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g) Petits prophètes

  • L'Ancien et le Nouveau Testament s'éclairent mutuellement

    (20.11.2005)

    Malachie 3

    L'Ancien et le Nouveau Testament s'éclairent mutuellement

    Josué 1 : 1-8          Malachie 3 : 19-24         Matthieu 17 : 1-9

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  • Ouverture du catéchisme 1ère année : "Etre juste et faire le bien"

    (28.9.2003)

    Michée 6

    Ouverture du catéchisme 1ère année : "Etre juste et faire le bien"

    Michée 6 : 6-8         Marc 12 : 28-31

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  • Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    (13.3.2005)

    Zacharie 4

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    Zacharie 4 : 6b          Matthieu 5 : 38-45     Jean 15 : 12-15

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot.

    Voici le thème de la Campagne PPP (Pain pour le prochain) de Carême cette année (2005). Un thème axé sur la violence, ou plutôt sur la lutte contre la violence. Avec la lutte contre la violence, nous sommes en même temps au cœur du monde contemporain et au cœur du message biblique.

    Message biblique de l'Ancien Testament, depuis Abel, la première victime, jusqu'à Zacharie, le dernier prophète qui nous donne en héritage cette phrase magnifique :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces, mais c'est grâce à mon Esprit que tu accompliras ta tâche." (Zach 4:6b)

    Dans le Nouveau Testament, non seulement l'enseignement de Jésus, mais sa vie et sa mort sont des plaidoyers contre la violence, toute violence.

    La violence est très présente autour de nous, même si nous pouvons être reconnaissants de ce qu'elle n'atteint pas les niveaux de la guerre militaire ou de la guerre civile.

    La violence, aujourd'hui, tout près de nous, c'est (a) la violence physique, par exemple sous la forme du racket dans les écoles ou des vols de sacs à l'arraché dans la rue. C'est (b) la violence psychologique que l'on trouve dans le dénigrement, le mépris, la violence verbale, et cela dans la rue, dans le bus, mais aussi dans les familles. C'est (c) la violence structurelle de notre société, à travers l'argent ou le travail — plutôt le manque de travail, ce "socle incompressible" de chômage. Un chômage qui touche davantage les jeunes (17%) et les plus de 50 ans. Violence structurelle et psychologique, puisqu'on a tendance à blâmer la victime, à lui faire porter la responsabilité de son chômage, alors que c'est un "jeu" de chaises musicales. Autour de ces violences, je vais faire trois constats.

    Premier constat : La violence touche les personnes les plus vulnérables.

    C'est-à-dire autant les jeunes (dans la période de construction de leur personnalité) que les plus âgés, lorsque force et autonomie diminuent. Or, la tendance générale de notre société est d'opposer jeunes et vieux, comme s'ils ne pouvaient pas se comprendre, comme s'ils n'avaient rien à s'apporter mutuellement !

    Combien serait-il plus profitable de se voir comme des partenaires plutôt que comme des adversaires. Souvent les jeunes se sentent seuls, ne savant pas avec qui partager leurs préoccupations, leurs soucis. Ils essaient de devenir autonomes et rechignent à s'adresser à leur parents ou leurs profs dont ils dépendent directement.

    C'est une chance inouïes pour les grand-parents d'offrir leur présence, de partager leur expérience et même leur désarroi par rapport à un monde en continuel changement. Les jeunes ont un cœur tendre sous leur carapace, ils sont besoin de lieux où ils peuvent cesser de jouer aux durs. Donc il ressort de ce premier constat qu'il y a un travail intergénérationnel à faire pour faire tomber la peur les uns des autre, changer de regard, ce qui s'appelle conversion (metanoia) dans l'évangile.

    Deuxième constat : On ne sait pas quoi faire lorsqu'on est en prise avec la violence.

    On est pris dans une tension entre, d'un côté, "ne pas répliquer, résister" parce que cela ne fait qu'augmenter la violence et les dégâts et de l'autre "on ne peut pas laisser passer une telle injustice", "on ne peut pas ne pas réagir, sinon on se fera toujours marcher sur les pieds." Comment vivre cette tension ? Comment éviter le piège d'entrer dans le cycle de la violence ou — à l'opposé — accepter le rôle de la victime et se laisser faire ? Il n'y a pas de recette miracle, mais on peut dégager quelques pistes.

    D'abord, vérifier l'enjeu. Qu'est-ce qui est en jeu, où sont les valeurs auxquelles nous tenons en premier lieu ? Doit-on risquer sa santé pour sauver son porte-monnaie ? Non, la santé passe avant les objets ! Apprenons à reconnaître quelles sont nos valeurs.

    Ensuite, nous vivons dans une société organisée où la justice n'est pas une affaire personnelle, mais institutionnelle. Utilisons les institutions pour décourager la violence, n'utilisons pas la vengeance personnelle.

    Enfin, le Christ nous apprend qu'il n'y a pas de honte à être la victime. Dans un processus de violence, la victime est même celle qui est "du bon côté." Il vaut mieux être la victime que l'agresseur, le violent. Cela bien sûr, c'est le bout de chemin difficile, ce que l'Evangile appelle "porter sa croix" : être conscient du phénomène violent et préférer encaisser une part de violence plutôt que la renvoyer sur autrui. C'est ce qu'a fait Jésus pour nous ouvrir les yeux.

    Troisième constat : Celui qui est isolé est une proie facile.

    Ceux qui font usage de la violence — même s'il peuvent avoir la force physique de leur côté — comptent sur l'isolement de leur victime. Le violent se sert de la peur de la victime, du silence de la victime, du retrait de la victime. Une bonne tactique — non violente — est de priver le violent de ces alliés naturels en formant un groupe, une communauté. Il ne s'agit pas de faire un autre gang pour être fort dans une guerre des gangs ! Il s'agit de faire corps, de partager les informations, les soucis, de prendre la parole dans un groupe pour rompre le silence, pour faire baisser la peur, pour se soutenir les uns les autres et reprendre confiance.

    De cette communauté des disciples est sortie l'Eglise ! Jésus nous appelle à former concrètement cette communauté pour nous entraider, pour nous soutenir et pour nous encourager lorsque nous sommes victimes d'attaques à cause de cette position de refus de la violence. Car cela peut arriver (notamment dans les cours d'école) d'être provoqué par la violence justement parce qu'on refuse la violence — pour voir jusqu'où l'on tient.

    Celui qui est seul dans cette situation est en danger ! Seule la force d'une communauté, d'un groupe ancré dans l'Esprit de Jésus peut résister en s'attachant à la parole de Zacharie :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces que tu accompliras ta tâche, mais, c'est grâce à mon Esprit." (Zach 4:6b)

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Comment Dieu se révèle progressivement aux humains

    (14.11.2004)

    Michée 3

    Comment Dieu se révèle progressivement aux humains

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    Aujourd'hui, il est recommandé de ne pas lire les textes bibliques avant la prédication !

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Notre connaissance de la Bible est souvent très morcelée. A part pour ceux d'entre vous qui ont lu leur Bible en entier — il est difficile d'avoir une idée du panorama biblique. Souvent, on lit un texte par ci un texte par là; le prédicateur du jour parle aussi sur l'un ou l'autre des textes bibliques, mais cela ne donne pas une idée claire de l'entier de la Bible.

    Pourtant la Bible est porteuse d'un message d'une grande cohérence — pour dire que la Bible est plutôt une bibliothèque avec des auteurs très divers, rédigés sur une durée de plusieurs siècles ! Pourtant, il y a dans le récit biblique un fil rouge, un élan, une intention que l'on peut suivre et que j'aimerais développer aujourd'hui : comment Dieu se révèle progressivement aux humains.

    Nous allons voir quelle est la méthode de Dieu pour se faire connaître à l'homme. Les lectures bibliques viendront ponctuer ce parcours au fur et à mesure pour illustrer mon propos.

    La première étape de la stratégie divine a été de choisir de se révéler à quelques individus en commençant par un chef de famille. Ainsi, Dieu a d'abord choisi un homme : Abraham. Abraham est un chef de clan. Dieu lui adresse la parole et lui fait une promesse double : la promesse d'être à la tête d'une grande descendance et de recevoir un pays.

    C'est à travers Abraham et son fils Isaac et ses petits-fils Jacob et Esaü que Dieu se fait connaître. Il se fait connaître comme un Dieu personnel, un Dieu qui entre en dialogue, qui se fait proche et qui se fait le défenseur du clan, du groupe. C'est un Dieu nomade qui accompagne des nomades (on voit Abraham, Isaac et Jacob faire d'incessants voyages entre la Mésopotamie, le pays de Canaan et l'Egypte). Ecoutons le récit d'une rencontre de Dieu avec Jacob.

    Lire : Genèse 35 : 9-15.

    Avec Jacob, le troisième patriarche, s'accomplit la promesse de devenir un grand peuple. Jacob a 12 fils et ceux-ci seront à l'origine des 12 tribus d'Israël.

    La foi des patriarches se transmet à un peuple nouveau. Ce peuple grandit en Egypte, mais il rencontre l'opposition du Pharaon qui asservit les hébreux. C'est alors que Dieu fait appel à Moïse. Nous entrons dans la deuxième phase de la stratégie divine.

    Pour communiquer avec tout un peuple, Dieu change de méthode. D'abord, il crée l'événement en libérant son peuple de l'esclavage en Egypte. Il le conduit dans le désert où va commencer une période d'apprentissage : comment user de la liberté et rester libre ?

    Dieu forme avec son peuple une alliance. Après le temps de la promesse avec les patriarches vient le temps de l'alliance avec Moïse. L'alliance est un contrat, un traité. Dieu conduit et protège son peuple. Le peuple, en échange, applique le Décalogue (les dix commandements) que Moïse reçoit de Dieu. Ecoutons comment Moïse reçoit les tables de la Loi.

    Lire : Exode 24 : 12-18.

    Dieu se révèle comme celui qui donne la Loi à Moïse pour que celui-ci l'enseigne aux Israélites. Nous entrons dans une étape de pédagogie. Le peuple doit apprendre quelles sont les règles pour vivre ensemble en bonne harmonie et préserver la liberté de tous. La Loi de Dieu est donnée à tous, y compris au roi pour que ne règne pas la loi de la jungle, la loi du plus fort. La Loi est destinée à protéger le faible, le démuni. Mais cette route est parsemée d'échecs.

    Jamais la loi n'a pu interdire efficacement sa transgression. On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque personne ! Ainsi, les personnes et le peuple désobéissent.

    Pour rappeler à son peuple le contenu de l'Alliance, Dieu envoie des prophètes. C'est la troisième étape de la stratégie divine. A chaque époque de l'histoire d'Israël, Dieu charge des prophètes d'avertir le peuple d'Israël que Dieu ne supporte pas les injustices, les mauvais traitements, l'exploitation et l'oppression.

    Dieu menace de punir tout en rappelant les promesses qu'il a faites. Ecoutons le prophète Michée élever la voix :

    Lire Michée 3 : 9-12 et 4 : 1-4.

    Le prophète est celui qui proteste, qui répercute la protestation de Dieu chaque fois que quelqu'un est maltraité, tout en rappelant les promesses de Dieu. Avec le message des prophètes, on voit que Dieu se place aux côtés des victimes d'injustices.

    Les prophètes appellent à une intériorisation de la Loi. Chacun est responsable pour lui-même de respecter la Loi. Chacun doit décider pour lui-même et par lui-même de respecter les règles qui permettent de vivre ensemble. Le but — comme le dit Michée — est de vivre en paix. Si les gens respectent la loi alors :

     

    "De leurs épées, ils forgeront des pioches,

    de leurs lances, ils feront des faucilles,

    il n'y aura plus d'agression d'une nation contre une autre. " (Mi 4:3).

    Ce programme pour la paix est expérimenté avec le peuple d'Israël, mais il est destiné au monde entier, ce message à une visée universelle.

    C'est ce que Dieu a voulu réaliser par une quatrième étape en envoyant son Fils, Jésus, dans le monde. C'est ce que nous développerons dans le temps de l'Avent, la venue de Jésus sur la terre. Sa mission est de passer une nouvelle alliance, cette fois avec tous les humains sur la terre, une alliance fondée sur l'amour du prochain, un amour vécu et intériorisé par chacun. Il donnera sa vie pour cela, se faisant modèle universel de la victime que Dieu vient sauver.

    Dieu a commencé à se révéler à un individu, il a étendu sa révélation à un peuple, avec pour but ultime de faire une alliance universelle qui puisse à nouveau toucher tout individu. C'est ainsi que nous sommes inclus dans son alliance pour que la paix soit établie sur la terre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Un Dieu de vie !

    Jonas 1

    19.5.2019

    Un Dieu de vie !

    Jonas 1 : 1-16 et 2 : 1 et 11          Matthieu 12 : 38-41

    télécharger le texte : P-2019-05-19.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Tout à l’heure — avant de venir ici — j’ai fait un culte avec des baptêmes au Port d’Ouchy, sur le bateau historique “La Vaudoise”. On a parfois des demandes étranges, mais comment toucher les gens si on ne fait pas un pas dans la direction ?

    C’est une famille qui est engagée dans la Société de Sauvetage d’Ouchy. Le père intervient en bateau, avec un équipage, pour sauver les gens les embarcations en détresse sur le lac. Pour l’occasion, j’ai choisi un récit biblique qui pouvait les rejoindre dans cette préoccupation de sauvetage, d’où le texte de Jonas.

    Il y a dans la Bible des récits historiques, mais il y a aussi des histoires romanesques, des fictions, des histoires inventées pour nous faire découvrir d’autres facettes de Dieu, ou de nous.

    C’est le privilège de l’écrivain de pouvoir introduire des éléments bizarres ou impossibles dans un récit pour porter un message, une symbolique. Si on rate le côté romanesque, on risque de rester bloqué par le bizarre, l’invraisemblable et rater le message.

    Le livre de Jonas et donc une fiction, mais pour nous dire quelque chose d’important et de vrai ! Que nous dit ce récit ?

    Il commence avec un homme qui reçoit une mission et cette mission lui apparaît comme impossible, irréalisable.

    Cela peut nous arriver aussi :

    - L’écolier qui sent la forte attente de ses parents qu’il fasse des études qu’eux-mêmes n’ont pas pu faire.

    - L’employé qui se voit confier un projet trop ambitieux pour lui, à ses yeux.

    - Le conjoint qui ne sait plus comment faire pour répondre aux attentes de l’autre, etc…

    Face à ses missions oppressantes, l’envie de fuite est grand. C’est ce que choisit Jonas : partir le plus loin possible. Il part de Jaffa sur la côte palestinienne et cherche à atteindre Tarsis — qui est l’Espagne — le point le plus lointain sur la mer Méditerranée.

    Il a l’air d’ignorer que lorsqu’on part, on emmène ses soucis avec soi. Sur le bateau, ses soucis, sa culpabilité se manifestent sous la forme d’une tempête qui menace également ou son entourage.

    Jonas essaye bien d’ignorer la tempête en dormant, mais le capitaine le réveille. Il faut affronter la réalité, mettre au jour le problème.

    Jonas est bien conscient que les problèmes viennent de son propre comportement. Aussi propose-t-il qu’on se débarrasse de lui en le jetant à la mer. Vous aurez remarqué que la proposition vient de lui — il est d’accord de sacrifier sa vie pour sauver l’équipage—cette solution n’est pas une proposition de l’équipage.

    Effectivement Jonas est jeté à l’eau. Une issue mortelle pour sauver le bateau et les gens, mais à quel prix ?!

    C’est là qu’intervient l’incroyable, l’impossible, le surnaturel : le sauvetage.

    Nous sommes au cœur du message de ce petit roman :

    - Le sauveteur ne doit pas mourir, et- On ne peut pas gérer la faute par l’expulsion et la mort du fautif !Il y a deux aspects :

    - “Dieu ne veut pas la mort du fautif” et - “celui qui donne sa vie, la retrouvera. ”

    Dieu ne veut pas laisser la mort triompher, quelle que soit la faute, la désobéissance. Dieu est pour la vie. Et vu ce que nous sommes, il se rend bien compte que si tout fautif devait mourir, personne ne pourrait s’en sortir.

    La punition ou la mise à l’écart est une logique humaine, celle de l’équipage, ce n’est pas la logique de Dieu.

    Ce petit roman nous le dit une fois dans ce sauvetage par le grand poisson et une fois dans la suite du texte, quand Jonas ira finalement accomplir sa mission et que la ville ne sera pas détruite — grâce à son message.

    Dieu ne veut pas la destruction, le jugement, il veut la vie, le sauvetage de tous, quelles que soient nos fuites, nos dérobades ou nos manquements.

    Dieu propose toujours le sauvetage de nos vies, quand elles traversent la tempête. Ce message de Jonas, Jésus l’offre aux pharisiens quand ceux-ci lui demandent un signe, un miracle. Que veut-il leur dire ?

    Jésus veux leur dire— et à nous alors suite— que le récit de Jonas va nous aider à lire la trajectoire de vie de Jésus lui-même. Il s’agit de faire le lien entre Jonas et Jésus pour comprendre Jésus.

    Et on voit bien les parallèles :

    - Jésus est accusé de ne pas respecter la loi de Moïse, donc d’être dans la désobéissance.

    - Il passe en procès.

    - Il donne sa vie, il accepte la mort.

    - Il passe du temps au tombeau, comme Jonas dans le ventre du grand poisson.

    - Il revient la vie, comme Jonas retrouve le rivage.

    En cela Jonas est une figure annonciatrice du Christ, de la volonté constante de Dieu de rectifier son image. Il n’est pas une Dieu de punition et de mort, mais un Dieu de salut et de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Partie d’échecs entre Dieu et Jonas

    Jonas 4

    17.6.2018

    Partie d’échec entre Dieu et Jonas

    Jonas 3 :10 — 4 : 1-11           Matthieu 18 : 21-27

     

    télécharger le texte : P-2018-06-17.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    La Bible contient quelques petits trésors littéraires, des histoires étonnantes pour nous parler de Dieu sans faire de dogmatisme.

    Le livre de Jonas est un de ces trésors. Vous connaissez son histoire : Appelé par Dieu pour avertir la ville de Ninive de sa destruction, Jonas s’est dérobé et s’est enfui à l’opposé, par bateau. Jonas ne voulait pas assumer sa vocation, la tâche de sa vie. Il a découvert, à travers la tempête et son aventure dans le ventre du gros poisson qu'on ne peut pas être un autre que soi-même.

    Aussi, lors de son deuxième envoi, il va à Ninive pour annoncer à nouveau sa destruction. Là il est incroyablement surpris : il est pris au sérieux. Les habitants de Ninive changent de comportement.

    Jonas ne s'attendait pas à un pareil renversement. Il ne s'attendait pas non plus au deuxième renversement, celui de Dieu qui renonce à détruire la ville et tous ses habitants. Cela met Jonas hors de lui, il est fâché. Le texte biblique ne nous rapporte qu'un bref résumé de la conversation de Dieu avec Jonas. J’ai imaginé la version longue de cet échange.

    Voici ce dialogue :

    D — "Jonas, as-tu raison d'être en colère ?" (Jon 4:4)

    J — Oh, oui, Seigneur, j'en ai des raisons d'être fâché ! Tu m'as proprement ridiculisé.

    D — Ah, oui, explique-moi.

    J — Tu as commencé par me nommer prophète contre mon gré. Je ne voulais pas aller annoncer ce message de destruction à Ninive. Je me suis enfui et tu m'as ramené à mon point de départ. Alors, j'y suis allé finalement. J'ai annoncé la destruction de Ninive pour 40 jours plus tard et voilà que tu changes d'avis. Finie la destruction, tout reste en place. Tu te rends compte de ce que cela me fait ? J'ai l'air de quoi, moi ? Je suis la risée de tous. Je suis le prophète qui annonce des choses qui ne se réalisent pas ! Je passe pour un simple astrologue qui invente des prédictions pour se rendre intéressant. Tu m'as fait perdre toute crédibilité. Tu as ruiné ma carrière. Je n'ai plus d'avenir, je n'ai plus qu'à me laisser mourir au désert.

    D — C'est vrai, je vois que mon action t'a fait du tort, mais comprends-tu pourquoi j'ai agi comme cela ?

    J — Non, je ne vois pas. On m'a toujours appris à tenir ma parole, mes engagements, à réaliser ce que j'avais promis. Mais si, Toi, tu ne le fais pas, où allons-nous ?

    D — C'est vrai, j'ai toujours dit qu'il fallait tenir ses engagements, mais, vois-tu, là, j'ai eu de la compassion pour tous ces habitants. Ils ont pris le deuil, ils ont crié à moi, ils en ont appelé à ma bonté, ils m'ont demandé de changer mes projets pour les épargner.

    J — Oui, j'ai toujours su que "tu es un Dieu bienveillant et compatissant, patient et d'une immense bonté, toujours prêt à renoncer à tes menaces" (Jon 4:3). Mais je trouve que c'est de la mollesse. J'en ai assez. Je m'en vais au désert. Si tu as de la compassion pour moi, si tu tiens à ma personne et à mon travail de prophète, j'attends de toi que tu tiennes tes promesses et que tu rétablisses ma crédibilité en détruisant la ville. Je vais attendre ce spectacle au désert et voir si tu as plus de compassion pour eux que pour moi.

    "Jonas sortit de la ville et s'arrêta à l'est de Ninive. Là, il se fit une cabane à l'abri de laquelle il s'assit. Il attendait de voir ce qui allait se passer dans la ville. Le Seigneur Dieu fit pousser une plante, plus haute que Jonas, pour lui donner de l'ombre et le guérir de sa mauvaise humeur. Jonas en éprouva une grande joie. Mais le lendemain au lever du jour, Dieu envoya un ver s'attaquer à la plante et elle sécha." (Jonas 4 : 5-7)

    Après la mort de la plante, Dieu demande à Jonas :

    D — "As-tu raison d'être en colère au sujet de cette plante ?" (Jon 4:9a)

    J — "Oui, j'ai de bonnes raisons d'être en colère au point de désirer la mort" (Jon 4:9b) Tu ne m'aimes pas, tu n'as pas détruit la ville !

    D — Jonas, veux-tu jouer une partie d'échecs avec moi ?

    J — Non, je ne veux pas, parce que je vais perdre.

    D — Pourquoi penses-tu perdre. Tu as la réputation d'être le meilleur joueur de tout Israël.

    J — Je vais perdre parce que tu peux lire dans mes pensées la stratégie que je vais utiliser. Je ne veux pas perdre. Je suis devenu le meilleur joueur d'échec d'Israël parce que je déteste perdre.

    D — Moi non plus je n'aime pas perdre ! Et te rends-tu compte que j'ai le sentiment de perdre chaque fois qu'un être humain sur la terre tombe dans le malheur ou me quitte fâché.

    J — Vraiment ?

    D — Oui, vraiment. Qu'as-tu éprouvé lorsque la plante qui avait poussé à côté de ta cabane a séché ?

    J — Cela m'a contrarié. Elle me faisait de l'ombre pour me protéger de la canicule. J'ai été très content lorsqu'elle a poussé et très fâché lorsqu'elle a séché. J'ai même pleuré lorsque je l'ai vue mourir. (fin du rôle parlant)

    D — Et bien, Jonas, j'éprouve la même chose chaque fois qu'un être humain est malheureux. Aussi, s'il m'appelle, je viens à son secours. Souviens-toi, lorsque tu étais dans la tempête, j'ai envoyé le gros poisson dès que tu as crié au secours. De même, pour les habitants de Ninive. Ils ont pris ta parole au sérieux et ils ont crié à moi pour que je les sauve. Et j'ai suivi l'élan de mon coeur.

    Jonas, je t'avoue que tout le monde me désapprouve. Tu n'es pas le premier à me trouver trop bon et à être gêné de ma générosité. Je ne sais pas jouer selon les règles et les règlements. Je suis toujours mon coeur. D'ailleurs, je n'aime pas les échecs. Pour gagner, il faut faire perdre son adversaire. Je n'aime pas les situations où l'on gagne seulement lorsque l'autre perd. Si tu avais accepté de jouer, tu aurais gagné, parce que je préfère perdre que de faire perdre l'autre. Mais j'aime jouer, alors, je m'arrange toujours pour remettre ceux qui jouent avec moi en selle, pour que la partie continue. - C'est pour cela que je ne t'ai pas abandonné dans la mer. - C'est pour cela que je ne détruirai pas Ninive. - C'est pour cela que les bons et les méchants cohabitent encore sur la terre. Je leur laisse encore une chance de découvrir qu'ils ont un coeur et peuvent le suivre. La vie sur la terre serait tellement plus agréable pour tous si chacun veillait à laisser gagner l'autre.

    Comme le dira mon fils : "Faites pour les autres exactement ce que vous voulez qu'ils fassent pour vous. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? - Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment ! Et si vous faites du bien seulement à ceux qui vous font du bien, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? - Même les pécheurs en font autant ! Et si vous prêtez seulement à ceux dont vous espérez qu'ils vous rendront, pourquoi vous attendre à une reconnaissance particulière ? - Des pécheurs aussi prêtent à des pécheurs pour qu'ils leur rendent la même somme ! Au contraire — vous — aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans rien espérer recevoir en retour. Vous obtiendrez une grande récompense et vous serez les fils du Dieu très haut, car il est bon pour les ingrats et les méchants." (Luc 6:31-35)

    Comprends-tu, maintenant, Jonas ? »

    Depuis-là, les témoignages divergent. Les uns disent que Jonas a compris, les autres qu'il n'a pas compris.

    S'il avait compris (disent les premiers) le monde ne serait plus le même, le monde en aurait été complètement changé parce que, avec Jonas, tout être humain aurait compris et reconnu la bonté de Dieu et tous auraient adopté un nouveau comportement.

    Celui qui comprend le message de Dieu adressé à Jonas (cf. Mt 12 : 38-41) commence une nouvelle vie, son comportement en est transformé, il reçoit le don de la compassion et du pardon.

    Que celui qui a des yeux pour voir, qu'il les utilise; que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende !

    Amen

    @ Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Prophètes (III) : Ecouter les prophètes d’aujourd’hui

    Michée 3

    21.8.2016

    Prophètes (III) : Ecouter les prophètes d’aujourd’hui

    Michée 1 :1-7          Michée 2 :6-10        Michée 3 : 5-12

    Télécharger le texte : P-2016-08-21.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le prophète Michée annonce les oracles de Dieu quelques dizaines d’années après Amos et Osée. On se souvient qu’Amos et Osée exerçaient leur ministère dans le royaume d’Israël, le royaume du Nord. Et bien celui-ci a été envahi et absorbé par l’empire d’Assyrie. Ce que les prophètes avaient annoncés s’est réalisé.

    Michée habite et travaille dans le royaume de Juda. Il va vivre la période de la chute du royaume du Nord et l’invasion du royaume de Juda par Sennachérib et le siège de Jérusalem, épisode raconté dans le deuxième livre des Rois (2 Rois 17-19) et Esaïe (chap. 36). Pourtant Sennachérib ne prend pas la ville et se retire, on ne sait pas pour quelles raisons.

    La période est donc très troublée. Pourtant nombreux sont ceux qui ne veulent rien savoir, qui ne veulent que des bonnes nouvelles. C’est dans ce climat que Michée fait son travail de prophète. Comme les autres prophètes bibliques, il dénonce toutes les formes de corruption, de spoliation et d’injustice. Je ne veux pas revenir la dessus, mais m’intéresser à un autre aspect de son discours : la dénonciation des faux prophètes. Voici ce que Michée dit de ces faux prophètes : « Si on les nourrit bien, ils annoncent la paix. Mais ils font la guerre à ceux qui ne leur mettent rien dans la bouche !» (Mi 3:5) Visiblement Michée en veut à ces experts qui savent d’où vient le vent et qui choisissent toujours les propos que veulent entendre ceux qui les payent — on a vu cela avec les experts de l’industrie du tabac.

    Il y a donc deux catégories de prophètes, ceux qui soutiennent les pouvoirs établis et ceux qui ont à cœur de dénicher et dénoncer les affaires de corruption, d’injustice, d’exploitation etc. Etonnamment, ce ne sont pas les Eglises aujourd’hui qui sont à la tête de ce mouvement — à part les œuvres d’entraide et Terre Nouvelle — mais plutôt les O.N.G., la presse et les lanceurs d’alerte. Pourtant il y a assez de modèles de prophètes dans la Bible pour inspirer quelques oracles modernes. ? Comment Michée s’exprimerait-il aujourd’hui ? Quel thème choisirait-il ? Si le prophète Michée parlait encore aujourd’hui, ne pourrait-il pas parler comme cela ?

    « Ecoutez ce que le Seigneur me dit :

    Va faire un procès pour me défendre, pour défendre la planète !

    Présente mon point de vue devant les montagnes et devant les îles :

    — Montagnes et îles, écoutez le Seigneur, je fais un procès aux habitants de la terre, je demande des comptes à ceux qui gouvernent.

    Terriens, vous gaspillez les ressources, vous pillez la terre, vous épuisez les paysans pour manger des filets de bœuf et des châteaubriands.

    Vous exploitez les ouvriers des pays pauvres pour produire vos téléphones et vos tablettes.

    Et bien moi, je vous dis : Je vous enverrai cyclones et tornades,

    je ferai monter le niveau des mers pour engloutir New York et Amsterdam.

    Moi le Seigneur, je ne laisserai pas vos crimes impunis.

    — Vous n’avez pas écouté les prophètes du GIEC,

    vous avez préféré écouter les faux prophètes qui vous disaient que vous ne pouviez rien faire à votre échelle. Vous avez fait la sourde oreille aux annonces de catastrophe.

    Et bien vous n’échapperez pas aux conséquences de vos péchés.

    Oracle du Seigneur. » (selon Mi 6)

    On pourrait écrire bien d’autres oracles sur les péchés de notre époque. Mais à quoi différencie-t-on un vrai prophète d’un faux ? À première vue on pourrait se dire que le prophète de malheur a plus de chance d’être vrai que faux. Mais c’est plus compliqué, il y a des temps de l’histoire où il faut annoncer l’aurore, particulièrement dans les temps de dépression et après les catastrophes.

    1. La première caractéristique, c’est que le prophète se démarque de l’air du temps. Il est loin du discours établi. Il n’est pas assujetti aux modes, il a une parole libre. Et pour cela il prend des risques, il met sa carrière, parfois sa vie en jeu. Voyez les lanceurs d’alerte qui risquent la prison ou l’exil, l’enfermement dans une ambassade, pour révéler au monde les jeux sournois des puissants.
    2. Il est habité d’une urgence à parler, à révéler — quoi qu’il lui en coûte, et le prix est souvent élevé. On le voit au nombre de journalistes tués parce qu’ils font bien leur travail.
    3. Enfin le prophète est celui qui déniche, avant la prise de conscience générale, le problème que personne n’avait vu, où le problème qui ne semblait pas être un problème pour la génération précédente, le problème qui paraissait même souvent une solution acceptable.

    Pensez à la pratique des « enfants placés » qui ressurgit aujourd’hui et qui était une mesure administrative, bien réglée par des ordonnances et des lois. Ou bien le fait de retirer les enfants aux familles Jenisch parce qu’elles étaient nomades, pour les sédentariser. « On fait cela pour leur bien ! » Pensez à l’apartheid, aux fonds en déshérence. Pensez au racisme ordinaire de la police aux USA qui commence seulement à être dénoncé depuis ces dernières années par le mouvement « black lives matter » (la vie des noirs comptent). On pourrait ajouter d’autres sujets : la pédophilie, le viol conjugal, le travail clandestin et l’esclavage dans les ambassades, sans compter le changement climatique évoqué dans l’oracle.

    Ce qui m’inquiète et m’interroge aujourd’hui, c’est de savoir quel est notre point aveugle en 2016 ? Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui et que nous ne voyons pas comme problème, mais qui nous fera honte quand il sera dénoncé par la génération suivante ? Quelles sont nos actions ou nos inactions, nos aveuglements ? Il y aura certainement notre inaction et notre fermeture vis-à-vis de la guerre en Syrie et l’accueil des réfugiés. Il y aura la question climatique. Comment les enfants qui naîtront en 2030 ne nous reprocheraient-ils par notre inaction et notre consommation effrénée qui paraîtra alors un luxe impardonnable : « Quoi ils brûlaient du pétrole pour aller chercher le journal alors que cette matière nous manque maintenant pour fabriquer nos panneaux solaires ? »

    Il y aura le travail sous-payé des paysans et la perte de leur savoir-faire ; ou les produits trop bon marché pour être équitables et qui sont une forme moderne de colonisation. Sans compter la mésentente politique, ou la suprématie de l’économie sur le politique qui conduit à l’inaction générale. Le monde va mal, la planète pas mal, mais personne ne dit rien, personne ne fait rien, ou chacun ne fait pas assez à la taille de la planète pour changer le cours des choses.

    Nous avons plus que jamais besoin de prophètes, et de les croire, et de bouger ! Nous avons besoin d’écouter les prophètes de la société civile, et les soutenir. Nous avons besoin de rallumer le prophétisme en Eglise, et de nous mobiliser pour faire bouger les choses. Terre nouvelle et les œuvres d’entraide nous montrent un des chemins.

    La Passion du Christ, le modèle du prophète souffrant, nous donne la grille de lecture qui nous permet de discerner dans la réalité les situations qui doivent être mises au jour et dénoncées. Nous avons les outils pour déceler les victimes et les sans voix. Pourquoi ce modèle est-il davantage utilisé concrètement à l’extérieur de l’Eglise plutôt qu’à l’intérieur ? C’est peut-être le point aveugle de notre Eglise : ne pas être assez prophétique !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Prophètes (II) : Un amour paradoxal


    Osée 2
    14.8.2016
    Prophètes (I) : Un amour paradoxal
    Osée 1 : 1-9     Osée 2 : 4-9     Osée 2 : 15-25

    Télécharger le texte : P-2016-08-14.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans cette série sur les petits prophètes, nous allons cheminer avec le prophète Osée ce matin. Osée est contemporain d’Amos. Il prophétise entre 750 et 725 av. J.-C. Le pays est en paix, mais on sent la pression de l’Assyrie qui aboutira à la chute d’Israël du Nord en 721 av. J.-C.
    Osée n’a pas la même mission qu’Amos, dont nous avons vu dimanche dernier qu’il s’en prenait à l’injustice et à la corruption. Non, Osée a pour mission de lutter contre le glissement du peuple Israël vers la religion cananéenne, qui était un culte à Baal, le dieu de la fertilité, fertilité des champs autant que fertilité des femmes. Cet attrait vers un culte de la nature est vécu comme un éloignement du culte à Dieu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Moïse, le Dieu du désert du Sinaï.
    Face à cet éloignement de son peuple, Dieu confie une mission étrange à son prophète Osée : il doit épouser une prostituée sacrée — donc voué au culte de Baal — et avoir des enfants avec elle. On peut facilement s’imaginer la réaction de son entourage et du peuple : un prophète de Dieu qui épouse une femme d’une autre religion, qui s’engageait corps et âme (c’est le cas de le dire) dans cette religion opposée au culte du Dieu du Sinaï ! C’est proprement scandaleux !
    Oui, mais c’est justement le message que Dieu veut faire passer ! Cette incompatibilité exposée dans la vie du prophète n’est que l’image de l’incompatibilité de ce qui se passe tous les jours dans les foyers d’Israël. À côté de Dieu, on vénère aussi Baal : « on ne sait jamais », « ça peut toujours servir », « ça ne peut pas faire de mal» si les récoltes sont meilleures et les enfants plus nombreux. Autant manger à tous les râteliers, disent-ils.
    Mais Osée est là pour dire, en acte, que ça ne va pas. Qu’on ne peut pas faire tout et son contraire. Osée ne peut pas laisser sa femme aller librement voir ses amants, c’est inconvenant ! L’idée du message, c’est que ceux qui disent cela s’aperçoivent que c’est justement leur situation devant Dieu.
    Il s’agit là d’une parabole qui doit servir à se regarder dans le miroir et s’apercevoir que ce qu’on reproche à Osée, on le fait soi-même. On met Dieu dans la situation d’être trompé. Dieu se retrouve avec un peuple adultère, idolâtre. C’est pourquoi Dieu dit — au travers des noms des enfants d’Osée — vous serez appelés « Mal-aimée » et « Pas-mon-peuple» !
    De l’exposé de la situation, on passe aux menaces, menace d’abandon et de rejet, de destruction. Dieu annonce la rupture, il va quitter son peuple adultère. C’est tout à fait dans la ligne prophétique. Le prophète utilise le contexte politique de menaces de l’Assyrie pour concrétiser la menace divine. L’idée est que la privation (Dieu ne s’occupe plus de son peuple et l’abandonne aux envahisseurs) va faire réfléchir et revenir son peuple vers lui. Une privation qu’il fait réfléchir, en vue d’un retour.
    Mais Dieu lui-même ne semble pas croire à l’efficacité de la menace. Et si ça marche pas ? Alors la rupture sera totalement consommée, ce que Dieu ne veut pas finalement. Alors Dieu, par la bouche d’Osée, va annoncer une autre stratégie, la stratégie qu’ils ne va cesser de mettre en œuvre, continuellement, jusqu’à nous : une stratégie de reconquête !
    Peu importe ce qui s’est passé, Dieu se donne pour tâche de reconquérir son peuple. Pour cela il veut le ramener « au désert» (Os 2:16). Cela peut vouloir dire lui faire passer un temps d’épreuve, mais aussi (je pencherais plutôt de ce côté) le faire revenir au premier temps de leur relation, au temps de la révélation sur le Sinaï, au temps des premières amours, à la source de leur relation.
    Ce que Dieu propose, c’est un nouveau départ, depuis le début. Ça avait mal tourné, tant pis, on recommence. Dieu propose un nouveau statut à son peuple. Il propose, toujours avec les métaphores conjugales, « je ne serai plus ton maître (ton Baal) mais ton mari (littéralement ton homme) » (Os 2:18)  non pas un statut légal, mais un statut relationnel, comme entre des personnes amoureuses.
    Dieu est prêt à payer la dot, lors des fiançailles, une deuxième fois, et le prix de la dot est exprimée par quatre mots qui sont toute la substance de la théologie biblique : la justice, le droit, la fidélité et l’amour (Os 2:21).
    Voilà les quatre qualités qui feront la solidité des fiançailles de ce nouveau mariage. Des relations justes ; des règles énoncées, connues, pas de non-dits et de flottement qui conduisent aux reproches ; une fidélité qui permet la permanence, la sécurité, la confiance ; un amour qui donne le ton de la relation, c’est-à-dire un amour inconditionnel, fait d’attention à l’autre, d’attachement. Ce terme sera traduit plus tard par la LXX et dans le Nouveau Testament par le mot « agapè ».
    Seul l’amour inconditionnel peut continuellement être relancé et offert, quelle que soit la réponse en retour de celui à qui cet amour s’adresse. Cet amour débouche sur un changement des noms des enfants d’Osée. « Mal-aimée » est renommée « Bien-aimée ». « Pas-mon-peuple » est renommé « Mon-peuple ».
    L’amour inconditionnel de Dieu est facteur de changement, facteur de transformation, de réhabilitation. L’amour inconditionnel de Dieu est capable d’abolir les négations et de restituer l’intégrité, la valeur, la positivité.
    Le message d’Osée, avec son image de la conjugalité, sera repris par Jérémie (2:33 ; 3:1s ; 30:14 ; 31:22) et par Ezechiel (chap. 16 et 23). Il trouvera son aboutissement et son accomplissement dans l’œuvre du Christ qui nous offre gratuitement l’amour de Dieu, malgré la dureté du cœur humain qui le conduit jusqu’à la croix. Croix  qui devient — paradoxalement et scandaleusement — le sommet de l’amour divin pour l’être humain, le lieu de la plus incroyable déclaration d’amour à l’humanité. Les apôtres reprendront l’image conjugale pour exprimer le lien entre le Christ (l’époux) et l’Eglise (l’épouse) dans une nouvelle relation apaisée et harmonieuse.
    Mais toujours à nouveau, à chaque génération, Dieu se relance à notre reconquête, en nous proposant toujours à nouveau son amour. En sommes-nous vraiment conscient ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Prophètes (I) : Un appel à la justice

    7.8.2016
    Prophètes (I) : Un appel à la justice
    Amos 1 : 1-2     Amos 2 : 6-16    Amos 5 : 4-7 + 10-14

    Télécharger le texte : P-2016-08-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d’août je me propose de vous faire découvrir quelques-uns des petits prophètes de l’Ancien Testament. Je peux présumer, sans prendre trop de risques de me tromper, que les petits prophètes ne sont pas vos pages préférées de la Bible. En effet, ces paroles sont souvent rudes et difficiles à recevoir. Mais en même temps cette rudesse, cette violence verbale, en font aussi tout l’intérêt.
    Dans l’Ancien Testament, on trouve trois grands livres de prophète : Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et douze petits prophètes, des écrits moins longs, mais tout aussi percutants. Le plus ancien : Amos, s’est exprimé vers 780 av. J.-C. et le plus récent, Malachie vers 480 av. J.-C. Ainsi, les 15 prophètes qui ont leur livre dans la Bible (on en mentionne d’autres dans les livres de Samuel et des Rois) ces 15 couvrent la période de prospérité de Juda et d’Israël, leurs invasions successives par l’Assyrie et Babylone, puis la période de l’Exil enfin le retour de l’Exil : trois siècles d’histoire mouvementée, trois siècles pendant lesquelles Dieu s’adresse à son peuple, paroles que les prophètes relaient, souvent au péril de leur vie.
    Amos est le premier de ces prophètes dont les paroles ont été recueillies dans un livre qui porte son nom. C’est un éleveur-propriétaire dans le territoire de la Judée qui est appelé par Dieu à aller porter sa parole dans le territoire d’Israël, les deux Royaumes étant alors séparés.
    C’est une période de prospérité, puisque les deux grands voisins, l’Égypte au sud et la Mésopotamie au nord, ne sont pas en guerre. Il faut voir que le territoire d’Israël et celui de Juda forment un corridor emprunté par ces deux empires chaque fois qu’ils se font la guerre. Ainsi, chaque fois, les armées traversent et piétinent Israël et Juda lorsque ces empires prennent les armes l’un contre l’autre. Ce n’est pas le cas à cette période, c’est la paix, ainsi chacun peut cultiver ses champs, faire du commerce. En temps de paix c’est une route commerciale entre les deux empires et Israël et la Judée en profitent.
    Mais, du temps d’Amos, cette prospérité générale attise la cupidité et l’avidité. Les riches et les puissants deviennent plus riches et se sentent les coudées franches pour élargir leurs champs et exploiter davantage leurs employés, leurs ouvriers, pour biaiser le droit et corrompre les juges et les autorités.
    C’est dans ce contexte (on dirait aujourd’hui d’un capitalisme débridé) que Dieu envoie Amos comme prophète. Il est envoyé avec un message qu’on pourrait résumer en trois expressions « C’est trop, ça suffit, ça doit changer ». Le message de Dieu porté par Amos contient un constat, une menace et un remède.
    1. Le constat, c’est que l’injustice règne en Israël. « Je leur reproche en particulier ceci : ils vendent l’innocent comme esclave pour récupérer leur argent, ils vendent le malheureux pour une paire de sandales.» (Am 2:6) Il s’agit de spoliation et de corruption de la justice, pour s’enrichir et cela se passe jusque dans les lieux de culte ou sont offerts les produits volés aux pauvres (v.8).
    2. Face à ces comportements corrompus, le prophète annonce la venue de la destruction de la région. Ces oracles de destruction étaient courants dans les religions avoisinantes. On en retrouve aussi en Égypte. Mais ses oracles étaient toujours adressés aux peuples ou aux territoires ennemis. Ce qui est donc surprenant chez Amos, puis chez les autres prophètes de la Bible, c’est qu’à coté d’oracles contre les ennemis, se trouvent des oracles contre soi-même ! Contre son propre peuple ! C’est une spécificité biblique, du Dieu de la Bible. Il n’y a pas d’un côté les nôtres qui sont parfaits et les autres qu’on peut ou qu’il faut fustiger. La fracture n’est pas entre nous et les autres. La fracture est entre ce qui est aimable ou non, entre ce qui est détestable ou non. La fracture passe par l’attitude éthique, par la façon d’appliquer le droit et la justice, même à l’intérieur de sa propre communauté !
    Ce qui importe à Dieu, ce n’est pas un territoire, ce n’est pas un groupe de gens ou un peuple particulier, c’est une façon d’être les uns avec les autres. Et la bonne façon d’être repose sur l’application du droit.
    3. C’est particulièrement visible dans la troisième lecture que vous avez entendue et qui dresse le remède à la menace de destruction. La menace est suspendue à un changement de comportement. Cette suspension est liée à une injonction, un impératif qui est répété trois fois : « Cherchez ! » (v4, 6, 14)  « Cherchez moi et vous vivrez ! » (v4).  « Cherchez le Seigneur et vous vivrez ! » (v6). « Cherchez le bien est non le mal afin que vous viviez ! » (v14)
    Il y a deux liens primordiaux qui sont exprimés ici, le lien entre Dieu et notre vie ; et le lien entre Dieu et le bien. Le bien étant obtenu par l’application de la justice au travers du respect du droit.
    Le droit est enraciné en Dieu, qui en est le garant — c’est pourquoi il envoie des prophètes pour dénoncer la corruption des juges et des tribunaux et appeler en retour à la justice et à la protection des faibles. La relation correcte à Dieu se réalise dans des comportements éthiques à l’égard d’autrui. C’est pourquoi Amos fustige aussi bien le faste des cérémonies dans les divers lieux de culte (5:21-24), que la proclamation liturgique : « le Seigneur, Dieu de l’univers, est avec nous » (5:14) qui est prononcée dans les temples.
    Dieu n’a rien à faire de nos formules liturgiques si elles sont contredites par des comportements injustes. C’est ce qu’Amos proclame en rapportant cette parole : « Cherchez à faire ce qui est bien et non ce qui est mal. Ainsi vous vivrez et le Seigneur Dieu, Dieu de l’univers, sera vraiment avec vous, comme vous le dites.» (5:14)
    Cette position d’Amos, qui place la justice, la juste relation à l’autre, avant le culte rendu à Dieu — ou comme forme juste du culte à rendre à Dieu — ressemble fort à l’injonction de Jésus dans le Sermon sur la Montagne : «si ton frère a quelque chose contre toi au moment de déposer ton offrande, va te réconcilier avec lui, puis reviens et présente ton offrande à Dieu.» (Mt 5:23-24)
    Sous des abords souvent rocailleux, les prophètes disent bien des paroles qui viennent de Dieu et qui nous rappellent que c’est bien dans nos relations aux autres que se joue notre relation à Dieu. Les commandements d’aimer Dieu et notre prochain sont indissolublement liés, déjà dans l’Ancien Testament. Le message des prophètes est toujours actuel. Notre monde a encore besoin de l’entendre s’il ne veut pas courir à la destruction, à l’autodestruction. « Cherchez le Seigneur et vous vivrez ! »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Aggée 1. Donner une place à la vie spirituelle et aller mieux

    Aggée 1
    17.11.2013
    Donner une place à la vie spirituelle et aller mieux
    Aggée 1 : 1-10      Jean 4 : 19-23

    Téléchargez ici la prédication : P-2013-11-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    C’est le message du petit prophète Aggée que nous entendons ce matin. Aggée vit au moment où une partie des exilés à Babylone sont revenus d’Exil. Cela fait une vingtaine d’années que le retour a commencé, qu’il y a eu les premiers retours, rendus possible par l’édit de Cyrus.
    Les anciens exilés ont donc eu le temps de se réinstaller, de bâtir leurs maisons et de se relancer dans leurs activités professionnelles. Et pour Aggée il est temps de se préoccuper de la reconstruction du Temple à Jérusalem. Aussi le prophète pousse-t-il un coup de gueule.
    Il reprend une phrase qu’il a dû entendre au café du commerce : « Ce n’est pas encore le moment de rebâtir le Temple. » En effet, la conjoncture économique n’est pas bonne, les récoltes sont maigres, les échanges n’assurent pas la prospérité, les denrées sont chères, bref, c’est encore la crise.
    Et bien Aggée va retourner ce raisonnement et dire : « oui, observez bien ce que vous voyez autour de vous » (Ag 1:5,7). Oui, il y a pénurie (v.6), mais moi je vous dis que cette pénurie est le résultat de votre incroyance, de votre impiété. Reconstruisez le Temple, tournez-vous vers Dieu et Dieu recommencera à vous bénir et vous sortirez de la crise actuelle. C’est osé comme message ! C’est à cela qu’on voit que c’est un prophète.
    Qu’est-ce que cela nous dit pour aujourd’hui ? Ne vivons-nous pas un temps de crise économique ? L’Europe et le monde occidental ne traverse-t-il pas une crise ? Ne vivons-nous pas une situation sociale semblable ?
    Rassurez-vous, je ne vais pas vous dire qu’il faut construire un nouveau temple, un nouveau bâtiment. Mais peut-être devons-nous bâtir une nouvelle Eglise, dans le sens du message de Jésus à la Samaritaine : « Crois-moi (dit Jésus) le moment viendra où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem (…) les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Jn 4:21,23)
    Les exilés de retour à Jérusalem avaient tout misé sur leur confort matériel. Aggée les invitent à consacrer de leurs ressources et de leur énergie à Dieu. Il nous appelle aujourd’hui à rééquilibrer nos vies aussi, entre le matériel et le spirituel.
    Où mettons-nous l’équilibre ? A côté de notre confort, avons-nous une assise spirituelle qui nous fait du bien, avons-nous une relation vivante à Jésus-Christ qui nous donne la paix ?
    Comme pratiquants qui venons à l’Eglise nous sommes sûrement mieux lotis que ceux qui ont déserté les Eglises. Regardons ce qui se passe dehors, dans la société. Les gens se tuent au travail et récoltent un misérable salaire. Les gens consomment, mais ne sont pas rassasiés. Les gens boivent, mais n’oublient pas leurs soucis. Les gens suivent la mode, mais ne sont pas satisfaits. Les gens gagnent de l’argent, mais il leur file entre les doigts.
    C’est exactement le diagnostic que faisait le prophète : « Vous avez beaucoup semé, mais votre récolte est faible. Vous n’avez pas suffisamment à manger pour bien vous nourrir et pas suffisamment à boire pour vous rendre gais. Vous n’avez pas assez de vêtements pour vous tenir chaud et le salaire du travailleur s’épuise aussi vite qu’une bourse percée. » (Ag 1:6)
    Que penser de ce parallélisme temporel ? Au fur et à mesure que les Eglises se vident, les gens sont plus malheureux, plus insatisfaits. Moins les enfants entendent les histoires bibliques et fréquentent le catéchisme, plus il y a d’incivilités et de comas éthyliques dans les hôpitaux !
    Personne ne veut voir le parallélisme et encore moins y voir une corrélation. Mais comment penser que la société peut aller bien si plus personne ne donne de bons exemples à nos enfants ? Il a pourtant été montré récemment que les jeunes croyants sont moins sujets aux dépendances, et même que les croyants vivaient plus longtemps ou seraient moins sujets à l’Alzheimer*.
    Aggée demandait de construire un Temple pour retrouver la prospérité et la bénédiction de Dieu. Même si les choses ne sont pas aussi simple et aussi directes, je ne peux pas douter qu’il faut plus d’évangile dans notre monde.
    Nous pouvons être fiers du message dont nous sommes porteurs. Nous pouvons être fiers des valeurs chrétiennes que nous rappelons chaque dimanche et que nous essayons de vivre la semaine.
    La société actuelle — basée sur un bonheur qui ne vient que de la consommation — ne tient pas debout ! Rationnellement, elle ne peut pas se prolonger sans détruire la planète, mais de plus elle est illusoire dans sa promesse de satisfaire nos besoins profonds. Aucun objet ne peut combler notre besoin d’être aimé. Aucune maison richement décorée (Ag 1:4) ne peut combler notre besoin d’être reconnu par un Dieu aimant.
    Notre monde — comme le soutien Aggée — a besoin de se mettre à bâtir un avenir spirituel et relationnel. Nous détenons les plans de ce nouveau Temple dans notre Bible. Nous avons reçu — avec le Christ — la source de reconnaissance et de satisfaction que tout le monde cherche. Partageons-le.
    Amen

    Note * Le lien entre santé et pratique religieuse tient au fait que les personnes pratiquantes mènent une vie plus régulière et adoptent des comportements qui diminuent les risques de mettre leur santé en danger. 
Voir : < http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18790632 > Religion and reduced cancer risk: what is the explanation? A review. in Eur J Cancer. 2008 Nov;44(17):2573-9 ou <http://ije.oxfordjournals.org/content/41/5/1248.full.pdf+html > The Danish religious societies health study, in International Journal of Epidemiology, 2012; 41:1248–1255.

    Le lien entre prière et Alzheimer est suggéré par la presse, mais les données n’ont pas encore été publiées dans des revues médicales éprouvées. < http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/07/26/18701-priere-arme-contre-alzheimer >

    Pour le lien entre pratique religieuse et dépendance, voir le rapport : Évaluation des croyances et des besoins spirituels et religieux des usagers du Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve, Québec, p. 18-19  à télécharger ici : Rapport spiritualité CRUV 17juillet09.pdf

    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Osée 2. Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple

    Osée 2
    16.9.2012
    Au lieu de punir, Dieu veut reconquérir son peuple
    Osée 2 : 16-22     Matthieu 9 : 35-38

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-09-16.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce jour de Jeûne fédéral, nos autorités cantonales nous invitent à une journée de prière et de jeûne, une tradition vieille de presque 200 ans. La prière, nous savons ce que c'est et à quoi elle "sert" : à nous ouvrir à la dimension divine et à exprimer nos besoins.
    Le jeûne, c'est plus difficile, surtout dans notre tradition réformée. Disons que celui qui s'essaie au jeûne peut s'en servir comme d'un révélateur. Révéler ce que c'est que ressentir la faim et se rapprocher de la moitié de l'humanité qui l'éprouve de manière forcée. Et révéler — de manière plus large — ce qui vient à nous manquer, c'est-à-dire nos dépendances : de quoi n'arrivons-nous pas à nous priver ? Qu'est-ce que nous considérons comme indispensable, incontournable, dont on ne peut pas se passer ?
    Rejoignons maintenant le prophète Osée. Il vit dans une situation de troubles politiques considérables. L'empire d'Assyrie menace à tout moment d'envahir la terre d'Israël et le pouvoir royal est l'objet d'incessantes rivalités. La situation économique est mauvaise. Les prophètes voient dans cette situation une punition divine. L'idolâtrie des rois envers Astarté et Baal, qui entraîne celle du peuple, est dénoncée par les prophètes comme la cause de leurs malheurs.
    Osée emboîte le pas, en dénonçant l'idolâtrie. Il compare Dieu à un mari et Israël à une épouse infidèle. Mais là où tous les autres prophètes appelleraient à punir l'épouse infidèle, Osée dévoile une autre stratégie : Dieu veut reconquérir sa femme, et rallumer sa flamme. Dieu se lance dans une offensive de séduction pour faire renaître l'amour de son peuple pour lui.
    Tout n'est pas effacé. L'accusation d'idolâtrie est maintenue. Dieu ne ferme pas les yeux sur ce qui s'est passé, mais il veut repartir sur des bases nouvelles, créer une nouvelle relation. L'idolâtrie n'a plus cours aujourd'hui. On ne sait plus trop ce que cela représente. Il faut trouver des mots neufs pour exprimer cette réalité.
    L'idolâtrie : c'est remplacer des vraies valeurs par du toc, l'essentiel par de l'apparence, du vrai par du faux. L'idolâtrie, ce sont des rapports faussés où l'accessoire remplace l'essentiel, ou l'immédiateté devient plus importante que le long terme. Là, on voit mieux le rapport à notre société. L'idolâtrie, c'est la distorsion qui fait que je ne vais pas rouler moins en auto, même si je sais que tous les ours polaires vont disparaître bientôt; mais je me sentirai très coupable si j'écrase un hérisson avec ma voiture.
    Le Jeûne fédéral est une occasion de penser à ces distorsions — dont nous sommes rarement coupable individuellement (ce n'est pas moi tout seul qui suis responsable du réchauffement climatique) — mais dont nous sommes tous collectivement responsables. C'est penser à ces distorsions, à ces dépendances qui rendent le monde de moins en moins vivable, de moins en moins respirable ou sûr. 
    Les prophètes d'aujourd'hui renforcent ce sentiment de culpabilité par leurs discours en espérant que nous changerons de comportement. Le prophète Osée essaie une autre voie, en nous disant que Dieu ne veut pas nous punir, mais qu'il veut nous reconquérir. Il veut rallumer en nous le sentiment du beau, le sentiment de la joie d'être ensemble.
    A la culpabilité écologique d'aujourd'hui, Osée opposerait l'appel à notre émerveillement face à la nature. Il ferait appel à notre amour de la nature. Ne trouvez-vous pas la nature si belle que cela vaut la peine de la ménager, de la préserver ?
    Bon, Osée ne parle pas d'écologie, mais de relations, d'abord de la relation à Dieu, parce que quand la relation essentielle va, toutes les autres s'alignent et se mettre à aller bien. Osée affirme que Dieu veut à nouveau se fiancer à son peuple et voilà ce que Dieu dépose dans la corbeille de mariage : trois paquets-cadeau que nous allons déballer ensemble.
    Dans le premier paquet, il y a l'éternité. Dieu veut avec nous une relation durable, solide, qui tienne dans le temps. Une relation sur laquelle on puisse se reposer.
    Dans le deuxième paquet, il y a quatre choses : la justice et le droit; l'amour et la compassion. Le droit, c'est la liste de ce qui est interdit ou prescrit, ce qui permet de savoir à quoi s'en tenir. Le droit assure la sécurité et la confiance. La justice et le système judiciaire assurent que le droit est appliqué. Cela permet la vie ensemble. Là où le droit et la justice n'existent pas, c'est le règne des clans, des mafias et des dictateurs. C'est le règne de la violence et des plus forts. Dieu veut le respect du droit et de la justice pour que les petits et les faibles soient respectés.
    L'amour et la compassion, c'est ce que Jésus est venu nous montrer en acte. C'est le visage du Père qu'il nous a révélé. C'est le ciment des relations interpersonnelles, c'est le remède aux relations faussées et distordues. Jésus est venu soigner et guérir ces relations faussées et distordues.
    Enfin, dans le troisième paquet-cadeau, il y a la vérité, en hébreu le "amen", l'amen qu'on prononce à la fin de nos prières pour dire "c'est vrai, c'est solide, c'est la vérité."
    Voilà les six valeurs que Dieu met dans la corbeille de mariage avec son peuple. Voilà les six valeurs que Dieu vient mettre comme base à sa relation avec lui. Et Osée termine ce message par cette conclusion : "Alors tu me connaîtras comme Seigneur." (Os 2:22)
    Ces six valeurs dessinent le visage de Dieu, tel qu'il veut se révéler, tel qu'il veut se faire connaître. Et il nous invite — en ce jour de Jeûne fédéral — à lever les yeux vers lui pour le voir ainsi, et à nous laisser conquérir par ces valeurs, de manière à ce qu'elles prospèrent dans notre monde.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Amos 5. Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?

    Amos 5

    17.6.2007


    Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?


    Amos 5 : 21-24    1 P 2 : 13-17    Luc 20 : 19-26


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Notre Eglise nous invite aujourd'hui à nous rappeler que vivent chez nous des hommes et des femmes qui ont dû fuir leur pays et sont venus se réfugier en Suisse. Nous savons à quel point ce sujet est délicat politiquement et combien il divise en Suisse. L'attitude des Eglise — qui se sont opposées, lors des dernières votations, à une politique plus restrictive — a également été critiquée. L'opinion publique souhaite que les Eglises soient plus actives socialement, mais pas à l'égard des étrangers !
    Comment notre Eglise perçoit-elle sa mission, son devoir, sur un dossier aussi politique que celui-ci ? Eh bien, elle est au cœur d'une tension entre deux devoirs, deux pôles, qui semblent à première vue inconciliables.
    Le premier pôle est le rôle prophétique de l'Eglise. Le rôle qu'avaient les prophètes de l'Ancien Testament de rappeler au roi et à la population la volonté divine. Comme vous avez pu vous en rendre compte, le prophète Amos n'y allait pas avec le dos de la cuillère.
    "Cessez de brailler vos cantiques à mes oreilles… Laissez plutôt libre cours à la justice…" (Amos 5:23-24).
    Le prophète Esaïe tient aussi les mêmes propos (Es 1:10-17). Voilà des prophètes de Dieu qui demandent d'arrêter le culte et toutes les cérémonies tant que le droit n'est pas appliqué ! L'exigence de justice est l'affaire de tous et passe même avant ce qui est dû à Dieu. Voilà pour le pôle prophétique.
    Le deuxième pôle est le rôle que j'appellerai "stabilisateur" de l'Eglise. Par respect pour l'autorité divine, l'Eglise respecte les autorités politiques. "Soumettez-vous à toute autorité" dit l'apôtre Pierre (1 P 2:13) tout comme l'apôtre Paul (Rm 13:1). Les humains ne savent pas vivre sans une organisation étatique qui se réserve le pouvoir et la violence, c'est-à-dire punir les malfaiteurs; c'est la justice opposée à la vengeance privée.
    L'Eglise a donc un grand respect envers l'Etat qui maintient un ordre qui permet de vivre en paix. Cette soumission n'est cependant pas servile, mais critique, c'est-à-dire que l'Eglise doit veiller à ce que l'Etat reste dans sont rôle de serviteur du bien commun.
    Ainsi, le pôle prophétique stimule l'Eglise à s'opposer à l'Etat lorsque celui-ci s'écarte de son rôle civilisateur et le pôle stabilisateur stimule l'Eglise à exercer sa critique avec des moyens légaux, constructifs et respectueux.
    Les adversaires de Jésus ont essayé de le coincer sur cette question du rapport à l'Etat en posant le problème comme une alternative binaire : ou bien… ou bien. "Faut-il payer l'impôt à César ou pas ?" lui demandent-ils, en s'attendant à une réponse oui ou non. C'était un piège puisque si Jésus répondait oui, il serait considéré comme un traître à sa patrie et s'il répondait non, comme un opposant aux romains.
    Mais Jésus ne s'est pas laissé enfermer dans cette alternative. Comme vous le savez, il leur a demandé de lui montrer une pièce de monnaie. Le simple fait que ses adversaires en possédaient sur eux montrait qu'ils profitaient du système, qu'ils étaient impliqués dans l'économie romaine. Aussi peuvent-ils aussi bien "rendre à César ce qui est à César" dans leur propre poche.
    Nous faisons partie d'un Etat, nous profitons de tout ce qu'un Etat de droit nous apporte, aussi est-ce notre devoir, en tant que citoyens, de nous soumettre à ses lois et de collaborer à son maintien. C'est le rôle stabilisateur. Mais Jésus n'arrête pas sa phrase à César. Il ajoute : "mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu". Si la pièce de monnaie appartient au trésor public, qu'est-ce qui appartient à Dieu ?
    Dans la foi juive et la foi chrétienne, c'est l'univers tout entier qui appartient à Dieu. Et l'univers englobe aussi bien l'empire romain que nos Etats modernes. Dieu règne au-dessus des pouvoirs publics et c'est ce que nous confessons lorsque nous appelons Dieu "Seigneur". L'Etat n'est donc pas l'instance, l'autorité au-dessus de toute autre autorité. En conséquence, l'Etat et ses lois sont elles-mêmes soumises à plus haut. Dans un régime démocratique, l'instance reconnue au-dessus de l'Etat, c'est le peuple souverain. Oui, c'est le peuple qui donne son pouvoir à l'Etat.
    Mais comme croyants, nous plaçons Dieu au-dessus du peuple. C'est ainsi que l'Eglise peut — avec une extrême prudence, puisqu'elle n'est pas Dieu — dénoncer une décision populaire comme injuste, comme ne respectant pas la justice que Dieu voudrait voir régner sur la terre.
    Je dis bien "avec une extrême prudence" parce que l'Eglise est faillible. Si l'Eglise se veut critique vis-à-vis de l'Etat, elle doit aussi l'être envers elle-même et vérifier, toujours à nouveau — à la lumière de l'Ecriture — ses positions. (Je souligne cela en ayant en tête la décision de la semaine écoulé du Vatican de boycotter Amnesty International parce que cette ONG demande la dépénalisation de l'avortement en cas de viol et de violence contre les femmes.)
    En ce qui concerne l'asile en Suisse, nous avons — en tant que croyants — à nous opposer à tous les mensonges qui sont proférés sur les "abus" et sur "l'envahissement". Nous avons à questionner nos autorités sur ces possibilités d'emprisonner "préventivement" des personnes et surtout des enfants pendant des mois.
    Enfin, nous avons — selon les circonstances — à prendre le risque d'être sanctionnés — c'est ce que prévoient nos lois ! — si nous donnons à manger ou si nous hébergeons quelqu'un sans vérifier qu'il a un titre de séjour valide.
    Comme croyants, nous ne sommes pas appelés à ériger des barricades ou prendre d'assaut les bâtiments de l'administration. Mais nous sommes appelés à rester simplement humains, hospitaliers, généreux — même si la loi nous sanctionne —avec des personnes en état de nécessité qui, bien malgré elles, ont dû quitter leur patrie et tentent de trouver un lieu d'accueil où commencer une nouvelle vie.
    Si nous ne croisons pas directement ces personnes dans notre quotidien, nous pouvons les aider au travers des institutions qui prennent soin d'elles et à qui nous verserons notre offrande de ce jour.
    Tous ces gestes sont importants, mais le plus important de ces gestes, c'est de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c'est-à-dire d'ouvrir notre cœur à notre prochain, geste que les prophètes voient comme l'accomplissement suprême de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2007