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g) Petits prophètes - Page 2

  • Amos 5. Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?

    Amos 5

    17.6.2007


    Réfugiés : quel rôle pour l'Eglise ?


    Amos 5 : 21-24    1 P 2 : 13-17    Luc 20 : 19-26


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Notre Eglise nous invite aujourd'hui à nous rappeler que vivent chez nous des hommes et des femmes qui ont dû fuir leur pays et sont venus se réfugier en Suisse. Nous savons à quel point ce sujet est délicat politiquement et combien il divise en Suisse. L'attitude des Eglise — qui se sont opposées, lors des dernières votations, à une politique plus restrictive — a également été critiquée. L'opinion publique souhaite que les Eglises soient plus actives socialement, mais pas à l'égard des étrangers !
    Comment notre Eglise perçoit-elle sa mission, son devoir, sur un dossier aussi politique que celui-ci ? Eh bien, elle est au cœur d'une tension entre deux devoirs, deux pôles, qui semblent à première vue inconciliables.
    Le premier pôle est le rôle prophétique de l'Eglise. Le rôle qu'avaient les prophètes de l'Ancien Testament de rappeler au roi et à la population la volonté divine. Comme vous avez pu vous en rendre compte, le prophète Amos n'y allait pas avec le dos de la cuillère.
    "Cessez de brailler vos cantiques à mes oreilles… Laissez plutôt libre cours à la justice…" (Amos 5:23-24).
    Le prophète Esaïe tient aussi les mêmes propos (Es 1:10-17). Voilà des prophètes de Dieu qui demandent d'arrêter le culte et toutes les cérémonies tant que le droit n'est pas appliqué ! L'exigence de justice est l'affaire de tous et passe même avant ce qui est dû à Dieu. Voilà pour le pôle prophétique.
    Le deuxième pôle est le rôle que j'appellerai "stabilisateur" de l'Eglise. Par respect pour l'autorité divine, l'Eglise respecte les autorités politiques. "Soumettez-vous à toute autorité" dit l'apôtre Pierre (1 P 2:13) tout comme l'apôtre Paul (Rm 13:1). Les humains ne savent pas vivre sans une organisation étatique qui se réserve le pouvoir et la violence, c'est-à-dire punir les malfaiteurs; c'est la justice opposée à la vengeance privée.
    L'Eglise a donc un grand respect envers l'Etat qui maintient un ordre qui permet de vivre en paix. Cette soumission n'est cependant pas servile, mais critique, c'est-à-dire que l'Eglise doit veiller à ce que l'Etat reste dans sont rôle de serviteur du bien commun.
    Ainsi, le pôle prophétique stimule l'Eglise à s'opposer à l'Etat lorsque celui-ci s'écarte de son rôle civilisateur et le pôle stabilisateur stimule l'Eglise à exercer sa critique avec des moyens légaux, constructifs et respectueux.
    Les adversaires de Jésus ont essayé de le coincer sur cette question du rapport à l'Etat en posant le problème comme une alternative binaire : ou bien… ou bien. "Faut-il payer l'impôt à César ou pas ?" lui demandent-ils, en s'attendant à une réponse oui ou non. C'était un piège puisque si Jésus répondait oui, il serait considéré comme un traître à sa patrie et s'il répondait non, comme un opposant aux romains.
    Mais Jésus ne s'est pas laissé enfermer dans cette alternative. Comme vous le savez, il leur a demandé de lui montrer une pièce de monnaie. Le simple fait que ses adversaires en possédaient sur eux montrait qu'ils profitaient du système, qu'ils étaient impliqués dans l'économie romaine. Aussi peuvent-ils aussi bien "rendre à César ce qui est à César" dans leur propre poche.
    Nous faisons partie d'un Etat, nous profitons de tout ce qu'un Etat de droit nous apporte, aussi est-ce notre devoir, en tant que citoyens, de nous soumettre à ses lois et de collaborer à son maintien. C'est le rôle stabilisateur. Mais Jésus n'arrête pas sa phrase à César. Il ajoute : "mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu". Si la pièce de monnaie appartient au trésor public, qu'est-ce qui appartient à Dieu ?
    Dans la foi juive et la foi chrétienne, c'est l'univers tout entier qui appartient à Dieu. Et l'univers englobe aussi bien l'empire romain que nos Etats modernes. Dieu règne au-dessus des pouvoirs publics et c'est ce que nous confessons lorsque nous appelons Dieu "Seigneur". L'Etat n'est donc pas l'instance, l'autorité au-dessus de toute autre autorité. En conséquence, l'Etat et ses lois sont elles-mêmes soumises à plus haut. Dans un régime démocratique, l'instance reconnue au-dessus de l'Etat, c'est le peuple souverain. Oui, c'est le peuple qui donne son pouvoir à l'Etat.
    Mais comme croyants, nous plaçons Dieu au-dessus du peuple. C'est ainsi que l'Eglise peut — avec une extrême prudence, puisqu'elle n'est pas Dieu — dénoncer une décision populaire comme injuste, comme ne respectant pas la justice que Dieu voudrait voir régner sur la terre.
    Je dis bien "avec une extrême prudence" parce que l'Eglise est faillible. Si l'Eglise se veut critique vis-à-vis de l'Etat, elle doit aussi l'être envers elle-même et vérifier, toujours à nouveau — à la lumière de l'Ecriture — ses positions. (Je souligne cela en ayant en tête la décision de la semaine écoulé du Vatican de boycotter Amnesty International parce que cette ONG demande la dépénalisation de l'avortement en cas de viol et de violence contre les femmes.)
    En ce qui concerne l'asile en Suisse, nous avons — en tant que croyants — à nous opposer à tous les mensonges qui sont proférés sur les "abus" et sur "l'envahissement". Nous avons à questionner nos autorités sur ces possibilités d'emprisonner "préventivement" des personnes et surtout des enfants pendant des mois.
    Enfin, nous avons — selon les circonstances — à prendre le risque d'être sanctionnés — c'est ce que prévoient nos lois ! — si nous donnons à manger ou si nous hébergeons quelqu'un sans vérifier qu'il a un titre de séjour valide.
    Comme croyants, nous ne sommes pas appelés à ériger des barricades ou prendre d'assaut les bâtiments de l'administration. Mais nous sommes appelés à rester simplement humains, hospitaliers, généreux — même si la loi nous sanctionne —avec des personnes en état de nécessité qui, bien malgré elles, ont dû quitter leur patrie et tentent de trouver un lieu d'accueil où commencer une nouvelle vie.
    Si nous ne croisons pas directement ces personnes dans notre quotidien, nous pouvons les aider au travers des institutions qui prennent soin d'elles et à qui nous verserons notre offrande de ce jour.
    Tous ces gestes sont importants, mais le plus important de ces gestes, c'est de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c'est-à-dire d'ouvrir notre cœur à notre prochain, geste que les prophètes voient comme l'accomplissement suprême de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2007

  • Zacharie 2. "Jérusalem doit rester ville ouverte !"

    Zacharie 2

    6.6.1999

    "Jérusalem doit rester ville ouverte !"

    Za 2 : 5-9    Rm 8 : 35-39    Mt 6 : 19-21


    Ce matin, j'aimerais commencer par vous raconter un rêve. Voici ce que me disait la personne qui a rêvé :
    « Je me trouvais sur une place de la ville. Là, je vis un géomètre qui transportait un de ces bâtons rouge et blanc et un ruban métrique. Comme il allait à la périphérie de la ville comme moi, je lui demandai ce qu'il projetait de faire, sur quel projet il travaillait. Il me dit qu'il faisait des mesures tout autour de la ville en vue de reconstruire les anciens remparts. A ce moment arriva à vélo un postier qui interpelle le géomètre : "Un télégramme pour vous, Monsieur !" L'ingénieur le déplie et le lit à haute voix :
    « Jérusalem doit rester ville ouverte ! STOP Anciens murs trop étroits pour les habitants futurs STOP Autour de la ville, je serai une muraille de feu. Au milieu d'elle, je serai sa gloire STOP » Signé Dieu. »
    Zacharie racontait ce rêve, cette vision aux habitants de Jérusalem. Ces derniers étaient récemment revenu d'exil, de Babylone. Ils étaient revenus dans une ville quasi fantôme et ils étaient préoccupés par leur sécurité, ce qui explique qu'ils aient été stressés et pressés.
    Je crois qu'aujourd'hui nous ne sommes pas moins inquiets, moins pressés, moins stressés. On sent un sentiment diffus d'insécurité, qui vient autant des préoccupations internationales avec leurs retentissement chez nous (par exemple l'arrivée d'un nombre incertain de réfugiés) que des préoccupations économiques. Certes le chômage régresse, mais il reste des gens sur le carreau, à l'assistance alors que le RMR (revenu minimum de réinsertion) ou les rentes AI sont l'objet d'économies. Il y a aussi les préoccupations de notre Eglise, sur son avenir, sa réorganisation, sa restructuration avec son slogan utopique "faire mieux avec moins".
    Au coeur de cette insécurité, Zacharie le prophète nous fait voir deux visions de l'avenir, celle du géomètre et celle de Dieu. La perspective du géomètre, c'est de reconstruire au plus vitre la muraille de Jérusalem pour la mettre à l'abri de toute nouvelle attaque. Il y avait là, autrefois, des murailles et elles ont bien servi; elles se sont révélées utiles bien des fois (sauf la dernière fois). Alors l'attitude prudente, rationnelle, raisonnable, c'est de reprendre les solutions qui ont marché.
    Dieu connaît nos habitudes et notre besoin de sécurité. C'est pourquoi, il envoie un télégramme à Zacharie pour avertir le peuple. C'est la perspective de Dieu. Ce télégramme dit : "Halte ! Vouloir reconstruire le passé est une fausse solution !" Cela ne veut pas dire que les gens du passé avaient tout faux, simplement qu'entre-temps le monde a changé. Aujourd'hui, il faut apprendre à vivre sans les murs de protection du passé. Cela ne signifie cependant pas que nous soyons abandonnés à nous-mêmes, dans l'insécurité totale. Nous avons à apprendre à nous fier à d'autres protections.
    "Jérusalem doit rester ville ouverte !" nous dit Dieu. Il y a deux raisons à cela.
    La première, c'est simplement qu'à l'intérieur des anciens murs, Jérusalem ne pourrait pas accueillir toutes les familles que Dieu veut y rassembler. Il faut penser à l'avenir, au futur, il faut de la place pour les nouveaux habitants, il faut un pays, une ville, une Eglise ouverte pour tous ceux qui vont venir. Il faut des solutions nouvelles pour les nouvelles générations.
    La deuxième raison, c'est que Dieu lui-même s'offre pour assurer notre sécurité. Il sera lui-même une muraille de feu autour de la ville. Ici Zacharie fait allusion à la tradition de l'Exode. Lorsque les hébreux ont enfin pu quitter l'Egypte, ils sont allés vers le désert, vers la mer Rouge. Mais le Pharaon a lancé son armé à leur poursuite. Les hébreux se sont retrouvés acculés à la mer. Alors Dieu a dressé une muraille de feu entre l'armée et son peuple pour le sauver.
    En plus de cette protection, Dieu assure son peuple — donc aussi son Eglise et tous les croyants — de sa présence glorieuse. La gloire, c'est la présence de Dieu dans son Temple, et dès la Pentecôte, en chacun des croyants.
    La véritable sécurité ne peut pas venir de mesures de protections extérieures, de remparts, de serrures ou de blindages. Pour nous sentir en sécurité, nous avons besoin d'être certains de ne rien pouvoir perdre dans les circonstances aléatoires de la vie. Nous avons donc besoin d'une assurance intérieure que  — quoi qu'il arrive — nous resterons entier. Une assurance intérieure qu'on ne peut rien nous voler, rien nous prendre, rien nous ôter. Cela implique de ne pas donner de valeur à nos biens. Au contraire, comme Jésus le dit dans son Sermon sur la montagne : "Ne vous amassez pas des richesses dans ce monde, où les vers et la rouille détruisent, où les voleurs forcent les serrures et dérobent. Amassez-vous plutôt des richesses dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne peuvent détruire, où les voleurs ne peuvent pas forcer de serrures ni dérober. Car là où sont tes richesses, là aussi est ton coeur" (Mat. 6:19-21).
    La confiance dans les temps de changements — qu'ils soient géopolitiques ou internes à l'Eglise — ne peut pas reposer sur des frontières ou des structures, mais réside dans la force et la certitude intérieure. C'est notre être que nous avons à fortifier, à affermir. Cet affermissement vient de la confiance que nous plaçons en Dieu, confiance dans son amour. Un amour qui n'est pas paroles en l'air, mais se montre dans des actes concrets pour nous : Il a donné son fils unique pour notre vie. C'est pourquoi, comme le dit Paul aux habitants de Rome : "Oui, j'ai la certitude que rien en peut nous séparer de son amour : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni d'autres autorités ou puissances célestes, ni le présent, ni l'avenir, ni les forces d'en haut, ni les forces d'en bas, ni aucune autre chose créée, rien ne pourra jamais nous séparer de l'amour que Dieu nous a manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur" (Rom 8:38-39).
    Fortifiés intérieurement par cette assurance, nous pourrons nous ouvrir sans crainte (sans murs) aux autres et vivre l'expérience "d'amasser des richesses dans le ciel".
    Forts de cet amour reçu, Jérusalem restera ville ouverte et l'Eglise restera une Eglise ouverte.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007


    D'après "Jérusalem doit rester ville ouverte !", in Samuel Amsler, Le dernier et l'avant-dernier, Etudes sur l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 1993, pp. 323-327.