Deutéronome 30
20.2.2011
Choisis la vie !
Dt 30 : 15-20 Mc 1 : 29-34
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
« Les gens transportaient vers Jésus tous les malades et ceux qui étaient possédés d'un esprit mauvais. Toute la population de la ville se rassemblait devant la porte de la maison. Jésus guérissait beaucoup de gens qui souffraient de toutes sortes de maladies et chassait aussi beaucoup d'esprits mauvais. » (Mc 1:32-34).
Croyons-nous, aujourd'hui, au pouvoir de guérison de Jésus ? Dans notre Eglise protestante, quand nous entendons la phrase "Jésus peut te guérir" ou "Jésus te guérira" nous sommes mal à l'aise et nous pensons facilement : Voilà un évangélique…
Pourtant, tous les Evangiles rapportent les guérisons de Jésus. C'est une part importante de son ministère. Jésus passe du temps à recevoir les malades, à guérir et à chasser les esprits mauvais.
Je pense que nous devrions prendre davantage au sérieux cette partie du ministère de Jésus, tout en ne tombant pas dans les pièges du miraculeux, piège contre lequel Jésus lui-même nous met en garde. Oui, Jésus guérit, il guérissait pendant son ministère et il reste puissance de guérison, aujourd'hui, pour nous !
Ne vous méprenez pas cependant sur mes paroles. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut renoncer aux médicaments, aux médecins et aux hôpitaux. Je pense que Dieu nous a donné l'intelligence pour prendre soin de nous, pour développer la science médicale et pour nous en servir. Dieu n'a aucun raison de faire à notre place ce que nous pouvons faire, pour nous ou pour les autres.
Je pense cependant que l'Evangile a un pouvoir thérapeutique et que nous négligeons trop souvent cet aspect de la foi. Nous avons trop souvent réduit la foi à un savoir ou à une pratique ou à une éthique. Comme je le disais, ici, il y a 15 jours, Jésus n'est pas venu apporter un nouveau savoir, de nouveaux dogmes, il vient apporter la vie, la vie en plénitude. Jésus n'est pas venu prêcher : "Remplissez les Eglises pour me faire plaisir !" Il est venu prêcher ; "Celui qui écoute ma parole et qui y croit aura la vie en plénitude, il est passé de la mort à la vie." (Jn 5:24)
Il y a dans la Parole de Dieu une force thérapeutique, une force structurante qui, non seulement nous aide à vivre, mais libère des forces, des énergies, pour que la vie se déploie et soit féconde. L'Evangile, la Parole de Dieu est force reconstructrice après les épreuves, elle est thérapeutique du mal-être, du mal de vivre que notre société génère. L'Evangile, la Parole de Dieu est un baume sur les blessures intérieures; elle est réparatrice des distorsions relationnelles.
Comment accéder à cette force de guérison ? De tout temps, des hommes et des femmes l'ont trouvée et reçue dans la méditation régulière de l'Ecriture et dans la prière. De manière plus systématique, des penseurs chrétiens ont développé des parcours, des chemins — qui passent également par l'Ecriture sainte, la prière et le partage communautaire. Mon attention a été attirée sur l'œuvre de Simone Pacot intitulée "L'évangélisation des profondeurs." Elle a développé sa pensée et son parcours dans plusieurs livres*1, mais aussi dans une association "Bethasda" qui offre des séminaires et des accompagnements selon cette méthode.
La première étape de ce parcours consiste à accepter la première loi de vie qui est de "choisir la vie." Cette invitation à "choisir la vie" est l'invitation de Dieu lui-même, que Moïse transmet au peuple hébreu à la toute fin de sa vie, lorsqu'ils sont en vue de la Terre promise.
Ce passage : "Je mets devant toi la vie et le bonheur. la mort et le malheur, choisis donc la vie !" est la conclusion de l'ensemble du Pentateuque, de la Torah, les cinq livres qui commencent avec les récits de création, qui décrivent la vie des patriarches, puis de Moïse et du peuple hébreu qui traversent le désert.
Au moment où sont prononcées ces paroles, le peuple est arrivé au bout de son voyage, il est devant la Terre promise, il n'a que le Jourdain à traverser et Dieu leur dit "choisis la vie !"
On ne choisit pas de naître. L'enfant ne choisit pas ses parents, il ne choisit pas les conditions de son enfance. Il vit, il subit et il avance tant bien que mal, faisant ses choix au mieux des circonstances. On se construit ainsi, au gré des événements, des circonstances de la vie, des épreuves. Mais il y a un moment dans la vie où il faut reprendre à son compte ce qui nous est arrivé et ce qu'on veut en faire, qui l'on veut devenir. Certains appellent cela passer de la vie à l'existence. L'Evangile appelle cela passer de la mort à la vie. "La vraie mort n'est pas le terme de la vie, elle est ce qui dès le début, empêche de naître."*2
Il ne suffit pas de vivre — avec son lot, avec ses blessures — il faut renaître, il faut choisir la vie. Le texte de Moïse dit bien que tout est devant nous, le bon comme le mauvais, le bonheur comme le malheur, la bénédiction comme la malédiction. Et Dieu nous invite à choisir la vie !
Cela paraît évident, le choix que tout le monde veut faire. Mais si l'on regarde autour de nous, ou si l'on regarde en nous-mêmes, nous voyons que nous sommes assaillis de forces qui nous éloignent de la vie, de la vraie vie. Qui n'a pas éprouvé de désir de vengeance, la jalousie du salaire ou du bonus de tel ou tel, l'envie de désigner un bouc émissaire. Mais aussi à l'égard de soi-même, qui n'a pas éprouvé le sentiment d'être un imposteur, la peur du manque ou l'angoisse de ne pas être aimé, apprécié ? Ce sont autant de forces qui nous éloignent de la vraie vie.
Le début de la guérison intérieure, c'est de faire d'abord le grand choix de la vie, puis de renouveler jour après jour ce grand choix dans les petits choix de notre existence.
Le grand choix, c'est de décider de traverser le Jourdain — laissant derrière soi les années de désert et acceptant devant soi le don de Dieu, cette Terre promise que Dieu nous offre, comme terrain de renaissance.
Les petits choix, c'est — sur la Terre promise — de choisir à nouveau et constamment de suivre la volonté divine, ses commandements. Une obéissance qui n'est pas "soumission obligatoire" mais choix renouvelé de ce qui me fait vivre et de ce qui respecte les autres.
Alors la vie devient bénédiction, pour moi et pour les autres. "Choisis la vie !" Voici l'invitation de Dieu, comme première étape sur un chemin de guérison, cette guérison que Jésus est venu nous donner. Cette guérison — qui a une si grande place dans le ministère de Jésus — est aussi pour nous.
Amen
*1 Simone Pacot, Tome 1 : L'évangélisation des profondeurs, Paris, Cerf, 1997. Tome 2 : Reviens à la vie !, Paris, Cerf, 2002. Tome 3 : Ose la vie nouvelle ! Les chemins de nos Pâques, Paris, Cerf, 2003.
*2 Paul Beauchamp, in Simone Pacot, Reviens à la vie !, p. 37.
© Jean-Marie Thévoz, 2011.