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antioche

  • Actes 11. Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?

    Actes 11
    1.7.2012
    Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?
    Esaïe 4 : 2-6      Actes 11 : 19-26

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-07-01.pdf           

    Photo :Le clocher de l'église catholique d'Antakya


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, antioche,paul et barnabas,esaïe,antakya,actes,prédication,evangile,spiritualité,protestant,vie spirituelle,bible,nouveau testament,ancien testament,éducation,foi,amour,dieu,jésus,jésus-christ,réformé,eglise
    J'ai eu le privilège, il y a trois semaines, de faire un voyage en Turquie, dans le cadre de la formation continue des ministres. Nous avons fait une étape à Antakya, la ville d'Antioche dont parle le livre des Actes.  Le but de ce voyage était de rencontrer les minorités chrétiennes de cette région, leur apporter nos salutations et recueillir leurs enseignements par rapport à leur situation. L'entier du voyage donnera lieu à une conférence que nous organiserons cet automne dans la paroisse.
    Ce matin, c'est dans une réflexion sur le contraste des situations que j'aimerais vous conduire. Entre la situation dépeinte par Esaïe, celle d'Antioche avec Paul et Barnabas, celle d'Antakya aujourd'hui et enfin la nôtre.
    Le prophète Esaïe décrit la situation des rescapés de l'Exil. Ils sont une petite minorité, ils ont été persécutés, passés au crible et sont finalement de retour sur la terre de Jérusalem. Mais il n'y a rien de triomphant. Ils ne sont qu'un reste fragile. Mais le prophète préfère parler d'un germe plutôt que d'un reste. Il parle d'une jeune pousse qui est appelée à grandir. Ce qui se profile, ce que Dieu veut recréer, ce que Dieu veut rendre aux rescapés, c'est leur éclat, leur gloire, leur fierté, leur prestige (Es 4:2).
    Ce qui n'a aucune valeur aux yeux du monde n'est pas sans valeur aux yeux de Dieu, au contraire. Dieu assure à ce petit reste qu'ils font bien partie de l'assemblée que Dieu convoque, son Eglise. Il leur promet abri et protection, sous la même forme que pendant l'Exode : la nuée le jour et le feu la nuit pour éclairer leur chemin.
    Ce texte d'Esaïe rappelle donc qu'aucune situation n'est jamais acquise : le peuple d'Israël a été envoyé en Exil, mais il nous rappelle aussi que Dieu veille sur son peuple et qu'il rétablit ceux qui lui restent fidèles. Même s'il ne subsiste qu'un reste, Dieu en prend soin et crée les conditions d'un nouveau développement.
    Le récit des Actes nous montre ce même mouvement, mais avec le déploiement et la croissance qui suivent. Un schéma récurrent du Livre des Actes, c'est que les persécutions contre les disciples de Jésus sont toujours l'occasion d'un nouveau déploiement de la Parole, une nouvelle occasion d'annoncer l'Evangile toujours plus loin.
    La persécution autour d'Etienne conduit les chrétiens à s'enfuir de Jérusalem en Judée et en Samarie d'abord, et plus loin jusqu'à Antioche et Chypre ensuite. Une nouvelle communauté s'y développe avec l'aide de Paul et Barnabas.
    Et c'était très émouvant de se retrouver là-bas, à Antakya-Antioche, dans une rue — évidemment goudronnée et pleine de voitures — mais une rue qui suit l'axe de la route romaine de l'époque (qui doit se retrouver quelques mètres plus bas sous le goudron — une route qui passe devant la synagogue actuelle qui doit s'ériger sur les fondations de la synagogue de l'époque.
    C'est là que le message de Jésus a été annoncé. C'est dans cette ville que l'Evangile a été ouvert aux grecs, aux romains, aux non-juifs. C'est là — comme le dit le Livre des Actes — que des disciples de Jésus ont été appelés "chrétiens", "ceux du Christ, du Messie", pour la première fois.
    Une nouvelle identité accompagnée d'une extension de la prédication de l'Evangile a eu lieu là !
    Et puis, aujourd'hui, il y a à Antakya des Eglises ultra-minoritaires, mais qui ont une petite place bien à elles. Des Eglises qui ont conscience et qui disent que l'œcuménisme est une obligation pour leur survie, tout comme le dialogue interreligieux.
    Evidemment, cela nous fait réfléchir sur notre situation, sur la situation de notre Eglise — EERV cantonale et paroisse locale. Que vivons-nous aujourd'hui ici ? Notre situation est en même temps enviable et préoccupante.
    Elle est enviable parce que nous vivons dans une société tolérante et de culture chrétienne. Elle est enviable parce que nous recevons un large soutien de l'Etat, des Communes et des institutions. Imaginez seulement : si votre offrande devait couvrir les salaires de vos pasteurs, l'entretien du Temple, le défraiement des organistes, etc…
    Mais notre situation est préoccupante parce que le confort nous a endormis. Vous moins que d'autres puisque vous êtes-là et que vous avez le souci de l'Eglise. Mais tous ces "croyants pas pratiquants" qui tiennent tellement à ce que l'Eglise soit au milieu du village, mais juste pour la regarder, pas pour y entrer.
    Depuis deux décennies, le nombre de fidèles engagés diminue, le nombre de bénévoles diminue, le nombre de catéchumènes diminue, même le nombre d'enterrements diminue. Et puis, en terme de pensée, qui peut encore définir l'identité protestante, ou même l'identité chrétienne ?
    Il y a eu une défection au niveau de la transmission ! Et là, nous avons beaucoup à apprendre de ces Eglises ultra-minoritaires, sur leurs exigences vis-à-vis de ceux qui demandent un acte à leur Eglise. Un des prêtres nous disait qu'il demandait trois à six mois de fréquentation de la messe avant de pratiquer un baptême, pour l'enseignement et pour éprouver la solidité de la demande.
    Nous avons à réaliser que l'Eglise protestante est devenue minoritaire dans notre Canton. Il n'y a plus de situation acquise une fois pour toute. Nous avons besoin de mobilisation, nous avons besoin de tester notre fidélité. Nous avons à relire l'Evangile et voir combien il se démarque des discours du monde d'aujourd'hui. Pas pour nous replier sur nous-mêmes, mais parce que l'Evangile a des valeurs à offrir, des valeurs que recherchent nombre des dégoûtés du monde actuel, nombre des indignés face aux rapaces, aux prédateurs de notre économie, face aux dévastateurs de notre planète.
    Nous avons à plonger en nous-mêmes pour nous demander — non pas où sont les fautes ou les responsabilités passées — mais pour nous demander ce que nous apporte l'Evangile. Ce que m'apporte l'Evangile n'est-il pas bon aussi pour mon voisin ? La source qu'est l'Evangile pour moi ne peut-elle pas aussi être source pour d'autres ? Pourquoi est-il si difficile de le communiquer, d'en témoigner ?
    Prenons exemple sur ces Eglises ultra-minoritaires pour nous réveiller, pour être le germe dont parle Esaïe, celui qui va croître et porter du fruit, avec le soutien de Dieu. Soyons fiers — comme ceux d'Antioche — de porter le nom de chrétiens !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012