Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • 1 Corinthiens 11. Série Calvin (4). Petit traité de la sainte cène.

    1 Corinthiens 11

    26.7.2009
    Série Calvin (4). Petit traité de la sainte cène.
    1 Co 11 : 23-26    Jn 6 : 44-51

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre cheminement avec Jean Calvin, nous faisons aujourd'hui une halte pour recevoir de Dieu notre nourriture. Nous allons voir ce que le Réformateur nous dit de la sainte Cène. Calvin a rassemblé sa pensée sur la Cène dans un petit opuscule intitulé "Petit traité de la sainte cène."
    La première moitié du Traité expose sa vision de la Cène et la seconde moitié les erreurs propagées de son temps. La visée de Calvin est de redonner à la Cène le sens que les Evangiles nous rapportent, de lui restituer son sens originel. Nous resterons donc dans la première partie de ce Traité.
    Le souci de Calvin est de redonner à tous les chrétiens un accès à Jésus-Christ, et il voit dans la Cène une porte d'entrée par excellence, puisque la Cène — comme repas — est une image immédiatement compréhensible. C'est ainsi qu'il commence son Traité en développant l'image d'un Dieu qui nous accueille en sa maison — à travers le baptême — il nous accueille non comme des "domestiques," mais "comme ses propres enfants" et donc : "il reste, pour faire l'office d'un bon père, qu'il nous nourrisse et pourvoie de tout ce qui nous est nécessaire pour vivre." (PTSC* p. 39)
    Dans la Cène, Dieu nous donne ce qu'il nous faut pour vivre. En disant cela, on voit que la relation à Dieu n'est pas une idée philosophique, ou la croyance en quelque dogme. Cette relation est quelque chose qui doit nourrir notre vie, nous fortifier, nous aider à traverser les épreuves.
    La Cène nous donne accès à Jésus-Christ, à sa vie, à sa passion, à sa résurrection. Cet accès est le premier fruit de la Cène. Elle nous donne la possibilité de nous nourrir de lui. Calvin dit : "nos âmes n'ont nulle autre pâture que Jésus-Christ" (p.40). Par la Parole et par la Cène, nous avons accès à cette présence nourrissante, restauratrice de Jésus-Christ. Dans la Cène, nous recevons "les promesses" de Dieu, nous reconnaissons "sa grande bonté" (sa Providence) et nous sommes exhortés "à l'union et à la charité fraternelle" (p.41). 
    Voilà évoqués les fruits, les conséquences de la participation à la Cène. Elle nous fait entrer dans le mystère de la Passion du Christ, où il se donne lui-même pour nous faire vivre. Cela nous l'apprenons par l'Evangile, par la Parole. La Parole aurait peut-être suffi pour nous faire comprendre cette association, cette communion que nous avons avec le Christ, mais Calvin souligne notre faiblesse comme êtres humains. Nous avons besoin de "signes visibles" des choses invisibles. La Cène — en tant que sacrement — est justement le "signe visible" (p.47) qui nous est donné pour nous affermir et nous fortifier.
    Le signe visible, avec du pain et du vin matériels, agit de deux façons. Premièrement, nous avons besoin de concret pour communier pleinement avec le Christ. Pour profiter pleinement, dit Calvin, de "toutes les grâces qu'il (Jésus-Christ) nous a acquises par sa mort, il n'est pas seulement question que nous soyons participants de son Esprit, mais il nous faut aussi participer à son humanité." (p.46).
    Pour être en lien avec le Christ, nous devons communier autant à sa nature spirituelle qu'à sa nature humaine. Et la Cène nous aide à cela, en nous donnant à toucher son humanité dans les signes concrets du pain et du vin.
    Mais Calvin ajoute aussitôt le deuxième aspect, qui nous concerne. Le mystère de cette communion "est un mystère spirituel qui ne peut se voir à l'œil" (= par le regard) (p.47). Alors, pour nous y aider, Dieu nous donne un signe visible, un élément concret : du pain et du vin pour représenter ce don de présence et de vie.
    Ce que Calvin essaie de nous dire, c'est que Dieu veut nous toucher tout entier, nous aussi. La présence de Dieu ne concerne pas que notre esprit ou notre mental, il est présence dans notre vie entière, âme, corps, esprit, émotions. L'humanité de Jésus rejoint profondément notre propre humanité, c'est le deuxième fruit de la Cène pour le Réformateur. L'amour de Dieu rejoint nos existences concrètes. Participer à la communion, c'est se laisser rejoindre par l'humanité de Dieu, dans ce qu'il y a de plus humain en nous.
    Le troisième fruit de la participation à la Cène est le cheminement que Dieu ouvre en nous. Reconnaître que Dieu nous nourrit, qu'il prend soin de nous, c'est reconnaître sa bonté, son attention. Calvin nous dit que la Cène provoque en nous un travail intérieur — ce que j'appelle un "cheminement." Dans les mots de Calvin cela donne ceci : "le principal est que Dieu besogne en nous intérieurement par son Saint-Esprit (…) par lequel il veut faire son œuvre en nous." (p.50). Cette œuvre, c'est nous stimuler "à vivre saintement et surtout à garder la charité et l'amour fraternel entre nous." (p.51).
    A partir de là, comment et quand prendre la Cène ? Calvin insiste pour que nous prenions la Cène au sérieux — donc en s'examinant, comme le recommande l'apôtre Paul — mais sans excès, car celui qui se priverait de la cène sous prétexte de son imperfection "c'est comme si un homme s'excusait de ne point prendre de remèdes parce qu'il est malade !" (p.56).
    La Cène est une nourriture pour notre foi et notre vie, donc, pense le Réformateur "l'usage doit en être plus fréquent que beaucoup ne l'ont." (p.56). Oui, Calvin nous invite à avancer vers la Table du Seigneur avec confiance et avec le désir de communier avec Jésus-Christ pour nourrir notre vie de foi.
    Participons donc au repas du Seigneur, pour que le saint Esprit puisse besogner en nous et nous faire cheminer dans la présence du Christ.
    Amen
    * PTSC = Jean Calvin, Petit traité de la sainte cène, Lyon, Ed. Olivétan, 2008.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 11. Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.

    Romains 11

    19.7.2009
    Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.
    Rm 11 : 17-24    Rm 11 : 28-32

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L'apôtre Paul est un homme partagé. Il a reçu l'éducation d'un pharisien, à Jérusalem, auprès du rabbi Gamaliel (Ac 22:3). Comme juif perfectionniste, il a persécuté les premiers chrétiens, puis s'est converti suite à une apparition du Christ sur le chemin de Damas. Il est devenu apôtre et apôtre des païens. Il n'en reste pas moins juif et il s'est beaucoup interrogé sur le sort de ses anciens coreligionnaires. Que vont devenir ceux qui refusent Jésus ?
    Paul consacre trois chapitres (Rm 9—11) de sa lettre aux Romains à ce problème. Paul est partagé, déchiré dans son âme, dans son cœur. Il prêche le salut par Jésus-Christ, offert à toute l'humanité et les païens reçoivent ce message mieux que ceux que Dieu a préparé et mis à part pendant des siècles ! Quelle place pour les juifs dans le plan de Dieu après Jésus-Christ ?
    Paul utilise d'abord la métaphore, l'image de l'olivier. Les juifs sont la racine et les branches cultivées de l'olivier. Certaines branches ont été coupées (ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ) et quelques nouvelles branches — de l'olivier sauvage — ont été greffées sur la racine. Cela donne des indications sur les relations que la greffe doit entretenir avec la racine qui la porte : ni mépris pour la racine, ni orgueil pour soi-même.
    Ensuite, l'apôtre crée une perspective historique. Le refus du Christ par les juifs a ouvert la porte de l'Eglise aux païens. C'est intéressant : Paul se rend compte que si l'ensemble des juifs avaient intégré Jésus dans leur pratique religieuse, cela aurait certes transformé le judaïsme (on aurait eu un judaïsme messianique), mais pas le monde. Les païens doivent donc leur salut au refus des juifs (Rm 11:28), sans que cela signifie que l'alliance de Dieu avec les juifs soit abolie (Rm 11:29). On voit que la position de Paul est bien balancée et conduit à une acceptation mutuelle et à un dialogue possible.
    Malheureusement, dans l'histoire et au cours des siècles, cela ne s'est pas passé ainsi ! Déjà au fil du temps, dans le Nouveau Testament, on sent un durcissement contre le judaïsme, de frères, ils deviennent frères ennemis. Cela se sent déjà dans les Evangiles et les Actes des Apôtres.
    Cela va continuer à empirer dans l'Eglise sous deux formes : la volonté de conversion des juifs au christianisme et l'antijudaïsme qui va jusqu'à la persécution. L'antijudaïsme se développe par une lecture déformée du récit de la Passion qui fait porter la responsabilité de la mort de Jésus quasi exclusivement sur les autorités juives — l'Eglise devenue romaine innocente les Romains du texte — et par extension sur tous les juifs, comme si la mort de Jésus était un accident de l'histoire : il était au mauvais endroit au mauvais moment, s'il avait été chez nous, cela ne serait pas arrivé ! On a quitté la dimension théologique qui dit que tous les humains ont renié le Christ et crié "Crucifie" à Pilate, pour une vision circonstancielle et locale qui dit : "Les coupables ce sont eux."
    Calvin naît le 10 juillet 1509, une époque marquée par la "reconquête catholique." Rappelez-vous : 17 ans avant la naissance du réformateur (1492) l'Espagne catholique avait expulsé tous les juifs, les sépharades, d'Espagne pour que l'Espagne soit uniquement et uniformément catholique.
    Quelle va être la position de Calvin dans ce contexte historique ? Quelle va être sa lecture de la Bible et de ces passages de Paul ? D'abord Calvin a étudié l'hébreu pour lire couramment l'Ancien Testament. Dans cette étude, il a été en contact avec des rabbins. Ensuite, Calvin a étudié le droit, pas la théologie catholique, à l'université. Sa théologie, il se l'est forgée en lisant les Ecritures. Et la Bible n'est pas antijuive, ni l'Ancien Testament, ni le Nouveau Testament.
    Calvin a saisi toute la valeur de l'Ancien Testament pour les chrétiens et le rôle du peuple juif dans la réception de la révélation du message divin. Sans les juifs, il n'y a pas de chrétiens. Je cite Calvin : "Ils [les juifs] étaient séparés pour un temps des autres peuples à cette condition que finalement pure connaissance de Dieu découlerait d'eux par tout le monde." (CNT* Jn 4:22, vol. II p. 78-79).
    Pour le réformateur de Genève, ce rôle du peuple juif n'est pas terminé. La première alliance et toujours valable. En bon juriste, Calvin réaffirme la validité de cette alliance : "Dieu n'a point mis en oubli l'alliance qu'il a contractée avec leurs Pères, et par laquelle il a témoigné, qu'en son conseil éternel, il avait embrassée de son amour cette nation. Ce qu'il [Paul] confirme par une fort belle sentence (Rm 11:28), disant que cette grâce de la vocation de Dieu ne peut être anéantie." (CNT, Rm 11:28, vol. III, p. 208). L'alliance avec les peuple juif est irrévocable !
    Ce qui peut arriver, c'est que certains se privent des bienfaits de cette alliance et c'est là que Calvin introduit ce que j'appellerai son "jeu de bascule," qu'il trouve déjà chez saint Paul. En effet, Calvin relève, comme l'apôtre, le risque que les chrétiens s'enorgueillissent d'être les nouveaux bénéficiaires des bontés de Dieu, contre les juifs qui s'en sont privés. Ce "jeu de bascule" c'est que dès que nous nous enorgueillissons de la grâce, nous la perdons, parce qu'elle n'est pas notre possession mais un cadeau, une grâce.
    Personne ne peut se prévaloir d'une situation, d'un état, pour juger les autres et les penser déchus. Celui qui pense cela tombe, il perd l'estime de Dieu, et devient le déchu qu'il méprisait. Calvin plaide pour l'égalité entre juifs et païens: "Si donc on fait comparaison de ces deux nations, à savoir des Juifs et des Gentils, on les trouvera égaux, en ce que d'un côté et d'autre, ils sont enfants d'Adam" (CNT Rm 11:16,vol. III, p. 202). Enfant d'Adam signifie autant pécheurs les uns que les autres.
    À tout moment, Calvin dit entre les lignes au lecteur : le peuple juif est ton reflet, ton miroir, tu as autant de risques de quitter la foi si tu te crois meilleur, tu ne peux te reposer que sur la grâce de Dieu, pas sur tes mérites. Notre histoire chrétienne peut se retourner comme la leur si l'Eglise ne remplit plus son office d'annoncer le pur évangile. D'où la nécessité, pour le réformateur, de prêcher, d'enseigner, d'ouvrir des écoles pour que l'évangile soit entendu, connu et que les Ecritures soient lues.
    Quelle portée cela a-t-il pour nous aujourd'hui ? Une première conséquence que nous devrions tirer, c'est de ne pas mépriser la lecture de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament a une valeur pédagogique, exemplaire, même si nous n'avons plus à obéir à chaque précepte de la Loi et suivre ses cérémonies. L'Ancien Testament est une source d'inspiration théologique, psychologique et morale.
    Ensuite, l'enseignement de Calvin nous ouvre à la tolérance et à la modestie par rapport à ceux qui croient différemment. Ne jugeons pas, nous risquons de basculer dans ce que nous reprochons aux autres. Seul Dieu détient le jugement des cœurs. Enfin, gardons-nous de tout antisémitisme. Les juifs sont la racine qui nous porte, nous sommes toujours le greffon sauvage.
    Nous pouvons être fier de cet héritage calvinien. Il a fait ses preuves pendant la pire période du XXe siècle. Il a donné à la Suisse, à la France et à l'Allemagne, des gens comme Roland de Pury, André Trocmé et Dietrich Bonhoeffer qui ont résisté au nazisme pendant la Seconde guerre mondiale.
    Dans notre époque de montée des tensions entre les religions, nous avons-là un bel héritage que nous devons cultiver, adapter et ouvrir aux situations nouvelles et transmettre aux plus jeunes générations.
    Amen

    * CNT = Commentaire du Nouveau Testament de Jean Calvin. Voir au lieu de la citation biblique.
    Cette prédication doit beaucoup à l'article de Vincent Schmid : Calvin et les juifs, Bulletin du Centre Protestant d'Etudes, CPE 60(8):21-35, Décembre 2008.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !

    Romains 8

    12.7.2009
    Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !
    Rm 8 : 1-4 Mc 10 : 13-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Dans notre série sur Jean Calvin de cet été, nous avons vu dimanche passé que Dieu nous aime d'un amour inconditionnel, c'est-à-dire que son amour pour nous ne dépend pas de nos résultats, de nos succès, de notre attitude, de la même manière que nous essayons, comme parents, de manifester à nos enfants un amour qui ne dépende pas de leurs notes ou de leurs comportements.
    On appelle cela en langage technique théologique "la justification par grâce." Le salut ne dépend pas de nos mérites, de nos bonnes actions, mais de la décision de Dieu, une décision qu'il prend dans son cœur, dans son amour. Cela a une conséquence pratique directe, c'est que nous pouvons cesser de nous inquiéter, cesser de vouloir nous justifier nous-mêmes, cesser de mettre notre énergie à paraître justes et bons chaque fois que nous ne le sommes pas en réalité.
    Si nous n'avons plus besoin de mettre notre énergie à paraître autre chose que ce que nous sommes, alors cette énergie devient disponible pour autre chose. Le mérite de la justification par grâce, la conséquence de cet amour inconditionnel de Dieu pour nous, est de nous libérer de la quête continuelle de plaire, de satisfaire, d'être à la hauteur.
    Calvin dit, continuellement, que vouloir plaire à Dieu est voué à l'échec. Jamais nous ne pouvons être à la hauteur de son exigence de justice et de vérité. L'exigence de Dieu ou de la Loi divine est inatteignable. C'est voué à l'échec, mais ce n'est pas désespéré, puisque Dieu lui-même a choisi de changer les choses. Jésus a accompli la Loi pour tous les humains (Rm 8 : 3) et il a libéré de l'esclavage de cette exigence. Jésus a accompli la Loi à notre place. Dieu ne se préoccupe donc plus de nous voir l'accomplir. Dieu se préoccupe de ce que nous recevions son amour.
    Dieu change de rôle. Il n'a plus envie d'être face à nous comme un expert qui nous fait passer un examen. Il se présente comme un père qui vient voir ses enfants. Il reçoit ce que nous faisons comme un père aimant. Cela change tout pour nous. Cela change notre façon de travailler et d'agir.
    Imaginez que vous aimez bricoler ou jardiner ou cuisiner. Allez-vous agir de la même manière si ce que vous faites vous allez le présenter à vos amis ou si vous devez le présenter à un examinateur, pour un examen qui va déterminer tout votre avenir ? Cela change tout.
    Calvin nous dit : abandonnez l'idée que Dieu vous fait continuellement passer un examen pour savoir si vous êtes à la hauteur. Non, changez de regard, Dieu est vis-à-vis de vous comme un père vis-à-vis de ses enfants.
    Ainsi, je cite, "il nous faut être semblables aux enfants, ne doutant point que notre Père très bon et si débonnaire [gentil] n'ait nos services pour agréables, bien qu'ils soient imparfaits" (IRC* III, 19, 5). Ne doutons plus que Dieu considère nos actions comme agréables, même si elles sont imparfaites.
    Nous sommes donc libérés du stress de l'examen à passer, du concours à réussir. Ce que nous faisons, nous le faisons sous le regard bienveillant de Dieu. Nous ne le faisons plus pour passer une barre placée trop haut. Fini l'esclavage de la perfection et de la réussite. Que d'énergie libérée. Que de stress éliminé si nous prenons cela au sérieux.
    Tout ce que nous faisons, dans la vie, nous pouvons désormais le faire d'une manière plus paisible : notre vie n'est pas en jeu, notre identité n'est pas en jeu, notre considération, l'amour des autres pour nous n'est pas en jeu.
    En déconnectant notre agir, notre travail du lien avec le salut, la réussite de notre vie, Calvin dédramatise tout notre agir, et en même temps, il lui donne un nouveau sens, une nouvelle direction. Ce que nous faisons, ce n'est plus pour gagner le ciel ou le manquer (dédramatisation), c'est pour produire quelque chose, c'est pour nous occuper, c'est pour répondre à nos élans de créativité, c'est pour rendre service à la communauté, etc…
    Le travail, le métier prend un nouveau sens. Chacun peut contribuer au bien social, au bien commun. Et Calvin croit en l'idée de progrès, progrès moral et progrès social. Il a beaucoup lutté à Genève, pour que les réfugiés huguenots venant de France puissent trouver des places de travail et produire des choses utiles à la société.
    A partir de là, Calvin développe l'idée que chacun a des talents qu'il peut mettre au service de la société ("Dieu a doué chacun de dons naturels" CNT** Mt 25:15). Chacun doit découvrir la vocation que Dieu a pour lui et mettre ce talent en œuvre, pour le bien de tous ("Christ prononce que le labeur de ceux qui s'exerceront fidèlement en leur vocation, ne sera point vain ou inutile" CNT. Mt 25:20). Le travail est valorisé, non pas pour obtenir le salut, mais comme réponse aux dons qui viennent de Dieu. Une autre idée, qui en découle, est celle de responsabilité. Chacun devra répondre de l'usage de sa vie, de sa vocation, de l'usage de son talent ("chacun rendra compte pour soi" CNT Lc 19:13).
    La sanctification de l'être humain passe par le service que chacun peut réaliser dans son travail, dans ses tâches quotidiennes. L'établi, le bureau ou l'évier de la cuisine peuvent devenir des lieux saints où l'on accomplit sa vocation de service. La vie civile, la société civile, la maison comme la rue, deviennent des lieux de sanctification.
    La vie familiale, la vie professionnelle, les loisirs deviennent des temps où l'on vit la présence bienfaisante de Dieu, où l'on exprime sa reconnaissance et le plaisir de vivre, réaliser, construire le Royaume de Dieu.
    En nous libérant du souci de nous justifier, le Christ, pense Calvin, nous libère pour servir la société et nous réaliser dans tous les gestes de la vie quotidienne. Toute notre vie prend sens et devient passionnante.
    Amen

    * IRC III, 19, 5 = Jean Calvin, Institution de la Religion Chrétienne, livre III, chap. 19, § 5.
    ** CNT Mt 25:15 = Jean Calvin, Commentaire sur le Nouveau Testament, Evangile de Matthieu 25:15
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !

    Romains 8

    5.7.2009
    Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !
    Rm 8 : 14-16 + 31-33    Mat 18 : 23-27

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pendant cet été — ma collègue pendant le mois d'août et moi-même pendant ce mois de juillet — nous allons essayer de vous ouvrir quelques fenêtres sur la pensée de Calvin, dont c'est le 500e anniversaire de la naissance. Calvin, grand réformateur d'origine française, qui prend la suite de Luther, développe ses idées principalement dans la ville de Genève. Calvin, c'est l'irruption d'une nouveauté dans un moyen-âge finissant, en bout de course, c'est un dynamisme introduit dans cette Renaissance qu'est le XVIe siècle.
    Calvin introduit un nouveau langage, il simplifie et vivifie la langue française; il expose une nouvelle vision de Dieu et donc une nouvelle place pour l'être humain; il ouvre à une nouvelle espérance et une nouvelle liberté.
    Essayons de nous replacer un peu dans son époque. La vie quotidienne est très dure. La mortalité, pour cause de maladie ou de violence est considérable. Le message de l'Eglise dominante, dans ces circonstances, est de dire : "obtenez les bonnes grâces de Dieu en entrant au couvent, sinon vous devrez gagner vos mérites au purgatoire, si vous avez la chance de ne pas aller en enfer."
    Luther avait attaqué ce système en dénonçant les indulgences, ce système de rachat à l'Eglise d'années de purgatoire, contre monnaie sonnante et trébuchante.
    Calvin emboîte le pas en affirmant que l'être humain est incapable de faire le bien, dans le sens, non pas qu'il est incapable de faire une bonne action, mais dans le sens qu'il est incapable de faire le bien en continu, de manière permanente, de sorte qu'il puisse paraître innocent devant Dieu à la fin de sa vie.
    Il nous est impossible de faire un parcours sans faute, ou de penser pouvoir rattraper nos fautes, les compenser. Notre dette à l'égard du bien et du juste est immense et nous n'avons aucun espoir de pouvoir la rembourser. Ainsi Calvin nous dit, dans un premier temps : "Cesse de te justifier, c'est parfaitement inutile. Tout est perdu. Personne ne peut se dire juste devant Dieu !" C'est bien pire que le système du purgatoire, là au moins, on pouvait espérer s'en sortir.
    Mais Calvin ne s'arrête pas à ce "Tout est perdu." Tout est perdu pour les efforts humains certes, mais c'est sans compter sur Dieu lui-même. Calvin voit Dieu comme un père aimant qui procure à l'être humain ce dont il a besoin pour vivre, c'est la Providence. Il est un père aimant, Calvin, dit "miséricordieux." Et Calvin ajoute : c'est Dieu qui choisit de prendre notre destin en main, c'est lui qui — par grâce — nous justifie.
    Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que ce qui est impossible aux êtres humains, c'est Dieu qui l'accomplit. Nous sommes incapables de rembourser notre dette : il l'efface (Mt 18:27). Nos fautes nous envoient en prison : il paie la caution pour nous en faire sortir. Tout nous condamne, "c'est Dieu qui nous déclare : non-coupables !" (Rm 8:33), comme le dit l'apôtre Paul.
    Calvin appelle cela la "justification par grâce." Dieu lui-même nous acquitte, de son propre chef, sans contre partie. Cela ne vient pas de nous, cela ne vient pas de ce que nous serions meilleurs que d'autres, que nous aurions fait plus d'efforts. Non, il le fait gratuitement.
    Calvin insiste sur le fait que Dieu est un Père pour nous, que nous avons une relation filiale avec lui. Je pense que la  "justification par grâce" a son équivalent dans notre vocabulaire avec les termes : "amour inconditionnel."
    Nous essayons, comme parents, d'avoir un amour inconditionnel pour nos enfants. Nous essayons, dans nos comportements, dans notre éducation, de donner à nos enfants de l'amour en continu, un amour stable. Un amour qui ne fluctue pas en fonction de leur bon comportement ou de leurs bêtises, un amour qui ne dépende pas de leur réussite ou de leurs échecs. Ce n'est pas toujours facile ! Lorsque cela va mal, nous essayons de mettre les compteurs à zéro, de repartir d'un bon pied, pardonnant, effaçant l'ardoise, rassurant notre enfant que notre amour demeure.
    Le vrai amour n'est-il pas lié à la personne plutôt qu'à chacune de ses actions ? Le vrai amour n'est-il pas lié à l'être de la personne plutôt qu'à ses réussites ou à ses échecs ?
    L'amour est un lien, un attachement à l'être. C'est sûr, l'amour n'évite pas la tristesse de la déception, ou la réprobation face à tel comportement ou à telle action. L'amour ne renonce pas à l'exigence du respect de la loi comme norme de justice et limite de nos actions. Effacer la dette ne signifie pas renoncer à la justice et à la loi.
    L'amour inconditionnel donne à l'enfant une sécurité pour grandir, pour faire ses essais, ses erreurs et la correction de ses erreurs, ses fautes et le regret de ses fautes. L'amour inconditionnel donne un cadre pour progresser et Calvin croit à la capacité de s'améliorer, il n'est pas pessimiste vis-à-vis de l'être humain.
    Ainsi Calvin pose, comme base de la Réforme, la conviction que Dieu a pour chaque être humain un amour inconditionnel — comme un père — un amour qui donne à chaque être humain une assurance qu'il peut se lancer dans la vie avec une garantie de sa valeur.
    Calvin nous dit donc "Cesse de te justifier ! C'est Dieu lui-même qui te donne et t'assure ta valeur, ton être. Tu n'as rien à faire pour prouver à Dieu, aux autres ou à toi-même que tu es quelqu'un, que tu es digne, que tu as de la valeur. Cesse de t'inquiéter, cesse de te justifier, cesse de te préoccuper de te faire valoir."
    Cela a des conséquences énormes sur notre vie ! Toute l'énergie que chacun mettait —au XVIe siècle — à essayer de faire son salut, toute cette énergie devient disponible pour autre chose. Toute l'énergie que nous mettons aujourd'hui pour répondre aux exigences de réussite sociale, pour satisfaire à son patron, à son conjoint ou à ses parents, pour arriver à la hauteur fixée, pour prouver, à soi et aux autres qu'on vaut quelque chose, toute cette énergie peut être utilisée à autre chose si nous faisons confiance que notre être a déjà sa valeur assurée en Dieu.  Nous reparlerons de cette énergie libérée dimanche prochain.
    Aujourd'hui, laissons descendre en nous cette certitude : Dieu nous aime de manière inconditionnelle, nous n'avons rien à prouver à personne, nous n'avons plus besoin de nous justifier, notre être, notre valeur est garantie par Dieu lui-même.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009