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o) Actes

  • Pâques : une pierre, un animal, un homme.

    (15.4.2001)

    Actes 4

    Pâques : une pierre, un animal, un homme.

    Lévitique 16 : 20-22.        Actes 4 : 8-12.       Jean 11 : 45-50+53

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  • Un baptême en chemin

    (16.2.2003)

    Actes 8

    Un baptême en chemin

    Esaïe 53 : 1-8.         Actes 8 : 26-39

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  • Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires

    (11.11.2001

    Actes 9)

    Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Qui ne connaît pas l'apôtre Paul ? L'apôtre Paul est — après Jésus — le personnage qui a eu la plus grande influence sur le développement du christianisme. Un quart des écrits du Nouveau Testament sont de sa main ou directement inspirés de sa prédication. L'apôtre Paul est celui qui a fait traverser les frontières à l'évangile. C'est lui qui a parcouru des kilomètres pour annoncer l'évangile au Liban — pour employer les nom de pays actuels — en Syrie, en Turquie, en Grèce et en Italie, jusqu'à Rome.

    Tout chrétien connaît l'apôtre Paul, mais qui connaît ses origines, le début de sa carrière ? Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires. A cette époque, il s'appelait Saul de Tarse, et Saul faisait partie des juifs qui se sont opposés aux premiers chrétiens. Il haïssait Jésus et ses disciples, il les persécutait, les jetait en prison, il leur en voulait "à mort". (On dirait aujourd'hui que c'était un intégriste qui pourchassait les infidèles).

    Dès la mort de Jésus, les disciples qui proclamaient l'évangile — la bonne nouvelle — de la croix et de la résurrection de Jésus ont été persécutés, poursuivis, parfois mis à mort, comme Etienne. Aujourd'hui encore l'Eglise est persécutée dans de nombreux pays.

    L'Eglise est persécutée lorsqu'elle demande simplement le droit de se réunir pour un culte dans les pays qui n'admettent pas d'autre forme de pensée que celle des dirigeants. L'Eglise est persécutée lorsqu'elle demande que la justice soit la même pour tous les habitants d'un pays. Des chrétiens paient de leur vie, leurs croyances, leur foi, leur désir de lire la Bible et de prier. Mais pour eux, il est plus important d'être avec Dieu que de souffrir. Ils savent à quoi ils tiennent.

    Seriez-vous là, serais-je là, si nous risquions une amende ou une semaine de prison en venant au culte ? Aujourd'hui, ici, nous ne sommes pas persécutés, nous ne risquons ni amende ni prison. Pourtant, il faut un certain courage pour être chrétien, même ici, même à notre époque ! Qui d'entre nous raconte, le lundi matin au travail, à l'école : "Dimanche, tu sais pas quoi ! j'ai été au culte, j'étais content de prier et de chanter, de rencontrer mon Dieu !".

    Il y a chez nous une pression, invisible, mais forte, qui dévalorise toute volonté de contact avec Dieu. Il y a une pression sociale, une pression de groupe qui fait qu'on peut raconter qu'on est allé faire du sport, ou au cinéma, ou surfer sur internet... mais qui fait qu'on ne peut pas dire ce qu'on pense, sauf si c'est pour démolir et critiquer ! "T'as vu ça / celui-ci, c'est nul, c'est naze, c'est un looser", etc.

    Dites des choses positives, avec des mots polis, exposez vos valeurs et vous entendez : "ça y est il recommence avec ses bondieuseries..." On n'ose plus dire : "moi j'aimerais plus de justice; moi j'aimerais écouter et apprendre; moi, je ne viendrais pas avec vous si c'est pour taper sur X ou Y." Celui qui dans son coeur veut être juste, aimable et non-violent est en butte aux moqueries des autres. C'est tellement plus "sport" d'aller piquer dans les magasins ou de tromper le fisc (pour les plus grands !).

    Les idées chrétiennes d'amour du prochain, de défense du faible, de justice, de salaire équitable ne sont pas généralisées, de loin pas, elles sont même critiquées, déconsidérées et méprisées. Ce sont les "persécutions" actuelles que nous vivons. Et il faut être courageux, tenace et volontaire pour lutter contre ce courant.

    Lutter contre le courant. C'est la tâche à laquelle Dieu ne cesse d'appeler les humains. C'est ainsi qu'il a appelé Jérémie qui se trouvait trop jeune (il dit littéralement : "Mais je n'ai pas de poil au menton" (Jér 1:6)). C'est ainsi que Jésus a appelé ses disciples, douze hommes et quelques femmes, dont Marie, Jeanne et Suzanne. C'est ainsi que Jésus a appelé Saul sur le chemin de Damas. C'est ainsi qu'il appelle chacun de vous.

    Aujourd'hui — dans un monde qui privilégie la guerre, l'injustice, l'exploitation, l'écrasement des faibles — choisissez la voie de Jésus, celle du respect, celle de l'amour, de la non-violence, de la justice. Ce n'est pas une voie facile, plus simple. En optant pour Jésus, vous allez rencontrer de nombreux obstacles sur votre route, vous serez en butte aux moqueries, aux fausses accusations de faiblesse, de couardise, de lâcheté.

    Etes-vous prêts à relever ces défis et être quelqu'un ou bien allez-vous céder à la pression sociale et vous fondre dans la masse de ceux qui ne veulent pas se mouiller, par intervenir ? Ce choix est placé devant vous !

    Lorsque Saul a entendu Jésus lui demander : "Pourquoi me persécutes-tu ?" il est tombé à terre, toutes ses convictions antérieures se sont brisées et il a réalisé qu'il avait fait fausse route jusque-là. Il a eu le courage de changer de comportement, il s'est converti. Il est devenu l'apôtre de l'amour du Christ.

    Amen

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Pentecôte, don, universalité et solidarité

    (31.5.1998)

    Actes 2

    Pentecôte, don, universalité et solidarité

    Deutéronome 16 : 9-12.        Jean 16 : 12-15.       Actes 2 : 1-13.

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Aujourd'hui, nous fêtons Pentecôte, la fête du don de l'Esprit saint à l'Eglise. Aujourd'hui, les juifs fêtent également Pentecôte, ou, en hébreu, Chavouot. En Israël, depuis des temps très reculés, cette fête arrive 7 semaines (Chavouot = semaines), 50 jours (Pentecôte, en grec) après le début de la moisson. Cette fête est très ancienne et son sens a évolué au cours du temps, tout en gardant comme constante le don et la reconnaissance.

    Vous avez entendu dans l'Ancien Testament, au livre du Deutéronome, que Pentecôte est la fête de la fin des moissons. Le peuple y remercie Dieu des dons de la nature, de la culture du sol et de l'élevage des troupeaux. C'est une fête pour tous les habitants du pays, y compris les marginaux ou les déshérités. C'est une fête de reconnaissance et de joie, or la joie n'est possible que si tous y sont invités et inclus.

    Cette fête essentiellement agricole reçoit une marque "israélite" lorsqu'elle est intégrée au cycle de la Pâque. La Pâque commémore la sortie d'Egypte, la Pentecôte vient commémorer le don de la liberté et de la Loi. Cet usage devient dominant après la destruction du Temple de Jérusalem. Pentecôte devient la commémoration du don de la Loi, rappel des événements du Sinaï, de la constitution du peuple d'Israël.

    Venons-en maintenant à l'évangéliste Luc. Lorsqu'il écrit une suite à son évangile avec le livre des Actes des Apôtres, il crée un calendrier liturgique. Il est le seul évangéliste à le faire. Si vous vous souvenez de ma prédication du 3 mai dernier sur le Paraclet, pour l'évangéliste Jean, le don de l'Esprit suivait directement l'élévation — donc la résurrection — de Jésus. Luc, lui, rythme les événements. Il y a Pâques, puis 40 jours que Jésus passe avec ses disciples jusqu'à son ascension. Ensuite Luc place le don de l'Esprit lors de la fête de Pentecôte, 50 jours après Pâques, donc 10 jours après l'Ascension. C'est ce calendrier que nos Eglises suivent aujourd'hui.

    Luc institue son calendrier pour faire une relecture de l'histoire à la lumière des événements instaurés par Jésus-Christ. La venue du Christ illumine le passé, donne une nouvelle clé de lecture de l'histoire du peuple d'Israël. La Pentecôte peut être fêtée à la lumière du Christ. La Pentecôte chrétienne est une actualisation, une nouvelle vision, un nouvel accomplissement de la révélation de Dieu au mont Sinaï. Si la Pentecôte juive fête le don des Tables de la Loi, la Pentecôte chrétienne fête le don de l'Esprit, l'Esprit de Dieu, ou de Jésus qui devient le nouvel interprète de la Loi.

    Les flammes qui se posent sur la tête de chacun des disciples transforment chacune de ces têtes en un petit Mont Sinaï recouvert par la nuée de Dieu, signe de sa présence. Chaque disciple reçoit personnellement les Tables de la Loi, non pas sous forme de Tables de pierre, mais sous forme d'un nouveau langage, d'une parole. Les lettres gravées sur la pierre sont remplacées par des mots qui se disent dans le souffle, dans l'esprit. La loi écrite à l'extérieur est remplacée par une parole qui s'inscrit à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre esprit et dans notre coeur.

    Cette intériorisation du message de Dieu ne correspond cependant pas à une privatisation de la religion. Le christianisme n'est pas une religion enfermée à l'intérieur de soi, c'est une religion de communication.

    Dans l'événement de Pentecôte il y a un double mouvement. J'ai parlé du premier mouvement qui va de Dieu vers chaque individu avec la langue de feu. Le deuxième mouvement, lui, est transversal, il va d'un individu à l'autre, il est mouvement vers les autres, ce sont les langues que se mettent à parler les disciples et que les humains de toutes les nations se mettent à comprendre !

    La Pentecôte, c'est la globalisation de la communication à un degré qui n'a rien à envier à Internet. Le message de l'Evangile est pour tous les peuples, bonne nouvelle pour tous, compréhensible par tous. L'universalisation du message de l'Evangile est le fruit de l'Esprit. L'Esprit va d'ailleurs précéder les pas des hommes et anticiper des ouvertures que les disciples n'osaient même pas esquisser. Là, je vous renvoie à l'histoire de Pierre et de Corneille dans le livre des Actes au chapitre 10.

    L'universalisation, la globalisation de l'Evangile se fait dans l'accueil et dans l'inclusion de tous, en rappel du fondement de la fête de Pentecôte que nous donne le Deutéronome :

    "Au sanctuaire du Seigneur, vous vous réjouirez avec vos enfants, vos serviteurs et vos servantes, ainsi que les lévites, les étrangers, les orphelins et les veuves qui vivent parmi vous." (Dt 16:11).

    La mondialisation de l'Evangile que décrit l'événement de la Pentecôte, c'est la perspective que tous les humains — quels que soient leurs statuts, provenances, origines, etc. — puissent former un seul peuple — comme Israël sous le Sinaï — où chacun et chacune ait sa place, car c'est le peuple que Dieu lui-même appelle et constitue. Pentecôte c'est la création d'une communauté accueillante et solidaire.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

     

  • Notre Père (9)

    Actes 10

    30.8.2020

    Notre Père (9)

    Actes 10 : 34-41.     Actes 10 : 44-48.      Matthieu 5 : 43-45

    télécharger le texte : P-2020-08-30.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre parcours du Notre Père, nous arrivons à la fin, qui est le début du Notre Père puisque je l'ai pris en commençant par la fin (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette première phrase est pour moi la plus belle et la plus significative. Elle résume à elle seule l'Evangile et le projet de Jésus : nous amener à avoir une toute nouvelle compréhensoin de Dieu, par rapport à tous les enseignements religieux de l'humanité.

    « Notre Père qui es au cieux ». Jésus est d'accord avec cet enseignement religieux sur un point, sur un seul point : il s'agit de Dieu qui est aux cieux. On parle bien du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de David, etc. C'est de lui qu'il s'agit.

    Comme on l'appelle « Père », qu'il soit « aux cieux » permet de différencier la paternité humaine et biologique d'avec la paternité divine et spirituelle. Parler de paternité divine en s'appuyant sur la paternité humaine est toujours risqué, puisqu'il y a de nombreuses personnes qui ont une mauvaise expérience de la paternité humaine. Si Dieu est comme leur père défaillant ou manquant, alors « non merci » crie leur cœur !

    La mention « qui es au cieux » marque la limite du modèle humain. Dieu n'a pas les défauts des humains, ni leurs limitations. La première limitation absente c'est que Dieu n'est pas genré, il n'est pas masculin ou féminin, aussi cette paternité divine doit être comprise comme incluant la maternité. Le féminin n'est pas exclu de Dieu, même s'il est trop souvent passé sous silence !

    Une prochaine révision du Notre Père devrait nous faire dire : « Notre parent qui es aux cieux » ou Notre père et mère qui es aux cieux. »

    Une nomination de Dieu avec des mots exclusivement masculins laisse trop de place à la récupération patriarchale de Dieu.

    Ceci posé, Jésus parle de Dieu comme de son père et notre prière le désigne aussi comme notre Père. Nous gardons le mot, sans oublier d'y inclure le féminin.

    Quelle est cette fonction de Père dans l'esprit de Jésus, cette fonction de parent ? Le premier rôle d'un parent vis-à-vis de son enfant, c'est de le faire grandir, lui donner un environnement et des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement.

    Le premier ingrédient qui fait grandir, c'est l'amour. Un amour inconditionnel et abondant. Jésus présente Dieu comme son père et notre Père, parce que c'est un Dieu d'amour qui veut une vie abondante, pleine, vraie pour les humains, pour nous.

    Cette représentation est à l'opposé de nombreuses représentations religieuses de Dieu. Cpest le contraire d'un Dieu puissant, dominateur, jugeant les comportements, punissant les déviances ou les désobéissances. Ce type de Dieu juge est très utile pour contrôler une société, c'est pourquoi les hiérarchies religieuses produisent et renforcent ces images d'un Dieu contrôlant et punissant.

    Jésus en prend le contre-pied.

    On le voit illustré dans le récit du fils prodigue (Luc 15). Le fils fait tout faux, mais il est accueilli malgré tout les bras ouverts à son retour.

    Un second aspect de cette parentalité est souligné par l'apôtre Paul lorsqu'il souligne que nous ne sommes plus esclaves de Dieu, mais ses enfants, ses fils, ses héritiers.

    La famille a ceci de particulier, c'est que c'est un système non seulement relationnel, mais économique, mais une économie non monétarisée. Il n'y a pas de Tarmed des services rendus à l'intérieur de la famille, même si on veille à des équilibres, des équilibres le plus souvent différés dans le temps.

    La famille est basée sur des services réciproques, voir des services désintéressés. C'est exactement le sens du mot amour/agapè utilisé dans les Evangiles.

    En appelant Dieu son père et notre Père, Jésus nous invite à une relation démonétarisée avec Dieu. Sortir du donnant-donnant, voir du marchandage : Si tu me donnes cela, alors je te promets ceci... C'était la situation du fils aîné dans le récit du fils prodigue.

    La relation à Dieu ne peut plus être basée sur l'obéissance et la rétribution, mais sur le don, sur l'agapè, le service désintéressé.

    La dernière fonction parentale qu'il ne faut pas oublier, c'est de faire accéder l'enfant à l'autonomie. Paradoxalement, le parent a atteint son but quand l'enfant peut le quitter et vivre sa vie loin de lui. Evidemment, l'autonomie n'exige pas de couper toutes relations, seulement la relation de dépendance.

    Venons-en au premier mot de notre prière : « Notre ». Aujourd'hui, c'est peut-être le mot le plus important de cette adresse. « Notre » est un pluriel inclusif, qui nous met tous ensemble.

    Ce « nous » nous renvoie aux premières pages de la Bible, à Adam et Eve. La Bible affirme — avec ce couple primordial — que toute l'humanité qui habite la terre provient d'un couple d'ancêtre commun. Avant que la science ne le découvre avec homo sapiens — unique souche humaine encore présente sur terre — la Bible l'affirmait comme un axiome : tous les humains font partie de la même famille.

    Toute division, toute hiérarchisation de groupes est contraire à la vision divine.

    C'est la découverte que fait l'apôtre Pierre avec Corneille, l'officier romain. Dien ne regarde pas les étiquettes, la provenance, l'appartenance pour donner son Esprit, pour bénir. Aucune barrière ne résiste devant Dieu.

    Nous, comme humains, nous dressons des barrières, elles nous rassurent, elles nous permettent de classer, de détester, de haïr. Mais elles n'ont aucune pertinence devant Dieu. Lui fait lever so soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45). Il nous appelle à « aimer nos ennemis », c'est-à-dire à ne plus avoir de soi-disants ennemis.

    « Notre Père » est un Dieu inclusif — même s'il doit aller contre sa propre Eglise — c'est ce qui se passe avec Pierre et Corneille.

    Dieu a les idées larges, bien plus larges que nous, qui enfermons trop souvent les gens dans nos cases préfabriquées.

    J'ai un souhait pour l'Eglise, c'est qu'elle soit totalement inclusive. Hier c'était le ministère féminin qui a pu faire son entrée. Aujourd'hui, c'est l'ouverture aux LGBTQI qui doit faire son chemin. Demain, on découvrira encore ceux qu'on a laissé sur le bord du chemin.

    J'ai un souhait pour la société aussi — qui parfois devance l'Eglise, mais parfois retarde sur l'Eglise (je pense au regard sur les étrangers) — je souhaite que la société prenne aussi ce chemin d'ouverture, à l'égard des humains bien sûr, mais également des animaux, de la biodiversité et de la nature.

    Que le « nous » du Notre Père ne cesse de s'élargir !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.

    pour le jeudi de l'Ascension, 21 mai

    Actes 1

    Ascension. Jésus passe le relais, nous sommes ses témoins.

    Luc 24 : 41b-53.          Actes 1 : 1-4

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous avons lu le récit de l'Ascension tel que nous le raconte l'Evangéliste Luc, à la fin de son Evangile et au début du livre des Actes. Luc a fait de l'Ascension l'élément charnière entre ses deux livres, le récit de la vie de Jésus et le récit de la vie de l'Eglise commençante.

    Luc est un écrivain doué qui sait mettre en scène les personnages et les événements pour faire ressortir le sens et les perspectives théologiques. Dans le récit de l'Ascension, Luc reprend des affirmations de foi des apôtres et témoins du Christ : le Christ a été élevé au-dessus de tout (Ph 2:9), il a été glorifié (Jn 12:23) et il est maintenant assis à la droite de Dieu (Luc 22:69) et il les met en récit visuel, devant les yeux des disciples.

    Il nous montre en quelque sorte Jésus rejoindre le monde de Dieu, représenté par le ciel et la nuée. Il nous rend visible, compréhensible, une vérité théologique. Mais plus important que de voir cela, c'est de comprendre le sens de cet événement. En plaçant l'Ascension à la charnière de l'Evangile et des Actes, Luc nous transmet plusieurs messages.

    Dans l'Evangile, l'épisode entourant l'Ascension est raconté comme une scène d'adieu. Jésus se sépare de ses disciples, il les enseigne une dernière fois, il leur ouvre l'intelligence pour qu'ils comprennent les Ecritures; il leur promet l'Esprit saint; il les bénit et s'en va. Jésus est actif et les disciples sont passifs, ils reçoivent l'enseignement, la promesse et la bénédiction. Et si l'on devait mettre en film la dernière image des disciples louant Dieu dans le Temple, on pourrait en faire une vue aérienne, comme si Jésus regardait ses disciples depuis le ciel.

    Dans le livre des Actes, Luc change la perspective (je vous avais dit que Luc était un écrivain doué). Luc commence par faire un petit résumé qui reprend — avec d'autres mots — les événements qui terminent l'Evangile, rappelant le temps entre la Résurrection et l'Ascension.

    Luc expose que le temps de Jésus était celui du baptême d'eau et que vient le temps du baptême de l'Esprit qui viendra "dans peu de jours" (à la Pentecôte) (Ac 1:5). Ensuite, les disciples questionnent Jésus sur l'établissement du Royaume d'Israël, qu'ils confondent encore avec le Royaume de Dieu dont parle Jésus. Alors Jésus les investit de leur mission : être témoin à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre (Ac 1:8). Après cela, Jésus est élevé et caché aux yeux des disciples. En cinéma, ce serait une vue du sol vers le ciel.

    Dans cette scène on a vu des disciples actifs à questionner Jésus et investis d'une mission et un départ vu du point de vue de ceux qui restent.

    Voilà, Jésus est parti ! Qu'en penser et que faire ?

    Ce départ, cette ascension est bien différente du départ que les disciples ont déjà vécus lors de la mort de Jésus sur la croix. Ce départ n'est pas un abandon, une séparation douloureuse. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu des instructions. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une mission. Ce départ est préparé, les disciples ont reçu une promesse.

    Les disciples vont recevoir l'Esprit saint, qui est la nouvelle forme de présence de Jésus, de Dieu en nous. Les disciples ont reçu une mission : ce sont eux, c'est nous qui sommes à présent les relais de la présence de Jésus. Nous sommes les témoins du message de Jésus. L'absence de Jésus "comme avant" est remplacée par une nouvelle forme de présence, par l'Esprit saint et par la communauté.

    « En s'effaçant du monde, le Ressuscité ouvre un espace dans lequel la communauté des croyants concrétisera la présence cachée du Christ »* Jésus passe le relais. Nous sommes ses témoins. Et ce message est destiné à la terre entière ! Comme un caillou qu'on jette dans l'eau fait des vagues concentriques qui s'étendent à toute la surface de l'eau, le message de Jésus est destiné à la terre entière et nous en sommes les messagers aujourd'hui.

    Les disciples ont apporté le message de Jésus dans tout l'empire romain, à travers le réseau de synagogues qui s'étendait dans tout l'empire. Le message a traversé les siècles, deux millénaires, jusqu'à nous. Une chaîne ininterrompue de témoins va des premiers disciples jusqu'à nous.

    Nous avons la responsabilité d'être à notre tour les témoins de Jésus auprès des humains de notre temps. Nous avons reçu le Christ et nous recevons aussi cette mission de témoigner du Christ et de sa vie.

    Les disciples se réunissaient pour prier dans une maison de Jérusalem, pour se ressourcer et prendre des forces pour se préparer à évangéliser la terre. Ils étaient onze disciples avec quelques autres personnes, des hommes et des femmes, peu de personnes pour une grande tâche, mais accompagnés de la force de l'Esprit.

    Nous avons des occasions de nous ressourcer pour que la Parole et l'Esprit de Jésus nous habitent et que nous puissions témoigner de cette vie en nous. Nous avons besoin de la prière et du soutien de toute la communauté de l'Eglise pour que l'Evangile — la bonne nouvelle — de Jésus continue d'être annoncée et vécue dans notre paroisse, dans notre pays et dans le monde.

    Le départ de Jésus à l'Ascension n'est pas un abandon, n'est pas un affaiblissement, il est le transfert de la responsabilité de la mission à tous les croyants. Assumons avec joie cette responsabilité, Jésus nous en promet la force par son Esprit.

    Amen

    * Daniel Marguerat, Les Actes des Apôtres (1—12), Commentaires du Nouveau Testament, Labor et Fides, Genève, 2007, p. 51

    © Jean-Marie Thévoz, 2020.

  • L'esprit d'ouverture de Dieu dépasse ce que les disciples imaginaient

    pour le dimanche 3 mai 2020

    Actes 10

    L'esprit d'ouverture de Dieu dépasse ce que les disciples imaginaient.

    Esaïe 12 : 1-6.       Actes 10 : 34-48

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres est notre seule source — dans la Bible — à propos de ce qui s'est passé après la résurrection de Jésus, sur les débuts du mouvement chrétien. Ce que l'on peut constater, c'est que les disciples de Jésus — dynamisés par la résurrection et les apparitions de Jésus — se sont mis à prêcher, à annoncer la bonne nouvelle — l'évangile — à Jérusalem d'abord, puis en Judée.

    Des persécutions — le mouvement chrétien n'était pas toujours apprécié par les traditionalistes ! — ont poussé les premiers chrétiens à sortir des frontières du pays d'Israël. Ils sont allés dans les villes des régions voisines ou plus éloignées, retrouvant-là les communautés juives de la diaspora.

    Il existait des synagogues avec des communautés juives dans toutes les grandes villes de l'Empire romain autour de la Méditerranée. Les apôtres et leurs compagnons s'adressaient donc en premier lieu à leurs coreligionnaires, parce qu'ils n'avaient pas l'impression ou la conscience d'être les missionnaires d'une nouvelle religion ! Les disciples sont persuadés d'être de bons juifs, simplement des juifs qui ont trouvé le Messie en Jésus.

    L'opposition que les disciples rencontrent dans les synagogues est d'abord une surprise, mais cela ne sera pas leur plus grande surprise ! Ils découvrent petit à petit que le message de Jésus rencontre un écho favorable chez les non-juifs, les païens. Alors se pose le problème — pour les disciples et les apôtres — de savoir si les "païens" peuvent entrer dans l'alliance que Dieu avait faite avec le peuple d'Israël.

    Le livre des Actes mène une large réflexion sur cette question : "Peut-on inclure les païens dans les appelés de Dieu ?" Dans le récit du livre des Actes qui précède celui que vous avez entendu, Pierre reçoit une vision accompagnée de ce message :

     

    "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur !" (Ac 10:15)

    Cette déclaration va ouvrir la porte à des rencontres entre juifs et païens, entre Pierre et Corneille, un officier romain, probablement originaire d'Italie. C'est à partir de ces événements-là que Pierre peut commencer son discours dans la maison de Corneille en disant :

     

    "Maintenant, je comprends vraiment que Dieu n'agit pas différemment selon les personnes." (Ac 10:34)

    L'auteur du livre des Actes insiste lourdement pour dire que la décision vient vraiment de Dieu, plutôt que des disciples ou de Pierre. Pierre lui-même doit être convaincu par une vision et une voix qui vient du ciel. Ensuite l'auteur relève que "Les chrétiens d'origine juive qui étaient venus avec Pierre étaient très étonnés de ce que le saint esprit donné par Dieu se répande aussi sur les hommes non-juifs." (Ac 10:45)

    Pourquoi l'auteur du livre des Actes insiste-t-il tellement sur l'esprit de fermeture des disciples et l'esprit d'ouverture, d'accueil de Dieu ? N'est-ce pas parce que c'est un trait caractéristique et permanent de l'être humain et que cet auteur écrit cette histoire aussi pour ses contemporains et au-delà pour nous également ? Combien de fois n'avons-nous pas l'esprit plus étroit que celui de Dieu (et nous ne nous en rendons pas compte !) ?

    L'Evangile de Luc et le livre des Actes des Apôtres prêchent l'universalisme de Dieu en Jésus, c'est-à-dire l'acceptation de tous dans l'alliance de Dieu. Nous avons, nous aussi, à redécouvrir chaque jour cette grandeur de Dieu à l'égard de tous et à notre égard. Dieu est plus grand que nos pensées, nos catégories, nos classements. Nous n'avons pas à projeter sur lui nos étroitesses, nos limitations, notre propension à juger et nos incapacités à nous ouvrir.

     

    Ce qui est dit de l'universalisme de Dieu à l'égard de tous vaut aussi — au niveau individuel — de l'acceptation inconditionnelle de toute notre personnalité par Dieu. Dieu est plus grand que nos défauts, nos insuffisances, nos échecs ou nos erreurs. Là où nous manions le jugement — autant à l'égard des autres que de nous-mêmes — Dieu vient avec son pardon et son amour.

    Oui, il y a en chacun de nous des parts d'ombre, des pensées, des gestes, des attitudes, des comportements, des paroles dont nous ne sommes pas fiers, que nous voudrions effacer et ne pas reproduire. Et souvent — à cause de cela — nous nous disons que Dieu ne peut pas nous aimer vraiment. Et pourtant — comme le dit un auteur anonyme : "Je n'ai jamais tant besoin d'être aimé(e) que lorsque je ne le mérite pas."

    Cela devrait pouvoir être dit et être vécu dans chaque couple, entre enfants et parents, entre proches, par chacun d'entre nous. Eh bien, Dieu est plus grand que quiconque et il sait abandonner tous les reproches, toutes les barrières pour laisser libre cours à son amour sans limite.

    Ainsi, rien ne peut empêcher quiconque de s'approcher de Dieu et d'être accueilli pleinement par lui. Ainsi chacun peut confesser avec le prophète Esaïe :

     

    "« Seigneur, je veux te louer : j'avais mérité ta colère,

    mais tu ne m'en veux plus, tu m'as réconforté.

    Voici le Dieu qui m'a sauvé, je me sens en sécurité, je n'ai plus peur.

    Ma grande force, c'est le Seigneur; il est mon sauveur. »

    Avec joie vous puiserez aux sources du salut.

    Ce jour-là vous direz : « Louez le Seigneur, dites bien haut qui est Dieu,

    annoncez à tout le monde quels sont ses exploits,

    rappelez à tous quel grand nom est le sien. »

    Son nom, son amour est plus grand que tout. Nous ne sommes jamais tant aimés que lorsque nous en avons besoin.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Philippe et l’éthiopien

    Actes 8

    10.3.2019

    Philippe et l’éthiopien

    Esaïe 53 : 1-11          Actes 8 : 26-39

     

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    Les enfants jouent la rencontre de Philippe et de l’éthiopien. Celui-ci, comme étranger et comme eunuque n’a pas pu entrer dans la partie sainte du Temple de Jérusalem.

    Les enfants arrêtent leur jeu au moment où Philippe explique le texte d’Esaïe que l’éthiopien ne comprend pas.

     

    Qu’est-ce que Philippe a bien pu dire à l’Ethiopien ?

    Les premiers chrétiens n’avaient pas encore le Nouveau Testament, pas même un Evangile ! Ils n’avaient que le souvenir de la Passion de Jésus, son procès, sa crucifixion, sa résurrection. Mais ils avaient l’Ancien Testament. C’est là qu’ils ont cherché des clés pour comprendre le destin de Jésus : Ce Jésus, abandonné, rejeté par tous, Dieu ne l’a pas abandonné. Au contraire, il en a fait son élu, son messager, son Fils. C’est de ce Jésus que parle le prophète Esaïe dans ses “Poèmes du Serviteur souffrant” (Esaïe 42:1-9, 49:1-7, 50:4-11 et 52:13—53:12).

    Philippe explique donc à l’Ethiopien qu’Esaïe parle de Jésus. C’est Jésus qui « (…) s'est laissé maltraiter sans protester, sans rien dire, comme un agneau qu'on mène à l'abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent. » (Es 53:7) Mais Dieu n’a pas abandonné Jésus, Esaïe ajoute : « Mais le Seigneur approuve son serviteur accablé, et il a rétabli celui qui avait offert sa vie à la place des autres. » (Es 53:10)

    Jésus est venu dans le monde pour nous dire que Dieu n’est pas à la place qu’on imagine généralement. On voudrait que Dieu soit grand, soit puissant, soit le maître de tout. Sans s’apercevoir qu’on fait alors de lui un dictateur. Jésus nous montre — par son parcours souffrant — que Dieu est à l’opposé de nos pensées humaines. Il ne se place pas au-dessus de nous, mais à nos côtés. Il ne nous dirige pas, il nous appelle. Il n’est pas avec les forts et les puissants, mais avec les rejetés. Il lutte pour la justice, pas pour le pouvoir.

    Jésus a pris sur lui toutes nos misères, toutes nos fautes, tous nos malheurs, c’est cela qui l’a tué. Mais Dieu l’a relevé d’entre les morts pour nous dire qu’il y a une vie pour nous au-delà du malheur, malgré nos fautes. Il n’y a pas d’exclus devant Dieu, il n’y a pas de portes fermées. Dieu accueille tout le monde, tous ceux qui ne s’en sentent pas dignes, mais qui ont envie de faire partie de cette communauté ouverte.

    Suivre Jésus, c’est devenir accueillant comme Dieu lui-même. Philippe explique que à l’Ethiopien que les gens qui veulent vivre cet appel à l’ouverture et à l’accueil se font baptiser. Dès que quelqu’un reçoit le baptême, il fait partie de cette nouvelle communauté des enfants de Dieu.

     

    Les enfants reprennent le cours de la saynète et l’éthiopien se fait baptiser.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

     

  • De l’exclusion à l’accueil

    Actes 8

    8.2.2019

    De l’exclusion à l’accueil

    Esaïe 53 : 1-10         Actes 8 : 26-39

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Les protestants sont très attachés à la lecture de la Bible, et à faire jouer — comme en stéréo — l’Ancien et le Nouveau Testament. Comment comprendrait-on le Nouveau Testament sans une connaissance de l’Ancien Testament ?

    Nous en avons un exemple dans ce récit de la rencontre de Philippe et de l’eunuque éthiopien. Cet homme est allé “adorer Dieu à Jérusalem”. Mais comme étranger et comme eunuque, il n’a pas eu droit d’entrer dans le Temple de Jérusalem. La loi interdit l’entrée des lieux saints aux eunuques. Il n’a pu aller que jusqu’à la cour des païens. Cette rebuffade n’a pas éteint sa quête de Dieu. Il retourne dans son pays avec le rouleau du prophète Esaïe.

    Au moment où Philippe arrive — et l’entend lire à haute voix comme c’était l’habitude dans l’antiquité — cet homme est en train de lire le passage d’Esaïe que je vous ai lu. On appelle ce passage le “Poème du Serviteur souffrant”. Un passage qui a été lu par la jeune communauté chrétienne comme annonçant la Passion du Christ. Il faut imaginer que la première communauté chrétienne ne dispose pas encore du Nouveau Testament! Paul n’est même pas encore converti (cela se passe un peu plus tard dans le livre des Actes). Pour comprendre la trajectoire et la destinée de Jésus, les premiers chrétiens ne disposent que de l’Ancien Testament. Ils ont le récit des disciples qui ont vécu avec Jésus et accompagné — de loin — la Passion de Jésus. Un destin terriblement difficile à comprendre.

    Ici, le fonctionnaire éthiopien lit ce “Poème du Serviteur souffrant”. Il ne comprend pas, et il y a de quoi. Comment comprendre qu’un envoyé de Dieu soit vilipendé, accusé, maltraité, sans répondre. Sans que Dieu le sorte de là ? Il est comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir, sans défense, sans défenseur. Philippe va expliquer au fonctionnaire éthiopien que ce Serviteur souffrant, c’est ce Jésus qui a été crucifié. Que ce Jésus est l’agneau qui porte les malheurs de l’humanité. Ce qui revient à dire que Dieu a changé de place. Il n’est pas magnifique dans un Temple érigé de main d’homme — ce Temple auquel l’eunuque n’a d’ailleurs pas eu accès — il est celui qui partage les malheurs de l’humanité, il est du côté des humiliés, des petits, des sans voix.

    L’eunuque qui a été privé d’entrée dans le Temple et qui a sûrement dû être au moins moqué, si ce n’est discriminé du fait de sa constitution, s’est senti reconnu, réhabilité. Il se sent compris, invité à s’associer avec ceux qui suivent ce Jésus accueillant. Aussi bien demande-t-il s’il y a un obstacle à être baptisé, c’est-à-dire inclus dans la communauté de ceux qui suivent le chemin de Jésus. Il n’a pu entrer dans le Temple, mais il est accueilli dans l’Eglise. Il reçoit le baptême de la main de Philippe. Dieu ne veut pas de portillon pour filtrer les entrées dans le Royaume.

    Le banquet du Royaume est ouvert à tous, d’autant plus que ceux qui avaient reçu un carton d’invitation ne se sont pas donnés la peine de venir. Se retrouvent donc à la table du Seigneur ceux qui pensaient ne pas être dignes d’être invité, d’avoir une place à sa table. Ce récit est une invitation à ne pas mettre d’obstacles — nous les humains — là où Dieu les a déjà abolis. La communauté de ceux que Dieu appelle et accueille pourrait bien nous surprendre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Dieu fait tomber les barrières

    Actes 11

    14.10.2018

    Dieu fait tomber les barrières

    Actes 11 : 1-12        Actes 11 : 13-18

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le livre des Actes des Apôtres est notre seule source — dans la Bible — à propos de ce qui s'est passé après la résurrection de Jésus, sur les débuts du mouvement chrétien. Ce que l'on peut constater, c'est que les disciples de Jésus — dynamisés par la résurrection et les apparitions de Jésus — se sont mis à prêcher, à annoncer la bonne nouvelle — l'évangile — à Jérusalem d'abord, en Judée puis au-delà.

    Des persécutions — le mouvement chrétien n'était pas toujours apprécié par les traditionalistes ! — ont poussé les premiers chrétiens à sortir des frontières du pays d'Israël. Ils sont allés dans les villes des régions voisines puis bien plus loin, retrouvant-là les communautés juives de la diaspora.

    Il existait des synagogues avec des communautés juives dans toutes les grandes villes de l'Empire romain autour de la Méditerranée. Les apôtres et leurs compagnons s'adressaient donc en premier lieu à leurs coreligionnaires, parce qu'ils n'avaient pas l'impression ou la conscience d'être les missionnaires d'une nouvelle religion ! Les disciples sont persuadés d'être de bons juifs, simplement des juifs qui ont trouvé le Messie en Jésus.

    L'opposition que les disciples rencontrent dans les synagogues est d'abord une surprise, mais cela ne sera pas leur plus grande surprise ! Ils découvrent petit à petit que le message de Jésus rencontre un écho favorable chez les non-juifs, les païens. Alors se pose le problème — pour les disciples et les apôtres — de savoir si les "païens" peuvent entrer dans l'alliance que Dieu avait faite avec le peuple d'Israël.

    Le livre des Actes mène une large réflexion sur cette question : "Peut-on inclure les païens dans les appelés de Dieu ?" Dans le récit du livre des Actes qui précède celui que vous avez entendu, Pierre reçoit une vision accompagnée de ce message : "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur !" (Ac 10:15 et 11:9) Cette déclaration va ouvrir la porte à des rencontres entre juifs et païens, entre Pierre et Corneille, officier romain, probablement originaire d'Italie.

    C'est à partir de cette vision et de la venue de l’Esprit saint sur Corneille et sa famille que Pierre peut soutenir — contre les autres apôtres : “Dieu leur a accordé le même don que celui qu’il nous a fiat quand nous avons cru au Seigneur Jésus-Christ : qui étais-je pour m’opposer à Dieu ?” (Ac 11:17)

    L'auteur du livre des Actes, Luc, insiste lourdement pour dire que la décision vient vraiment de Dieu, plutôt que des disciples ou de Pierre. Il faut trois choses pour que Pierre soit convaincu (i) une vision (ii) une voix qui vient du ciel et (iii) la descente de l’Esprit saint sur ces païens.

    Pourquoi Luc insiste-t-il tellement sur l'esprit de fermeture des disciples et l'esprit d'ouverture, d'accueil de Dieu ? N'est-ce pas parce que c'est un trait caractéristique et permanent de l'être humain et que cet auteur écrit cette histoire aussi pour ses contemporains et au-delà pour nous également ? Combien de fois n'avons-nous pas l'esprit plus étroit que celui de Dieu (et nous ne nous en rendons pas compte !) ?

    La place que prend cet épisode dans le livre des Actes, le nombre et la répétition, dans le récit même des interventions divines — visions, paroles, anges, parlé en langue, descente de l'Esprit saint — pour justifier cette ouverture, montre que la résistance, au sein de l'Eglise primitive a dû être forte.

    Toute la vie d'un croyant juif de l'époque est construite sur la distinction du pur et de l'impur. Les païens n'en tiennent pas compte et ils sont donc considérés comme souillés. Si l'on veut appartenir au peuple de Dieu, il faut distinguer ce que Dieu a déclaré pur et ce qu'il a déclaré comme interdit. C'est la base de la vie pieuse. Cela a conduit les juifs à vivre une vie séparée des autres, n'entrant pas dans les maisons des romains (c'est ainsi que les autorités juives ne voulaient pas entrer dans le palais de Ponce Pilate, Jn 18:28), partageant encore moins leurs repas — la nourriture ayant pu être consacrée aux idoles.

    Pierre ressort donc transformé de la maison de Corneille, c'est presque un récit de la conversion de Pierre ! Il y a chez lui un véritable changement de mentalité, un changement de vision du monde. Pierre passe d'un monde cloisonné où chaque peuple, où chaque ethnie, où chaque culture vit séparée l'une de l'autre — ce qu'on appelle le communautarisme aujourd'hui — à une société ouverte où chacun peut non seulement se croiser, mais se rencontrer, se toucher, se rassembler et manger à la même table !

    Mais Pierre n'est pas au bout de son chemin. Il a fait son chemin personnel, mais il doit encore convaincre l'ensemble de la communauté. Avec ironie, Luc montre par là que les obstacles ou les résistances au message de Dieu sont souvent plus forts à l'intérieur de l'Eglise qu'à l'extérieur. A ce moment-là (mais est-ce seulement à ce moment-là ?) l'Eglise n'a pas tellement envie de devenir universelle. L'Eglise n'a pas tellement envie de changer, de s'ouvrir. -- Pour nous aujourd'hui cela paraît tout naturel, normal que l’Eglise soit universelle. Mais pour l'Eglise d'alors, cette position de Pierre est comparable à un politicien qui offrirait le passeport suisse à toute personne qui en ferait la demande, sans autre condition que de prononcer la phrase : "J'aime la Suisse." Vous imaginez les réactions que cela entraînerait ?

    "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9). Cette phrase a façonné le christianisme et n'a pas fini de déployer ses effets. Elle est un défi pour tous les chrétiens et elle est un défi pour toutes les autres religions.

    Cette phrase signifie d'abord l'abolition de toutes les barrières entre les humains. C'est l'abolition de toutes les discriminations entre humains et comme telle à la source de la Déclaration universelle des droits humains qui déclare que toute personne a des droits "sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation." (Article 2).

    Cela nous interroge sur les barrières que nous maintenons en place dans l'Eglise ou dans la société. Plus important pour nous aujourd'hui — en tant qu'Eglise — cela nous rappelle que cette abolition des barrières est voulue par Dieu lui-même, ce qui signifie que nous ne devons pas, que nous ne pouvons plus ériger des barrières au nom de Dieu, au nom du culte ou au nom de la religion.

    C'est un véritable défi pour notre XXIe siècle qui voudrait que chacun vive chez soi et qu'on ne mélange pas les communautés différentes ! Pour rester fidèles à Dieu, apprenons à faire tomber toutes les barrières.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ?

    Actes 4

    30.9.2018

    Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ?

    Actes 4 : 1-12     Actes 4 : 13-21

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Comme nous l’avons vu ces derniers dimanches, le Livre des Actes met en scène les débuts de l’Eglise. Luc veut montrer comment le saint Esprit est à l’œuvre. Mais le saint Esprit passe toujours par l’action humaine. Aussi Luc met-il en scène les apôtres, principalement Pierre et Paul. Le livre des Actes des Apôtres pourrait presque s'appeler les Actes de Pierre et Paul. Ils en sont les principaux héros. Pierre dans les chapitres 1 à 15 et Paul dans les chapitres 13 à 26, avec l'inclusion de sa conversion au chapitre 9.

    Pierre et Paul se rencontrent une première fois, trois ans après la conversion de Paul (Galates 1:18), puis de nouveau lors du Concile de Jérusalem où il faut décider des critères d’inclusion des non-juifs dans l’Eglise. Paul sera plus progressiste que Pierre et Pierre que Jacques. Ainsi, peu à peu, Paul supplante Pierre dans la construction du christianisme et du Nouveau Testament. Mais Pierre reste le premier des disciples, dans le temps, dans son parcours avec Jésus et dans la fondation de l'Eglise de Jérusalem.

    C'est lui qui prêche directement après la Pentecôte. Il enseigne dans le Temple — avec Jean. Et il guérit l'infirme qui siège devant la Belle-Porte (Ac 3). C'est cet épisode de guérison qui est à la base du premier conflit avec les autorités du Temple et qui nous est exposé dans ce chapitre 4. Luc fait ici preuve de son talent littéraire, dans sa façon de raconter l'épisode et de nous faire comprendre beaucoup de choses sur Pierre comme "entre les lignes."

    Luc utilise le timing de l'épisode qui nous intéresse. Rappelons l'horaire de ce conflit : Pierre prêche au Temple pendant la journée. Les autorités réagissent et arrêtent Pierre et Jean dans la soirée. Les apôtres passent la nuit en prison. Ils comparaissent le lendemain matin devant le Conseil. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Par cet horaire, Luc fait un parallèle entre la Passion de Jésus et ce premier conflit. On y voit une sorte de remake du procès de Jésus. C'est ainsi que s'accomplissent les annonces de persécutions que Jésus a faites à ses disciples. Luc souligne ainsi la communauté de destin entre les disciples et Jésus. Voyons cela dans le détail.

    Jésus avait annoncé à ses disciples : "Quand on vous conduira pour être jugés dans les synagogues, ou devant les dirigeants ou les autorités, ne vous inquiétez pas de la manière dont vous vous défendrez ou de ce que vous aurez à dire, car le Saint-Esprit vous enseignera à ce moment-là ce que vous devez exprimer." (Luc 12:11-12, voir aussi Luc 21:15).

    Et voici que Pierre — dont on se souvient la peur, voire la lâcheté, devant la servante pendant le procès de Jésus — Pierre est maintenant plein d'assurance. Il s'exprime, au grand étonnement de l'assemblée, avec clarté et avec des arguments qui font mouche, alors que les grands-prêtres pensent avoir à faire à des gens simples et sans instruction. Luc dit clairement d'où vient cette audace et cette assurance : "Pierre était rempli du Saint-Esprit" (v. 8).

    Ainsi, les promesses de Jésus s'accomplissent. Le Pierre du reniement d'avant la croix et la résurrection a été transformé et cette transformation vient de l'Esprit-Saint, l'Esprit de Jésus qui habite maintenant les disciples.

    Un autre "trait de caractère" de l'apôtre mis en évidence par Luc est l'honnêteté. Les autorités du Temple demandent à Pierre et aux disciples de ne plus parler de Jésus au Temple. Là, Pierre joue l'honnêteté, il joue cartes sur table : ce ne sera pas possible, "nous ne pouvons par renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu" (v. 20).

    Ce n'est pas de la contestation, ce n'est pas de la provocation, c'est juste un positionnement, une affirmation, un fait. Ce positionnement est ancré dans la certitude "qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (v. 19).

    Affirmation si évidente, mais affirmation si problématique. Affirmation évidente pour le sanhédrin, mais problématique pour le sanhédrin vis-à-vis des prédicateurs de Jésus. - Affirmation évidente aujourd'hui face aux violations des droits humains, mais affirmation problématique pour nous aujourd'hui lorsque ce sont les musulmans qui la prononcent pour obtenir des dérogations à nos lois. - Affirmation problématique dans un pays démocratique, où le peuple est le souverain.

    Qu'est-ce qui justifie cette phrase dans la bouche de Pierre ? Qu'est-ce qui la rend acceptable dans la pratique — puisqu'il est difficile de la contester dans l'absolu ?

    Comment concilier : Dieu est au-dessus de nos lois, fussent-elles démocratiques, et : Tout le monde doit se soumettre aux lois et aux principes de la démocratie ? Je pense qu'on peut trouver quelques pistes dans le comportement de Pierre.

    Premièrement, Pierre demande juste une liberté, un droit à la liberté d'expression. Il faut distinguer le "droit-liberté" du "droit-créance". Le "droit-créance" demande une action, une prestation de la part du pouvoir. Le droit au travail, le droit au logement sont des "droits-créances". Les "droits-liberté" demandent une abstention de la part du pouvoir : s'abstenir d'empêcher ou de réprimer. La liberté d'expression que demande Pierre ne demande pas de prestation, juste de ne pas être empêché de parler.

    Deuxièmement, cette liberté d'expression n'est pas contraignante pour les autres, elle n'oblige pas à rester pour écouter. Chacun reste libre d'adhérer ou pas au message de Pierre.

    Troisièmement, les apôtres sont prêts à assumer les conséquences et les inconvénients de leurs discours ou de leur opposition à l'autorité. Ils sont prêts au martyre. C'est une résistance non-violente et non-agressive.

    Quatrièmement, Pierre ne définit pas un contenu précis à ce que Dieu demande. Il ne revendique pas cette obéissance sur des cas particuliers, un comportement, un rite ou une coutume; et il ne cherche pas à imposer cette volonté à d'autres. Il demande un espace de liberté dans l'espace public.

    Ce conflit entre autorités religieuses et Pierre persiste encore aujourd'hui entre les autorités civiles et les demandes religieuses, entre la pensée dominante et les courants minoritaires, entre la volonté de faire le bien et la création légale du délit d’assistance.

    Le partage n'est pas facile à faire, nous le voyons souvent dans nos journaux. Rappelons-nous que la pratique du Christianisme (dans son essence), à la suite de Jésus, a toujours été de chercher des voies d'ouverture et de non-violence où le chrétien renonce à son droit plutôt que de devenir intolérant.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Partager en deux l’abîme par une main tendue !

    Actes 3

    23.9.2018

    Partager en deux l’abîme par une main tendue !

    Actes 3 : 1-10       Luc 14 : 15-21

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dans le livre des Actes, Luc a pour ambition d’écrire l’histoire du début de l’Eglise. Mais ce n’est pas l’histoire humaine qu’il veut écrire. Il veut mettre en scène l’action de Dieu au milieu des disciples, des apôtres et des croyants. C’est pourquoi Luc a dépeint la descente de l’Esprit saint sur les disciples à la Pentecôte, puis la force que donne l’Esprit saint aux apôtres.

    Tout le défi pour Luc est de savoir comment montrer — rendre visible à tous — dans un récit, l’action invisible de Dieu. On ne peut voir le vent, mais on voit ce qu’il soulève ou fait bouger. Eh bien Luc va montrer ce qui bouge, ce qui change sous l’action de l’Esprit saint.

    La première action qui suit la Pentecôte est cette rencontre de Pierre et Jean avec cet infirme qui mendie à une porte du Temple de Jérusalem. Le mendiant est handicapé depuis sa naissance. Il faut le porter jusqu’à l’entrée du Temple pour qu’il puisse mendier et gagner sa subsistance. Il reste à la porte, parce que l’intérieur du Temple est interdit à ceux qui ont des infirmités, des défauts physiques. Ce mendiant est donc caractérisé par l’immobilité, la passivité, la dépendance et l’exclusion.

    Pierre et Jean sont interpelés lorsqu’ils passent devant lui. Ils le regardent d’abord — ce que nous ne faisons souvent pas avec les mendiants de nos rues, préférant la plupart du temps éviter de croiser leurs regards.

    Ensuite Pierre lui parle… En gros il lui explique qu’il ne va pas lui donner d’argent ! Mais en faisant cela, Pierre quitte le registre économique pour entraîner le mendiant dans le registre du Royaume de Dieu — où tout est différent, tout est à l’excès, comme l’expriment les paraboles. Et Pierre prononce les mêmes paroles que Jésus face au paralytique (Luc 5:23) « Lève toi et marche ! »

    Finalement Pierre lui tend la main, il crée un contact physique, et le relève : ce verbe fait clairement allusion à la résurrection.

    La façon dont la scène se passe montre clairement la continuité entre l’œuvre de Jésus et l’œuvre des apôtres. Jésus est monté au ciel, mais son œuvre continue sur terre par la force du saint Esprit et les gestes des apôtres.

    Mais le récit n’est pas terminé. Le relèvement du mendiant n’est qu’une étape dans le travail de l’Esprit saint. Le passage de l’immobilité à la mobilité — le mendiant bondit en louant Dieu — n’est pas la seule transformation induite. Il était passif, il devient actif. Il était dépendant de ses porteurs et de ses bienfaiteurs, il devient indépendant, il va pouvoir retrouver une vie normale. Il était exclu du Temple, maintenant il rentre dans le Temple pour louer Dieu. Il a enfin accès à Dieu. Il découvre le surplus de valeur du spirituel sur le matériel, l’amour à la place de l’aumône.

    Cette guérison faite au nom de Jésus atteste de la destruction de toutes les barrières que les humains pouvaient inventer et placer entre Dieu et l’humain. Jésus l’avait déjà dit dans sa parabole du banquet. Le royaume de Dieu ne nécessite pas de ticket d’entrée. Bien plus même, ceux qui croyaient avoir un droit d’entrée (ayant reçu une invitation) ne s’y retrouvent pas, et ceux qui pensaient en être exclu — les pauvres, les infirmes, les aveugles et les boiteux (Luc 14:21)— sont repêchés et spécialement accueillis.

    L’Eglise que nous dépeint Luc avec cette « première admission » doit être à l’image du Royaume de Dieu que Jésus profilait dans ses paraboles. Une Eglise inclusive, une Eglise composée de tous les estropiés de la terre, de tous les blessés de la vie, de tous les meurtris de l’existence.

    Luc multiplie dans son Évangile et dans les Actes les récits avec des personnages généralement exclus du peuple d’Israël ou du culte : les bergers dans le récit de Noël (Luc 2), le centenier de Capharnaüm (Luc 7), les enfants écartés par les disciples (Luc 18), Zachée le collecteur d’impôts (Luc 19), et dans les Actes l’eunuque éthiopien (Actes 8), Corneille l’officier romain (Actes 10-11), et ici le mendiant à la porte du Temple.

    L’Eglise ne peut pas avoir de porte, de portillon de contrôle à l’entrée. L’Eglise est ouverte à tous, à la manière de Jésus-Christ qui rend son Père accessible à tous, sans condition.

    Par ce récit, Luc montre que l’Eglise c’est l’inverse du Temple : tous ceux à qui le Temple interdisait d’accès (laissait à l’extérieur) ceux-là même sont les invités privilégiés de la nouvelle communauté de l’Eglise.

    Cette guérison qui ouvre la porte du Temple va encore plus loin dans son message. Ce récit nous dit que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ s’inscrit dans la pâte humaine, dans le corps. Ce récit montre comment l’action de Dieu s’incarne, se corporéise dans notre réalité. Pas tellement dans l’idée d’un exploit médical — ce serait juste de la magie — mais dans le fait que l’Esprit de Jésus passe par Pierre, se faufile dans la main de Pierre, se transmet dans cette poignée de main et transforme la vie de cet homme en le faisant revivre.

    La main de Pierre guérit le mal de vivre de cet homme parce qu’il est un humain qui prend la main d’un autre. Un auteur que j’aime dit ceci : dans l’épreuve la plus noire « la question n’est pas de trouver une réponse à la nuit (...) mais à passer la nuit en compagnie de l’autre, à partager en deux l’abîme dans une fraternité. »*

    Partager en deux l’abîme par une main tendue ! Voilà ce que Jésus a enseigné à ses disciples, ce que ces disciples devenus apôtres mettent en pratique. Et c’est ainsi que se constitue une communauté appelée l’Eglise.

    Cette communauté n’est pas idéale, elle n’est pas faite de corps « photoshopés ». Elle est à l’image de son chef, de Jésus le Crucifié qui se montre à ses disciples : Ressuscité, mais portant les stigmates, les cicatrices de son exécution.

    À notre tour nous pouvons venir, entrer dans la communauté avec les blessures de nos vies, les cicatrices de notre passé. Le banquet s’est ouvert à ceux qui ne pensaient pas être dignes d’y être invités, à tous ceux qui ont été relevés par une poignée de main humaine. Quelle que soit notre infirmité cachée, ensemble nous pouvons être l’Eglise appelée par Dieu, sauvée par Jésus-Christ, et dynamisée par le saint Esprit.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

    * John D. Caputo, La faiblesse de Dieu, Genève, Labor et Fides, 2016. p.343.