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vierges folles

  • Matthieu 25. Se forger des outils pour affronter le malheur

    Matthieu 25
    24.11.2013

    Se forger des outils pour affronter le malheur

    Luc 12 : 35-40    Matthieu 25 : 1-13
    Téléchargez ici la prédication : P-2013-11-24.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Cette histoire des dix jeunes filles m’a toujours dérangée. J’ai toujours été gêné par l’égoïsme des cinq jeunes filles désignées comme sages ! Pourquoi ne peuvent-elles pas prêter un peu d’huile pour les lampes qui s’éteignent des cinq autres ? Pourquoi les retardataires ne sont-elles pas admises dans la salle de fête ensuite ? Pourquoi cette sévérité, ces refus ? C’est choquant.
    Tant que je lisais cette histoire comme une parabole de l’entrée dans le Royaume de Dieu (ou le paradis) après la mort, ces attitudes m’étaient incompréhensibles.
    Mais un jour, j’ai compris qu’il n’était pas question ici de la porte d’entrée du paradis, mais de la question de notre préparation à affronter une crise, une épreuve. Et personne ne peut traverser toute une vie sans être confronté à des crises, des remises en question, des pertes, des deuils.
    Cette parabole concerne la préparation et l’impréparation. Cinq personnes sont préparées. L’image utilisée est d’avoir préparé une réserve d’huile pour leurs lampes. Et cinq personnes ne se sont pas préparées. Toutes dorment en attendant l’événement, et il n’y a pas de problème à ce qu’elles dorment. Le problème arrive lorsque le cri d’alarme retentit. Tout se précipite, il faut connaître les gestes, avoir son matériel prêt et y aller.
    Peut-être quelques-uns d’entre vous ont-ils été pompiers de village ou d’entreprise. Ceux-là n’attendent pas en caserne. Ils sont au travail, ou chez eux, en course dans les magasins ou invités à souper chez des amis, au cinéma ou dans leur lit chez eux. Mais ils sont de garde. Et au moment où retentit leur bipper, leur alarme, ils doivent se préparer en vitesse et sauter dans leur voiture.
    Ce n’est plus le temps de composer son sac, de prendre du temps pour choisir quelle chemise mettre ou pour chercher où est son matériel. Il faut rejoindre la caserne et arriver avant le départ du camion. Celui qui n’a pas son matériel, sa veste ou son casque, celui qui arrive après le départ du camion, il reste en rade. Il n’était pas prêt, il n’est pas pris pour l’intervention. Il reste sur le carreau et ce n’est ni de l’égoïsme ni de la méchanceté.
    Il en va de même avec les crises de l’existence. Ce n’est pas au moment où le ciel nous tombe sur la tête qu’on peut se mettre à se préparer, à armer son mental, à se forger des outils pour affronter le malheur. Et cette préparation est tellement personnelle que personne ne peut nous l’infuser instantanément, au moment où nous en avons besoin. Aucun sportif ne peut partager sa musculature avec quelqu’un qui ne s’est pas entrainé. Il en va de même avec la capacité à affronter une épreuve de vie.
    Ce que Jésus dit à ses disciples à travers cette parabole, c’est qu’ils doivent penser, apprendre, se former, s’enraciner dans la foi, pour affronter ce qui va venir. Et Jésus pense peut-être là, pour ses disciples, au choc de sa Passion à venir.
    Matthieu, pour sa communauté qui entend redire cette histoire ou qui lit cet évangile, Matthieu souligne le retard de l’Epoux. En effet, les tout premiers chrétiens pensaient sans doute que le Christ allait revenir rapidement établir son Royaume, c’était une question de semaines ou de mois pensaient-ils.
    Mais avec Matthieu, on en est à la deuxième génération et le retour se fait encore attendre. Dans la parabole suivante (Mt 25:14-30), il est question du maître qui confie des talents et qui reviendra plus tard. On est dans un entre-deux du temps et Matthieu exhorte sa communauté à profiter de ce temps pour se préparer plutôt que d’attendre sans rien faire ou de se décourager.
    Et c’est vrai que plus on pense qu’on a de temps devant soi, plus on retarde le moment de se préparer. « J’ai bien le temps ! » ; « il n’y a pas urgence ! » ou pour les vaudois « il n’y a pas le feu au lac ! »
    La parabole nous rappelle que le « cri » (Mt 25:6) peut retentir n’importe quand et qu’au moment où l’alarme est déclenchée, il est trop tard pour faire des préparatifs, trop tard pour aller s’approvisionner au magasin. Et là il y a peut-être un peu d’ironie, puisque ce dont parle Jésus ne s’acquiert justement pas dans le monde économique, mais seulement dans le monde relationnel.
    A quoi, Matthieu nous invite-t-il à nous préparer ? La parabole elle-même nous invite à être prêt pour le retour du Christ. Mais Matthieu fait suivre cette parabole de deux autres récits, la parabole des talents déjà citée et la parabole du jugement dernier où entrent dans le Royaume ceux qui ont donné à boire, à manger, à se vêtir etc. aux plus petits d’entre les humains (Mt 25:31-40).
    Donc Matthieu nous invite à utiliser le temps disponible pour employer nos dons, pour être actifs et ensuite à traduire cette activité par des gestes altruistes, afin de faire partie de ceux qui seront accueillis par le Christ.
    Il y a  donc toujours la préparation à la rencontre du Christ, mais une préparation qui s’accomplit dans le présent. L’accueil n’est pas seulement pour la fin des temps ou la fin de notre vie, l’accueille du Christ se fait dans les gestes d’accueil à l’égard des petits, maintenant.
    Cette préparation engendre une transformation de soi qui nous préparer à affronter les rigueurs de l’existence.
    Dans mes prédications de l’été 2012 sur la préparation à la vieillesse (12.8.2012 / 19.8.2012 / 26.8.2012), nous avions vu que si nous accumulons des gestes bienveillants dont nous pouvons être heureux, il nous serait plus facile d’accepter la fragilité du grand âge, parce que nous aurions derrière nous un acquis qui nous donne de la valeur.
    Se préparer, c’est emmagasiner ces valeurs positives pour qu’elles soient notre bagage, ce dont nous pouvons être fier et qui sera un viatique dans les difficultés et les épreuves auxquelles la vie nous confronte.
    Comment se préparer ? Il y a un cercle de renforcement entre nos pensées qui forgent nos attitudes qui forment nos comportements qui dirigent nos actions, qui en retour renforcent nos pensées premières. Se préparer, c’est entrer dans ce cercle avec les pensées de Jésus, ses attitudes, ses comportements et ses actions. Avec cela, nous serons armés au moment où retentit l’alarme. Nous serons prêts au moment d’affronter les épreuves de l’existence, ou les fragilités de la vieillesse ou de partir à la rencontre de l’Epoux.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013