(20.11.2005)
Malachie 3
L'Ancien et le Nouveau Testament s'éclairent mutuellement
Josué 1 : 1-8 Malachie 3 : 19-24 Matthieu 17 : 1-9
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Pendant mes études de théologie à l'Université de Lausanne, un professeur ne cessait de nous répéter : "Mais lisez la Bible !" Il entendait par là que rien en vaut autant que la rencontre avec la source et l'original. Tout autre lecture n'est que commentaire ou note de bas de page, même le plus savant des ouvrages. En cela il continuait le travail des Réformateurs qui ont rétabli la Bible comme source première de la connaissance de Dieu.
C'est dans ce sens que j'aimerais aussi vous inviter à vous plonger dans le texte biblique et surtout à ne pas laisser de côté l'Ancien Testament. Je sais qu'il est difficile de lire l'Ancien Testament, d'abord parce que c'est environ 1'000 pages de texte, ensuite parce que les livres sont très divers, enfin parce qu'il est difficile de saisir la chronologie générale puisque les livres sont classés davantage par genre que par époques. Malgré ces obstacles réels, j'aimerais vous dire qu'ils ne sont pas insurmontables et vous donner quelques éléments qui montrent la cohérence de l'ensemble de l'Ancien Testament et son utilité pour comprendre le Nouveau Testament.
En ce qui concerne l'ordre des livres à l'intérieur de l'Ancien Testament (cf. le tableau page suivante) on peut voir que dans la Bible hébraïque (même plan dans la TOB et la Bible en français courant) les livres sont classé en trois ensembles : la Loi, les Prophètes et les Ecrits. Si vous avez une autre traduction, il y a un autre classement : le Pentateuque (Loi), les livres historiques, les livres prophétiques, les livres poétiques. Le classement de la Bible hébraïque correspond à la volonté littéraire des derniers rédacteurs. Je m'appuierai donc sur ce classement. Chacun de ces ensembles a sa cohérence propre et son fil conducteur.
Ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les deux premiers ensembles, la Torah et les Prophètes. La Torah ou le Pentateuque, est formée des cinq premiers livres de la Bible et regroupe l'enseignement de Moïse, la Loi et les lois, accompagnés des récits qui décrivent l'origine du peuple d'Israël à qui ces lois sont données.
Les prophètes contiennent à nos yeux de protestants deux ensembles, les textes historiques — appelés prophètes antérieurs dans la Bible hébraïque — qui recouvrent la période de la conquête du pays de Canaan à la perte du pays avec l'Exil (-587) en passant par l'histoire des rois d'Israël — et les textes prophétiques, trois grands prophètes et douze petits, à l'image des trois patriarches et des 12 fils de Jacob. Cependant, ces deux parties ne dont qu'un seul ensemble, une longue prédication sur l'importance de pratiquer la loi de Moïse pour être en relation avec Dieu et vivre en paix dans la terre promise.
Même si ces livres sont très différents les uns des autres et ont eu des auteurs variés, ils ont été rassemblés et reliés entre eux par quelques rédacteurs. Lorsque je dis "reliés entre eux" je ne parle pas physiquement en cousant les rouleaux les uns aux autres, mais reliés entre eux par une sorte de fil rouge littéraire.
Un de ces fils rouges est le risque de la perte du pays (qui arrive avec l'Exil) si la loi de Moïse n'est pas pratiquée et respectée. C'est ce fil rouge que l'on trouve déjà présent dans le premier chapitre du livre de Josué où la réussite de la conquête est subordonnée à l'obéissance à la loi de Moïse. C'est ce même fil rouge que l'on trouve dans cette finale du prophète Malachie, dans l'exhortation à observer la loi de Moïse et sa conclusion : "Ainsi, je n'aurai pas à venir détruire votre pays." (Mal 3:24) Ainsi tout l'ensemble prophétique est placé sous l'éclairage de la loi de Moïse. C'est cet éclairage qui nous permet de comprendre la lecture des prophètes.
Dans le vocabulaire courant — notamment celui du Nouveau Testament — le texte de l'Ancien Testament est nommé par ces deux ensemble : la Loi et les Prophètes ou par les personnages qui les représentent : Moïse pour la loi et Elie pour les prophètes, selon cette finale de Malachie qui les rassemble. Ces éléments de l'Ancien Testament nous apportent une clé de compréhension importante pour le récit de la transfiguration de Jésus. Ils expliquent la présence de Moïse et d'Elie aux côtés de Jésus. Le récit nous indique la proximité, la connaissance, connaissance profonde, qu'a Jésus de la loi et de prophètes. Plus encore, il y a ce jeu de lumière, où Jésus est comme éclairé de l'intérieur, où il devient lumineux, source de lumière, d'une lumière qui éclaire Moïse et Elie. Le texte nous dit donc que c'est à la lumière de Jésus que l'on doit relire la loi et les prophètes. Jésus vient apporter un nouvel éclairage sur l'Ancien Testament, il est plus que la loi et les prophètes, il est l'interprète de l'Ecriture.
Jean l'évangéliste fera dire à Jésus : "Je suis la lumière du monde (Jn 8:12) Voilà la révélation que Jésus offre à trois de ses disciples "sur une haute montagne." L'allusion à la révélation divine accordée sur le Sinaï à Moïse (Ex 19), puis à Elie (1 R 19), est manifeste ! Ce récit de la transfiguration est donc truffé de référence à l'Ancien Testament. J'ai déjà cité "la haute montagne" et "Moïse et Elie" qui font référence à la promesse de Malachie. Il y a encore le "nuage brillant" qui se rapporte à la nuée "brillante le jour et obscure la journée" qui accompagne le peuple hébreu au désert ( Nb 9:15); la voix qui vient du ciel est celle du Sinaï, et finalement le "Ecoutez-le !" renvoie à la confession de foi juive de Dt 6: 4-5 qui dit : "Ecoute Israël, ton Dieu est unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force."
Connaître les textes de l'Ancien Testament permet d'enrichir et d'approfondir la compréhension du Nouveau. Sans les références à l'Ancien Testament, il est impossible de comprendre le sens de cette transfiguration de Jésus qui nous indique "en retour" que Jésus apporte la lumière sur la loi et les prophètes. Car le mouvement de compréhension va dans les deux sens ! A son tour le Nouveau Testament, la personne du Christ, mettent en lumière les écrits de l'Ancien Testament. Toute la pédagogie de Dieu à l'égard de son peuple d'Israël était une préparation pour accueillir la révélation de l'amour de Dieu pour toute l'humanité.
Dans la transfiguration Jésus, Jésus devient lumière : lumière sur l'Ancien Testament, sur ses contemporains, à commencer par les disciples, mais lumière aussi sur nous, sur notre vie. C'est à la lumière du Christ que notre vie reçoit son sens et que nous pouvons comprendre le pourquoi de notre existence et de nos expériences. Ainsi, lire la Bible, Ancien et Nouveau Testament, peut nous ouvrir à une nouvelle compréhension de nous-mêmes et à un rapprochement de Dieu.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2023