(27.12.1998)
Luc 2
Jésus est envoyé pour étendre la libération de Dieu à tous les peuples de la terre
Exode 6 : 2-8 Luc 13 : 10-17 Luc 2 : 27-35
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Deux jours après Noël, nos yeux sont encore plein des étoiles et des paillettes de cette fête, plein d'images de la crèche, de toutes les crèches que nous avons vues chez nous, chez des proches ou dans les vitrines des magasins. Dès la semaine prochaine les santons vont regagner leurs cartons, avec les boules et les étoiles.
La crèche, l'âne et le boeuf, voilà des éléments qui ont leur place à Noël, dans le Noël traditionnel, dans le récit de Noël rédigé par l'évangéliste Luc (et encore, sans la mention du boeuf!).
Pourtant, Jésus lui-même a parlé de la crèche, de l'âne et même du boeuf. Vous l'avez peut-être entendu dans le récit de la guérison de la femme courbée :
"— Hypocrites que vous êtes ! Le jour du sabbat, chacun de vous détache de la crèche son boeuf ou son âne pour le mener boire, n'est-ce pas ? Et cette femme, descendante d'Abraham, que Satan a tenue liée pendant dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de ses liens le jour du sabbat ?" (Luc 13:15-16)
Jésus, la crèche, l'âne et le boeuf, des liens qui peuvent nous faire rapprocher ce récit de guérison du récit de Noël de Luc 2. Si Luc a placé la naissance de Jésus dans une étable, c'est sûrement pour nous révéler quelque chose de significatif sur la mission et l'identité de Jésus. Dans tout ce chapitre 2 de son évangile, Luc construit l'identité de Jésus et nous révèle sa mission.
Immédiatement après la naissance dans l'étable, vient la présentation au Temple et la rencontre avec Siméon. Cette rencontre est très révélatrice et va resserrer les liens entre les récits de la petite enfance de Jésus et le récit de la guérison de la femme courbée. Que dit Siméon ?
"— Maintenant, Seigneur, ta promesse s'est réalisée : tu peux laisser ton serviteur mourir en paix. Car j'ai vu de mes propres yeux ton salut." (Luc 2:29-30).
Les traductions ont toujours quelque chose de piégeant. Littéralement Siméon dit : "Maintenant tu délies, tu délivres ton serviteur". C'est exactement le même mot que Jésus utilise pour dire à la femme "tu as été déliée, délivrée (Luc 13:12). Cette guérison est en même temps un accomplissement de la mission de Jésus et une révélation de la vraie identité de Jésus, c'est-à-dire son identité avec Dieu, son identité de Fils de Dieu, dans le sens où celui qui accomplit les actes de Dieu est vraiment le Fils de Dieu.
Oui, la mission de Jésus est la libération, c'est l'accomplissement du travail de Moïse, un accomplissement au niveau universel. Moïse a été choisi par Dieu pour délivrer un peuple de l'emprise d'un autre peuple, pour délivrer Israël de l'esclavage en Égypte.
Moïse avait une grande mission, mais un mission locale, une mission exemplaire et unique — puisqu'elle allait devenir le modèle, le signe concret — de la puissance de Dieu, de l'amour de Dieu pour son peuple.
A travers Moïse, Dieu veut arracher son peuple à un esclavage concret pour en faire un exemple dans le monde. Pour la première fois dans l'histoire du monde : l'histoire va être écrite par et pour les plus faibles, les héros ne seront pas les puissants, les rois, mais les esclaves, les humbles, les sans-voix et les sans-armes.
Le paradoxe de l'humble qui naît dans une étable et qui malgré tout est celui que Dieu fait roi est déjà là dans l'histoire de l'Exode. Moïse - Jésus, les parallèles sont nombreux et volontaires, parce que leurs missions sont identiques, même si les moyens sont différents. Dieu poursuit toujours le même objectif, mais par des moyens différents.
Le libération et le salut sont toujours les objectifs de Dieu. Si Moïse a été envoyé pour libérer Israël et seulement Israël, Jésus a été envoyé pour étendre cette libération à tous, à tous les peuples de la terre, comme Siméon le rappelle :
"— Maintenant, Seigneur, ta promesse s'est réalisée : tu peux laisser ton serviteur mourir en paix. Car j'ai vu de mes propres yeux ton salut, que tu as préparé devant tous les peuples : c'est la lumière qui te fera connaître aux nations du monde et donnera de la gloire à Israël, ton peuple." (Luc 2:29-32).
Cette libération est offerte à tous les peuples, mais s'adresse à chacun, un à un, comme à cette femme courbée, et aux autres personnes que Jésus va croiser tout au long de son chemin.
Mais cette libération n'est pas du goût de tous, car elle ne va pas sans perte de privilèges. Moïse a dû affronter l'obstacle du Pharaon. Jésus a dû affronter l'obstacle des Pharisiens. Nous affrontons les obstacles de ceux qui profitent de notre asservissement.
En offrant la libération, en révélant la vraie nature de sa mission, Jésus révèle par contrecoup la vraie nature du monde : un monde d'esclavage, de corruption, d'oppression, de mensonge. Et ce monde ne se laisse pas mettre au grand jour sans se rebiffer, sans résister, sans tuer. Toute cette histoire finira par la mise à mort de Jésus, ce qui, par l'ironie de l'histoire et la volonté de Dieu, ne fera que confirmer la vérité de cette révélation.
Oui, la prophétie de Siméon est vraie :
"— Dieu a choisi cet enfant pour causer la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de Dieu auquel les hommes s'opposeront, et il fera ainsi apparaître en pleine lumière les pensées cachées dans le coeur de beaucoup." (Luc 2:34-35)
Cette contradiction est encore au coeur de ce monde, au coeur de l'existence. Aussi, à chaque moment — et ce temps de fin d'année, de bilan et de nouvelles résolutions peut en être un particulier — est-il nécessaire de refaire le point, de se replacer devant Dieu pour réorienter notre vie et se demander : pour l'année qui vient, voulons-nous être de ceux qui s'opposent à Dieu ou voulons-nous être ses bras, ses yeux, sa bouche ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2023