(10.7.2005)
Ephésiens 6.
Mettre de la spiritualité dans la vie quotidienne
Luc 3 : 1-3 + 10-14. Ephésiens 6 : 13-17
télécharger le texte : P-2005-07-10.pdf
Chers paroissiens, chers habitants de Villars-Ste-Croix et du voisinage, chers membres de l'Honorable Abbaye de Villars-Ste-Croix,
Avant d'être pasteur à Villars-Ste-Croix et Bussigny, j'ai toujours habité à Lausanne, si bien que c'est en venant ici que j'ai découvert ce que c'était qu'une Abbaye. Jusqu'alors, c'était pour moi une communauté de moines ou de moniales. J'ai dû ouvrir le Larousse pour y trouver une définition marquée "En Suisse" : confrérie de tireurs, ou fête de cette confrérie.
Cela reste un mystère pour moi de savoir pourquoi on utilise le même mot pour désigner deux choses aussi différentes. Et puis finalement, je me suis rendu compte que — de temps en temps — la Bible utilisait aussi un vocabulaire militaire pour décrire des réalités plutôt spirituelles, comme la panoplie du soldat revisitée par l'apôtre Paul (Eph 6) pour décrire le chrétien.
Pour continuer le parallèle entre les armes (ou les gens d'armes en deux mots) et le spirituel, j'aimerais revenir sur un fait historique qui a été évoqué par notre syndic lors des 30 ans de la Chapelle, en ce lieu même. Il y a un lieu-dit "l'Hôpital" à Villars-Ste-Croix. Ce nom rappelle un fait historique : dès 1272, il y avait à Villars-Ste-Croix un hospice (auberge ou hôpital) tenu par les Chevaliers de St-Jean de Jérusalem. Qui dit hospice, dit aussi des moines pour s'en occuper, donc un monastère.
Les Chevaliers de St-Jean de Jérusalem ont été une des confréries qui a hérité de biens des Templiers lors de leur dissolution sous Philippe le Bel en 1307. Une autre institution héritière des Templiers a été l'Ordre de la Croix de Malte, croix qui orne l'écusson de votre village. On voit donc qu'une partie de l'histoire de Villars-Ste-Croix est liée — c'est très à la mode — aux Templiers, qui se nommaient eux-même "Pauvres Chevaliers du Christ."
Ce qui est remarquable avec cet Ordre des Templiers — comme avec d'autres confréries de chevaliers — c'est leur idéal, leur volonté de se mettre au service du Christ et des pèlerins. Je ne dis pas que toutes leurs actions étaient à la hauteur de leur idéal, mais ils voulaient — à la place qui était la leur — c'est-à-dire comme chevaliers, gens d'armes, guerriers, soumettre leur vie à un idéal plus haut. Ils ont essayé de réunir, de joindre deux extrêmes, la guerre, l'art de guerroyer et la protection. Ils ont essayé de mettre un idéal là où il n'y en avait pas, mettre de l'ordre, des règles, de la civilisation dans ce qu'il y avait de plus barbare : la guerre.
Comme nous le savons aujourd'hui, par d'autres exemples actuels, être le gendarme du monde n'évite pas les dérapages et le dévoiement. Mais pour l'instant, retenons l'intention. L'intention est de mettre un idéal et un idéal spirituel dans les tâches quotidiennes que nous effectuons professionnellement, même si elles paraissent à des années-lumière de toute spiritualité !
Mettre du sens dans sa routine quotidienne ! Je prendrai un seul exemple, mais qui nous touche quasiment tous. Que se passerait-il si — une fois au volant de notre véhicule — nous pensions : "Les autres conducteurs sont des frères que je peux aimer et mon souci le plus grand c'est que tous arrivent à bon port." La circulation ne s'en trouverait-elle pas transformée ?
Adopter cet état d'esprit, c'est déjà un chemin spirituel, une transformation intérieure qui a son impact vers l'extérieur. Dans tous les domaines de la vie, il est possible de prendre le profane, le quotidien et l'élever à un haut degré de spiritualité !
L'Honorable Abbaye de Villars-Ste-Croix a fait un pas dans ce sens en plaçant un culte dans son programme. Chacun peut faire un pas dans ce sens en élevant quelque chose de sa vie quotidienne — même ce qui paraît extrêmement éloigné de toute spiritualité (souvenez-vous des chevaliers). Chacun peut mettre dans ses gestes routiniers, dans ses relations, un idéal spirituel et rendre ainsi, là où il se trouve, le monde un peu meilleur.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2024