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inversion

  • A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Matthieu 27

    18.3.2018

    A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Exode 12 : 5-7 + 12-13      Matthieu 27 : 11.27

    télécharger le texte : P-2018-03-18.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous avançons dans le temps de la Passion, nous approchons de Pâques, dimanche prochain, ce sera déjà les Rameaux.

    La lecture choisie se trouve dans le récit de la Passion dans l'évangile de Matthieu. Depuis leur arrivée à Jérusalem, les disciples ont déjà vécu l'épisode de l'onction à Béthanie, le dernier repas avec Jésus où il a mystérieusement transformé le sens du repas de la Pâque. Puis il y a eu la soirée à Gethsémané, l’arrestation et le reniement de Pierre. Maintenant, nous en sommes au procès de Jésus intenté par les autorités religieuses de Jérusalem. Ces autorités en appellent maintenant à Pilate, le procurateur romain, l'autorité politique et religieuse la plus haute de la région.

    Jésus comparaît donc devant Pilate, qui représente toute la puissance de l'empire romain. Jésus ne paraît pas impressionné, plutôt indifférent. Jésus ne répond même pas aux accusations, il ne trouve même pas nécessaire de se défendre, de se justifier. Jésus est là, tranquille, il a l'air sûr de son destin, de son innocence, comme de sa condamnation. Il ne cherche ni à y échapper, ni à confondre ses accusateurs. Il semble savoir que malgré leurs accusations, leurs cris, les manipulations de la foule — en fait — ni Pilate, ni les grands-prêtres ne peuvent modifier son destin.

    Les évangélistes —Matthieu ici — ne font pas des rapports journalistiques des événements, ils ont écrit ces textes pour que nous comprenions la signification des événements.

    Ici, la première chose à comprendre, c'est que tout est entre les mains de Dieu, plutôt qu'en celles des hommes, qu'ils soient bons ou méchants. Tout est entre les mains de Dieu et le résultat sera différent de ce que les humains ont en vue ! Il y a à la fin de ce récit du procès, une phrase terrible : pour décider Pilate à condamner Jésus, le peuple déclare : "Que les conséquences de sa mort retombent sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) Le peuple est prêt — dit-il — à assumer les conséquences de sa volonté, que le sang de Jésus retombe sur lui !

    Le sang dans la pensée juive est le siège de la vie. Très pratiquement, lorsque quelqu'un saigne beaucoup, il meurt. Au tout début de la Bible, le sang d'Abel réclame vengeance contre Caïn. Lorsque le sang coule, il doit y avoir vengeance, réparation, quelqu'un doit payer. Le peuple dit être prêt à en payer le prix. Voilà le sens premier de cette phrase, lue du point de vue de la culpabilité.

    Mais Matthieu nous fait également un clin d'œil ironique et paradoxal ! Pour le croyant ou le lecteur averti, le sang de Jésus a coulé pour le salut de tous les humains. C'est ce que Jésus nous a fait connaître dans la sainte Cène : en donnant la coupe de vin, Jésus dit : "Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est versé pour le pardon des péchés." (Mt 26:28)

    Le sang versé sur la croix, c'est le sang de l'agneau pascal, de la Pâque qui rappelle la libération d'Egypte après la dixième plaie contre le pharaon. A la Pâque, du temps de l'Exode, du sang de l'agneau a été appliqué sur les linteaux de la porte de la maison pour en interdire l'entrée à l'ange exterminateur. C'est une mesure qui sauve les habitants de la maison.

    Lorsque le peuple dit à Pilate : Que le sang de cet homme retombe sur nous et sur nos enfants", le peuple ne sait pas quelle vérité théologique il prononce. Il ne sait pas dans quelle mesure il participe, dans le savoir à l'établissement du salut.

    En une seule phrase, Matthieu exprime notre double destin à tous : tout ce que nous tentons, par nos propres efforts, ne sauraient nous rapprocher de Dieu suffisamment pour être sauvés; mais Dieu accepte et transforme nos tentatives pour accomplir sa volonté de salut.

    Dieu est le spécialiste des grands retournements, des grands renversements, des grandes conversions. Il nous surprend, il nous prend à rebrousse-poil, non pas pour nous contrarier, mais pour nous remettre dans la bonne direction, même s'il faut faire un demi-tour. C'est ainsi — et c'est le plus grand des retournements — qu'il ôte toutes nos misères, nos insuffisances et nos fautes, pour les placer sur la croix, où un innocent est pendu à notre place.

    Le procès de Jésus devant Pilate est écrit pour nous faire voir l'innocence de Jésus — l'agneau sans défaut. Il y a deux signes indirects : le silence de Jésus et l'absence de contenu aux accusations. Il y a aussi un signe direct : le message de la femme de Pilate à son mari : "N'aie rien à faire avec cet homme innocent".

    Dans les évangiles : Cherchez la femme ! C'est incroyable le nombre de fois où ce sont des femmes qui donnent la réponse vraie, le message de la foi. A Béthanie, c'est la femme au parfum qui porte témoignage du destin de Jésus. Avec Pierre, c'est une servante qui lui révèle sa vraie identité, sa vraie appartenance, malgré les circonstances difficiles et même si Pierre ne veut pas s'y reconnaître pour le moment. Ici, c'est la femme de Pilate. A Pâques, ce seront des femmes qui — les premières — découvriront le tombeau vide et comprendront l’extraordinaire de la situation.

    Ici, la femme de Pilate perçoit l’innocence de Jésus et en averti son mari qui a — en apparence — la vie de Jésus entre ses mains. Il a bien ce pouvoir « en apparence » comme tous les autres acteurs qui pensent maîtriser la situation.

    La phrase à double sens de Matthieu "Que le sang de cet homme retombe sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) souligne que personne ne sait vraiment ce qui se passe et dans quel cercle de violence il est happé, en même temps acteur et victime. Seul Dieu voit le drame qui se déroule. Seul Dieu peut faire en sorte que le sang du malheur et de la vengeance devienne le sang du salut et de la vie. Encore une fois dans l’histoire de son peuple — cela se passe depuis Abel — Dieu va prendre le parti de la victime. Dieu va réhabiliter ce Jésus mort sur la croix en le ressuscitant.

    Cette phrase à double sens nous prépare et nous guide vers le plus grand retournement de toute l'histoire que Dieu opère : faire en sorte que celui qui était mort sur la croix ressorte vivant du tombeau.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Changer notre regard sur le monde

    12.2.2017

     

    Changer notre regard sur le monde

    1 Corinthiens 2 : 1-8          Matthieu 5 : 17-22

     

    Télécharger le texte : P-2017-02-12.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Peut-on encore ouvrir le journal sans se demander si notre monde n’est pas fou ? Peut-on encore regarder les informations sans se demander si le monde tourne bien rond ?

    Le monde politique devient un cirque médiatique. Le monde économique fait de la surenchère, demandant en même temps plus de garde-fous pour les autres et plus de libéralisme pour soi. Sans compter les potentats, les états guerriers, les autoamnisties des parlements ou des gouvernements et les fuites en avant dans le « toujours plus de la même chose » comme solution à nos problèmes.

    La question fondamentale, c’est de se demander si notre monde est encore intelligible, compréhensible ?

    On s’est reposé sur la science pour expliquer le monde. Avec comme idée de base qu’à force de chercher on allait trouver des réponses. Oui, cela a porté des fruits, apporté des réponses, mais aussi toujours plus de nouvelles questions et de nouvelles responsabilités.

    Nous nous sommes reposés sur une explication économique du monde. En cherchant tous améliorer nos conditions de vie, n’irait-on pas vers le développement et l’amélioration de la vie de tous ? Pourtant le fossé se creuse entre le sommet et la base. Aujourd’hui huit personnes possèdent autant que la moitié des habitants de la planète.

    D’autres personnes se reposent sur les théories du complot. Elles postulent que de petits groupes cachés, secrets, dirigent le monde par derrière. Cela peut être la CIA, les Illuminati, ou les GAFA : Google Apple Facebook et Amazon.

    Et nous ? Comment comprenons-nous le monde en tant que chrétiens ? Dans les lignes de la lettre aux Corinthiens que vous avez entendues, Paul propose sa compréhension du monde. Une compréhension différente de celles que je viens d’évoquer. Paul affirme que le monde est compréhensible, même qu’il va nous l’expliquer en nous révélant « le plan secret de Dieu » pour nous et pour le monde.

    « Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le plan secret de Dieu. Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant. » (1 Co 2 : 1-3)

    Cette révélation ne repose pas sur des effets de manches et un discours compliqué, il se résume à prêcher le Christ, le Christ crucifié. En disant cela, Paul rappelle à ses amis de Corinthe comment il est venu vers eux, plein de crainte et de modestie. Si le message de Paul a pu passer auprès d’eux, cela ne venait pas de lui, mais de la puissance divine du message lui-même. C’est l’Esprit de Dieu lui-même qui a convaincu les Corinthiens, pas la rhétorique de Paul.

    Il y a dans le message, dans la prédication du Christ crucifié, une force interne, une dynamique qui vient de Dieu et pas du messager. Paul se fait tout petit pour faire de la place au message, au Christ, à Dieu lui-même. Paul insiste pour montrer qu’il y a deux sagesses à l’œuvre dans le monde, deux sagesses qui s’opposent. D’un côté la sagesse humaine qui est faite d’éclat de langage et de brillance apparente et de l’autre, la sagesse divine qui s’exprime dans le dépouillement, mais qui n’en a que plus de force, de dynamisme.

    La sagesse humaine — que Paul désigne comme folie dans le chapitre précédent (1 Co 1:20) — s’appuie sur l’exercice du pouvoir et de la force. La sagesse divine au contraire se dévoile dans le paradoxe du dénuement, du renoncement à la puissance, ce que Jésus a révélé sur la croix.

    Il y a inversion des signes entre la sagesse et la folie. La folie de la croix, folie aux yeux des humains (signe négatif) devient sagesse de Dieu (signe positif). La sagesse humaine (signe positif aux yeux des humains), devient folie devant Dieu (signe négatif).

    Le plan secret de Dieu — révélé dans la prédication du Christ crucifié — c’est l’inversion des signes, l’inversion des valeurs. Tout ce que le monde valorise — succès, richesse, pouvoir, célébrité — n’a pas de valeur aux yeux de Dieu. Tout ce que le monde dévalorise — insuccès, quête de la justice, gestes de paix, pleurer avec les malheureux et les endeuillés — Dieu le valorise.

    Vous n’êtes pas applaudi sur un plateau de télé, heureux êtes-vous !

    Vous ne vous associez pas aux moqueurs en tout genre, heureux êtes-vous !

    Vous prenez du temps pour tenir la main d’une personne en désarroi, heureux êtes-vous !

    Jésus enseignait déjà cette sagesse inversée dans le Sermon sur la montagne (mt 5—7). On le voit dans les Béatitudes, ou lorsque Jésus reprend les commandements de la Loi et les approfondit, les creuse jusqu’à l’extrême. Il exprime alors ce renversement des valeurs. Si l’injure est désignée comme aussi grave que le meurtre, c’est pour montrer jusqu’où plonge la racine de la violence. Pour montrer jusqu’où il faut descendre en soi pour changer ou être changé pour suivre le Christ.

    Le Sermon sur la montagne présente une sagesse de l’excès, inatteignable ! Il le fait pour montrer que le Christ nous invite à un changement radical, une véritable conversion, et pas à faire plus ou mieux de la même chose. Il ne s’agit pas d’être plus sage avec Jésus. Il s’agit de changer de sagesse, de quitter la sagesse des humains pour adopter la folie de Dieu. Folie de Dieu qui se révèle — en fin de compte — plus sage que la sagesse humaine, par un retournement paradoxal. C’est en renonçant à la puissance divine, c’est en renonçant à descendre de la croix, que le Christ acquiert sa vraie puissance, une puissance qui n’écrase pas, mais qui soutient, qui porte, qui sauve.

    Face au monde actuel qui nous semble être fou, peut-être est-il temps d’abandonner cette sagesse humaine qui nous conduit droit dans le mur et d’adopter la folie de Dieu, la folie de la croix, qui nous dit qu’il est préférable de servir plutôt que d’écraser, qu’il est préférable de renoncer plutôt que de s’emparer, qu’il est préférable d’aimer plutôt que de haïr ou d’être dans la rancune.

    Le monde actuel devient intelligible, compréhensible — même si pas plus rassurant — en le lisant avec l’échelle inversée de la sagesse divine, de la sagesse chrétienne.

    Avec le Christ crucifié, nous pouvons relever les gestes dévalorisés par le monde et voir les vraies valeurs. Avec le Christ crucifié nous pouvons relever les gestes que le monde trouve sans rendement, mais qui donne toute sa valeur à la vie humaine. On trouve ainsi sur Youtube des petites vidéos qui montrent des « actes de gentillesse » ou des gestes pour « retrouver foi en l’humanité » qui relèvent ces gestes-là.

    Avec le Christ crucifié, nous pouvons lire le monde autrement et relever combien il y a des attitudes qui rendent le monde différent et la vie digne d’être vécue. Avec le Christ crucifié nous pouvons pratiquer cela. Faire cela, c’était témoigner de l’Évangile, de la bonne nouvelle de Jésus-Christ.

    Amen

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2017