Matthieu 23
2.11.2014
Que doit faire un protestant ?
Phil. 3 : 8-11 Matthieu 23 : 1-13
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Voilà que Jésus tombe à bras raccourcis sur les scribes et les pharisiens. Ce chapitre 23 est une attaque en règle contre ces deux groupes de religieux qui maîtrisent la lecture et l’enseignement de la Torah au Temple et dans les synagogues.
Jésus reconnaît leur expertise de la Bible (puisqu’il dit aux foules et à ses disciples de les écouter et de suivre leurs enseignements sur la loi de Moïse), mais Jésus s’en prend à leurs pratiques, ou à l’inexistence de leur pratique : les scribes et les pharisiens ne font pas ce qu’ils enseignent. On a résumé cela, chez nous, en disant, ce sont des gens qui disent « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
Ainsi Jésus les accuse d’être un contre témoignage, tellement il y a d’écart entre leurs paroles et leurs actes. Et ce contre témoignage empêche les gens d’avoir accès à Dieu. Jésus dit « Vous fermez la porte du Royaume des cieux aux hommes. Vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas y entrer ceux qui le désirent » (Mt 23:13).
En quoi ce récit a-t-il un rapport avec la Réformation que nous rappelons en ce dimanche ? Et bien, le mouvement de la Réforme est né du même constat que fait Jésus dans ce récit. Les responsables religieux monopolisent la Bible et son interprétation, mais ne mettent pas en pratique son message. Bien plus, ils deviennent un obstacle à la recherche de Dieu.
C’est ce que les Réformateurs ont reproché, au XVIe siècle, à l’Eglise romaine, qui vivait bien loin des idéaux de l’évangile. Les Réformateurs ont cherché de nouvelles voies pour retrouver l’évangile, un nouvel accès à Dieu, ils ont cherché à rendre Dieu à nouveau accessible à tout un chacun.
La grande redécouverte — à la lecture des Evangiles — a été de voir que l’accès à Dieu ne vient pas de nos compétences ou de nos capacités à trouver la bonne clé pour entrer dans le Royaume de Dieu, mais de réaliser que la porte du Royaume de Dieu est déjà ouverte, que c’est Dieu lui-même qui l’a ouverte en Jésus-Christ et que nous avons seulement à faire le pas de la franchir. Pas d’indulgences à acheter, pas de pèlerinages à faire, pas d’interminables rosaires à murmurer. Dieu nous accueille à bras ouverts et malheur à ceux qui mettent des obstacles entre Dieu et les humains.
C’est la redécouverte de Paul, l’ancien pharisien, qui a balayé les obstacles sur le chemin du Royaume. Je le cite : « Je n’ai plus la prétention d’être juste grâce à ma pratique de la Loi. C’est par la foi au Christ que je le suis, grâce à la possibilité d’être juste, créée par Dieu et qu’il accorde en réponse à la foi. » (Phil 3:9).
Notre protestantisme a merveilleusement réagit à la condamnation des pharisiens par Jésus. Oui, merveilleusement ! Nous avons compris qu’il fallait renoncer à tout ce qui est ostentatoire, à tout fardeau, à toute contrainte, à toute pratique visible ! Au point que nous sommes devenus invisibles dans la société ! Oups ! La lampe est sous le seau.
C’est vrai, pouvez-vous me citer un acte, une tâche, un geste, que les protestants se doivent d’accomplir pour qu’on puisse les voir, les reconnaître comme protestants ? Que doit faire un protestant ?
Un catholique doit aller à la messe, ou donner le denier du culte, ou se confesser, faire un signe de croix, jeûner en carême. Un musulman doit accomplir les cinq piliers de l’islam. Un juif doit aller une fois dans sa vie à Jérusalem, fêter le sabbat et les cinq fêtes de l’année.
Que doit faire un protestant ?
Nous avons fait nôtre la phrase « pas de contrainte en religion » ! Pas de devoirs, pas de contraintes, pas de discipline. Le bon côté, c’est la liberté de chacun. S’il fait quelque chose, c’est vraiment librement, par et pour lui-même, certainement pas pour les apparences ou pour se faire voir.
Mais les inconvénients :
• c’est la paresse à laquelle cela a conduit. Tout est optionnel et donc sans grande valeur,
• c’est la dissolution dans l’invisibilité,
• c’est la diminution de toute pratique communautaire et finalement l’assèchement de la pratique individuelle.
Parce qu’il y a deux pratiques, typiquement protestantes, qui subsistent comme signes du protestantisme (bien que pas exclusivement, les catholiques se rapprochent de nous sur ces deux points) : la lecture de la Bible et la prière dans sa chambre. Mais même cela n’est-il pas en perte de vitesse, et à vitesse grand V dans les jeunes générations ?
Je ne vais pas vous embarrasser en vous demandant de lever la main, mais vous pouvez répondre dans votre tête : quand avez-vous lu votre Bible pour la dernière fois ? Pendant la semaine écoulée, le mois dernier, les six derniers mois, plus ? Je pense que les résultats seraient heureusement meilleurs pour la prière dans la chambre.
Jésus a plaidé pour qu’il y ait un accord entre nos paroles et nos actions et que nous ne fassions pas de la religion un spectacle pour nous mettre en valeur. OK. Mais il n’a pas plaidé pour la disparition du christianisme de la place publique, ni pour la disparition de la pratique, au contraire. Il a plaidé pour que chacun réalise que Dieu est directement accessible, qu’il se laisse approcher par chacun.
Notre tâche, en tant que chrétiens (et nous en tant que protestants), c’est de connaître ce Dieu qui nous ouvre la porte, le connaître à travers les récits de la Bible, qui nous parlent de lui. Notre tâche, c’est de lui parler, de lui faire connaître notre état d’esprit et nos besoins, par la prière.
Notre tâche, c’est de nous réjouir que Dieu nous accueille tels que nous sommes et donc de venir le louer en communauté. Notre tâche, c’est de le servir, puisque le service est le degré suprême d’accomplissement aux yeux de Dieu.
Ainsi, nous pouvons agir, pratiquer en accord avec nos paroles. Puisque ce n’est pas une façade, réjouissons-nous de le faire voir autour de nous. Que nos actes parlent à nos contemporains et qu’ils voient une Eglise qui fait envie, qu’ils voient une communauté qui se réjouit d’être accueillie et aimée de Dieu.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2014