(10.11.2002)
Exode 33
Mon visage est le visage de Jésus pour celui qui me regarde
Exode 33 : 18-23. Matthieu 25 : 31-45
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(10.11.2002)
Exode 33
Mon visage est le visage de Jésus pour celui qui me regarde
Exode 33 : 18-23. Matthieu 25 : 31-45
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(19.9.2004)
Deutéronome 8
De quoi avons-nous faim ?
Deutéronome 8 : 1-6. Jean 6 : 47-51 Matthieu 6 : 16-18
télécharger le texte : P-2004-09-19.pdf
(4.7.2004)
Genèse 32
Le combat de Jacob, blessure et bénédiction
Genèse 32 : 23-32. Ephésiens 1 : 3-6
télécharger le texte : P-2004-07-04.pdf
(12.6.2005)
Genèse 28
"C'est ici la maison de Dieu, la porte du ciel !"
Genèse 28:10-19. Matthieu 21 : 12-15
télécharger le texte P-2005-06-12.pdf
(1.4.2001)
Lévitique 26
Culte des familles, d'Abraham à Jésus avec Dieu
Lévitique 26 : 9-12
télécharger le texte : P-2001-04-01.pdf
(23.10.2005)
Genèse 8
L'alliance avec Noé
Genèse 5:28-32, 7:11-16. Genèse 7:24, 8:1, 5-12, 15-21a. Genèse 9 : 8-16
télécharger le texte : P-2005-10-23.pdf
(26.7.1998)
Genèse 3
Le péché ? Une attitude de méfiance à l'égard de la bienveillance de Dieu
Genèse 3 : 1-7. Romains 8 : 1-4. Marc 7 : 14-19.
télécharger le texte : P-1998-07-26.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous avons vu lors des deux précédentes prédications (12 et 19.7.98) comment Dieu avait créé le monde et l'être humain en recherchant le bonheur de l'humanité. Ce récit de création est immédiatement suivi du récit de l'irruption du péché dans le monde. Je vais essayer de vous parler du péché, même si c'est un sujet difficile; on a beaucoup de souvenirs, de mauvais souvenirs où le péché a été brandi pour nous culpabiliser. En effet, lorsqu'on parle de la chute de l'humanité, on cherche trop souvent le ou les coupables. Je voudrais éviter ce piège. Essayons d'oublier nos idées toutes faites pour nous concentrer sur le message du texte qui commence ainsi :
"Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que le Seigneur avait faits" Gn 3:1
Après l'homme, les arbres, les animaux et la femme, une nouvelle figure apparaît dans la création, celle du serpent, "le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur avait faits". C'est le serpent qui prend l'initiative du dialogue, c'est le serpent qui convainc la femme et l'homme de manger du fruit défendu. Plus tard, lorsque Dieu interrogera l'être humain sur ce qui s'était passé, l'homme dira : "c'est ma femme", et la femme "c'est le serpent". Dans quelque sens qu'on prenne cette histoire, on butte sur le serpent qui est désigné comme l'origine du mal, la cause de tout. Bien sûr, certains n'ont pas manqué de rajouter que si Dieu a fait le serpent, on peut rejeter la faute sur Dieu lui-même.
Je crois que la figure du serpent est placée là — volontairement dans le texte — pour indiquer que la poursuite d'un responsable, d'un fautif est inutile. C'est une voie sans issue, une fausse route. L'important est ailleurs que dans la cause, l'origine. L'important, c'est le mécanisme qui a déclenché l'irruption du péché dans le monde.
Mystérieusement, la possibilité du mal était déjà là, rampante et tapie (Gn 4:7) dans le monde, de la même manière que le malheur peut tomber à l'improviste sur n'importe qui, à n'importe quel moment, sans cause, sans faute de la part de quiconque.
L'important est donc de porter notre regard sur ce qui se passe, sur le mécanisme qui met en route ce qu'on appelle le péché. Ce mécanisme est visible dans le dialogue mené par le serpent. Que dit-il ?
v1. "Est-il vrai que Dieu vous a dit : “vous ne devez manger aucun fruit du jardin ?” |
Entendez-vous ce que fait le serpent ? Il met systématiquement en doute ce que Dieu a dit. |
v2. La femme répondit au serpent : “Nous pouvons manger les fruits du jardin. v3. Mais quant aux fruits de l'arbre qui est au centre du jardin, Dieu nous a dit : «Vous ne devez pas en manger, pas même y toucher, de peur d'en mourir»”. |
La femme est au clair sur ce que Dieu a dit et elle rectifie correctement le commandement de Dieu. |
v.4 Le serpent répliqua “ Pas du tous, vous ne mourrez pas. Mais Dieu le sait bien : dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu'elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bien ou mal.” |
Alors le serpent utilise une autre ruse. Il suggère habilement que Dieu agit envers l'être humain avec une intention autre que celle qu'il affiche, avec une intention mauvaise. |
L'intention positive, favorable de Dieu à l'égard de l'homme et de la femme que nous avons vue dans le récit de création qui précède, l'attention de Dieu au bonheur de l'être humain, cette bonté de Dieu est transformée par le serpent en une intention perverse de Dieu.
“Dieu n'agit pas pour votre bien, dit le serpent, il ne cherche qu'à protéger son pouvoir (sur la vie ou la connaissance). L'abondance à laquelle vous croyez n'est qu'un leurre, une illusion pour vous cacher tout ce que vous pourriez avoir et devenir !” Le serpent fait croire à l'être humain que Dieu n'a qu'une intention : les priver de la vraie vie. Il instille la méfiance envers Dieu. Et cela marche, hélas ! A ce moment-là de l'histoire de l'humanité comme aujourd'hui. La méfiance envers Dieu s'installe et ils goûtent à l'arbre de la confusion du bien et du mal.
Ce qu'on appelle le péché, ce n'est pas un acte ou un autre que la morale réprouve, c'est une attitude fondamentale de méfiance envers Dieu et envers les autres. Le péché n'est pas d'avoir mangé du fruit défendu, mais d'avoir mis en doute l'intention bonne de Dieu.
Vous avez entendu dans la lecture de l'évangile que Jésus a dit : "ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le rend impur, mais ce qui sort de lui, de son coeur" (Mc 7:15). Se méfier de ce qu'on mange, de ce qu'on reçoit, c'est se méfier des autres. Et Jésus nous invite à faire confiance à ce qu'on reçoit. Mais il nous invite à nous méfier de ce qui sort de nous, c'est-à-dire de toutes les occasions où nous répétons le mal qu'on nous a fait, que nous avons subi.
Maintenant que le fruit est consommé, que la méfiance s'est installée entre l'être humain et Dieu : que faire, que Dieu peut-il faire ? Il y a deux pistes suivies :
1) Vous vous souvenez que j'avais interprété l'arbre de la connaissance du bien et du mal comme l'expérience (courante dans le monde) de la confusion du bien et du mal (prédication du 12.7.98). Bien et mal sont inextricablement entremêlés dans le monde depuis cette histoire. Pour pallier à cette confusion, Dieu a donné sa loi, le Décalogue, de manière à ce que les humains puissent distinguer le bien du mal. Mais ce moyen est loin de réconcilier l'homme avec Dieu. La loi peut même faire empirer le problème de la méfiance (cf. Rm 7): celui qui dit la loi n'est-il pas un obstacle à la liberté ? On le voit souvent dans les rapports entre les parents et les enfants. Lorsqu'un parent dit "non", il est facile pour l'enfant de trouver le parent "méchant", utilisant son pouvoir contre lui.
2) Il fallait donc que Dieu fasse quelque chose d'autre pour mener à la réconciliation, pour restaurer la confiance brisée. Comment peut-on restaurer la confiance ? Le premier pas ne peut pas venir de celui qui se méfie. Le premier pas ne peut qu'aller à la rencontre de celui qui s'est détourné. Cela ne peut être qu'un don gratuit, bienveillant, qui témoigne d'une volonté de réconciliation, un amour offert gratuitement.
C'est ce que Dieu a fait en envoyant son Fils dans le monde, pour vivre une vie d'être humain (Rm 8:3) et donner sa vie pour ses amis. Voilà l'acte d'amour gratuit, le geste de réconciliation que Dieu nous offre. A nous d'accepter ou de refuser cette offre, à nous de décider de faire confiance ou non, cette confiance qu'on appelle dans notre vocabulaire d'Eglise : la foi.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2021
(21.6.1998) Pour le dimanche des réfugiés
Deutéronome 24
La loi protège la part de l'étranger, de la veuve et de l'orphelin
Deutéronome 24 : 17-22. Romains 12 : 9-13. Luc 6 : 6-11.
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Cette semaine j'ai eu le plaisir de passer dans les classes primaires pour parler avec les enfants de leur programme d'histoire biblique. En fait, c'est l'occasion pour les enfants de poser au pasteur toutes les questions qui les préoccupent sur la bible, Dieu, Jésus, ou le métier de pasteur. Ces enfants n'ont pas peur de poser leurs questions et certaines sont de véritables colles !
J'ai été frappé par le nombre de questions qui tournent autour de la filiation, de la généalogie, des origines. Quand ou comment Dieu est-il né ? Qui est le père d'Abraham ? Qui est le père de Jésus, Dieu ou Joseph ? Ces questions reflètent nos interrogations à tous : d'où venons-nous ? A quoi nous rattachons-nous ? Qu'est-ce qui nous inspire et nous guide ? Quelles sont nos racines ?
Bien sûr, nous faisons la différence entre nos généalogies biologiques et nos généalogies culturelles et spirituelles. En tant que chrétiens et croyants, nous aimons nous rattacher aux généalogies bibliques, à Abraham, le prototype du croyant en marche — comme j'en ai parlé dimanche dernier.
Alors, sommes-nous bien des enfants d'Abraham sur le plan de la foi ? Sommes-nous bien des enfants de Moïse sur le plan de notre obéissance pratique, de notre éthique ? Sommes-nous des frères et des soeurs de Jésus qui est venu accomplir la loi et les prophètes ?
Vous avez entendu quelques prescriptions tirées du livre du Deutéronome. Ces prescriptions sont accompagnées de la raison, du moteur qui motive à les respecter et à les mettre en pratique :
"Souvenez-vous que vous avez été esclaves en Egypte, et que le Seigneur votre Dieu vous a libérés." (Dt 24:18)
Il y a là deux éléments fondamentaux. Le premier, c'est que l'obéissance — spécialement à des prescriptions qui concernent la justice et la solidarité — est motivée par la conscience d'avoir été soi-même dans une situation de souffrance, d'injustice, d'oppression et de dénuement. La conscience du mal subi (symboliquement le séjour en Egypte) est essentielle pour s'ouvrir à la souffrance de l'autre, pour que notre coeur et notre esprit puisse compatir et exprimer sa sympathie, sa solidarité.
Nous avons tous des blessures intérieures, des souffrances affichées ou secrètes. Nous avons tous eu notre temps d'esclavage en Egypte ou notre main droite paralysée. De cette souffrance, si possible guérie, nous pouvons puiser des forces et des trésors de compassion.
Le deuxième élément fondamental est la libération. Dieu a libéré son peuple de l'esclavage. Et Dieu donne sa loi comme moyen de ne pas retourner en esclavage, comme moyen de maintenir cet espace de liberté instauré par Dieu. La loi n'est pas un carcan, mais la condition du maintien de la liberté de tous. L'ensemble des lois écrites doit bien garder cet objectif en vue, sous peine de tomber dans le légalisme, c'est-à-dire un système où la loi opprime au lieu de libérer et protéger.
C'est bien ce qui se passe lorsque Jésus est confronté aux Pharisiens, qui l'épient pour voir s'il transgressera le grand commandement du sabbat. Jésus se permet d'interroger la loi écrite au nom de sa visée libératrice et solidaire :
"Que permet notre loi ? de faire du bien le jour du sabbat ou de faire du mal ? de sauver la vie d'un homme ou de la détruire ?" (Luc 6:9).
Pour apprécier des prescriptions qui se contredisent, Jésus commence par replacer l'homme au centre. Physiquement, devant ses adversaires il replace au centre l'homme souffrant. Ensuite Jésus interroge la visée fondamentale de la loi, la volonté première de Dieu : enfermer l'homme dans son mal ou le libérer de l'oppression du mal subi ?
Le commandement de Dieu que Jésus met en pratique par sa guérison crée un espace de vie au sein du chaos que le mal répand, crée un espace de vie pour les plus faibles, les plus démunis. Jésus guérit l'homme, parce que la loi n'a pas à détruire sa vie, mais que son rôle est de favoriser la vie, son rôle est d'assurer un espace de vie.
Cette attitude n'est pas sans provoquer des réactions, le texte nous dit même que cela remplit de fureur une partie des spectateurs qui, dès lors, vont chercher le moyen d'éliminer Jésus. La fonction de la loi, protectrice de la part du pauvre — ne pas revenir chercher les épis oubliés dans le champ — est détestée par eux qui voudraient avoir les mains libres pour maximaliser la rentabilité de leur travail au détriment des plus faibles et des plus démunis. Les prises de positions de Jésus contre les lois injustes ou inhumaines provoquent la colère, comme aujourd'hui lorsque les Eglises relayent fidèlement les paroles de Jésus à propos de situations présentes.
Selon notre réaction, se repose la question de notre filiation. A qui nous rattachons-nous, pratiquement, dans nos comportements, dans nos choix politiques et économiques ? En ce dimanche dédié aux hommes et aux femmes qui ont dû fuir leur pays pour se réfugier chez nous ou ailleurs, serons-nous sensible à ces paroles du Deutéronome ?
"Lorsque vous moissonnerez, si vous avez oublié une gerbe dans le champ, vous ne retournerez pas la prendre; vous la laisserez pour les étrangers, les orphelins et les veuves. Alors le Seigneur votre Dieu vous bénira dans tout ce que vous entreprendrez." (Dt 24:19).
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2021
(14.6.1998) Pour l'Abbaye des Laboureurs de Bussigny
Genèse 12
Cheminer avec Abraham
Genèse 12 : 1-7. Luc 24:13-27.
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Chers frères et soeurs en Christ,
Ce matin, nous allons faire route, cheminer avec Abraham. Ce matin, vous vous êtes mis en route, en cortège pour venir ici et vous reformerez un cortège plus tard pour aller à la fête et j'espère que ce personnage d'Abraham vous accompagnera sur votre route.
Abraham, c'est l'ancêtre par excellence, ancêtre des croyants, ancêtre des trois religions monothéistes. Par son fils Isaac, il est reconnu comme ancêtre par le peuple d'Israël et par les chrétiens. Par son fils Ismaël, il est reconnu comme ancêtre par les musulmans.
Ancêtre de trois religions, mais qui connaît ses actes religieux ? Il n'était ni moine, ni prophète. Abraham, c'est l'homme qui voyage, qui part de Charan en Chaldée (dans le sud de l'Irak actuel), qui va en Palestine, puis en Egypte, remonte au Liban, retourne en Egypte, etc... Abraham, c'est l'homme toujours en route, toujours en chemin. Pourtant les carnets de route d'Abraham sont moins passionnants que ceux d'Ella Maillard ou Nicolas Bouvier !
Ce ne sont pas les voyages d'Abraham qui nous intéressent, mais le voyage initiatique que ces déplacements représentent. Il faut lire les pérégrinations d'Abraham comme représentatifs d'un parcours spirituel, un voyage à l'intérieur de soi-même, un voyage de l'âme sur les sentiers de l'existence.
Nous avons entendu tout à l'heure dans la Bible, le départ d'Abraham :
"Va, pars, quitte ton pays, ton clan, la maison de ton père, pour aller dans le pays que je te montrerai." (Gn 12:1).
Abraham entend un appel au départ, assorti d'une double promesse : (1) recevoir un pays, (2) recevoir une large bénédiction pour toute sa vie, une bénédiction qui s'étend aux générations futures. L'appel d'Abraham à partir n'est pas une incitation à l'abandon, à la fuite en avant. C'est une invitation à chercher son propre projet, au milieu de tous ceux qui se présentent à nous. Il s'agit de cherche le fil de sa propre existence, chercher sa propre vocation.
Vous avez certainement remarqué, il y a tout autour de nous des gens qui ont des idées sur ce qu'on devrait faire, sur ce qu'on devrait être, sur la meilleure façon de réagir, sur ce qu'on devrait acheter, etc. Nos parents avaient des projets pour nous. Les publicitaires ont des projets pour nous. Les partis politiques ont des projets pour nous ! Qui sommes-nous ? Qui suis-je ? Vais-je suivre l'un ou l'autre de ces projets ? Ou bien vais-je faire moi-même mon chemin ? Est-ce que nous nous laissons balader ou est-ce que nous dirigeons notre vie en fonction de notre vocation profonde ?
Dieu nous appelle à quitter les cadres tout faits, les vies toutes programmées, pour répondre à l'appel du large, à l'appel de nos talents, de notre vocation. Certes, ce n'est pas facile, c'est désécurisant de quitter ainsi les chemins battus, mais n'est-ce pas le prix de la liberté, le prix de la vraie vie, de la vie qui vaut vraiment la peine d'être vécue ?
On n'avance pas assis dans son fauteuil ! On avance en se levant, en se donnant un but, une route.
Cette marche, ce cheminement porte une promesse, la promesse de trouver de vrais moments, une vraie vie. Bien sûr, on peut aussi marcher comme les disciples dont nous avons entendu le récit, qui s'éloignent de Jérusalem, avec le désespoir d'avoir vu mourir Jésus, et ils s'en vont, sans joie, sans espoir, inconscient de la présence de Jésus les accompagnant sur leur chemin.
A nous de choisir notre route, notre façon de marcher, en qui nous plaçons notre confiance, notre foi. Abraham est devenu le prototype de l'homme de foi parce qu'il a regardé en avant, il a osé partir, affronter l'inconnu pour aller à la découverte de lui-même. Comme le laboureur, il a planté sa charrue et il n'a cessé de regarder devant lui pour voir où il allait faire son sillon. On ne fait pas de sillon droit, en regardant en arrière.
Quand vous reprendrez le cortège, quand vous reprendrez votre voiture ou votre vélo pour aller au travail ou en commission, demandez-vous : où vais-je ? Est-ce que je vais à reculons, en regardant en arrière ? Ou est-ce que je vais en avant, là où mon coeur, ma vocation m'appelle ? Vais-je où se trouve la promesse de la vraie vie ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2021
pour le dimanche 7 juin
Nombres 21
Le Christ en croix est le repère que Dieu a élevé pour être vu de tous
Nombres 21 : 4-9. Ephésiens 5 : 1-2. Jean 3 : 7-15
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Chers frères et soeurs en Christ,
Dimanche dernier, dimanche de Pentecôte, nous avons vu comment — par le don de l'Esprit saint — Dieu a manifesté sa volonté de faire de nous des fils, ou des filles, et non des esclaves dans notre relation avec lui. Ce rang de fils, auquel Dieu nous élève, nous place comme héritiers et cogestionnaires du monde avec Dieu. Ce rang de fils, ou de fille, nous dit également à quelle communion, avec Lui, Dieu nous invite. En nous faisant fils, il reconnaît notre liberté, notre autonomie à diriger notre vie, à choisir notre chemin de vie.
J'avais utilisé l'image du voilier, à ce propos, parce que le voilier peut prendre toutes sortes de routes sur l'eau pour parvenir à la destination qu'il s'est fixée, selon les vents qui soufflent. Dieu ne nous fixe pas la route à prendre, mais il nous invite à choisir une destination : aller à Lui pour trouver la vraie vie.
Pour aller vers cette destination, Dieu a placé un repère — comme un phare qui guide le voilier dans la nuit — c'est le Christ qui a été élevé sur la croix.
Presque tous les jours, nous entendons dans les médias que notre société est déboussolée, qu'elle est sans repères, que nos jeunes n'ont plus de repères et partent à la dérive. Oui, c'est vrai — mais en partie seulement. Si nos jeunes manquent de repères, c'est que notre génération n'ose plus leur dire où on en trouve. Ou pire, c'est que notre génération a perdu ses repères, mais n'ose pas le dire et reporte la faute sur ses enfants.
Or les repères sont toujours-là, mais on ne les trouve plus attrayants parce qu'apprendre à les connaître, les assimiler, les intégrer cela demande un effort sur soi-même, cela demande des changements d'attitudes, des transformations et — mot tabou — des renoncements. Suivre un repère, se tenir à une ligne de conduite, ce n'est pas facile, cela demande des efforts.
C'est exactement ce qui se passe avec les Israélites qui se trouvent avec Moïse dans le désert. Ils posent la question : "Pourquoi nous avoir fait sortir d'Egypte ?" Etait-ce pour nous faire mourir dans le désert ?" (Nbr 21:5).
La voie de la liberté n'est pas toujours plus facile que de rester dans le confort de l'esclavage où tout est décidé, tracé pour vous. Il y a des moments où le malheur ne semble pas plus effrayant que le changement.
Max Frisch avait cette phrase superbe et effrayante :
"Quand on a encore plus peur du changement que du malheur,
comment éviter le malheur?"
C'est la situation des Israélites au désert, c'est la situation de Nicodème face à Jésus. Il y a souvent des situations comme cela dans nos vies, où le changement nous fait plus peur que le malheur.
Dans cette situation, Dieu dit à Moïse de faire un serpent en bronze et de le fixer en haut d'une perche, bien visible, avec cette promesse :
"Quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve !" (Nbr 21:8)
Dieu ne propose pas un antidote, un vaccin ou un sérum au venin du serpent, il commande à Moïse de placer bien en vue la cause du malheur et de le regarder pour être sauvé. Est-ce à dire qu'il faut regarder le malheur bien en face pour en sortir ? Pourquoi pas ? C'est peut-être en regardant lucidement en face le mal, la souffrance, l'échec, que nous pouvons recevoir le vrai désir et l'énergie de lui préférer le changement.
Ce qui est plus étonnant encore, c'est que l'évangéliste Jean reprend cette image du serpent sur la perche et y substitue Jésus élevé sur la croix ! Jésus, le Christ en croix, est le repère que Dieu a élevé pour être vu de tous, pour que nous puissions nous diriger d'après lui vers notre destination qui est une vie pleine, une vie en abondance, une vie riche en relations, ce que l'Evangile appelle la vie éternelle.
Jésus sur la croix est celui qui porte tous nos malheurs, tous nos échecs et celui qui nous indique un chemin vers le bonheur. Lui qui a vécu le plus grand changement imaginable : mourir et revenir à la vie, lui nous invite à le regarder lorsque nous hésitons entre le malheur et le changement.
Nous sommes invités à regarder le Christ, sa vie, son enseignement, sa mort et sa résurrection, pour naître de nouveau, pour naître par l'Esprit.
Dans notre lassitude,
regarder au Christ
pour voir renaître notre énergie.
Dans nos échecs,
regarder au Christ
pour retrouver l'espérance.
Dans nos colères, notre énervement,
regarder au Christ
pour refaire provision de patience.
Dans nos envies de vengeances,
regarder au Christ
pour recevoir le pardon et pardonner à notre tour.
Lorsque l'ombre nous envahit,
regarder au Christ
pour voir resurgir la lumière.
Lorsque le malheur semble gagner,
regarder au Christ
pour recevoir la vraie vie.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2020
Genèse 4
23.2.2020
La croix est le paratonnerre qui attire sur elle la violence du monde.
Genèse 4 : 1-11. Matthieu 5 : 2-24
télécharger le texte ici : P-2020-02-23.pdf
Chers frères et soeurs en Christ,
Comme vous le savez, j'aborde la question de la violence dans le programme d'études bibliques de cette année, sous le titre : “La violence dans la Bible : un problème ?” La violence est présente dans la Bible, dans nombres de récits, comme elle l'est dans notre monde. La Bible n'est pas hors du monde, elle reflète la réalité quotidienne de la vie humaine.
Mais la Bible a aussi un regard sur la violence. Elle ne se contente pas de mettre en scène des hommes violents, des violences étatiques ou même de la violence divine — dans une Histoire (l'Exil) lue comme punition de Dieu. Dans ses récits de violence, l'écrivain biblique prend une position, pose un regard particulier sur les actes de violence décrit. Et c'est cela qu'il est intéressant d'analyser. De quel côté se situe le narrateur biblique ?
Les violences guerrières ou l'exploitation économique des multi-nationales nous paraissent vraiment hors de notre portée. Aussi, je souhaite aujourd'hui que nous nous concentrions sur les violences qui nous touchent ou dont nous sommes ou nous pourrions être les acteurs, ici, dans nos environnements, sur les violences qui nous concernent, qu'elles soient subies ou commises, à la maison, sur la route, à l'école ou au travail. Pour cela, il est important de comprendre les mécanismes de la violence.
Vous avez entendu deux textes bibliques qui parlent de la violence, l'un dans l'Ancien Testament, l'histoire de Caïn et Abel et l'autre dans le Nouveau Testament, où Jésus met en garde sur les commencements, les racines de la violence.
Caïn et Abel, c'est l'histoire d'un meurtre, d'une violence ultime, qui est décortiquée. Le texte nous montre les étapes qui conduisent à la violence. Au départ, deux hommes différents, mais frères. Différents parce que l'un, Caïn, est cultivateur, l'autre, Abel est berger, éleveur. Chacun a son domaine d'activité, ce qui réduit la rivalité possible. Ils peuvent cohabiter et prospérer l'un à côté de l'autre, ensemble, sans se marcher sur les pieds, tout va bien.
Les choses se gâtent lorsqu'ils décident de faire la même chose et de comparer les résultats. Tous deux, comme en miroir, font une offrande. L'une est acceptée, l'autre pas. Pourquoi cela se passe-t-il comme cela ? Pourquoi Dieu prend-il, nous dit le texte, cette décision ? Le texte ne nous le dit pas. L'offrande étant dépendante de la prospérité, tout au plus peut-on penser que Caïn a subi un revers et Abel a-t-il eu une bonne année.
On ne sait rien des faits. Par contre on nous parle précisément de ce que Caïn ressent : "Caïn éprouva un profond dépit (du ressentiment), il faisait triste mine !" (Gn 4:5). Caïn vit une émotion très forte, il ne se sent pas reconnu pour ce qu'il a fait, il se sent probablement rejeté, il se sent dévalorisé par la réussite de son frère, il est fâché, il devient jaloux. Assurément Caïn a subi un tort, une violence. Cette violence ressentie, il va la diriger vers son frère, ce qui aboutira au meurtre.
Entre la colère ressentie... et le meurtre, il y a cependant un espace dans lequel se glisse un petit dialogue, une phrase qui montre que le meurtre n'est pas inévitable, inéluctable, nécessaire : "Si tu réagis comme il faut, tu reprendras le dessus; sinon le péché est comme un monstre tapi à ta porte. Il désire te dominer, mais c'est à toi d'en être le maître." (Gn 4:7). Le mot "péché" peut être remplacé ici par "violence". "La violence est comme un monstre tapi à ta porte". La violence que tu as subie, tu as le choix de la laisser dominer sur toi ou de lui résister ! La violence commise n'est jamais une fatalité, mais toujours le résultat d'un choix intérieur.
L'origine de la violence est mystérieuse, personne ne veut dire qu'il en est — lui — le commencement. On a toujours l'impression d'être d'abord victime et que cela justifie l'acte violent qu'on va commettre en réaction.
Caïn se sent victime du rejet de son offrande et il légitime par là son acte meurtrier. Mais le narrateur est assez habile pour nous dire qu'il tient pour Abel, contre Caïn. Dieu parle à Caïn pour retenir sa colère et son geste fatal, pas pour le justifier.
C'est là qu'on voit que la violence se manifeste comme une spirale. La violence surgit, comme un malheur qui arrive et qu'on subit. Mais il nous appartient de savoir si on veut être un élément dans cette spirale pour transmettre cette violence plus loin. Nous pouvons rarement éviter d'être touchés par la violence, mais nous pouvons éviter de la transmettre.
La violence, dans son cycle, va en augmentant. On connaît le mécanisme dans les cours de récréation. L'un dit un mot un peu haut, l'autre profère une injure, il s'en suit une tape, puis un coup et c'est la bagarre déchaînée.
C'est pourquoi Jésus peut dire que celui qui injurie son frère est aussi coupable que le meurtrier. L'un et l'autre sont acteurs dans le même processus de violence qui n'a pas de fin. Pas de fin... sauf ? Sauf si quelqu'un démasque le procédé et joue le rôle du paratonnerre.
Je crois que c'est ce que Jésus a fait en mourant sur la croix. La croix est le paratonnerre qui attire sur elle la violence du monde. Il n'y avait aucune bonne raison que Jésus soit mis à mort, sauf qu'il a pris sur lui la violence du monde pour nous en délivrer, pour nous apprendre comment nous sortir du cycle infernal de la violence. En termes d'Eglise, cela se dit "Sur la croix, Jésus a pris sur lui tous nos péchés, pour que nous vivions".
Jésus, durant toute sa vie, a rompu le cycle de la violence, il a accepté que la violence termine son chemin en lui. Il a refusé d'être un passeur de violence, un transmetteur de violence. Il a été un tel court-circuit au moyen du pardon. Même sur la croix, lieu ultime de la violence à son égard, Jésus a dit au sujet de ceux qui le condamnaient : “Père, pardonne-leur, car ils ne savant pas ce qu'ils font” (Luc 23:34).
Nous aussi, dans nos situations de vie particulières, nous pouvons être les disciples de Jésus en décidant — à l'inverse de Caïn — que la violence ne passera pas par nous.
Ce n'est pas un chemin facile, c'est un vrai défi, mais celui qui veut devenir le héros de sa propre vie n'a-t-il pas des défis à relever et des combats à gagner ? Dire non à la violence, en cessant de la transmettre, c'est marcher à la suite du Christ.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2020
Genèse 1
Prendre conscience de la finitude du monde
Genèse 1 : 24-31 Luc 12 : 13-20
télécharger le texte : P-2019-09-08.pdf
Chers frères et sœurs en Christ,
Il nous a été proposé — depuis quelques années — de réfléchir au thème de la Création pendant le mois de septembre. J'ai déjà abordé ce thème lors de ma précédente prédication développant l'idée que le capitalisme pur et dur d'aujourd'hui avait pris la moitié de l'enseignement du Christianisme, à savoir la liberté, en oubliant l'amour du prochain comme limite et humanisation de cette liberté.
Aujourd'hui, je vais aborder ce thème de la Création sous l'angle de la finitude. Dans le récit de l'Evangile, Jésus raconte une parabole qui souligne la finitude humaine. L'être humain fait de grands projets, mais tout peut s’écrouler en perdant la vie.
Jésus pose cet avertissement : « La vraie vie ne dépend pas des biens, fussent-ils très grands. » (Luc 12:15). Il fait donc la différence entre la vie et la vraie vie. Il nous alerte sur cette différence. Il y a la routine, le mouvement du monde qui nous dit de consommer ou d'accumuler des biens, et il y a la vie qui a du sens et qui se vit dans les relations.
Cela est bien résumé dans cet aphorisme : « Nous avons tous deux vies, la seconde commence lorsque nous réalisons que nous n'en avons qu'une ! » C'est notre finitude, la perspective de mourir un jour, qui nous secoue pour chercher la vraie vie.
Aujourd'hui il est urgent que notre société réalise que notre planète est limitée. Nous avons la difficile tâche de prendre conscience de la finitude du monde, de notre terre. Ce n'est pas facile, surtout dans notre tradition judéo-chrétienne.
Le récit de Genèse 1, le récit de la création exposé dans un poème — se déployant sur sept jours — nous a stimulé à la croissance et à la domination. Dans les jours 5 et 6 — où sont créés tous les êtres vivants — il y a des injonctions de multiplication (Gn 1 :22 et 28). Après la création de l'être humain, on lit « Croissez et multipliez, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre. » (v28). Croissance, multiplication, domination. On a là tous les objectifs de nos sociétés occidentales, en terme d'influence, de territoire, de marché, d'économie.
Mais le récit de Genèse 1 doit être compris dans son contexte. Avant Jésus-Christ, le rapport au monde est pensé dans d'autres termes qu'aujourd'hui. Un groupe humain se considère comme un îlot au milieu d'un monde sauvage et menaçant. L'être humain est à la merci de la nature, il y est minuscule. L'îlot de sécurité est son village au milieu d'un environnement sauvage. Personne ne pouvait penser à l'époque de la rédaction de Genèse 1 que l'être humain puisse épuiser la nature.
Aujourd'hui, nous avons une vision inversée, nous ne sommes pas dans des petites cités entourées d'une grande nature. La nature est confinée dans des parcs naturels qui sont menacés par la civilisation agricole et urbaine. Nous sommes arrivés à la domination du monde, au point que nous menaçons sérieusement notre planète.
Un élément chiffré pour se rendre compte de ce retournement. Si nous mesurons le poids de l'ensemble des mammifères qui vivent aujourd'hui sur notre terre, nous arrivons aux chiffres suivants : 60% de la masse des mammifères, c'est le bétail destiné à notre alimentation. Ensuite, 36% c'est le poids des humains et il reste 4% pour le poids de tous les mammifères sauvages.
Cela nous dit deux choses :
1. La part sauvage est minuscule.
2. Avec 60% de bétail, nous pouvons voir que nous pourrions nourrir tous ceux qui ont faim aujourd'hui et une population humaine encore plus grande qu'aujourd'hui en réduisant ce cheptel et les cultures intensives qui servent à l'alimenter.
Dans ce récit de Genèse 1, nous avons donc privilégié le verset qui dit « Croissez, multipliez, dominez » (v28), mais nous avons complètement occulté, oublié le verset suivant (v29) qui dit : « Je vous donnerai pour nourriture les plantes et les arbres qui portent du fruit. » Et au verset suivant, même régime végétarien pour tous les animaux !
Dans la création première, il n'y a pas de place pour la prédation. Qui y a été attentif ? Qui a retenu cet aspect ? Cette création se veut non-violente. On ne fait pas couler le sang, même pour se nourrir, même pour survivre. C'est seulement après le Déluge qu'il sera autorisé de tuer des animaux, mais avec interdiction de manger le sang qui est assimilé à la vie.
Pour le peuple d'Israël, le livre du Lévitique détaillera les animaux purs — donc consommables. Et on se rend compte que seuls les animaux qui se nourrissent exclusivement de fourrage sont autorisés. C'est pourquoi le porc qui est omnivore est interdit.
Il y a dans la Bible le souci de ne pas se livrer à la prédation. Genèse 1 n'a en tête que la prédation animale, mais les injonctions à se soucier de son prochain, du pauvre, de l'étranger, etc. nous montrent qu'on peut étendre cette réprobation de la prédation au monde économique, à l'appropriation des terres ou des matières premières.
Une seconde particularité du texte de ces mêmes versets est l'insistance sur les plantes et les arbres (littéralement:) « ensemençants leurs semences », c'est-à-dire produisant et portant leurs graines et leurs fruits. J'y vois l'accentuation de l'idée de durabilité.
Comment ne pas être émerveillé de cette nature qui ne cesse de pousser et de semer à nouveau ses graines pour que le cycle de la vie reprenne à chaque printemps. Toujours à nouveau on peut cueillir des nouveaux fruits et semer de nouveaux champs.
Si l’on observe bien, la nature a inventé le mouvement perpétuel dans le cycle des saisons et le cycle de la vie, des générations.
C'est bien éloigné des productions de semences OGM qui produisent des plantes stériles obligeant les paysans à racheter des semences années après années.
Ainsi le récit de Genèse 1 comprend — en même temps que la responsabilité de la domination de la terre — l'interdiction de la prédation et le souci de la durabilité, pour le maintien de la vie sur notre planète.
Dieu conclut son oeuvre de création en répétant pour la septième fois que cette oeuvre est bonne.
Saurons-nous en respecter la finitude plutôt que de la détruire ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2019