et la vision de Dieu élargie au bien de tous. Elargir notre horizon… C'est ce que nous faisons dès que nous devenons parents. Nous ne pouvons plus ne tenir compte que de nous. Nous prenons en compte les besoins de nos enfants; et la vie, la vraie vie est dans cet élargissement. Il n'y a pas de bonheur tout seul. Et Dieu élargit son horizon (lui qui pourrait se suffire à lui-même), il l'élargit à toute l'humanité, en faisant de nous ses enfants, en décidant de devenir notre Père.

    La relation entre Dieu et nous est comme une relation de parents à enfants. Là, il y a quelques risques de mécompréhension, si on interprète cela dans un sens infantilisant. C'est vrai, nous n'avons pas envie d'être traités toute notre vie comme des enfants ! L'apôtre Paul a vu l'obstacle et le prévient en disant : "L'Esprit saint ne vous rend pas esclaves, mais enfants de Dieu." (Rm 8:15). Ce qui signifie que Dieu ne nous veut pas dans la soumission, mais dans une relation d'affection.

    Pour ceux qui ont des ados, vous avez sûrement dû vivre des échanges comme celui-ci : Le parent à l'ado :

    — Viens m'aider à mettre, débarrasser la table, faire la vaisselle ou vider la voiture.

    — Je ne suis pas ton esclave ! répond l’ado.

    On demande aux enfants de l'obéissance, mais le but de l'éducation n'est pas de les formater "soumis", c'est de les conduire à l'autonomie. Le but de l'éducation, c'est que les enfants, les adolescents puissent adopter des comportements adaptés, utiles, constructifs.

    Obéir à une règle peut être de la soumission si on ne le fait que par crainte des conséquences, par peur du gendarme. Mais obéir à une règle peut aussi être un choix lorsqu'on comprend le pourquoi de la règle, son sens, son utilité, le bien qui en découle ou la confiance qu'on a dans celui qui la pose.

    L'autonomie, c'est la capacité à choisir d'adopter les règles sociales. Et nous avons, comme parents, le souci de conduire nos enfants de l'obéissance à l'autonomie. Et Dieu a ce même souci de parent par rapport à nous. Il a posé certaines règles de vie — le Décalogue — et, comme Père, il souhaite que nous passions de la soumission à l'autonomie.

    Quelle autonomie voulons-nous pour nos enfants quand ils sont ou seront adultes ? Quelles relations voulons-nous avec eux comme adultes ?

    Est-ce que l'autonomie de nos enfants par rapport à nous doit signifier qu'ils n'ont plus besoin de nous, qu'ils nous quittent et qu'on ne les voit plus ? La liberté doit-elle signifier la distance ? Voir ses parents, passer du temps ensemble empiète-t-il sur la liberté des enfants ?

    Si vous répondez "non", comment expliquez-vous que la plupart des gens ne veulent plus rien avoir à faire avec Dieu parce qu'ils veulent être libres, ou parce qu'ils ont peur de devoir être soumis s'ils s'en rapprochent ?

    Dieu nous veut libres, autonomes, pensant par nous-même; mais il est triste de la distance que nous mettons entre lui et nous. Qu'est-ce qui nous empêche d'être adultes et proches de Dieu, libres et aimants, autonomes et reconnaissants ?

    Dans le baptême, Dieu nous offre une relation qui n'a pas pour but de nous enchaîner, de nous soumettre, mais d'élargir notre horizon, de nous donner une vie pleine, une vie remplie d'amour. N'ayons pas peur, faisons lui confiance et acceptons de devenir "enfants de Dieu" autonomes, mais en relation.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz

  • Ce qui appartient au Père, appartient aux enfants.

    Galates 4

    27.5.2018

    Ce qui appartient au Père, appartient aux enfants.

    Gal. 4 : 1-7        Jean 14 : 25-29

    télécharger le texte : P-2018-05-27.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche dernier nous fêtions la Pentecôte, jour où l'Eglise commémore le don de l'Esprit saint aux disciples et à l'Eglise toute entière. Jésus — nous l'avons entendu dans la lecture de l'Evangile de Jean — avait annoncé à ses disciples que l'Esprit saint serait envoyé une fois que lui les aurait quittés. C’est ce qu’ont vécu les premiers disciples, la première Eglise.

    C’est ainsi que Paul explique à la jeune Eglise de Galatie pour quoi, dans quel but l'Esprit saint leur est donné : "Pour prouver que vous êtes bien ses fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son fils, l'Esprit qui crie « Abba ! mon Père ! ». Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4 : 6-7)

    L'Esprit qui est donné au croyant par Dieu crée un lien de filiation. Ce lien de filiation indique plusieurs choses (il est peut-être bon d'avoir ici en mémoire la parabole que Jésus a racontée sur le "fils prodigue", sans oublier le fils aîné de la parabole (Luc 15:11-32))

    a) la première chose que nous montre le lien de filiation, c'est la proximité. Père et fils sont proches, ils se côtoient, ils travaillent ensemble. L'idée de séparation est vue comme une anomalie, un échec de la relation.

    b) la deuxième chose qui vient avec la filiation, c'est la notion d'héritage. Chez nous on dit "Tel père, tel fils" ou bien "Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre." Qu'il le veuille ou non, qu'il l'accepte ou se révolte, l'enfant hérite beaucoup de choses de ses parents en termes d'héritage psychologique, d'attitudes et de comportement.

    c) enfin, la filiation signifie aussi la copropriété de l'héritage matériel (voyez le fils aîné de la parabole qui ne s'en doutait pas !). Il y a une communauté de gestion, communauté de biens. Ce qui appartient au père appartient aussi au fils. L'Esprit du Père est donné aux fils pour mener une oeuvre commune dans le monde !

    Paul définit le fils en l'opposant à l'esclave. C'est très important pour l'Eglise de Galatie — qui avait la tentation de replonger dans une spiritualité fondée sur l'obéissance stricte à la Loi (avec le risque de devenir des pharisiens chrétiens) — et pour nous aujourd'hui — où le monde ne parle que de liberté : défendre le monde libre (contre le terrorisme); avoir plus de temps libre; lutter contre toutes les atteintes à la liberté, etc... Ça sonne bien et honni soit celui qui osera dire le contraire ! Mais de quelle liberté s'agit-il ? Celle de tous ou celle du petit groupe qui contrôle celle des autres ?

    Paul oppose l'esclavage à la filiation : "Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4:7). La liberté, c'est Dieu qui la donne et la liberté n'est pas l'abandon de tout lien — comme s'il était possible de vivre sans lien, donc sans relations — mais l'attachement à un maître qui libère par opposition à un maître qui enchaîne et asservit. La liberté n'est pas l'abolition de toutes les lois, cela ne peut conduire qu'au rétablissement de la loi du plus fort.

    La liberté, c'est d'accomplir la loi (le double commandement d'amour) non par soumission scrupuleuse et par crainte d'une punition, mais par choix, parce qu'on a compris la bonté et l'utilité du commandement. Accomplir la loi, non par soumission comme l'esclave, parce que le maître l'a dit, mais par l'Esprit de Dieu, parce qu'on a compris où cela conduit.

    Par exemple, on m'a dit de ne pas tricher ni mentir. Le ferais-je parce que j'ai peur de la transgression ou parce que je comprends que sans cette règle je ne peux pas vivre de vraies relations avec quiconque ?

    L'Esprit de Dieu nous rend libre chaque fois qu'il nous aide à comprendre la visée d'une règle et nous conduit à l'adopter comme si c'était nous-mêmes qui l'avions inventée ! Mais cette question de liberté n'est-elle pas devenue caduque dans notre société occidentale ? N'avons-nous pas toutes les libertés qu'il nous faut, même trop de liberté — comme on l'entend parfois ?

    Quel est cet esclavage dont nous parle Paul ? Que veut-il dire lorsqu'il écrit : "nous étions esclaves des forces spirituelles du monde" (Gal 4:3) ? Est-ce dépassé ou est-ce encore actuel ?

    Si je pose la question, c'est que je pense que c'est encore actuel. Il y a encore aujourd'hui un combat à mener pour la liberté contre les "forces spirituelles du monde". Simplement il faut actualiser le vocabulaire. On ne peut plus parler en termes de forces célestes, d'anges et de démons.

    Aujourd'hui le vocabulaire parle de pressions sociales, de modes, de tendances, de trends ou encore de conditionnements ou de pulsions. Et c'est vrai que ces luttes ne doivent plus être projetées sur l'écran du ciel, hors de nous. La lutte se mène en nous-mêmes et dans la société pour savoir à qui nous allons faire allégeance : sera-ce aux manipulateurs de l'opinion publique; aux endormeurs de conscience; aux charmeurs de nos égos; aux vendeurs de rêve qui se remplissent les poches ? Ou sera-ce à ce Dieu qui nous veut libres, libres de toute dépendance, libres de former notre opinion, libres de remplir nos caddies selon nos besoins et non selon les désirs des publicitaires ?

    Qu'est-ce qui fait un esprit libre dans les tempêtes du monde actuel ? Si nous sommes un voilier soumis aux vents de tous ceux qui veulent nous asservir, il faut choisir une destination. D'où que vienne le vent, un voilier peut voguer vers sa destination. Il peut y parvenir par une multitude de chemins.

    Lorsque Dieu nous donne son Esprit, pour faire de nous des Fils, il nous donne cette destination, ce but, et il nous donne la liberté de choisir notre voie pour y parvenir.

    Que l'Esprit de Dieu qui vous fait enfants de Dieu vous accompagne sur votre route.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Dieu joue l'énigmatique pour nous inviter au détour qui permet la rencontre

    1 Co 1

    25.12.2017

    Dieu joue l'énigmatique pour nous inviter au détour qui permet la rencontre

    Exode 3 : 1-8      1 Corinth. 1 : 18-21      Luc 2 : 8-12

    télécharger le texte : P-2017-12-25.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Imaginez, un instant, que vous êtes ... Dieu ! Il y a quelques millions d'années, vous avez donné un coup de pouce au développement de l'être humain et depuis lors vous le regardez évoluer. Pour l’être humain, la vie est difficile et précaire sur la terre. Vous voyez comment il a de la peine à vivre bien, à vivre pacifiquement ses relations avec ses proches ou ses voisins.

    Vous le voyez malheureux, misérable, oppressé et vous souhaitez lui donner un coup de main, le mettre sur la voie du bonheur, de la liberté, de l'amour.

    Mais voilà, vous êtes Dieu, avec des moyens illimités, une puissance sans borne et vous ne voulez pas le terroriser. L'être humain a déjà bien assez peur comme cela, il est superstitieux et craintif. Comment faire ? Comment se révéler ?

    La Bible nous relate, côté humain, les prises de contact de Dieu avec nous. Dieu s'est promis de ne pas recommencer avec la méthode par trop radicale du déluge. Alors, il opte pour une méthode plus légère : se faire connaître au sein d'une famille, celle d'Abraham, Isaac, Jacob. C'est un travail qui demande du doigté, qui est à reprendre à chaque génération, mais enfin, il fait peu à peu ses preuves.

    L'humanité, à travers Israël, découvre peu à peu un Dieu qui se montre sensible et proche, à l'écoute de la misère des humains. Et c'est ainsi, de génération en génération que la foi se transmet, de personnes à personnes, comme un témoin depuis des siècles. Dieu ponctue le temps de ses révélations, jusqu'à venir en personne, en Jésus, à Noël, pour visiter son peuple et accomplir, parachever, parfaire sa révélation.

    Mais que ce soit pour Moïse, pour les bergers à Noël ou pour les disciples à Pâques, la révélation n'est jamais fracassante, totalement claire et univoque. Dieu se révèle, mais toujours dans le mystère, comme pour laisser à l'incroyant une porte de sortie honorable. Dieu se révèle, mais ne s'impose pas comme irréfutable. La foi ne naît pas de la preuve. La foi naît du questionnement, de l'interrogation que pose l'énigmatique, l'improbable.

    Ainsi, Moïse est-il intrigué par ce buisson qui ne semble pas normal. "Il décida de faire un détour pour aller voir ce phénomène étonnant et découvrir pourquoi le buisson ne brûlait pas" (Ex 3:3). Face à un phénomène improbable, énigmatique, Moïse consent à faire un détour, à sortir de sa routine, de sa logique, de sa sagesse humaine. Et c'est au détour du chemin qu'il rencontre Dieu. Dieu joue l'improbable, l'énigmatique pour nous inviter au détour qui permet la rencontre.

    Les bergers de Noël sont aussi "victimes" d'un phénomène étrange, est-ce une vision, une illusion ou une révélation ? On leur annonce une naissance. N'est-ce pas un fait d'une banalité navrante ? Des naissances, cela arrive tous les jours ! Pourtant, ils sont intrigués, accrochés et ils se déplacent. Ils vont faire leur détour jusqu'à la crèche et y découvrir Dieu.

    De même, plus tard, les disciples, appelés les uns après les autres par Jésus, vont partir à sa suite sur les chemins, se détournant des métiers qu'ils avaient appris pour devenir pêcheurs d'hommes. Ils ont dû être intrigués par la personne de Jésus pour le suivre ! Pourtant d'autres ont passé à côté de ce Jésus sans rien voir !

    Peut-être les croyants sont-ils fous !? Ne voient-ils pas de l'extraordinaire dans des événements extrêmement banals ? Un buisson qui brûle dans le désert, un nouveau-né pauvre, un vagabond qui se prend pour un prêcheur itinérant.

    Voir Dieu dans un feu, dans une naissance, dans un condamné en croix, n'est-ce pas une folie ? n'est-ce pas contraire à toute logique ? Oui, selon la sagesse, la logique humaine du monde qui ne veut croire que ce qu'on voit, qu'on touche, qu'on peut calculer. C'est vrai : "le monde a été incapable, au moyen de la sagesse humaine, de reconnaître Dieu là où se manifestait la sagesse divine" (I Co 1:21) nous rappelle l’apôtre Paul.

    C'est pourquoi Dieu a choisi de parler à l'être humain par énigmes, par des événements improbables qu'il faut déchiffrer et interpréter.

    Tout ce qui nous arrive peut être appréhendé, compris "selon la sagesse humaine" — et la science prétend tout pouvoir expliquer, depuis notre origine jusqu'à nos maladies — ou bien tout peut être abordé avec les yeux de la foi et compris avec Dieu en arrière-fond... ou même avec Dieu sur le devant de la scène.

    La foi, c'est oser voir Dieu à l'oeuvre dans nos vies. La foi, c'est voir Dieu dans cet enfant de Noël. Noël, c'est voir Dieu dans ceux qui nous côtoient. Noël, c'est voir Dieu dans ce qui nous arrive et grandir en confiance. Alors ouvrons les yeux !

    Joyeux Noël !

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

  • Se reconstruire après une épreuve

    Ephésiens 3

    26.11.2017

    Se reconstruire après une épreuve

    Ephésiens 3 : 14-19       Matthieu 13 : 45-48

    Télécharger le texte : P-2017-11-26.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Vous venez d'entendre la prière de l'apôtre Paul, ce qu'il demande pour ses auditeurs. Quelques mots sur la situation de Paul et celle de ses auditeurs ou lecteurs. Paul écrit à la communauté d'Ephèse depuis sa prison. Il a été arrêté par les Romains sur des accusations de ceux qui ne supportent pas sa prédication. Paul attend son transfert de Césarée à Rome pour son jugement. Il écrit à une communauté qui est aussi affaiblie, troublée par ce qui arrive.

    Paul essaye donc, non seulement de les rassurer, mais surtout de les fortifier, de les affermir. Paul leur montre le chemin de la reconstruction, ce qui est solide, à quoi ils peuvent se raccrocher, sur quoi ils peuvent tabler, ce qui est sûr et solide. Nous allons nous-mêmes suivre cette voie que montre Paul, pour voir comment, nous aussi, nous reconstruire, être affermis pour traverser les épreuves.

    Dans sa prière, Paul fait trois demandes qui sont assorties de trois buts et de trois moyens. Je les nomme les trois à la suite et nous les reprendrons une à une.

    1) Paul demande à Dieu de "fortifier notre être intérieur" par la puissance du Souffle de Dieu, pour mesurer toutes les dimensions de l'amour de Dieu.

    2) Paul demande que nous laissions le Christ habiter nos cœurs par la foi, pour connaître l'amour du Christ.

    3) Paul demande que nous soyons enracinés et fondés dans l'amour du Christ, pour être comblés de la plénitude de Dieu.

    Je vais reprendre ces trois demandes.

    1) Paul demande à Dieu qu'il fortifie notre être intérieur, par la puissance de son Esprit, de son Souffle, pour que nous puissions comprendre, mesurer toutes les dimensions (la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur) de l'amour du Christ.

    Cette première demande de Paul est entièrement tournée vers Dieu pour que lui agisse à notre égard. A ce stade, nous n'avons rien à faire. Et c'est vrai que — lorsque nous sommes dans une situation difficile, dans une épreuve, dans un deuil — dans un premier temps, nous sommes incapables de faire quoi que ce soit. Nous nous sentons démunis, impuissants, seulement fragiles et vulnérables.

    Dans ce premier temps, Dieu s'occupe de tout. Il vient fortifier notre être intérieur par la puissance de son Souffle. Il nous redonne du souffle lorsque nous en manquons. Lorsque, justement le souffle, la force nous manque, lorsque nous sommes à bout de souffle.

    J'aimerais mettre chacune de ces demandes de Paul en parallèle avec les paraboles que nous avons entendues. Ici, a parabole du filet compare le Royaume de Dieu à des pêcheurs qui ont jeté le filet et reviennent avec du poisson sur la plage. La parabole nous dit que le filet est plein. C'est une image d'abondance dans notre précarité. Dieu est généreux, il nous redonne du Souffle, lorsque nous nous sentons sans force, désemparés. C'est à ce moment que nous pouvons comprendre toutes les dimensions de l'amour de Dieu, sa largeur, sa longueur, sa hauteur et sa profondeur.

    2) Paul demande que nous laissions le Christ habiter dans nos cœurs, par la foi, pour connaître son amour. Cette fois nous avons quelque chose à faire. Pas une tâche immense, mais une tâche nécessaire, sans quoi il ne va rien se passer. Nous avons à ouvrir une porte, à laisser entrer le Christ pour qu'il puisse habiter dans notre cœur. C'est un travail sur nous-même de choisir ce que nous laissons entrer en nous et qui nous laissons habiter dans notre cœur.

    C'est la deuxième partie de la parabole du filet. Les pêcheurs sont assis sur la plage et ils trient les poissons, ils mettent dans des paniers ce qui est comestible et donnent le reste aux mouettes. Nous avons la tâche de rejeter ce qui nous est inutile ou nuisible et de prendre ou garder ce qui nous fait du bien.

    Attention, le plus difficile n'est pas toujours d'écarter ce qui ne nous plaît pas. Souvent ce qui est difficile, c'est de ne pas rejeter ce qui nous ferait du bien : une invitation, un geste d'amitié, une offre d'aide.

    Paul nous dit que le moyen à notre disposition, pour faire ce tri, c'est la foi, la confiance et c'est souvent le pas le plus difficile à faire lorsqu'on a été blessé, lorsqu'on se sent meurtri. Faire confiance et ouvrir son cœur… tout un programme.

    3) La troisième demande de Paul est que nous soyons enracinés et fondés dans l'amour du Christ pour trouver la plénitude. Là il est difficile de savoir si "enraciné" est actif ou passif. Je crois que l'important ici est plutôt le terreau dans lequel doivent descendre nos racines. Ce terreau, c'est l'amour du Christ. Un amour qui nous est donné, sans condition, sans contrepartie.

    Un amour inconditionnel. N'est-ce pas ce que nous cherchons tous dans la vie ? N'aspirons-nous pas tous à être aimés et à recevoir de l'amour ? Et n'est-ce pas ce dont nous sommes justement amputés lorsque la mort nous reprend un être cher ? Nous avons-là le travail de notre vie, de toute notre vie spirituelle, vivre de l'amour des autres, mais sans en dépendre complètement. Apprendre à dépendre de l'amour de Dieu, tout en profitant de l'amour de nos proches.

    C'est le thème de la parabole du marchand de perle. Il est à la recherche de la perle qui va le combler. Il est à la recherche de l'essentiel, de ce qui va donner sens à sa vie. Il est prêt à tout donner pour trouver cette perle et la garder. Lorsqu'il a trouvé le sens de sa vie, il va tout donner pour le garder et ça se comprend.

    Cet essentiel, cette plénitude, c'est l'objet de cette troisième demande de l'apôtre Paul. Ces trois demandes sont axées sur un but final : que nous puissions "être remplis de la plénitude de Dieu." Paul ne craint pas d'utiliser deux fois le même terme : "remplis" et "la plénitude" — le même terme que dans la parabole pour parler du filet qui est "plein" — pour indiquer que Dieu peut vraiment nous combler, combler nos vies, donner un sens à notre vie, au delà du contingent, de ce qui passe et disparaît.

    Et Paul le fait avec l'élément qui revient dans les trois moyens et les trois buts : l'amour que le Christ nous donne. Cet amour qui est la clé de l'évangile, de la Bible, qui est le résumé de tous les commandements et qui est — nous le savons bien intérieurement — la clé du sens de la vie et du bonheur.

    Paul nous donne ici, dans ses trois demandes, un chemin pour reconstruire nos vies après une épreuve, un chemin pour accéder à la paix et au bonheur. Demander à Dieu de fortifier notre être intérieur, laisser le Christ habiter nos cœurs et laisser nos racines se nourrir dans l'amour du Christ.

    Amen     

    © Jean-Marie Thévoz, 2017