Psaume 8
9.11.2008
Un visage nous révèle la valeur de l'humanité.
Ps 8 : 2-10 Luc 9 : 46-48
Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
Ces derniers samedis, au catéchisme, nous sommes partis du poster du visage du Christ composé de visages de gens d'aujourd'hui pour découvrir qui est Jésus pour nous aujourd'hui. Mais se demander "qui est Jésus" c'est aussitôt se demander "qui est Dieu" et "qui est l'être humain" ?
Dans le christianisme, nous affirmons que c'est Jésus, le Christ, qui nous donne l'image, la représentation la plus fidèle, la plus véridique de Dieu. Jésus est en quelque sorte notre image de Dieu. C'est pour cela que nous disons qu'il est le "fils de Dieu." Mais lorsque nous le regardons, lorsque nous lisons les textes qui nous racontent sa vie, qui il était, ce qu'il a fait, on nous décrit un être humain, un homme.
Jésus se trouve donc être entre Dieu et nous. En même temps tout à fait comme nous : il est né, il a vécu — il a souffert, disent les confessions de foi — et il est mort. Une vie d'être humain ordinaire. En même temps, il a fait des choses qui ne sont pas en notre pouvoir, il a fait des miracles qui attestent que Dieu agissait à travers lui. Jésus est donc en même temps tout proche de nous et en même temps tout autre, tout proche de Dieu. Jésus fait donc le pont entre Dieu et nous, il nous relie à Dieu.
Pourquoi Jésus fait-il cela ? Pourquoi Dieu ne reste-t-il pas simplement au ciel et ne laisse-t-il pas l'être humain tranquille sur la terre ? Pourquoi Dieu veut-il ce pont entre lui et nous ? Pourquoi Dieu veut-il ce rapprochement ?
Toutes les religions veulent établir un lien entre Dieu et l'être humain, mais ce lien n'est pas le même dans toutes les religions. Le christianisme, là, est très spécial !
Dans toutes les religions, Dieu est sacré, très élevé. Lorsqu'on dit que quelque chose est sacré, cela signifie qu'on est prêt à lui sacrifier quelque chose. Si je dis que mon match du samedi soir est sacré, c'est que je préfère sacrifier un repas familial ou une soirée entre amis plutôt que de manquer le match. Des résistants peuvent sacrifier leurs vies pour la liberté de leur pays, etc.
Le risque avec les religions qui disent que leur dieu est sacré, c'est ce qu'il faut ensuite lui sacrifier. On sacrifiait des enfants à Moloch, des hommes aux dieux des Incas. A trop valoriser Dieu on risque de dévaloriser l'être humain, jusqu'au sacrifice.
Les sacrifices humains ont toujours été condamnés dans la Bible, déjà dans l'Ancien Testament. Mais la Bible va plus loin. Elle valorise l'être humain au côté de Dieu. Vous avez entendu le Psaume 8. Il commence et se termine sur une exaltation, une valorisation de Dieu : "O Seigneur, notre maître, que ta gloire est grande sur toute la terre !" (Ps 8:2) Plus loin, le psalmiste pose la question de la valeur de l'être humain : "Quand je vois le ciel, ton ouvrage, la lune et les étoiles, que tu y as placées, je me demande : l'être humain a-t-il tant d'importance pour que tu penses à lui ?" (v.4-5). La réponse est étonnante : "Tu l'as fait presque l'égal des anges, tu le couronnes de gloire et d'honneur. Tu le fais régner sur tout ce que tu as créé : tu as tout mis à ses pieds." (v. 6-7).
Clairement, il n'y a pas de difficultés à valoriser en même temps Dieu et l'être humain : l'être humain est comme un roi, il règne sur tout ce qui existe sur la terre.
Il reste un verset étrange dans ce Psaume, c'est le v. 3 : "C'est la voix des petits enfants, des tout petits enfants que tu opposes à tes adversaires. Elle est comme un rempart que tu dresses pour réduire au silence tes ennemis les plus acharnés." Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela fait penser à Noël, Jésus dans la crèche, voilà le signe que Dieu oppose aux puissants. Mais quelle opposition véritable est-ce ?
Que se passe-t-il quand on voit un bébé, un nourrisson ? On se met à sourire, à lui faire des gouzi-gouzi ! Non ? On est comme désarmé ! On voit naître en soi un élan protecteur, le meilleur, le plus constructeur des sentiments naît en nous. Un visage nous révèle la valeur de l'humanité. Le christianisme, c'est ça : regarder un visage et y reconnaître l'humanité, ce qui est profondément humain en chacun, ce qui est profondément aimable en chacun.
Le Psaume 8, comme la vie de Jésus, montre bien qu'il n'y a pas à opposer Dieu et l'être humain, la grandeur de Dieu et la grandeur de l'être humain, la gloire de Dieu (Ps 8:2.10) et la gloire de l'être humain (Ps 8:6). Il n'y a pas à les opposer. Il n'y a pas à choisir entre un monde centré sur Dieu ou un monde centré sur l'être humain. Ce que Jésus nous révèle, c'est que l'être humain et Dieu vont ensemble.
Il n'y a pas à choisir entre l'être humain ou Dieu, mais entre accueillir ou rejeter l'être humain et Dieu. C'est ce que Jésus veut nous dire lorsqu'il dit à ses disciples : "Celui qui reçoit, qui accueille cet enfant, me reçoit moi-même, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Dieu)" (Luc 9:48).
Il n'y a pas de différence entre accueillir quelqu'un et accueillir Dieu lui-même. Quand on accueille l'un, on accueille l'autre, quand on rejette l'un, on rejette l'autre. On accueille ou on rejette des deux à la fois. Chaque être humain est porteur de l'image de Dieu, comme le nourrisson est porteur de l'image de l'humanité.
Il n'y a pas de compétition entre l'amour que je peux donner à Dieu et celui que je peux donner à mon prochain, il y a alliance des deux. C'est en aimant mon prochain que j'aime Dieu. C'est en regardant mon prochain que je regarde Dieu.
Jésus, portrait de l'être humain souffrant, po rte notre visage en même temps que le visage de Dieu, un Dieu qui nous cherche, un Dieu qui nous grandit, un Dieu qui nous aime.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2008