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  • Actes 2. Célébration œcuménique : Avancer vers plus d'unité dans l'Eglise.

    23.1.2011
    Actes 2
    Célébration œcuménique : Avancer vers plus d'unité dans l'Eglise.

    Es 58 : 6-10, Ac 2 : 41-47, Mt 5 : 21-26

    Télécharger la prédication ici : P-2011-01-23.pdf

    Chers disciples en Christ,
    Le Conseil Œcuménique des Eglises propose à notre méditation ce matin ce verset des actes : "Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres et la communion, dans le partage du pain et la prière" (Ac 2:42). Ce verset, cette phrase, résume, au début du livre des Actes, l'action et l'esprit de la première Eglise.
    Je ne sais pas ce que vivait vraiment la première Eglise, mais je reçois cette description plus comme un modèle à imiter pour l'avenir que comme une réalité accomplie. Luc a choisi ici de rassembler les traits qui doivent servir de modèle à toute Eglise présente ou à venir.
    En regardant ce que nous vivons aujourd'hui, au XXIe siècle, nous ne pouvons que constater que nous sommes loin du modèle. C'est ce qui m'embarrasse beaucoup avec le texte de ce matin ! Nous faisons partie de 5 ou 7 Eglises, établies sur quelques kilomètres carrés de l'Ouest lausannois et je dois parler d'un récit qui magnifie l'unité, l'unanimité, la concordance, l'entente, la communion, la plénitude de la première Eglise.
    Et nous sommes-là avec nos idées différentes, nos habitudes, nos cercles, nos institutions, nos édifices différents, chacun dans notre coin, dimanches après dimanches. Et aujourd'hui, parce c'est la semaine de l'Unité, nous sommes ensemble pour cette célébration œcuménique.
    Alors c'est bien, et nous pouvons nous réjouir d'être réuni à cette occasion. Nous pouvons ne voir que le bon côté des choses et nous concentrer sur le moment présent. J'ai quand même l'impression que ce sont nos différences et nos divisions qui sont mises en lumière, notamment notre incapacité à partager ensemble le repas du Seigneur.
    Désolé de vous transmettre mon malaise et mon embarras, mais je ne me vois pas dans le rôle de vous dire : allez, faites un effort… faites tomber quelques barrières, soyez un peu plus unis, essayez de ressembler un peu plus à cette première Eglise qui nous est dépeinte dans le livre des Actes.
    Qui suis-je pour vous faire la morale, pour vous dire faites ceci… faites cela… faites, faites, faites…
    Faites, faites, faites… c'est bien le problème de nos Eglises. Ne pensons-nous pas chacun dans notre coin : "Si les autres faisaient les choses correctement — enfin, comme nous— ce serait plus facile d'être ensemble !" Ne disons-nous pas "Faites un pas vers nous… et alors nous pourrons…" ou "Changez cela… et cela nous rapprochera" ?
    Actes 2:42 présente un idéal et un programme en quatre points : persévérer dans l'enseignement des apôtres et la communion, dans le partage du pain et la prière. Placé du début du livre des Actes, après la Pentecôte et le premier discours de Pierre, cet idéal désigne le but à atteindre par la communauté des croyants. Et le livre des Actes va présenter toutes les situations où cet idéal va être contré, menacé, aussi bien que progresser et avancer.
    Il y a des dissensions dans la première Eglise, Actes 15 décrit les efforts pour se mettre d'accord entre divers courants à l'intérieur de l'Eglise. Et voyez les longues discussions autour de l'admission dans la communion de l'Eglise de Corneille dans Actes 10. Peut-on admettre dans l'Eglise quelqu'un qui vient d'une autre religion, qui a eu d'autres dieux, un autre passé, d'autres pratiques, une autre éthique. Peut-on partager un repas avec lui ? Le livre des Actes nous montre l'ouverture universelle de la première Eglise, mais cette ouverture ne s'est pas faite sans réticences et sans résistances.
    Qui sommes-nous, aujourd'hui, pour mettre des barrières ? Et voyez l'ironie : ces barrières ne sont pas mises face à celui qui vient de l'extérieur, face à celui qui se convertit depuis une autre religion. Cette barrière est dressée contre des frères et des sœur chrétiens !
    Cette vision idéale de la communauté de l'Eglise suit de peu cet appel de Pierre à ses auditeurs : "Changez de comportement et recevez le baptême" (Ac 2:38). "Changez de comportement" dit Pierre. Il appelle à un changement intérieur pour entrer dans la communion de Dieu. Pierre ne dit pas d'attendre que les autres changent ou de les faire changer pour entrer dans l'Eglise.
    Si nous voulons que l'unité progresse dans l'Eglise, le changement doit commencer par soi-même. Ce n'est pas pour rien que le texte du Sermon sur la Montagne sur la colère a été choisi pour accompagner celui d'Actes 2. Dans cet enseignement, Jésus dénonce les comportements qui rabaissent l'autre, qui le dénigrent, qui jugent. Jésus n'en veut pas.
    Jésus reprendra cela dans l'enseignement sur le jugement avec la parabole de la poutre dans l'œil. Il nous dit de ne pas nous préoccuper de la paille dans l'œil de notre voisin, mais de la poutre qui est dans le nôtre. Si nous voulons que l'unité progresse dans l'Eglise, le changement doit commencer par nous-mêmes.
    En prenant modèle sur l'Eglise idéale dépeinte dans Ac 2:42, nous pouvons reconnaître que nous avons tous besoin de l'enseignement des apôtres, d'apprendre la communion, de retrouver le sens du repas partagé et d'approfondir en nous la quête de la présence de Dieu.
    Ce n'est pas à moi de vous dire ce que vous devez faire maintenant. De mon côté, je vais voir comment avec mon Eglise, ma paroisse, nous allons pouvoir écouter l'enseignement des apôtres, vivre la communion fraternelle, prendre part aux repas communs et participer aux prières pour contribuer à construire l'unité de l'Eglise.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Matthieu 3. Jean Baptiste et Jésus : le même message ?

    16.1.2011
    Matthieu 3
    Jean Baptiste et Jésus : le même message ?
    Mt 3 : 1-10 Luc 18 : 9-14 Rm 7 : 14-20

    téléchargez la prédication :P-2011-01-16.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce début d'année — après les fêtes de Noël — nous reprenons le début de l'évangile et le début du ministère de Jésus. Plus précisément aujourd'hui, la prédication de Jean Baptiste qui précède le début du ministère de Jésus.
    Jean Baptiste est un personnage historique qui a laissé des traces dans la littérature de son temps (hors du Nouveau Testament), plus même que Jésus ! Il a effectivement rassemblé les foules, baptisé, prêché. Pourtant, c'est le christianisme qui est devenu une religion universelle. Alors, qu'est-ce qui différencie Jean Baptiste et Jésus-Christ ? Qu'est-ce qui fait que le message de Jésus a persisté plutôt que celui de Jean Baptiste ?
    Partons d'abord des ressemblances. En effet, ce qui m'a frappé d'abord en cherchant les différences, c'est que Jean Baptiste et Jésus prêchent la même chose à première vue. Les Evangiles leur mettent les mêmes mots dans la bouche : "Changez de comportement, car le Royaume des cieux s'est approché" cette phrase est prononcée par Jean Baptiste en Mt 3:2 et par Jésus en Mt 4:17, puis, un tout petit peu différemment par les apôtres dans le livres des Actes (Ac 2:38 et 3:19). Jean Baptiste et Jésus prêchent la conversion et la venue du Royaume de Dieu.
    Ensuite je me suis dit qu'il n'y avait que Jean Baptiste pour engueuler les gens, pour les traiter de "races de vipères." Jésus devait être plus gentil, moins sévère sur l'être humain. Eh bien non, Jésus aussi invective avec les mêmes mots ses disciples (Mt 12:34) et les maîtres de la Loi (Mt 23:33).
    Où sont donc les différences ? Je pense que les différences sont d'abord dans l'idée qu'ils ont de l'être humain et dans sa capacité à faire le bien. Toute la prédication de Jean Baptiste est axée sur le changement du comportement. Repentez-vous, convertissez-vous, changez de comportement. "Accomplissez des actes qui montrent que vous avez changé de comportement" (Mt 3:8) demande Jean Baptiste aux pharisiens qui viennent le trouver.
    Jean Baptiste est pessimiste sur la nature de l'être humain, mais optimiste sur sa capacité à changer. Secouez fort les gens et ils finiront bien par changer. Les gens sont simplement engoncés dans leurs mauvaises habitudes. S'ils comprennent, s'ils voient ce qu'ils font de faux ou de mal, ils vont opter pour le changement. Il faut les sortir de leur paresse et c'est possible, pense Jean Baptiste. Donc chacun peut mieux faire, regardons ce qui n'est pas fait et mettons-nous au travail.
    Le problème avec ça, c'est que la tâche est infinie et que ce qui reste à faire pour atteindre la perfection pour plaire à Dieu est au-delà de nos forces. Comment un juif qui travaille dur, qui élève sa famille, qui remplit ses obligations à l'égard des Romains, peut-il satisfaire les 613 commandements de la Torah ?
    Est-ce que vous satisfaites, aujourd'hui, à toutes les recommandations du XXIe siècle pour être un bon consommateur, un bon citoyen, un bon écologiste, un bon conjoint, une bonne mère, un bon conducteur… ?
    Voyons cela ! La semaine passé avez-vous mangé 5 fruits et légumes par jour, avez-vous marché ou fait du sport 20 minutes chaque jour, avez-vous acheté des produits équitables, renoncé aux fruits exotiques, aux légumes cultivés sous serre, avez-vous baissé un peu votre chauffage, avez-vous renoncé à votre voiture pour des petits trajets, avez-vous tenu vos bonnes résolutions de Nouvel-An ?
    Nous ne connaissons plus les 613 commandements de la Torah, mais la société nous ordonne toujours une multitude de tâches pour nous sentir bien, pour être de bons citoyens. Jean Baptiste dirait : faites tout cela et tout ira bien. Mais Jésus prêchait autre chose à ses contemporains et à nous aujourd'hui.
    Bizarrement, Jésus était extrêmement pessimiste sur l'être humain. Pour lui, l'être humain n'est pas capable de faire le bien. L'apôtre Paul l'a bien compris et expliqué dans la lettre aux Romains quand il dit : "Je découvre ce principe : moi qui veut faire le bien, je suis seulement capable de faire le mal" (Rm 7:21). Calvin dira à sa suite que l'homme est incapable de tout bien.
    Ce qui est remarquable dans les Evangiles, c'est que Jésus ne le dit jamais, ne le prêche jamais. Il ne dénigre jamais l'être humain en parole, parce qu'il a en trop haute estime les créatures divines que sont ses frères et ses sœurs. Jésus aime les personnes, il ne dira jamais de mal sur elles, mais il les laisse agir et révéler leur/notre propre nature, ce qui arrivera inévitablement dans son procès et dans sa condamnation à la croix.
    L'homme est révélé incapable de tout bien quand il commet le plus grand mal en croyant faire ce qui est juste à ses yeux, en mettant à mort le Fils de Dieu ! Ainsi, c'est la vie et la mort de Jésus qui révèlent la profonde nature humaine qu'il n'a jamais condamnée en paroles.
    En effet, à côté de ce pessimisme total sur la nature humaine, Jésus a le plus profond amour envers la créature. Le péché entraînait chez Jean Baptiste un dégoût pour la nature humaine. Chez Jésus, le caractère pécheur de l'humain exacerbe sa compassion, son amour, sa tendresse. Jésus ne voit dans l'être humain incapable de tout bien que la blessure, la souffrance, le malheur. Et il est venu comme médecin de ces malades, de ces souffrants, de ces handicapés.
    Au lieu de voir — comme Jean Baptiste — tous les manques qu'il y a en nous pour être à la hauteur de toutes les exigences, Jésus voit tous les progrès que nous pouvons faire… si nous sommes aidés, si nous sommes soutenus, si nous sommes aimés.
    Ce que Jésus nous demande, ce n'est pas de satisfaire aux plus hautes exigences — il sait que nous en sommes incapables, que c'est impossible — ce qu'il nous demande, c'est de voir notre propre faiblesse, de la reconnaître et de l'accepter. Non pas l'accepter pour se fustiger et tout abandonner avec résignation. Mais de l'accepter comme la réalité de départ pour ne pas vivre dans l'illusion d'un pouvoir que nous n'avons pas et donc de sombrer dans le désespoir que provoque l'exigence inatteignable. C'est ce que Jésus nous dit dans la parabole du pharisien et du collecteur d'impôts.
    Acceptons que nous n'arrivons pas à être juste, bons, droits, comme l'exigence de justice totale le voudrait. Acceptons que Jésus nous accepte tels que nous sommes, et qu'à partir de là, il nous encourage et nous soutient dans chacun de nos progrès. Et qu'il nous relève de chacune de nos rechutes. Et si vous pensez qu'il n'y a pas de rechutes, vous pensez comme le pharisien.
    Avec son pessimisme absolu sur l'être humain, Jésus aggrave la situation, notre situation, mais pour la retourner complètement. Il nous dit par là : Abandonnez ce qui est impossible et faites simplement le possible, Dieu s'occupe du reste. Voilà une libération !
    Nous n'avons plus à regarder tout ce qui manque pour être à la hauteur, nous n'avons qu'à regarder les tout petits progrès que nous faisons. Le Christ est là pour nous aider, nous soutenir, nous aimer sur ce chemin-là.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2011