2 Corinthiens 5
24.9.2006
L'ancien état de choses a disparu, le nouvel état de chose est là.
Mt 13:44 / 2 Co 5 : 17-19
Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
Je vais demander aux adultes de faire un effort pendant mon message, c'est de se replonger dans leur enfance ou leur adolescence pour écouter ce que je vais dire. Comme cela vous serez au même niveau que les catéchumènes, même si c'est avec un peu plus de conscience.
Je vais commencer par vous jouer un petit dialogue entre une mère et son fils.
— Allo, Maman ? Je cherche mes souliers de marche et je ne les trouve pas !
— Allo chéri, je vais t'aider, va dans la pièce qui est à côté de l'escalier, ils doivent être dans l'armoire.
— J'y suis, mais il n'y a pas d'armoire, juste un bahut.
— Comment ça ? Tu ne peux pas être près du bahut, il est dans une autre pièce, va vers l'armoire, elle est blanche.
— Bon alors, je change de pièce. J'ai trouvé une armoire, mais elle est brune.
— Tu fais quoi ? T'as pas mis tes lunettes ou t'es bête ? Cherche l'armoire blanche !
— Je cherche, mais je ne vois pas d'armoire blanche.
— T'es complètement idiot, tu ne peux pas la manquer, elle est si grande. A part : J'ai fait quoi pour avoir un gosse aussi nul ?
— Mais j'essaie de la trouver. J'ai passé dans toutes les pièces, mais je ne la trouve pas.
— Mais t'es où enfin ? T'es sûr que tu ne t'es pas trompé de maison ?
— Mais non, je suis chez nous, à la cave.
— Mais l'armoire blanche n'est pas à la cave ! Quelle cloche tu fais. Elle est au rez, à côté de l'escalier de la cave.
Pourquoi, je vous raconte cette histoire ? Parce que je crois qu'on vit à la cave avec le plan du rez-de-chaussée, et que cela crée beaucoup de mal-entendus dans la vie ! On reçoit des informations de toute part et elles ne concordent pas avec ce qu'on vit, avec notre expérience.
Il s'en suit qu'on en tire des conclusions et ces conclusions sont fausses, mais c'est quand même là-dessus qu'on bâtit notre vie quand on est enfant.
Le garçon, dans notre histoire, peut tirer deux sortes de conclusions. D'un côté : "je suis débile" puisque les adultes savent ce qu'ils font et ce qu'ils disent. De l'autre : "ma mère est complètement folle", mon expérience était juste, l'armoire n'était pas là, donc je dois me méfier de tout ce que j'entends.
Que l'on choisisse l'une ou l'autre variante pour construire sa vie — "je suis nul" ou "les autres ne sont pas fiables" — on part sur une base faussée.
Si l'on est honnête avec soi-même, on doit tous constater qu'on vit dans cette cave. Quelques-uns d'entre vous ont peut-être réalisé depuis un certain temps qu'ils vivaient dans une cave et en sont sortis : vous êtes bienheureux ! Mais on ne peut sortir de la cave que parce qu'on se rend compte que ce qu'on habite est la cave et pas le rez. Sortir de la cave n'est cependant pas facilité dans notre société.
En effet, beaucoup d'acteurs de notre société ont des avantages à nous maintenir à la cave. En effet, c'est désagréable de vivre à la cave, c'est-à-dire dans la solitude par manque d'amour, ou dans la peur par méfiance envers les autres (ces autres pourraient découvrir que nous sommes nuls malgré les efforts que nous faisons pour le camoufler) ou vivre dans la tristesse de n'être pas appréciés tels quels.
Face à cette détresse, tous les vendeurs s'empressent de nous vanter le nouvel écran super-géant qui nous fera passer de super-soirées et comblera notre solitude ou pour nous vendre les cigarettes ou l'alcool qui nous ferons oublier que nous sommes malheureux.
Lorsque l'apôtre Paul parle de tout cela, il l'appelle "l'ancien état de choses" (c'est la cave) et il propose "un nouvel état de choses" (c'est le rez, l'étage à la lumière du jour). Il dit : "Dès que quelqu'un est uni au Christ, il est un être nouveau : l'ancien état de choses a disparu, le nouvel état de chose est là." (2 Co 5:17). Cela ressemble à un tour de passe-passe, mais c'est différent.
A la cave — pour reprendre notre dialogue — le fils se voit à travers les yeux de sa mère qui le dénigre, le dévalorise, détruit son estime de soi. Le fils intègre ces jugements de valeur et se croit effectivement nul, inadéquat, incapable.
Mais tout cela repose sur un mal-entendu ! C'est parce qu'il est à la cave et que sa mère parle du rez qu'il ne trouve pas. Il ne peut pas trouver ses chaussures. Il n'y a aucune faute de la part de l'enfant, il n'y a aucune incompétence de sa part, aucune inadéquation de sa part. Mais personne ne le lui dit, personne n'exprime — alors — de la compassion pour sa situation d'échec. Personne n'est là pour lui expliquer la vérité de la situation : il n'y a pas de coupable, il n'y a pas de juge, il n'y a donc pas de condamnation. Il n'y a qu'un mal-entendu sur l'étage.
La vie du Christ, et sa mort, — ce que vous allez découvrir en vivant le catéchisme — met le doigt sur ce mal-entendu. Le Christ nous dit : Je ne suis pas venu pour juger, mais pour vous montrer que Dieu fait tout pour dire son amour et réconcilier l'être humain avec Lui.
Le Christ est venu pour montrer quel regard Dieu a sur tous les êtres humains : un regard d'amour qui connaît le mal-entendu de départ et voit chacun tel qu'il est : en quête, en recherche de bonheur, mais aussi en situation d'échec.
"L'ancien état de choses a disparu." Dieu nous fait sortir de la cave et émerger à la lumière, à l'étage qui correspond aux indications du plan. Le nouvel état de choses est là, c'est une nouvelle création. Nous pouvons nous regarder avec les yeux de Dieu et nous voir comme des personnes qui faisons toutes de notre mieux, des personnes dignes d'être aimées et capables d'aimer en retour.
Dieu nous accepte tels que nous sommes, "il nous a réconcilié avec Lui par le Christ (…) sans tenir compte de nos fautes" (2 Co 5:18-19), de nos erreurs, de nos échecs. C'est lui-même qui nous sort de la cave pour nous amener à l'étage de la vie, de la vraie vie.
Comme celui qui découvre un trésor dans un champ (Mt 13:44), nous pouvons troquer sans hésiter toutes les choses anciennes contre ce nouveau trésor, cette nouvelle vie.
Reste une question. Dois-je faire quelque chose pour emprunter cet escalier et monter à la lumière ? Oui, tout simplement accepter d'avoir été accepté par Dieu. Accepter que la base de ma nouvelle vie soit : "Je suis pleinement aimé de Dieu." Il n'y a rien d'autre à faire.
Sur cette base, je peux me sentir adéquat, pleinement reconnu et je n'ai plus besoin de me méfier des autres. Je suis accepté tel que je suis par Dieu, je peux donc m'accepter moi aussi tel que je suis et vivre une nouvelle vie.
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz