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p) Epitres - Page 5

  • Ephésiens 6. Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Ephésiens 6

    28.3.2004

    Jésus nous arme pour affronter les épreuves de la vie.

    Mat 7 : 24-27    Eph 6 : 10-19    Luc 22 : 39-46

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avançons vers Pâques, le temps de la Passion, la souffrance et la mort de Jésus, puis sa résurrection mystérieuse. Sur ce chemin, Jésus est avec quelques disciples au Mont-des-Oliviers, dans un lieu appelé Gethsémané. Il fait nuit — au propre comme au figuré — Jésus prend conscience qu'il va affronter la mort et il prie  "Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur" (Lc 22:42).
    Nous savons maintenant que rien n'a été épargné à Jésus. Et nous savons et voyons autour de nous que le fait d'être croyant, de prier, de faire du bien autour de soi, n'écarte pas les malheurs de notre route. La foi en Dieu n'est pas une assurance contre les risques, les malheurs, la maladie, les deuils. Alors, "à quoi bon ?" peut-on se demander. Qu'est-ce que cela change d'être chrétien, si les malheurs de la vie sont inévitables ?
    L'apôtre Paul nous donne une piste lorsqu'il écrit :

    "Saisissez maintenant toutes les armes de Dieu ! Ainsi quand viendra le jour mauvais, vous pourrez résister à l'adversaire et, après avoir combattu jusqu'à la fin, vous tiendrez encore fermement votre position." (Eph 6:13)
    Paul, comme nous, sait que l'adversité surgit toujours, un jour ou l'autre. Alors, pour ne pas être abattu, pour tenir debout, il nous invite à nous préparer, à saisir la panoplie de moyens que Dieu met à notre disposition. Le rôle de Dieu n'est pas de nous faire échapper à la vie, mais de nous donner les forces pour l'affronter.
    L'évangile est une  source de force pour affronter l'adversité, sans se faire balayer, renverser, démolir. Pour nous faire découvrir cela Jésus avait raconté la parabole des maisons construites sur le sable ou sur le roc. Ce roc, c'est l'ensemble des paroles et des actes de Jésus.
    Dans sa lettre, Paul utilise une autre image, cette du guerrier qui s'harnache pour le combat, et Paul cite : la ceinture, la cuirasse, les chaussures, le bouclier, le casque et l'épée. Cela, c'est la panoplie du guerrier, mais Paul n'invite pas à la guerre, au djihad, il s'agit de l'évangile de la paix.
    La panoplie du chrétien, c'est la vérité, la justice, le zèle à annoncer l'évangile de paix, la foi, le salut et la Parole de Dieu. C'est la vérité pour ceinture qui fait tenir tout l'équipement, qui assure la cohérence entre nos paroles et nos comportement. La justice comme une cuirasse. Le zèle à annoncer l'évangile comme des chaussures qui nous permettent d'avancer, de progresser. La foi comme un bouclier pour se défendre, pour assurer sa sécurité intérieure. Le salut comme un casque qui protège nos pensées, nos décisions. Et finalement, la Parole de Dieu comme une épée, seule arme "offensive", une Parole de Dieu qui se dit dans une parole si désarmante : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8).
    L'adversaire à combattre — Paul le dit explicitement — n'est pas formé d'êtres humains. Ce sont des puissances, des autorités, des pouvoirs. Ce sont les réalités abstraites qui dirigent la vie des hommes. Et même si, au XXIe siècle, il nous semble que nous avons quitté ce monde magique de puissances célestes, je pense que nous leur avons simplement donné de nouveaux noms.
    On ne dit jamais que Monsieur Untel veut licencier 100 ou1'000 personnes. On nous dit : "pour rester concurrentiel, il faut...", "la logique des marchés nous oblige à ...", "la mondialisation veut que...", "la bourse a sanctionné..." Voilà les puissances et les pouvoirs d'aujourd'hui qui décident de milliers de destins humains. L'adversaire, c'est l'adversité qui peut tomber sur quiconque, à n'importe quel moment, sans rapport avec le mérite personnel ou la qualité du travail effectué.
    Il en est de même pour la maladie et le deuil. Ces événements arrivent, et lorsqu'ils arrivent, nous ne pouvons pas les changer. Ce qui est en notre pouvoir, de notre ressort, c'est notre façon de les affronter, la façon dont nous les laissons nous affecter.
    C'est là que nous avons une responsabilité à prendre — et si possible prendre à l'avance ?

    "Saisissez maintenant les armes de Dieu !" (Eph 6:13)
    Aujourd'hui nous pouvons construire notre personnalité, nous pouvons nous fortifier, nous armer contre l'impact du malheur.
    C'est une tâche personnelle de voir comment nous vivons, comment nous construisons nos relations, notre travail, nos loisirs, comment nous préparons notre retraite ou encore notre grand âge.
    Que garderons-nous dans nos têtes, notre esprit et notre âme, si nous devenons dépendants, si nous perdons notre mobilité, si nous perdons nos proches.
    C'est aussi une tâche parentale, éducative de fournir ces armes à nos enfants, leur montrer comme la vérité agit comme une ceinture, c'est-à-dire tient tout ensemble, donne une cohérence au langage et au comportement. Comme la foi, la confiance agit comme un bouclier, c'est-à-dire protège, sécurise. C'est notre rôle de leur permettre de montrer leurs émotions et mettre les bons mots dessus.
    Avec l'ensemble de ces armes (qui n'ont pas de buts agressifs, mais défensifs) il est possible d'accéder à la paix, une paix intérieure et une paix avec les autres. Avec cette panoplie — à condition de ne pas la laisser à la cave — il est possible de tenir debout par soi-même — ce qui ne signifie pas être debout tout seul — mais ne pas reposer sur le sable, sur des choses éphémères.
    Dieu nous donne cette panoplie de moyens pour résister à l'adversité, pour s'appuyer sur le roc. N'attendons pas le malheur pour chercher cet appui, apprenons dès maintenant à nous enraciner en Jésus-Christ.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Galates 6. La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition de l'esprit.

    Galates 6
    26.11.2006
    La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit
    Michée 4:1-4 Jean 4:19-24 Galates 6:11-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En cette période de l'année, l'Eglise cantonale nous invite à prendre en compte le "fait interreligieux." Notamment au travers de l'offrande cantonale de ce jour qui est destinée à la "Maison du dialogue de l'Arzillier" à Lausanne. L'Arzillier est un lieu de discussion et de rencontre pour avancer dans le dialogue interconfessionnel et interreligieux. Cette maison est aussi le siège du Conseil des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV). Ce bâtiment est la propriété de notre Eglise, les activités sont gérées et soutenues par elle. L'Arzillier est donc l'outil de travail de l'EERV dans les relations interconfessionnelles et interreligieuses.
    Pourquoi faut-il s'occuper de ces choses-là, peut-on se demander ! Simplement parce que le monde, la Suisse, notre Canton ont changés. Dans notre Canton — au sein des chrétiens — les proportions ont radicalement changé. On tend vers une égalité de nombre entre protestants et catholiques. Dans le même temps, bien qu'en nombres encore très modestes, les croyants d'autres religions augmentent- Le dialogue interconfessionnel et interreligieux s'impose donc comme la voie préférable entre toutes.
    Le dialogue œcuménique au sein du christianisme — même s'il n'avance pas toujours comme nous le voudrions en tant que protestants — ne pose pas de problèmes de principe. Le dialogue interreligieux, par contre, ne va pas de soi. En effet, chaque religion a une prétention à se déclarer l'unique chemin vers Dieu. Cela est plus fortement marqué encore dans les monothéismes ! Le judaïsme, le christianisme et l'islam ont chacun la prétention d'être la seule voie d'accès à Dieu. Il y a là un vrai risque de violence, comme la connaissance de l'histoire doit nous le rappeler constamment !
    Que disent nos racines ? L'Ancien Testament balance constamment entre, d'un côté, l'aspiration à une "pureté identitaire" et, de l'autre, à un universalisme où toutes les nations convergent vers Jérusalem.
    Du côté de la "pureté identitaire" on trouve tous les textes qui condamnent les cultes à Baal et les idoles cananéennes, babyloniennes ou égyptiennes, tous les textes contres les mariages*1 avec les gens du pays, toutes les coutumes qui exigent de se différencier des autres peuples.
    Du côté de l'universalisme, il y a l'alliance avec Noé qui concerne tous les habitants de la terre et l'idée "futuriste" que tous les peuples se réuniront à Jérusalem pour faire la paix et adorer Dieu, le Dieu d'Israël. On n'est pas encore dans l'interreligieux, mais dans l'englobement de tous les autres dans sa propre religion, par conversion.
    Dans le Nouveau Testament, on retrouve cette même tension entre un judaïsme simplement renouvelé par Jésus et une universalisation dans l'ouverture du christianisme aux grecs, aux romains, aux païens. Jésus semble également pris dans cette tension lorsqu'il refuse une guérison à la femme cananéenne (Mt 15:22-28) parce qu'il est envoyé en mission "auprès des enfants d'Israël." Mais d'un autre côté, il renvoie juifs et samaritains dos à dos — dans son dialogue avec la Samaritaine (Jn 4) — lorsqu'il dit que "les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit" c'est-à-dire détachés des lieux saints et de l'obéissance rituelle. La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit. En ce sens, Jésus n'est pas venu proposer une nouvelle religion, mais une nouvelle façon d'être devant Dieu.
    Là je vais risquer une hypothèse sous forme de question : Et si cette nouvelle façon d'être en relation à Dieu — qu'apporte le Christ — pouvait être adoptée dans n'importe quelle religion, n'importe quel système religieux ?
    Petite parenthèse : on pourrait en voir des modèles chaque fois qu'un théologien a transformé un courant de pensée philosophique en une théologie chrétienne : les Pères grecs et saint Augustin pour Platon, saint Thomas d'Aquin pour Aristote, Karl Barth pour Kant et Hegel, Paul Tillich pour la philosophie des sciences humaines et le marxisme. Fin de la parenthèse.
    Revenons à notre hypothèse, et si Jésus n'était pas venu proposer une nouvelle religion — à mettre à côté des autres — mais une nouvelle façon d'être en relation avec Dieu ? Je pense que l'apôtre Paul en a eu l'intuition très forte lorsqu'il écrit cette phrase — de sa propre main — aux Galates (6:15) : "Etre circoncis, ou ne pas l'être, n'a aucune importance : ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature."*2
    Etre circoncis — pour Paul, l'ancien pharisien — c'est avoir inscrit dans son corps l'appartenance à un système religieux, celui du judaïsme. C'est y être inscrit envers et contre tout. La circoncision, c'est un rite religieux, observé par les juifs, par lequel, ils se différencient des autres. Les non-circoncis se différencient aussi — en miroir — des juifs. Ils ont aussi leurs rites religieux, leurs sacrifices, par exemple à l'empereur pour les romains.
    Eh bien, Paul les renvoie dos à dos : que vous pratiquiez l'obéissance à la Torah ou les sacrifices à l'empereur, cela n'a pas d'importance, "ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature." Paul renvoie au vestiaire toute religion, tout système religieux qui enferme l'être humain dans une pratique sensée le sauver, ou attirer sur lui les faveurs de Dieu.
    Paul en appelle à l'abolition de toutes les religions qui se prétendent des échelles pour monter au ciel — ce qui signifie aussi tous les systèmes que le christianisme a fabriqué au cours des siècles pour gagner la faveur divine. Et tout cela est remplacé par la prédication du Christ crucifié, c'est-à-dire l'annonce que Dieu a déjà tout accompli en notre faveur, pour notre salut, il a déjà fait de nous de nouvelles créatures.
    Il y a donc dans ces paroles de Paul un refus de la sacralisation de tout système religieux. Le système religieux en soi n'a aucune importance, puisque tout se joue dans la relation de Dieu à l'être humain.
    Cela devrait nous aider dans le dialogue interreligieux. Nous aider à ne pas nous sentir menacés par les différences. Nous aider à ne pas craindre de perdre des bouts de christianisme : on peut abandonner toute la dogmatique si l'on garde le lien à Dieu. Nous aider à être tolérants envers ceux qui ont besoin de rites ou de signes visibles de différenciation — même au sein du christianisme — (ils ne sont que des accessoires, pas des conditions de la relation à Dieu).
    Attention, cependant, à la tentation de transformer ce merveilleux cadeau d'amour que Dieu nous a fait en la personne du Christ en un nouveau système religieux supérieur à tous les autres. En image : ne faisons pas du Christ une nouvelle échelle pour monter vers Dieu par nos propres moyens et à imposer aux autres comme seul chemin. Ce serait une nouvelle façon d'imposer la circoncision aux païens dans le langage de Paul.
    Le christianisme n'est pas une religion qui chapeaute toutes les autres, le christianisme est la voie de sortie de la religion, de toute religion, pour que l'être humain puisse adorer Dieu en esprit et en vérité, tel que Dieu se présente lui-même, descendant du ciel pour nous rejoindre au plus près de notre humanité. Ce que Jésus nous offre, c'est Dieu sans intermédiaire.
    Amen

    *1 voir ma prédication sur Ruth 4 du 27.8.2006 voir http://clamans.hautetfort.com/archive/2006/09/11/le-message-politique-du-livre-de-ruth.html
    *2 Paul Tillich a prêché sur ce verset, voir http://www.eglise-reformee-mulhouse.org/tillich/tillich1.html

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Romains 1. Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains

    Romains 1
    2.11.97
    Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains
    Jér 31:31-34 Rm 1:16-17 Lc 18:9-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce premier dimanche de novembre, nous commémorons la Réformation. Le premier dimanche de novembre a probablement été choisi parce que Martin Luther avait affiché ses "95 thèses contre les indulgences" sur les portes de l'église de Wittenberg le 31 octobre 1517, voici 480 ans.
    Par ce premier acte public et provocateur, Luther dénonce vigoureusement la pratique de l'Eglise de l'époque de monnayer le salut, de remplir ses caisses en laissant croire que chacun pouvait racheter des années de purgatoire. C'est ce qu'on appelle le salut par les oeuvres.
    Luther en tant que moine avait été éduqué dans cette croyance — généralisée à l'époque — qu'en sortant du monde (en se faisant moine), en faisant pénitence et en s'appliquant à se consacrer entièrement à Dieu, on pouvait gagner son salut, la vie éternelle.
    Luther vivait — comme moine — dans l'angoisse et la terreur du jugement de Dieu. Il ne voyait Dieu que comme un juge, un Dieu comptable des bonnes et des mauvaises actions. Un Dieu impitoyable, exerçant une justice qui ne passe rien. Tous les jours, Luther se demandait avec angoisse : "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?"
    Un jour cependant, nous dit-on, Luther médite le début de la lettre aux Romains. Aux versets 16-17, il est question de la justice de Dieu. Là, il a comme une illumination ! Cette justice qu'il comprenait comme le jugement de Dieu sur l'homme pécheur, il la rencontre comme la façon qu'a Dieu de rendre justes les humains : "Comment Dieu rend les humains justes devant lui : par la foi seule" dit la traduction de la Bible en français courant. Le tribunal terrifiant fait place à un flot de grâce. Celui qui se croyait condamné reçoit sa lettre de grâce. De la terreur, Luther passe à la reconnaissance.
    Il y a un avant et un après. Et Luther n'aura de cesse de dénoncer ceux qui entretiennent ce régime de terreur et de soumission. Et l'on comprend combien ce message libérateur a pu trouver d'échos parmi ceux qui l'entendaient.
    Luther a marqué dans l'Histoire un avant et un après. Même si un schisme a eu lieu entre catholiques et protestants, les idées de Luther et des autres réformateurs ont fait leur chemin dans toutes les Eglises. Les indulgences ont disparu. Le discours sur le salut par les oeuvres a presque disparu. Pourtant, chassé par la porte, ce discours revient par la fenêtre, sous de nouvelles formes, sécularisées, très laïques. Aujourd'hui on a de la valeur, un statut social, à travers le travail, à travers l'argent ou une vie bien rangée et organisée. Fort de ce statut — comme le pharisien ou comme certains autorités économiques dans notre pays — on se met à juger les autres, les chômeurs, les sans-abri ou les réfugiés.
    Heureusement, la justice de Dieu n'est pas la nôtre. Cette justice de Dieu ôte les étiquettes, rassemble, reconnaît chacun parce qu'il est, non pour ce qu'il fait. La justice de Dieu est évangile, Bonne Nouvelle, parce qu'elle proclame à tous les êtres humains que Dieu leur offre la dignité, une vie qui en vaut la peine. Bonne Nouvelle, parce qu'il est impossible à qui que ce soit de gagner cela par lui-même.
    Dieu lui-même prend en charge notre transformation. La transformation de tous ceux qui acceptent qu'ils ont besoin d'être rendus à leur vérité première. Cette acceptation, c'est la foi, la confiance que Dieu m'accepte tel que je suis, la confiance que Dieu me rend juste sans que j'aie à m'en occuper moi-même.
    Si l'on reprend la question de Luther "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?" (phrase empruntée à deux récits bibliques, le jeune homme riche (Luc 18:18-23) et le bon samaritain (Luc 10:25-37)), la réponse est : RIEN.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est de pouvoir s'abandonner à la grâce de Dieu, pouvoir accepter d'être accepté, renoncer à tout effort pour sauver la face, pour bien faire, pour faire un bout de chemin pour rejoindre Dieu. C'est Dieu lui-même qui renouvelle son alliance (Jér. 31). C'est lui qui nous donne des coeurs de chair à la place de nos coeurs de pierre.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est accepter d'être totalement libéré du souci de l'effort de plaire à Dieu : la seule chose qui plaise à Dieu, c'est qu'on lui fasse confiance lorsqu'il nous dit : "cesse de te faire du souci".
    Libre de cette tâche de gagner notre paix intérieure, nous pouvons enfin diriger nos forces ailleurs, non plus vers nous-mêmes, mais vers les autres.
    Libérés, nous pouvons passer du souci à la sollicitude.
    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 24.9.06 / 2 Corinthiens 5. L'ancien état de choses a disparu, le nouvel état de chose est là.

    2 Corinthiens 5
    24.9.2006
    L'ancien état de choses a disparu, le nouvel état de chose est là.
    Mt 13:44 / 2 Co 5 : 17-19

    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Je vais demander aux adultes de faire un effort pendant mon message, c'est de se replonger dans leur enfance ou leur adolescence pour écouter ce que je vais dire. Comme cela vous serez au même niveau que les catéchumènes, même si c'est avec un peu plus de conscience.
    Je vais commencer par vous jouer un petit dialogue entre une mère et son fils.

    — Allo, Maman ? Je cherche mes souliers de marche et je ne les trouve pas !
    — Allo chéri, je vais t'aider, va dans la pièce qui est à côté de l'escalier, ils doivent être dans l'armoire.
    — J'y suis, mais il n'y a pas d'armoire, juste un bahut.
    — Comment ça ? Tu ne peux pas être près du bahut, il est dans une autre pièce, va vers l'armoire, elle est blanche.
    — Bon alors, je change de pièce. J'ai trouvé une armoire, mais elle est brune.
    — Tu fais quoi ? T'as pas mis tes lunettes ou t'es bête ? Cherche l'armoire blanche !
    — Je cherche, mais je ne vois pas d'armoire blanche.
    — T'es complètement idiot, tu ne peux pas la manquer, elle est si grande. A part : J'ai fait quoi pour avoir un gosse aussi nul ?
    — Mais j'essaie de la trouver. J'ai passé dans toutes les pièces, mais je ne la trouve pas.
    — Mais t'es où enfin ? T'es sûr que tu ne t'es pas trompé de maison ?
    — Mais non, je suis chez nous, à la cave.
    — Mais l'armoire blanche n'est pas à la cave ! Quelle cloche tu fais. Elle est au rez, à côté de l'escalier de la cave.
    Pourquoi, je vous raconte cette histoire ? Parce que je crois qu'on vit à la cave avec le plan du rez-de-chaussée, et que cela crée beaucoup de mal-entendus dans la vie ! On reçoit des informations de toute part et elles ne concordent pas avec ce qu'on vit, avec notre expérience.
    Il s'en suit qu'on en tire des conclusions et ces conclusions sont fausses, mais c'est quand même là-dessus qu'on bâtit notre vie quand on est enfant.
    Le garçon, dans notre histoire, peut tirer deux sortes de conclusions. D'un côté : "je suis débile" puisque les adultes savent ce qu'ils font et ce qu'ils disent. De l'autre : "ma mère est complètement folle", mon expérience était juste, l'armoire n'était pas là, donc je dois me méfier de tout ce que j'entends.
    Que l'on choisisse l'une ou l'autre variante pour construire sa vie — "je suis nul" ou "les autres ne sont pas fiables" — on part sur une base faussée.
    Si l'on est honnête avec soi-même, on doit tous constater qu'on vit dans cette cave. Quelques-uns d'entre vous ont peut-être réalisé depuis un certain temps qu'ils vivaient dans une cave et en sont sortis : vous êtes bienheureux ! Mais on ne peut sortir de la cave que parce qu'on se rend compte que ce qu'on habite est la cave et pas le rez. Sortir de la cave n'est cependant pas facilité dans notre société.
    En effet, beaucoup d'acteurs de notre société ont des avantages à nous maintenir à la cave. En effet, c'est désagréable de vivre à la cave, c'est-à-dire dans la solitude par manque d'amour, ou dans la peur par méfiance envers les autres (ces autres pourraient découvrir que nous sommes nuls malgré les efforts que nous faisons pour le camoufler) ou vivre dans la tristesse de n'être pas appréciés tels quels.
    Face à cette détresse, tous les vendeurs s'empressent de nous vanter le nouvel écran super-géant qui nous fera passer de super-soirées et comblera notre solitude ou pour nous vendre les cigarettes ou l'alcool qui nous ferons oublier que nous sommes malheureux.
    Lorsque l'apôtre Paul parle de tout cela, il l'appelle "l'ancien état de choses" (c'est la cave) et il propose "un nouvel état de choses" (c'est le rez, l'étage à la lumière du jour). Il dit : "Dès que quelqu'un est uni au Christ, il est un être nouveau : l'ancien état de choses a disparu, le nouvel état de chose est là." (2 Co 5:17). Cela ressemble à un tour de passe-passe, mais c'est différent.
    A la cave — pour reprendre notre dialogue — le fils se voit à travers les yeux de sa mère qui le dénigre, le dévalorise, détruit son estime de soi. Le fils intègre ces jugements de valeur et se croit effectivement nul, inadéquat, incapable.
    Mais tout cela repose sur un mal-entendu ! C'est parce qu'il est à la cave et que sa mère parle du rez qu'il ne trouve pas. Il ne peut pas trouver ses chaussures. Il n'y a aucune faute de la part de l'enfant, il n'y a aucune incompétence de sa part, aucune inadéquation de sa part. Mais personne ne le lui dit, personne n'exprime — alors — de la compassion pour sa situation d'échec. Personne n'est là pour lui expliquer la vérité de la situation : il n'y a pas de coupable, il n'y a pas de juge, il n'y a donc pas de condamnation. Il n'y a qu'un mal-entendu sur l'étage.
    La vie du Christ, et sa mort, — ce que vous allez découvrir en vivant le catéchisme — met le doigt sur ce mal-entendu. Le Christ nous dit : Je ne suis pas venu pour juger, mais pour vous montrer que Dieu fait tout pour dire son amour et réconcilier l'être humain avec Lui.
    Le Christ est venu pour montrer quel regard Dieu a sur tous les êtres humains : un regard d'amour qui connaît le mal-entendu de départ et voit chacun tel qu'il est : en quête, en recherche de bonheur, mais aussi en situation d'échec.
    "L'ancien état de choses a disparu." Dieu nous fait sortir de la cave et émerger à la lumière, à l'étage qui correspond aux indications du plan. Le nouvel état de choses est là, c'est une nouvelle création. Nous pouvons nous regarder avec les yeux de Dieu et nous voir comme des personnes qui faisons toutes de notre mieux, des personnes dignes d'être aimées et capables d'aimer en retour.
    Dieu nous accepte tels que nous sommes, "il nous a réconcilié avec Lui par le Christ (…) sans tenir compte de nos fautes" (2 Co 5:18-19), de nos erreurs, de nos échecs. C'est lui-même qui nous sort de la cave pour nous amener à l'étage de la vie, de la vraie vie.
    Comme celui qui découvre un trésor dans un champ (Mt 13:44), nous pouvons troquer sans hésiter toutes les choses anciennes contre ce nouveau trésor, cette nouvelle vie.
    Reste une question. Dois-je faire quelque chose pour emprunter cet escalier et monter à la lumière ? Oui, tout simplement accepter d'avoir été accepté par Dieu. Accepter que la base de ma nouvelle vie soit : "Je suis pleinement aimé de Dieu." Il n'y a rien d'autre à faire.
    Sur cette base, je peux me sentir adéquat, pleinement reconnu et je n'ai plus besoin de me méfier des autres. Je suis accepté tel que je suis par Dieu, je peux donc m'accepter moi aussi tel que je suis et vivre une nouvelle vie.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Ephésiens 6. Nous avons tout misé sur le faire et nous ne croyons plus à la force de l'être.

    Ephésiens 6

    30.4.2006
    Nous avons tout misé sur le faire et que nous ne croyons plus à la force de l'être.
    Dt 6 : 1-7 Eph 6 : 1-4 Luc 6 : 27-28

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers invités au baptême d'Elise,
    Mercredi soir, la TSR organisait le débat d'Infrarouge autour de la violence des jeunes. Jeudi soir, nous avons eu une longue discussion en Assemblée Régionale sur un nouveau projet de catéchisme. Aujourd'hui, nous avons vécu un baptême, baptême qui engage les parents, parrain et marraine à donner à leur enfant et filleule une éducation chrétienne.
    Mais qui sait aujourd'hui ce qu'est une éducation chrétienne, ou plus simplement comment l'on doit éduquer les enfants… et les adolescents, tâche plus périlleuse encore ! Il y a une véritable remise en question du système éducatif et de l'école, beaucoup d'interrogations. Comment élever un enfant aujourd'hui, comment réussir son éducation, lui transmettre des valeurs, lui donner les bons repères ?
    Nous sommes tous confrontés à ces questions, même si nous ne sommes pas directement parents, puisque nous côtoyons des enfants ou des jeunes, ne serait-ce que sur les places publiques, dans les trains ou les bus.
    Alors j'ai commencé ma petite recherche biblique sur l'éducation… Eh bien, j'ai été plutôt effrayé ! Dans l'ancien Testament, je n'ai trouvé que des passages sur la répression. Petit échantillon :
    Prov 19:18, "Corrige tes enfants tant que tu as l'espoir de les aider, mais ne t'emporte pas au point de vouloir leur mort."
    Dt 21 : 18-21, Je résume : Le fils rebelle qui ne se soumet pas doit être lapidé.
    Dans le Nouveau Testament, l'éducation se joue en termes de hiérarchie. L'enfant doit obéir à ses parents (comme la femme à son mari et l'esclave à son maître) (Col 3:20). Et des enfants obéissants sont des marques de respectabilité pour les pères (qui peuvent alors accéder à des responsabilités dans l'Eglise) (1 Tim 3:4-5). Que faire à partir d'un tel constat ?
    1) Accepter que les lois de l'Ancien Testament — à l'exception du décalogue — n'ont plus de valeur légale, normative pour nous.
    2) Pour le Nouveau Testament, tenter d'ôter la gangue sociologique qui masque le message évangélique des textes en approfondissant notre lecture, par exemple du texte d'Ephésiens 6 : 1-4.
    Que dit l'apôtre ? Il rappelle la loi divine (l'un des dix commandements), il rappelle la promesse positive qui motive ce commandement et il replace tout cela dans le contexte, sous l'autorité ou plutôt sous l'exemple du Seigneur, le Christ. "Elevez vos enfants en leur donnant une éducation inspirée par le Seigneur." (Eph 6:4). Donc trois éléments, la loi, la promesse de bonheur et l'exemple du Christ.
    A. Le rappel de la loi est important, c'est peut-être quelque chose qui avait été un peu perdu ou mis de côté ces dernières décennies, à cause de tous les abus d'autorité et toutes les rigidités inutiles pour lesquels la loi était devenue un alibi.
    Il faut donc relever que la loi dont il s'agit — et à laquelle les enfants doivent obéir — n'est pas la loi des parents, mais la loi divine — loi divine à laquelle les parents sont aussi soumis. En tant qu'adultes (et parents), nous sommes aussi soumis à la loi et c'est bon de le dire à nos enfants ! La loi est une protection contre la tyrannie et contre l'abus, elle est donc bonne, pour les parents comme pour les enfants.
    B. C'est pourquoi la loi est assortie d'une promesse, une promesse de bonheur et de longue vie. Il est intéressant ici de noter le parallèle entre ce passage de la lettre aux Ephésiens et celui du Deutéronome (Dt 6:4-7). Nous y retrouvons le schéma loi - promesse - exemple. La loi divine n'est pas là pour opprimer (c'est la croyance du serpent de Genèse 2), mais pour nous libérer pour le bonheur. Il y a une promesse de vie attachée à la loi, à la parole de Dieu. Ce qu'un psychologue a résumé ainsi : Dans la relation parent-enfant, l'affection est de l'amour pour tout de suite, la norme est de l'amour pour plus tard.
    C. Il y avait la loi, il y a la promesse de vie, il y a enfin l'exemple, celui du Christ. "Une éducation inspirée par le Seigneur" dit l'apôtre (Eph 6:4). Là, je crois qu'il est important de faire une distinction entre l'enseignement et l'éducation. L'enseignement porte sur un contenu à apprendre, l'éducation porte sur des exemples à intégrer.
    Søren Kierkegaard, le théologien-philosophe danois, avait souligné* cette distinction en différenciant clairement Socrate qui éveille à la connaissance et Jésus qui invite à le suivre (Nachfolge). Socrate est un enseignant qui a des élèves, Jésus est un maître qui a des disciples. La sagesse populaire a résumé ironiquement cela en quelques mots : "Faites ce que je dis, pas ce que je fais" ce qui révèle a contario que l'éducation ne passe pas par des discours, mais par l'exemple.
    Et c'est là que le bât blesse dans notre société ! Nous avons perdu le sens de la transmission des valeurs, parce que nous avons tout misé sur le faire (et le dire) et que nous ne croyons plus à la force de l'être.
    Par certains aspects, c'est même encore pire, puisque tous les médias ne nous offrent même plus une vitrine de l'action héroïque, mais seulement du paraître et du mensonge, que sont la mode, la célébrité et la publicité.
    Nous ne croyons plus à la force de l'être, disais-je. Parmi les personnes vivantes aujourd'hui — si je cherche quelqu'un qui rayonne pour son être — je ne vois guère que le Dalaï-lama. Il incarne cette force de l'être. Où sont les chrétiens ?
    Que veut dire être, simplement, tout faire reposer sur l'être ? Je crois que Jésus en donne une clé dans les paroles que nous avons entendue dans l'Evangile de Luc (Lc 6:27-28). Etre, c'est être soi-même quelles que soient les circonstances, en gardant inviolable à l'intérieur de soi un espace d'amour et de paix.
    Je vais essayer de transposer ces paroles de Jésus pour faire comprendre ce que peut être ce "être soi-même quelles que soient les circonstances."
    Je peux être l'être aimant que je voudrais être, même si le monde est injuste, brutal et cruel.
    Je peux faire le bien, même si je rencontre de l'opposition et que mes actes sont repoussés.
    Je peux dire du bien et voir du positif, même chez ceux qui me critiquent et m'humilient.
    Et si tous ceux-là sont encore imperméables à ce que je suis et à ce que je leur offre, je peux encore les confier à Dieu dans la prière. Le fait que mon amour, ma bienfaisance ou ma bénédiction ne sont pas reçus, n'enlève rien au fait que j'en ai eu l'élan, que je les ai déployés et que j'ai eu plaisir à le vivre.
    Mon bonheur est dans cet état d'être, dans cet élan, il n'est pas dans la réussite ou dans l'hypothétique changement de l'autre. L'amour du Christ n'est pas anéanti par tous ceux qui ne croient pas en lui. Il est vivant parce que son être n'a pas cessé de dispenser son amour autour de lui — quoi qu'il arrive. Et nous savons ce qui est arrivé…
    Alors, pour conclure, j'affirmerai que l'éducation chrétienne n'est pas un enseignement à donner à ses enfants, mais d'abord une éducation de soi-même à croître en être, au contact de la source de tout amour qu'est Dieu.
    Montaigne disait : "Un enfant n'est pas un vase qu'on remplit, c'est un feu qu'on allume !" Faisons croître le feu de l'être qui est en nous pour que ceux qui nous côtoiement s'enflamment à leur tour.
    Amen

    * Søren Kierkegaard, Riens philosophiques, Paris, NRF, Gallimard.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.