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canaan

  • Ps 114. Un Dieu qui nous invite au changement

    7.7.2019

    Psaume 114

    Un Dieu qui nous invite au changement

    Psaume 114 : 1-8.   Esaïe 54 : 9-10

    télécharger le texte : P-2019-07-07.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Ce matin, j'ai envie de partager avec vous un psaume. Les psaumes sont des hymnes, des prières, parfois des protestations, d'hommes et de femmes divers qui partageaient tous la même foi dans le Dieu d'Israël. Aujourd'hui, ces psaumes — ces 150 psaumes qui se trouvent au coeur de nos Bibles — nous invitent à retrouver la foi de ces ancêtres pour les prier à notre tour.

    Le psaume que j'aimerais partager ce matin avec vous et le Ps 114, un psaume court, de louange, qui rappelle par de brèves allusions quelques pages centrales de l'histoire du peuple d'Israël :

     

    Quand le peuple d'Israël sorti d'Egypte,

    quand les descendants de Jacob quittèrent ce peuple au parler étrange,

    Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine.

    En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourna en arrière.

    Les montagnes firent des bonds de bélier et les collines des sauts de cabri.

    Mer, qu'as-tu ainsi à t'enfuir, et toi Jourdain, à retourner en arrière,

    vous, montagnes, à faire des bonds de bélier, et vous, collines, des sauts de cabri ?

    Terre, sois bouleversée devant le Seigneur, devant le Dieu de Jacob,

    lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante.

    Ce psaume est un témoignage, il s'adresse à la terre entière, à tous ses habitants. Il veut nous dire à quel point le Dieu de Jacob est un Dieu bouleversant ! Un Dieu qui appelle tous les êtres humains à la vie, à la vraie vie.

    Mais d'abord, pour y lire ce message, il est nécessaire de décrypter et d'étoffer le texte que nous lisons. Le psaume commence en parlant de la sortie d'Egypte, là tout le monde sait de quoi il s'agit, c'est la thématique centrale de l'Exode et de la foi d'Israël. Dieu a libéré son peuple en le sortant d'un lieu de misère et d'esclavage.

    Mais le psaume ajoute que cette sortie a été le commencement d'une transformation intérieure : A partir de là "Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine." (Ps 114:2) Au lieu d'habiter un lieu, une ville ou un temple, Dieu habite un peuple, le peuple devient son sanctuaire ! Dieu ne veut plus être connu comme un Dieu extérieur, lointain, distant, mais comme un Dieu proche, intérieur.

    La force de Dieu habite le peuple lui-même et cette force lui permet de franchir tous les obstacles, en effet, la suite dit : "En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourne en arrière." (Ps 114:3) La mer qui s'enfuit rappelle la traversée de la Mer des Roseaux avec Moïse qui marque l'entrée dans le désert et le Jourdain qui retourne en arrière rappelle l'épisode que vous avez entendu (Jos. 3—4) de l'entrée dans la Terre promise avec Josué.

    Deux passages au travers des eaux encadrent le long séjour dans le désert, qui a été un temps d'épreuves mais pendant lequel les bénédictions n'ont pas été absentes ! Le désert de l'Exode nous rappelle la dureté de la vie, les difficultés de la vie de tous les jours, les temps arides que nous traversons, mais ce temps n'est pas un temps d'abandon — aussi tourmenté soit-il . C'est au désert que le peuple a reçu la manne et les cailles, c'est au désert que le peuple a reçu la Loi de Dieu, c'est au désert que le peuple a reçu a été abreuvé d'une eau qui sortait du rocher.

    Là où toute vie semblait impossible, Dieu l'a rendue possible, et lorsque le séjour semblait interminable et que les eaux du Jourdain en crue semblaient rendre impossible le passage vers la Terre promise, Dieu est intervenu et a réalisé sa promesse.

    La mer et le Jourdain renvoient à l'histoire d'Israël. Les montagnes qui bondissent et les collines qui font des sauts de cabri, à quoi renvoient-elles ?

    Il n'est pas question — à ma connaissance — dans l'histoire d'Israël, de cataclysmes terrestres. Par contre c'est une thématique très présente dans le livre d'Esaïe, entre les chapitres 40 et 55. Souvenez-vous ces paroles qu'on lit à Noël : "Une voix crie : Que toute colline soit abaissée, qu'on change les reliefs en plaine" (Es 40:4) ou encore "Quand les collines chancelleraient, quand les montagnes s'ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas" (Es 54:9-10). Ce thème des montagnes et des collines qui bougent est un thème messianique, qui annonce la nouvelle alliance de Dieu avec tous les humains.

    Ainsi le Ps 114 allie les hauts-faits de Dieu dans l'histoire d'Israël avec les hauts-faits à venir pour appeler chacun à reconnaître la grandeur éternelle du Dieu de Jacob, du Dieu d'Israël. Un Dieu qui a agi dans le passé de manière salutaire et qui promet encore d'agir pour ouvrir un avenir vivant et véritable.

    Oui, la terre entière, c'est-à-dire tous ses habitants et nous encore aujourd'hui nous pouvons nous laisser bouleverser, changer, transformer par ce Dieu qui a agit dans l'histoire et promet de le faire encore dans l'histoire de nos vies, de notre vie personnelle et dans la vie de notre communauté. Car le Dieu de Jacob est un Dieu de changement "lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante" (Ps 114:8).

    Ce qui est mort, inerte comme la pierre, Dieu lui donne vie et fluidité comme l'eau, ce qui est dur, figé, bloqué dans nos vies, Dieu promet de le rendre souple, mobile, vivant. Et l'histoire de ces changements dans nos vies ressemble à l'histoire du peuple d'Israël.

    Il y a une première étape, souvent la plus difficile à franchir, qui oppose beaucoup de résistance, c'est la décision que quelque chose doit changer dans sa vie et qu'on va se mettre en route pour changer. La première étape, le pas décisif ressemble au départ de l'Egypte. C'est un premier prodige que cette détermination de se mettre à changer, c'est analogue à franchir la Mer des Roseaux.

    Suit une période faite d'épreuves, de difficultés, entrecoupée de bénédictions inattendues, de nourritures nouvelles et d'eau sortie d'on ne sait où. C'est une période de transformation, de gestation, un temps où l'on adopte de nouvelles lois de comportement, et où l'on vit aussi des instants de rébellion, de doutes, de découragement : pourquoi avoir quitté la sécurité de l'acquis pour une Terre promise qui semble encore tellement loin ?

    Et voilà qu'à force de persévérance — et pour s'être laissé porté par Dieu lui-même par moment — vient le passage du Jourdain. Le désert est derrière soi, une nouvelle vie est commencée avec la possibilité de s'installer dans de nouveaux modes de relations. Il n'est alors plus question de retour en arrière, on sent la promesse réalisée.

    Le Dieu "qui change le granit en source jaillissante" nous invite à prendre ce chemin, ou à y persévérer, ou à y encourager, guider, ceux qui s'y trouvent. C'est à cela que nous invite ce Ps 114, si court, si simple, mais si riche !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Juges 4. Femmes de la Bible (I) : Déborah

    Juges 4   
    28.6.2015
    Femmes de la Bible (I) : Déborah


    Juges 4 : 1-16 +23-24    Luc 8 : 1-3

    Télécharger le texte : P-2015-06-28.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voilà, aujourd’hui, avec Déborah dans le livre des Juges. J’ai choisi, pour cette été, de vous faire découvrir quelques femmes de la Bible, et parmi les femmes de la Bible celles qui ne sont pas très connues.
    On a tout dit sur le caractère patriarcal, voire macho, de la Bible. Et pourtant, la Bible met en scène un grand nombre de femmes, ce qui nous offre un tableau très complet de la condition féminine au temps de la Bible.
    Déborah est définie comme une femme prophète et comme une juge, dans le livre des Juges (Jg 4:4). Elle se tient sous un palmier (qui a pris son nom), comme saint Louis sous son chêne. Le livre des Juges présente diverses histoires — souvent rocambolesques — qui sont situées dans le temps entre la conquête du pays Canaan par Josué et l’établissement de la monarchie avec Saül puis David. C’est une période troublée, où les tribus d’Israël subissent souvent l’oppression ou le pillage. Le fil littéraire qui rapproche ses histoires très variées est le suivant : dans une période de détresse extrême, le peuple crie à Dieu pour être délivré de ses oppresseurs. Dieu appelle alors quelqu’un — qui est appelé un « juge » — pour délivrer son peuple. Cette personne est un médiateur qui va réaliser la délivrance qui vient de Dieu.
    Dans notre histoire, aujourd’hui, c’est Déborah qui est appelée par Dieu pour apporter cette délivrance. Déborah a déjà un rôle de leader dans sa communauté puisqu’elle porte le titre de prophète, comme plus tard Samuel ou Nathan. En tant que telle, elle reçoit les messages de Dieu et les transmet. C’est ainsi qu’elle va transmettre à Barak l’appel de Dieu pour qu’il lève une armée et délivre les tribus du nord du roi Yabin en battant le général Sisra.
    Ce qui est étonnant dans ce récit, c’est que Barak cherche à se défiler. Dans l’ordre des choses d’une société de l’époque, c’est Barak qui aurait dû recevoir le titre de juge, comme Ehoud avant lui et Gédéon après lui. Ici Barak ne veut pas partir, il demande, il exige la présence de Déborah à ses côtés. C’est donc Déborah la personnalité moteur du récit. C’est elle qui mobilise, qui encourage, qui construit la stratégie de mobilisation et de combat. Je n’ai pas trouvé de figures de femme à la tête d’une armée dans la littérature antique, à part les mythiques Amazones ou la reine Zénobie. La Bible, elle, n’a pas de réticence à faire passer une femme avant les hommes, elle n’a pas cherché à l’effacer non plus.
    Déborah nous est présentée comme la personne providentielle, celle que Dieu a choisie, a appelée et a envoyée pour délivrer Israël. C’est une femme lucide, qui a une vision politique, voir militaire, qui est dans le concret et à l’écoute de son peuple.
    Dans le chant de victoire du chapitre 5 — un des textes les plus anciens de l’Ancien Testament — elle se présente comme « une mère pour Israël » (Jg 5:7). Dans son rôle de leader, elle ne perd rien de son identité. Elle met tout son être, toutes ses capacités, toutes ses compétences personnelles au service de Dieu. En ce sens, c’est une vraie cheffe, mais pas une guerrière.
    Du point de vue de la guerre, le livre des Juges est particulier. Il y a des batailles, des soldats qui combattent, mais ce n’est pas ce qui est décisif ! Dans ce livre, c’est Dieu qui remporte la victoire, pas les soldats. Les batailles sont remportées plutôt par les circonstances favorables ou exceptionnelles, ce qui fait qu’elles sont attribués à Dieu. Dans notre récit, ce qui est suggéré, c’est que les chars du général Sisra se sont embourbés dans la plaine inondée par le torrent du Quichon. Et cela ne ne peut revenir qu’à Dieu, pas à la bravoure des soldats.
    Un autre point dans ces guerres du livre des Juges, c’est qu’elles interviennent toujours quand la situation de détresse est devenue intenable. C’est une délivrance qui est en route, pas une guerre de conquête ou une recherche de pouvoir. Ensuite le chef revient dans les rangs du peuple. Il n’y a pas de victoire personnelle, seulement un acte salvateur de Dieu qui rétablit la paix et des conditions de vie acceptable.
    Dans ce sens sens là, le livre des Juges, même s’il est un livre qui raconte des histoires plutôt sanglantes, est un livre d’espoir et de confiance en Dieu. Chaque fois qu’il y a une crise, que le peuple est en détresse et qu’il crie à Dieu, Dieu adresse une vocation à quelqu’un et ce quelqu’un se lève pour agir. C’est un encouragement à espérer dans les situations difficiles. Quelque chose de neuf peut toujours à nouveau surgir, du cœur même de la crise. Des hommes et des femmes sont appelés par Dieu, au cœur même des difficultés, pour apporter des solutions, pour apporter la délivrance de Dieu.
    Il y a un mixte toujours présent d’initiative divine et d’initiative humaine. Si personne ne se mobilise, il ne peut pas y avoir d’intervention divine. Si Déborah ne s’était pas levée, n’avait pas poussé Barak à agir, à lever son armée, les chars de Sisra ne seraient pas descendus s’embourber dans la plaine du Quichon. Dieu n’intervient pas sans nous, il a besoin d’intermédiaires, de « Juges ». Il a besoin de nos mains, de nos voix, de nos pieds pour que son action puisse avoir lieu et soit visible dans le monde. Il a besoin de chacun d’entre nous, hommes et femmes Dieu ne fait pas de différence. Il n’a pas besoin de notre force, de notre puissance, il a besoin de notre présence.
    Deborah a répondu à l’appel de Dieu et cela a changé le sort du peuple d’Israël. La Bible a gardé mémoire de son histoire (Jg 5) mais aussi de ces paroles dans le Chant de victoire du chapitre 5.
    Dieu garde en mémoire chacun de nos gestes, de nos actes, chaque action qui apporte réconfort, soutien ou délivrance. Rien ne lui échappe, plus encore Dieu démultiplie le pouvoir de nos gestes à un point que nous ne connaissons pas. Cela doit nous encourager à ne pas baisser les bras. Encourageons-nous à être plutôt comme Déborah que comme Barak qui n’osait pas répondre à sa vocation. Lorsque nous répondons présent Dieu est là, il se rend lui-même présent et tout change.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2015