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  • Matthieu 3. Jean Baptiste et Jésus : le même message ?

    16.1.2011
    Matthieu 3
    Jean Baptiste et Jésus : le même message ?
    Mt 3 : 1-10 Luc 18 : 9-14 Rm 7 : 14-20

    téléchargez la prédication :P-2011-01-16.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce début d'année — après les fêtes de Noël — nous reprenons le début de l'évangile et le début du ministère de Jésus. Plus précisément aujourd'hui, la prédication de Jean Baptiste qui précède le début du ministère de Jésus.
    Jean Baptiste est un personnage historique qui a laissé des traces dans la littérature de son temps (hors du Nouveau Testament), plus même que Jésus ! Il a effectivement rassemblé les foules, baptisé, prêché. Pourtant, c'est le christianisme qui est devenu une religion universelle. Alors, qu'est-ce qui différencie Jean Baptiste et Jésus-Christ ? Qu'est-ce qui fait que le message de Jésus a persisté plutôt que celui de Jean Baptiste ?
    Partons d'abord des ressemblances. En effet, ce qui m'a frappé d'abord en cherchant les différences, c'est que Jean Baptiste et Jésus prêchent la même chose à première vue. Les Evangiles leur mettent les mêmes mots dans la bouche : "Changez de comportement, car le Royaume des cieux s'est approché" cette phrase est prononcée par Jean Baptiste en Mt 3:2 et par Jésus en Mt 4:17, puis, un tout petit peu différemment par les apôtres dans le livres des Actes (Ac 2:38 et 3:19). Jean Baptiste et Jésus prêchent la conversion et la venue du Royaume de Dieu.
    Ensuite je me suis dit qu'il n'y avait que Jean Baptiste pour engueuler les gens, pour les traiter de "races de vipères." Jésus devait être plus gentil, moins sévère sur l'être humain. Eh bien non, Jésus aussi invective avec les mêmes mots ses disciples (Mt 12:34) et les maîtres de la Loi (Mt 23:33).
    Où sont donc les différences ? Je pense que les différences sont d'abord dans l'idée qu'ils ont de l'être humain et dans sa capacité à faire le bien. Toute la prédication de Jean Baptiste est axée sur le changement du comportement. Repentez-vous, convertissez-vous, changez de comportement. "Accomplissez des actes qui montrent que vous avez changé de comportement" (Mt 3:8) demande Jean Baptiste aux pharisiens qui viennent le trouver.
    Jean Baptiste est pessimiste sur la nature de l'être humain, mais optimiste sur sa capacité à changer. Secouez fort les gens et ils finiront bien par changer. Les gens sont simplement engoncés dans leurs mauvaises habitudes. S'ils comprennent, s'ils voient ce qu'ils font de faux ou de mal, ils vont opter pour le changement. Il faut les sortir de leur paresse et c'est possible, pense Jean Baptiste. Donc chacun peut mieux faire, regardons ce qui n'est pas fait et mettons-nous au travail.
    Le problème avec ça, c'est que la tâche est infinie et que ce qui reste à faire pour atteindre la perfection pour plaire à Dieu est au-delà de nos forces. Comment un juif qui travaille dur, qui élève sa famille, qui remplit ses obligations à l'égard des Romains, peut-il satisfaire les 613 commandements de la Torah ?
    Est-ce que vous satisfaites, aujourd'hui, à toutes les recommandations du XXIe siècle pour être un bon consommateur, un bon citoyen, un bon écologiste, un bon conjoint, une bonne mère, un bon conducteur… ?
    Voyons cela ! La semaine passé avez-vous mangé 5 fruits et légumes par jour, avez-vous marché ou fait du sport 20 minutes chaque jour, avez-vous acheté des produits équitables, renoncé aux fruits exotiques, aux légumes cultivés sous serre, avez-vous baissé un peu votre chauffage, avez-vous renoncé à votre voiture pour des petits trajets, avez-vous tenu vos bonnes résolutions de Nouvel-An ?
    Nous ne connaissons plus les 613 commandements de la Torah, mais la société nous ordonne toujours une multitude de tâches pour nous sentir bien, pour être de bons citoyens. Jean Baptiste dirait : faites tout cela et tout ira bien. Mais Jésus prêchait autre chose à ses contemporains et à nous aujourd'hui.
    Bizarrement, Jésus était extrêmement pessimiste sur l'être humain. Pour lui, l'être humain n'est pas capable de faire le bien. L'apôtre Paul l'a bien compris et expliqué dans la lettre aux Romains quand il dit : "Je découvre ce principe : moi qui veut faire le bien, je suis seulement capable de faire le mal" (Rm 7:21). Calvin dira à sa suite que l'homme est incapable de tout bien.
    Ce qui est remarquable dans les Evangiles, c'est que Jésus ne le dit jamais, ne le prêche jamais. Il ne dénigre jamais l'être humain en parole, parce qu'il a en trop haute estime les créatures divines que sont ses frères et ses sœurs. Jésus aime les personnes, il ne dira jamais de mal sur elles, mais il les laisse agir et révéler leur/notre propre nature, ce qui arrivera inévitablement dans son procès et dans sa condamnation à la croix.
    L'homme est révélé incapable de tout bien quand il commet le plus grand mal en croyant faire ce qui est juste à ses yeux, en mettant à mort le Fils de Dieu ! Ainsi, c'est la vie et la mort de Jésus qui révèlent la profonde nature humaine qu'il n'a jamais condamnée en paroles.
    En effet, à côté de ce pessimisme total sur la nature humaine, Jésus a le plus profond amour envers la créature. Le péché entraînait chez Jean Baptiste un dégoût pour la nature humaine. Chez Jésus, le caractère pécheur de l'humain exacerbe sa compassion, son amour, sa tendresse. Jésus ne voit dans l'être humain incapable de tout bien que la blessure, la souffrance, le malheur. Et il est venu comme médecin de ces malades, de ces souffrants, de ces handicapés.
    Au lieu de voir — comme Jean Baptiste — tous les manques qu'il y a en nous pour être à la hauteur de toutes les exigences, Jésus voit tous les progrès que nous pouvons faire… si nous sommes aidés, si nous sommes soutenus, si nous sommes aimés.
    Ce que Jésus nous demande, ce n'est pas de satisfaire aux plus hautes exigences — il sait que nous en sommes incapables, que c'est impossible — ce qu'il nous demande, c'est de voir notre propre faiblesse, de la reconnaître et de l'accepter. Non pas l'accepter pour se fustiger et tout abandonner avec résignation. Mais de l'accepter comme la réalité de départ pour ne pas vivre dans l'illusion d'un pouvoir que nous n'avons pas et donc de sombrer dans le désespoir que provoque l'exigence inatteignable. C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole du pharisien et du collecteur d'impôts.
    Acceptons que nous n'arrivons pas à être juste, bons, droits, comme l'exigence de justice totale le voudrait. Acceptons que Jésus nous accepte tels que nous sommes, et qu'à partir de là, il nous encourage et nous soutient dans chacun de nos progrès. Et qu'il nous relève de chacune de nos rechutes. Et si vous pensez qu'il n'y a pas de rechutes, vous pensez comme le pharisien.
    Avec son pessimisme absolu sur l'être humain, Jésus aggrave la situation, notre situation, mais pour la retourner complètement. Il nous dit par là : Abandonnez ce qui est impossible et faites simplement le possible, Dieu s'occupe du reste. Voilà une libération !
    Nous n'avons plus à regarder tout ce qui manque pour être à la hauteur, nous n'avons qu'à regarder les tout petits progrès que nous faisons. Le Christ est là pour nous aider, nous soutenir, nous aimer sur ce chemin-là.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011