(15.6.2003)
Luc 5
Culte du 200e anniversaire de l'Abbaye des Laboureurs
Jean 15 : 9-12. Luc 5 : 27-38
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Chers invités d'honneur,
chers membres de l'Abbaye des Laboureurs,
chers habitants de Bussigny, des environs et hôtes venus de loin,
Vous êtes venus ici pour vivre un grand jour de fête, fête de l'Abbaye, fête villageoise et fête de la Commune qui s'allie au Canton pour ce bicentenaire. Fête donc à tous les échelons.
Fêter un 200e anniversaire, c'est s'inscrire dans une tradition, la rappeler et en être enrichi. Fêter votre 200e anniversaire et l'inscrire aussi dans la Fête de Vivre ensemble en 2003, c'est marquer que la solidarité interne de votre Société Les Laboureurs veut aussi s'ouvrir au monde d'aujourd'hui tel qu'il se vit à Bussigny.
Votre cortège a longé aussi bien les maisons les plus anciennes du village que celles en construction; notre village est habité aussi bien par des bourgeois de souche que par des nouveaux venus, et souvent de loin. Tous ensemble, nous pouvons vivre cette fête ce week end.
Dans les textes bibliques que vous avez entendu il y a un instant, vous aurez remarqué que Jésus nous invite aussi à la joie et à la fête. Jésus a souhaité que sa rencontre avec les gens de son temps soit une fête, que la rencontre de Dieu avec les humains soit une fête.
Bien sûr, il y a toujours des représentants de la religion, officielle comme les pharisiens ou marginale, voire sectaire comme les disciples de Jean le Baptiste, qui se manifestent comme des rabat-joie !
Alors que Jésus festoyait dans la maison de Lévi, des délégués des pharisiens et des disciples de Jean Baptiste viennent questionner Jésus sur la pratique du jeûne : "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ?" (Mc 2:18) En plein dîner, en plein banquet, voilà les rabat-joie qui s'amènent !
Les disciples de Jean étaient connus pour leurs pratiques ascétiques, ils vivaient retirés dans le désert. On dit que Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Les pharisiens de leur côté avaient poussé l'observance de la Loi jusqu'à l'extrême et chaque minute de leur existence était soumise à cette obéissance. Un instant de relâchement et tout leur salut pouvait être compromis.
On voit donc là des personnes qui ne vivent que des efforts qu'ils font pour — pensent-ils — plaire à Dieu.
On ne peut douter qu'ils en veulent à ceux qui n'ont pas de discipline et se laissent vivre, comme Jésus et ses disciples en ce moment. Comment Jésus peut-il prétendre représenter Dieu dans un tel laisser-aller, dans la détente de la fête ? Ne devrait-il pas lui aussi prêcher le renoncement, l'ascèse, l'isolement de la prière ?
Dans sa réponse, Jésus ne nie pas que ces aspects de la religion peuvent trouver leur place, mais pas à n'importe quel moment de la vie et surtout pas comme un mode permanent d'existence.
Pour Jésus, la présence de Dieu dans la vie de l'être humain est semblable à une fête de mariage, semblable au temps où les mariés sont là et qu'on leur fait la fête. Tant que les mariés sont là, est-il simplement convenable de refuser de faire la fête, d'être joyeux, de chanter et de danser ? Bien sûr, le temps des rangements viendra, mais ce n'est pas le moment d'y penser.
Dieu s'est approché, nous dit Jésus, il est là, et c'est le moment de nous réjouir. Tout ce qui nous est demandé, dans notre vie chrétienne, c'est de goûter cette présence et de nous en réjouir. Cette fête, ces noces, nous y sommes invités, à nous de répondre "présents", d'être prêts à recevoir de Dieu cette invitation, ce signe.
Il ne nous est pas demandé de payer un billet d'entrée, de nous échiner à plaire au maître pour quémander une invitation, par de gros efforts, par des renoncements ou par d'incessantes prières. L'invitation est là, posée devant nous, à portée de main.
Recevoir l'invitation et l'accepter — accepter d'être aimé de Dieu, accepter d'être totalement accepté par lui — cela risque évidemment de bouleverser notre vie. Dieu ne propose pas un petit raccommodage de notre vie, il propose un habit tout neuf pour remplacer l'ancien. "On ne découpe pas un bletz dans un vêtement neuf pour le coudre sur un vieux vêtement" (Luc 5:36).
Jésus ne propose pas aux délégués des pharisiens et aux disciples de Jean : "Joignez-vous un moment à nous pour voir la différence..." Non, Jésus leur dit carrément d'abandonner leur vision caduque d'un Dieu éloigné et tyrannique pour reconnaître le Dieu aimant et accueillant que Jésus appelle son Père.
Jésus leur dit de cesser leurs efforts pour simplement entrer dans la joie de la relation libre à Dieu. Ce que Dieu veut nous offrir, c'est une vraie joie de vivre, une liberté, ce sont des relations vraies, profondes les uns avec les autres, des relations fondées sur un amour réciproque. "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12), voilà tout ce qu'il est utile de faire pour être déjà l'invité de Dieu au festin, à la fête.
Faites la fête, vivez cette fête, avec joie et bonne humeur, elle est l'image que Jésus veut nous donner du Royaume de Dieu.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2024