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Protestantisme

  • Les six principes du protestantisme

    Galates 5
    3.11.2013
    Les six principes du protestantisme
    Galates 2 : 15-16     Galates 3 : 26-29      Galates 5 : 1-6

    Téléchargez ici la prédication : P-2013-11-03.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons aujourd’hui le dimanche de la Réformation. Nous nous souvenons qu’en 1536 le canton de Vaud est devenu protestant. Mais qu’est-ce que c’est qu’être protestant ? Quelle est notre particularité, notre spécificité ? Qui pourrait le dire, comme cela, de mémoire ? Et bien, il y a six principes qui définissent le protestantisme. Les réformateurs les ont exprimés en latin, mais je vous les donne d’abord en français :
    1. A Dieu seul la gloire (soli Deo gloria). 2. Par la grâce seule (sola gratia). 3. L’essentiel, c’est la foi (sola fide). 4. La Bible seule (sola scriptura). 5. Se réformer sans cesse (semper reformanda). 6. Le sacerdoce universel (sacerdos universalis). Voilà les six principes auxquels se rattachent ou se réfèrent les Eglises issues de la Réforme, les Eglises qu’on peut dire protestantes. Mais que veulent dire ces principes ? Je vais les reprendre un à un.
    1. A Dieu seul la gloire signifie que seul Dieu est absolu, Dieu seul est sacré. Rien d’autre ni personne ne peut se dire ou se faire proclamer au-dessus de tout et vouloir régner sur tout le monde. D’où la préférence des protestants pour la démocratie, le partage du pouvoir, un pouvoir réparti sur plusieurs personnes élues. D’où le refus des hiérarchies qui seraient « de droit divin » ou « naturelles. » Ce principe nous aide à démasquer ceux qui veulent prendre la place de Dieu, devenir des idoles ou des dictateurs, exiger un culte de la personnalité. Il nous aide à décrypter les idéologies qui restreignent nos choix, nos libertés. Nous devenons méfiants vis-à-vis de phrases telles que : « je ne jure que par cela » ; «  c’est mon idole… » ; « je ne peux plus m’en passer… » Placer Dieu seul au-dessus de tout nous permet de ménager un grand espace de liberté et « ne nous laisser asservir par rien » comme le dit l’apôtre Paul (1 Co 6:12). Cela conduit à l’acceptation des différences, à la tolérance et à la cohabitation de tous avec tous.
    2. La grâce seule renvoie à notre statut de personne. « La grâce seule » est la réponse à la question : Qu’est-ce qui nous donne notre valeur ? Comme protestants, nous affirmons que « la valeur d’une personne ne dépend ni de ses qualités, ni de son mérite, ni de son statut social, mais de l’amour gratuit de Dieu, qui confère à chaque être humain un prix inestimable.* » Cela signifie que chaque être humain possède sa propre valeur et reste un être humain, quoi qu’il arrive. Dieu a placé au fond de nous un noyau irréductible, indestructible, un trésor précieux, l’être qu’il déclare juste, l’être aimé de Dieu. Il faudrait détruire Dieu pour que cette valeur soit détruire en nous. Cela ouvre pour nous-mêmes la possibilité de nous accepter et de nous aimer tels que nous sommes. Cela ouvre de ne pas désespérer des autres, tous également aimés de Dieu. Cela conduit, sur le plan social, à assurer à tous des conditions de vie dignes qui assurent à chacun de se voir reconnu dans la valeur de son être. A chacun Dieu dit : « Tu as de la valeur » et il ajoute « Crois-moi ! » ce qui nous conduit au principe suivant.
    3. L’essentiel, c’est la foi. « Crois-moi ! » c’est l’appel que Dieu nous lance : « Je t’aime, crois-moi ! » Allons-nous le croire, c’est tout ce qui nous est demandé ! La foi est avant tout une expérience relationnelle (ce n’est pas croire en un ensemble de dogmes). C’est se lâcher dans la confiance : oui, je crois que Dieu m’aime. Et souvent, c’est croire malgré tout, en dépit des malheurs. Quand je ne suis plus sûr de moi, quand je ne suis plus sûr de quoi que ce soit, c’est recevoir ce qui me manque d’amour et d’assurance et me dire « pourquoi pas ? » Serait-ce pire de lâcher le malheur que de faire le saut de la foi, de la confiance ? Croire, c’est faire une place en soi pour cette parole d’espérance qui vient d’ailleurs et qui nous dit : puisque tu n’y arrives pas tout seul — et c’est normal, personne ne peut s’en sortir tout seul — pourquoi ne pas accepter, recevoir ce que Dieu donne gratuitement ? Ce principe nous mène à encourager la confiance dans les relations, à combattre la méfiance, l’intolérance et les discours qui divisent. Nous sommes tous dépendants de la grâce et les uns des autres : vivons ensemble en bonne intelligence.
    4. La Bible seule. Quand on dit cela on ne veut pas dire que c’est le seul livre qu’on ait le droit d’ouvrir. On dit que c’est la seule source qui nous est donnée pour connaître Dieu. C’est dans l’Ecriture que Dieu a caché sa Parole et qu’on doit l’y chercher. C’est la source de nos informations sur Dieu. La première chose que la Réforme a faite, c’est de rendre la Bible accessible à chacun, par l’impression de bibles, ce qui a permis d’en avoir une dans chaque foyer ; et par l’ouverture d’écoles pour que tous, garçons et filles, puissent apprendre à lire. C’est un principe qui nous dit : Ne vous contentez pas des ouï-dire, allez vous-mêmes aux sources de l’information et forgez-vous une opinion personnelle. C’est très dangereux ça ! C’est ce que les dictatures ne veulent pas. Et beaucoup de pays ne veulent pas qu’on révèle leurs secrets et mettent en prison ceux qui les révèlent. Laissez-nous espionner en paix, dans le secret. Socialement, ce principe implique de donner à chacun les moyens, pas seulement de s’informer, mais de s’éduquer, de se former, de se développer. C’est dépasser l’assistanat pour trouver des moyens pour que chacun gagne son indépendance.
    5. Se réformer sans cesse, c’est notre attitude protestante vis-à-vis de toutes les institutions, y compris l’Eglise. Toute institution est humaine, donc imparfaite, donc perfectible, donc à réformer sans cesse. Parfois, c’est un peu fatigant, évidemment. Les réformateurs ont développé les concepts d’Eglise visible et invisible. L’Eglise invisible est formée de tous les vrais croyants, mais seul Dieu la voit. L’Eglise visible est l’assemblée des fidèles et l’institution. Il y a toujours un écart entre l’Eglise visible et invisible et donc toujours la possibilité d’essayer de réduire cet écart. Il faut vivre en essayant d’équilibrer la confiance dans les institutions (imparfaites, mais nécessaires) et la critique (bienveillante et constructive) de ces mêmes institutions. Aussi, les protestants sont-ils souvent engagés dans la critique sociale et politique, dans la vie associative ou les ONG. Les protestants, paraît-il, votent nombreux. Avec un tel principe nous essayons constamment d’inventer de nouveaux modèles sociaux ou politiques.
    6. Le sacerdoce universel, c’est l’affirmation, par les réformateurs, que tous les chrétiens sont à la même distance de Dieu. Il n’y a pas de prêtres (ou de pasteurs ou de diacres) qui seraient, de par leur fonction, plus près de Dieu que les fidèles. Nous sommes tous égaux devant Dieu, avec des fonctions différentes, des places différentes, des dons différents, mais chacun a un accès direct à Dieu. Cette position est une affirmation forte en faveur de la démocratie, dans le monde et dans l’Eglise. Cela a conduit à ouvrir le ministère aux femmes. Cela conduit aussi à un devoir d’engagement de tous. Engagements sur des modes différents, mais une égale responsabilité de tous de porter l’Evangile, de porter l’Eglise, de porter le monde. Cela conduit au partage des responsabilités, à déléguer les tâches, à partager le pouvoir et à se méfier de soi-même chaque fois qu’on est en situation de pouvoir. Le sacerdoce universel est la reconnaissance de l’égale valeur de l’action de chacun.
    Voilà les six principes du protestantisme et les valeurs qu’ils dégagent. Ne retrouvons-nous pas une foule de valeurs qui fondent et animent notre société, ici ? Comment rappeler le lien de ces valeurs utilisées par notre société civile avec leur origine et leur lien à la pensée et à la théologie protestante ? Comment inviter les gens à voir cette source, à la reconnaître ?
    Et puis, ne pouvons-nous pas être fiers de cet héritage et le faire savoir ! Nous avons des valeurs que presque tous se sont appropriés, des valeurs qui font grandir la société. Alors — dans un temps où le tissu social se délite — la société a besoin de nous, de nos valeurs et de notre engagement. N’ayons pas peur, soyons fiers d’être protestants. Communiquons nos valeurs.
    Amen
    *citation tirée de <http://www.protestants.org/index.php?id=31055>
    © Jean-Marie Thévoz, 2013