Actes 11
16.1.2000
Faire avancer l'oecuménisme
1 Cor 12 : 4-11 Ac 11 : 4-11 Mt 7 : 1-5
Chers frères et soeurs en Christ,
Nos deux communautés veulent marquer leur volonté de rapprochement en s'unissant ce matin dans la célébration commune de Dieu. "Nous avons quand même le même Dieu !" C'est une phrase que j'entends souvent dans mes visites et mes contacts. Oui, nous avons le même Dieu, le même Seigneur Jésus-Christ, nous avons reçu le même Esprit et la même Bible. Nous avons la même volonté de servir Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, avec toute notre énergie, et cette volonté se traduit dans les faits !
Les relations entre catholiques et protestants sont différentes aujourd'hui — à la fin de ce XXe siècle — de ce qu'elles étaient au début de ce siècle. On ne se jette plus des pierres, les enfants ne se battent plus entre eux pour des raisons de confession, on n'entend plus, comme ma grand-mère qui était une enfant protestante à Paris me le racontait, que les protestants ont les pieds fourchus dans leurs chaussures.
Ce XXe siècle a été un siècle de réconciliation et d'avancées de l'oecuménisme. Il y a eu la création du Conseil Oecuménique des Eglises et l'événement du Concile Vatican II. Il y a eu bien des avancées, même s'il y a eu aussi les inévitables stagnations ou certains retours en arrière. La direction générale est indiquée pour le prochain siècle : il faut continuer à progresser, à se rapprocher.
Un pas de plus a encore été fait il y a juste un an. Le 20 janvier 1999 le Conseil synodal de l'EERV et le Conseil de l'Eglise catholique en Pays de Vaud ont signé une Déclaration de Collaboration oecuménique qui encourage toutes les formes de collaboration entre nos deux confessions. Cette volonté de nos autorités rejoint les volontés des paroissiens. Profitons-en !
Certes, il reste des obstacles, concrets ou dans nos têtes. Les deux principaux obstacles que je peux identifier sont dans nos têtes.
Le premier est notre incapacité à voir la poutre qui est dans notre oeil. On voit tellement plus facilement ce qui devrait changer chez l'autre que chez soi, n'est-ce pas ?
Le second est notre difficulté à penser ensemble unité et diversité. Nous pensons l'unité comme une fusion, où l'un doit forcément se fondre dans l'autre. Or, qui voudrait être absorbé et disparaître ?
Lorsque la Bible nous parle de l'Eglise et du peuple de Dieu, elle utilise deux images. Elle parle soit en terme de corps avec des parties différentes, complémentaires et coordonnées dont la tête est le Christ lui-même, soit en terme de mariage, le mariage de Dieu avec le peuple d'Israël ou le mariage de Jésus avec son Eglise. Or, dans le mariage, il n'est pas question de fusion, même s'il est question d'union et d'unité ! Un mariage ne peut subsister que si l'homme reste homme et la femme reste femme. C'est parce que chacun reste lui-même et qu'il est respecté dans sa différence que le mariage a des chances de persister.
Cela posé, cette unité ne vient pas des différences, mais du lien qui unit ces diversités, c'est-à-dire de Dieu et du Saint Esprit.
Sur ce point le récit des Actes est très parlant. La communauté des premiers chrétiens, d'origine juive, a été confrontée à la question de l'accueil des non-juifs, des païens. Le récit nous dit que Pierre a mangé à la table de familles païennes. Il est vertement critiqué par l'Eglise de Jérusalem pour ce comportement qui transgresse la loi et la tradition juive. Pierre a commis un acte jugé impur, parce qu'il s'est mélangé avec des gens différents. L'Eglise de Jérusalem pose ainsi un jugement (conforme à ses traditions).
Pierre doit leur expliquer en détail ce qui s'est passé : par une vision, Dieu a montré à Pierre qu'il ne devait rien considérer comme impur ; "Ne considérez pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur." (Ac 11:9) En envoyant son Saint-Esprit sur des païens — à la grande surprise de Pierre — Dieu déclare que le jugement n'appartient pas aux hommes de fixer ce qui est pur ou impur, qu'il n'appartient pas aux hommes de délimiter des frontières à son Eglise.
A cela Pierre ne peut qu'acquiescer : "Qui étais-je pour m'opposer à Dieu ?" (Ac 11:17) Nous avons à reconnaître, avec Pierre, que le jugement des coeurs, de la foi, de la vraie doctrine n'appartient qu'à Dieu. Notre rôle n'est pas de placer des limites et d'établir des frontières. Nous avons à reconnaître que Dieu fait les choses différemment, qu'il peut nous surprendre ! Si Dieu veut l'unité des chrétiens, qui sommes-nous pour nous y opposer ?
Voici ce qui se passa lorsque Pierre eut fini de parler aux membres de l'Eglise de Jérusalem :
"Après avoir entendu ces mots, ils se calmèrent et louèrent Dieu en disant :
— C'est donc vrai, Dieu a donné aussi à ceux qui ne sont pas juifs la possibilité de changer de comportement et de recevoir la vraie vie."(Ac 11:18)
Les chrétiens de l'Eglise de Jérusalem ont reconnu le bien fondé de l'attitude de Pierre et ils en ont fait l'attitude de toute l'Eglise depuis ce moment-là : non seulement il est permis d'entrer et de partager le repas avec tout être humain sur la terre, mais encore cela doit devenir le signe même de l'appartenance à Jésus-Christ : un accueil sans jugement et un amour sans frontières dressées entre les personnes.
Qu'il en soit ainsi entre nous !
Amen
© 2007, Jean-Marie Thévoz