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d) Pentateuque - Page 5

  • Genèse 15. Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ?

    Genèse 15
    26.9.2010
    Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ?

    télécharger la prédication : P-2010-09-26.pdf
    Gn 15 : 1-6, 1 Jn 4 : 7-10


    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Vous avez entendu dans la première lecture ce dialogue entre Dieu et Abraham. Dieu promet à Abraham une grande récompense, de grands biens. Mais Abraham se lamente : que lui importent tous les biens de la terre, s'il n'a pas de descendants à qui les transmettre. Abraham a un grand vide, un grand manque dans sa vie, c'est de ne pas avoir d'enfant.
    Alors Dieu lui promet une descendance, une descendance nombreuse, aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ! Et Abraham lui fait confiance. Abraham a-t-il raison de faire confiance à Dieu. Dieu tient-il ses promesses ? Dieu a-t-il tenu sa promesse envers Abraham. Eh bien, nous allons vérifier cela ensemble.
    Combien de descendants Dieu promet-il à Abraham ? Dieu dit à Abraham "Regarde le ciel et compte les étoiles si tu peux. Tes descendants seront aussi nombreux." (Gn 15:5). Combien y a-t-il d'étoiles visibles à l'œil nu dans le ciel ? Combien pensez-vous qu'il y en a ? Sur internet, on nous dit qu'il y a environ 6'000 étoiles visibles à l'œil nu. 6'000 descendants, c'est un nombre atteignable, non ?
    Il y a deux façons de compter les descendants d'Abraham. D'un côté, ceux qui ont vraiment du sang (de l'ADN) d'Abraham. De l'autre côté, ceux qui se disent descendants spirituels d'Abraham, c'est-à-dire les juifs, les chrétiens et les musulmans. Là, il ne faut plus compter les étoiles à l'œil nu, mais on peut sortir les grands télescopes.
    Les descendants spirituels d'Abraham représentent 53% des habitants de la terre. Comme nous sommes 6,9 milliards d'êtres humains sur la terre à ce jour, 53% font 3,6 milliards de descendants spirituels d'Abraham. On peut dire que Dieu tient ses promesses.
    Eh bien, Abraham a eu confiance en Dieu. Il a fait confiance et il a eu raison, parce qu'il a eu des fils et il a eu la descendance promise. Parce qu'il a fait confiance en Dieu, parce qu'il a eu la foi, Abraham est devenu l'ancêtre, le père spirituel de tous les croyants et un exemple pour nous.
    Mais avoir un ancêtre, cela suffit-il ? Avoir un nom dans sa généalogie, quel sens cela a-t-il, si on ne connaît pas cet ancêtre, ou qu'il ne nous inspire pas nos pensées, nos actions, notre vie ? A voir le monde actuel, à voir les conflits, les tensions qui règnent dans le monde, il ne suffit pas d'avoir un ancêtre commun pour vivre en paix. Il faut plus qu'un nom, il faut un engagement et une inspiration.
    Comme chrétiens, nous reconnaissons que Jésus est celui qui a réactualisé les promesses de Dieu faites à Abraham. Qu'est-ce que Dieu nous promet à nous, aujourd'hui ? Il nous promet la vie, une vraie vie, une vie qui ait un sens, une vie qui nous comble. Comment Dieu nous la donne-t-il, comment cela est-il réalisable ?
    Comme pour Abraham, c'est une affaire de confiance. Vais-je croire, faire confiance que Dieu me donne ce qui est nécessaire à ma vie ? Vais-je ouvrir les mains, accepter de Lui ce cadeau ?
    Nous avons entendu une petite phrase qui résume toute la Bible pour les chrétiens : "Dieu est amour" (1 Jn 4:8). La foi, c'est reconnaître que Dieu est amour, qu'il nous veut du bien, qu'il nous fait des cadeaux. Allons-nous prendre ces cadeaux ou passer à côté ? Allons-nous ouvrir ces paquets ou regarder cela avec méfiance, ou considérer que cela est trop de travail de les déballer ou de construire ce qu'il y a dans le paquet. C'est vrai la vie nous arrive un peu comme un jeu de Lego, il faut construire soi-même à partir des pièces qu'on reçoit.
    La clé de la foi chrétienne, c'est de s'ouvrir pour recevoir. C'est d'accepter d'être aimé, accepter d'être accepté — tel qu'on est — par Dieu.
    Et puis, il faut découvrir qui est Dieu, qui envoie cet amour. Pour cela, nous avons une longue lettre d'amour qu'est la Bible. La Bible, c'est comme le ciel étoilé. Au début, quand on regarde le ciel, on ne voit que des points lumineux, sans ordre, sans forme.
    Il faut quelqu'un pour nous dire "regarde-là, tu vois cette forme de casserole, eh bien c'est la Grande Ourse. Et puis si tu continues vers le haut tu peux voir une autre casserole, c'est la Petite Ourse et l'Etoile polaire. Et puis là-bas, il y a le Lion et le Cygne, etc…" Et d'abord on dit : "Je ne vois pas, je ne vois rien" mais si on persévère, tout à coup on voit la forme : "ça y est, je vois…" et nous ne pouvons plus regarder le ciel sans voir ces formes !
    Le catéchisme sera un bout de cette initiation, les cultes seront un autre bout. Au début, vous ne verrez rien, vous ne comprendrez pas grand-chose, mais si vous persévérez, si vous faites confiance — comme Abraham — vous allez découvrir des formes et des repères — comme l'Etoile polaire — qui vous permettront de vous orienter dans votre vie, qui vous permettront de faire des choix et d'accéder à cette vraie vie, celle qui vaut la peine, celle qui a du sens, celle que Dieu promet. Et souvenez-vous, Dieu tient ses promesses, faites-lui confiance.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Genèse 1. Dans la création, Dieu se donne lui-même

    13.6.2010

    Dans la création, Dieu se donne lui-même

    Genèse 1—2:4a, Mt 6 : 25-27

    Télécharger en pdf : P-2010-6-13.pdf

    Chers habitants de Bussigny et visiteurs venus d'ailleurs,

    Nous sommes réunis ici sur cette place, dans la forêt, à l'occasion de la Charbonnière de Bussigny. Il est rare que nos paroisses se réunissent en pleine nature pour célébrer Dieu. Pourtant beaucoup de nos contemporains trouvent un ressourcement dans la nature. Ils vont en forêt ou en montagne. Ils admirent les couchers de soleil et, devant ces merveilles de la nature, vivent un sentiment de communion, un moment de spiritualité.

    Quel est notre rapport à la nature, en tant que chrétiens ? Le poème de la création que nous avons entendu (Gn 1) nous offre une confession de foi en un Dieu créateur. Il nous dit que le monde est l'œuvre de Dieu, qu'il a voulu l'existence du monde et qu'il l'a façonné d'une certaine façon.

    Pour éviter tout malentendu, je répète que ce texte est un poème et une confession de foi. Nous ne faisons pas une lecture créationniste de ce récit. Il n'est pas pour nous une explication de "comment cela s'est passé," mais une réflexion sur le sens du monde pour aujourd'hui et surtout sur notre place dans ce monde et le rapport entre Dieu et le monde.

    Le récit parle par des images pour situer chacun : Dieu, le monde, l'être humain, les uns par rapport aux autres. Lorsque le récit place Dieu à l'origine de l'univers et le façonnant par séparations successives, cela nous indique que la nature n'est pas Dieu, la nature, le monde est subordonné à Dieu. Ensuite, cela nous dit que la nature n'est pas notre mère, que nous avons une filiation au-dessus de la nature, même si nous faisons partie de cette nature.

    Le récit de la création affirme l'existence du spirituel au-dessus du matériel et notre lien, notre filiation au spirituel en même temps que notre enracinement terrestre. C'est notre foi qu'il y a un surplomb au-dessus du matériel, au-dessus de la nature.

    En d'autres mots, lorsque nous cherchons notre modèle de comportement, nous ne devons pas le chercher dans l'organisation des fourmilières ou même dans celle des chimpanzés (même s'ils sont nos cousins), mais chercher ce modèle au-dessus de nous, en Dieu. Notre port d'attache est "au ciel" même si nous sommes issus de la glaise, que nous descendons du singe et que nous vivons sur terre !

    Ce récit du premier chapitre de la Genèse, comme confession de foi, nous révèle des choses sur Dieu, sur le monde et sur nous-mêmes. J'ai déjà parlé de l'affirmation que Dieu surplombe le monde. L'autre affirmation, c'est qu'il crée de bonnes choses. Sept fois de suite, il est dit que Dieu voit que ces éléments qu'il a créés sont de bonnes choses. La terre n'est pas créée pour que les humains débarrassent le ciel pour le laisser aux dieux. Non, la volonté de base, c'est que les choses soient bien faites et que l'être humain puisse vivre dans un monde habitable.

    Si vous relisez le texte attentivement, vous verrez que les trois premiers jours, Dieu crée des habitats et que dans les jours 4-5-6, Dieu crée les habitants correspondants pour ces espaces, c'est pourquoi le soleil et la lune ne sont créés que le 4e jour alors que la lumière est là dès le premier jour.

    Cela nous dit quelque chose sur le monde, sur la terre : elle est là pour nous, elle nous est confiée, comme un cadeau. Si elle nous est confiée, cela veut dire de la confiance accordée. Vous savez comment c'est quand on fait un beau cadeau à un enfant. On le lui donne, mais on lui fait aussi des recommandations sur le bon usage. "N'use pas toutes les piles le premier jour…" Ne le casse pas, ne l'abime pas…" C'est plein de bonnes intentions, mais cela marque un manque de confiance envers l'enfant.

    Dans le récit de Genèse 1, il n'y a aucune réticence à donner de la part de Dieu. Il n'y a aucune recommandation préalable. Il nous fait confiance ! Il n'a pas mis de barrières. Sommes-nous à la hauteur ? C'est là qu'on voit que le récit parle aussi de l'être humain. Il est fait à la ressemblance de Dieu. Il lui est donné du pouvoir sur la création. Il a pour mission de transmettre la vie. On ne peut pas dire que Dieu mette des bâtons dans les roues de l'être humain.

    C'est un Dieu généreux qui se donne lui-même dans la création. Il met en nous une part de lui-même, pour que nous ayons une ressemblance, une parenté avec lui, ce que j'ai appelé au début cette filiation, cette filiation qui nous permet de l'appeler Notre Père, même si nous avons aussi deux parents ici-bas.

    Ce récit est un texte plein de confiance puisqu'il nous ouvre l'espace de la terre comme "terrain de jeu" qui n'est pas encore assorti d'un règlement limitatif. Ne faudrait-il pas dire que Dieu est trop confiant à notre égard ?

    Le récit laisse vraiment penser que Dieu nous fait suffisamment confiance pour penser que nous — les humains — allons nous organiser pour cultiver la terre et la maintenir belle et propre. Il devait penser que nous serions suffisamment intelligents pour reconnaître cette confiance et faire non seulement bon usage de cette confiance et de cette liberté, mais encore que nous saurions remercier l'auteur de cette confiance et de cette liberté ? A voir le monde actuel, nous avons dû dérailler quelque part, non ?

    Et si nous essayions de nous remettre sur les rails, de revenir dans le chemin de confiance sur lequel Dieu nous attend ? Regardons la nature autour de nous et contemplons tout ce que Dieu nous a donné. N'est-il pas temps de le remercier, de nous tourner vers lui et d'honorer sa confiance ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Genèse 1. En créant l'être humain, Dieu se dévoile lui-même

    9.5.2010

    En créant l'être humain, Dieu se dévoile lui-même

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    Gn 1:1-5 - Gn 1:24-31 - Gn 2:1-4a

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    La Bible nous présente Dieu comme quelqu'un qui fait alliance avec l'être humain. La Bible nous présente trois alliances successives : une alliance avec Noé, une alliance avec Abraham et le peuple d'Israël et une alliance au travers de Jésus-Christ.

    L'alliance avec Noé a pour signe l'arc-en-ciel. L'alliance avec Abraham et le peuple d'Israël a pour signe la circoncision. Et l'alliance au travers de Jésus-Christ a pour signe le baptême. Mais ces trois alliances reposent sur un socle, sur une fondation, c'est la création. C'est la foi que Dieu — avant ces trois alliances — avait déjà une intention pour le monde, pour l'univers et pour l'être humain.

    Le premier chapitre de la Bible nous offre un poème qui cherche à dire la première intention de Dieu pour l'être humain. Un poème qui cherche à exprimer le sens du monde dans lequel nous vivons et la place que nous occupons dans ce monde.

    Dans ce poème qui exprime la création en six strophes, l'être humain apparaît dans la 6e strophe, le 6e jour. C'est le même jour que les animaux terrestres, mais l'être humain n'est pas créé au milieu d'eux. L'être humain est à part, il est le fruit d'une délibération, d'un dialogue avec lui-même : "Faisons les êtres humains, qu'ils nous ressemblent vraiment." (Gn 1:26). Dieu n'a pas dit cela des animaux, c'est réservé aux êtres humains. Et Dieu confie une mission, une responsabilité aux êtres humains : "Qu'ils soient les maîtres des poissons, des oiseaux, des gros animaux et des petites bêtes." (Gn 1:26). Dieu fait, en quelque sorte, de l'être humain le roi de la création.

    Dieu donne à l'être humain du pouvoir avec l'espace du monde, il lui assujettit la nature. Mais il est intéressant d'observer que ce pouvoir est organisé pour qu'il puisse s'exercer sans violence. Pour leur nourriture, Dieu donne aux hommes les céréales et aux animaux l'herbe verte. Comme si, dans un premier temps, dans la création idéale, l'homme était végétarien et tous les animaux herbivores. Le pouvoir donné à l'être humain n'est pas celui dont nous usons aujourd'hui, avec le risque de détruire la planète.

    Concernant la création de l'être humain, le texte ajoute : "Dieu créa les êtres humains à sa propre ressemblance, il les créa homme et femme." (Gn 1:27). Nous avons là deux éléments très importants.

    D'abord, dès le début, l'être humain est créé homme et femme. C'est une volonté de Dieu qu'il y ait deux êtres qui soient différents, mais qui se correspondent. Différents, mais qui puissent s'accorder. Différents pour qu'il y ait dialogue et discussion. Je ne sais pas vous, mais moi, je n'engage pas la discussion avec le type que je vois dans le miroir quand je me rase le matin ! La différence crée la richesse du dialogue, de l'échange. Et c'est peut-être bien dans cette différence, dans cette altérité de l'homme et de la femme, qu'il faut voir notre ressemblance avec Dieu.

    Et voilà le deuxième élément important : en créant l'être humain, Dieu se dévoile lui-même, il se fait connaître — comme l'artiste révèle quelque chose de lui dans son œuvre d'art. En créant l'être humain, homme et femme, Dieu révèle sa soif de dialogue, d'entrer en conversation avec quelqu'un. Et ce quelqu'un, c'est nous aujourd'hui !

    Reprenons ces particularités. En créant l'être humain, Dieu fait un être à part dans la création. Il lui donne du pouvoir, il lui donne une mission ("Peuplez la terre et dominez-la"), il le fait comme un vis-à-vis à sa ressemblance, il le fait comme un être de dialogue.

    Tout cela rassemblé fait de l'être humain un être libre, indépendant, qui peut se donner ses propres buts. Vous aurez remarqué que la mission donnée ne porte pas en elle-même de buts, d'objectifs. Dieu ne dit pas à l'être humain : Je te donne le pouvoir pour… que tu me construises des pyramides, que tu me serves, que tu ailles sur la lune…

    Dieu prend le risque de laisser à l'être humain la liberté de choisir ses buts, de choisir ce qu'il veut faire de son énergie, de sa vie. Dieu se dépossède — dès la création — du pouvoir de nous diriger comme des robots ou des marionnettes !

    Dieu prend des risques avec nous. Il nous donne une entière liberté, en espérant que nous aurons envie d'entrer en dialogue avec lui. Avec le Christ, il nous a montré jusqu'où il se dépouille de sa puissance pour que nous soyons libres de le rejoindre — non par contrainte, mais par amour.

    C'est pourquoi, au fil du temps, Dieu nous propose d'entrer dans son alliance, d'entrer en dialogue avec lui. Depuis la création du monde, Dieu veut notre bonheur, dans la liberté, parce qu'il n'y a de vrai amour que dans la liberté.

    Comment allons-nous lui répondre ? Comment allons-nous orienter notre vie pour répondre à cette main que Dieu nous tend à travers sa création, à travers l'arc-en-ciel, à travers l'alliance avec le peuple d'Israël, à travers le baptême et l'Eglise ? La balle est dans notre camp, elle est dans nos mains.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Exode 3. Moïse (4) L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi."

    Exode 3

    11.10.2009
    Moïse (4) L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi."
    Ex 3 : 9-15 
    Deuxième lecture biblique, dans l'Evangile de Jean, Jésus révèle son identité de diverses manières :

    Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours. (Jn 6:51)
    Je suis la lumière du monde. Celui qui me suis aura la lumière de la vie. (Jn 8:12)
    Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. (Jn 10:11)
    Je suis la résurrection et la vie.  Celui qui croit en moi vivra même s'il meurt. (Jn 11:25)
    Je suis la vigne, mon Père est le vigneron, vous êtes les sarments. Celui qui demeure uni à moi porte beaucoup de fruit. (Jn 15:1+5)
    Je suis la porte. Celui qui entre par moi sera sauvé. (Jn 10:9)
    Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous reconnaîtrez que "je suis celui que je suis". (Jn 8:28)

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Moïse est devant le buisson ardent, ce buisson du désert du Sinaï, qui brûle, mais ne se consumme pas. Dieu a interpellé Moïse, lui a dit qu'il avait vu la situation d'esclavage des fils d'Israël en Egypte et qu'il veut les délivrer. Et Dieu mobilise maintenant Moïse : "Je t'envoie maintenant vers le Pharaon ! Va, et fais sortir d'Egypte, Israël, mon peuple !" (Ex 3:10) Mais Moïse a peur, il se sent incapable, la tâche est trop grande, il ne sent pas à la hauteur.
    L'appel de Dieu nous prend toujours au dépourvu, par surprise, et combien d'excuses ne trouvons-nous pas pour y échapper. La réponse de Dieu est intéressante. Il ne dit pas : "Tu … Tu es capable; tu n'as rien à craindre; tu peux le faire… Non ! Dieu répond à Moïse en disant "Je… Je serai avec toi" (Ex 3:12).
    Et à la question de Moïse : "C'est de la part de qui ?" Quand les Israélites me demanderont qui m'envoie, quel nom devrais-je dire ?" (Ex 3:13). Dieu répond aussi en "Je" Dis-leur "JE SUIS" m'a envoyé. Mon nom est "JE SUIS." Je suis celui que je suis, ou Je suis celui qui suis. Là se trouve la révélation du nom de Dieu, celui que les juifs s'interdisent de prononcer, le tétragramme, c'est-à-dire les quatre lettre YHWH qui forment le nom sacré de Dieu.
    zzzzz
    "Je suis", "je serai", ce qui a conduit à le traduire aussi par "l'Eternel" comme dans le Ps 23 : "L'Eternel est mon berger." L'Eternel, l'Existant, l'Etant, l'Etre. On peut donc voir Dieu comme le fondement, la fondation de tout ce qui existe, de notre être à nous aussi. C'est lui qui nous fait exister, être, qui nous fait vivre.
    Cette révélation à Moïse se passe dans un contexte historique et géographique précis. Moïse est en exil, les fils d'Israël souffrent en Egypte où ils sont maltraités. Et là, Dieu se révèle à Moïse dans un but précis : aller au secours de son peuple, intervenir en leur faveur.
    L'être de Dieu n'est pas hors du temps, hors de l'espace, dans une éternité immuable et inaccessible. L'être de Dieu est un être-avec : "Je serai avec toi." Comme Esaïe le dira plus tard : "Emmanuel", Dieu avec nous (Es 7:14).
    Si Dieu est le fondement de l'être, il est aussi dans l'action. C'est un Dieu qui entend nos plaintes, qui voit nos situations, qui comprend ce que nous vivons et qui envoie un intervenant pour délivrer son peuple. Dieu mandate Moïse pour intervenir auprès de Pharaon pour qu'il laisse sortir d'Egypte son peuple bien-aimé. Nous connaissons la suite de l'histoire, la délivrance et l'installation en terre promise.
    Sautons encore quelques siècles, jusqu'au temps de Jésus. L'évangéliste Jean nous rapport des paroles de Jésus disant :
    Je suis le pain de vie
    Je suis la lumière du monde
    Je suis le bon berger
    Je suis la résurrection et la vie
    Je suis la vigne
    Je suis la porte de l'enclos
    et encore :
    Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, vous reconnaîtrez que "je suis celui que je suis."
    Très clairement, l'évangéliste Jean fait référence à ce récit du Sinaï pour nous dire que ce Jésus est bien Dieu lui-même. L'apôtre Paul — avant Jean — ne faisait rien d'autre lorsqu'il disait que le Christ est "l'image même de Dieu" (1 Co 4:4) et que ce qu'il prêche c'est "Jésus-Christ comme Seigneur" (1 Co 4:5).
    Dire "Jésus-Christ est le Seigneur" c'est affirmer que Jésus-Christ est Dieu, qu'il est le Dieu qui s'est révélé à Moïse dans le désert. Dans le Dieu qui se révèle à Moïse dans le tétragramme, Jésus-Christ est déjà présent (c'est le sens de la Trinité).
    Le Nouveau Testament est la continuation de la révélation à Moïse dans le désert. Jésus est le vrai visage de Dieu. Lorsque nous découvrons la personne de Jésus dans les évangiles, dans les lettres du Nouveau Testament, nous approchons de Dieu, nous découvrons Dieu lui-même.
    L'évangéliste Jean ne peut être plus explicite lorsqu'il rapporte les paroles de Jésus : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9). Nous n'avons pas besoin d'aller dans le désert, de monter sur le Sinaï, Dieu s'offre à nous en Jésus-Christ, dans sa Parole. Il est là — tout proche — à notre portée. Et nous pouvons le mettre à la portée de tous, de nos enfants, de notre famille.
    Dieu a appelé Moïse pour une tâche de délivrance. Dieu a assuré Moïse de sa présence auprès de lui pour réaliser cette tâche. Dieu nous appelle aussi pour communiquer autour de nous, à nos enfants, la bonne nouvelle de Jésus. Jésus est Dieu avec nous, dans nos vies comme nourriture (le pain descendu du ciel), comme lumière, comme guide, comme vie, comme joie, comme accueil. Laissons-nous imprégner de cette révélation de Dieu et marchons confiants dans la vie.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 3. Moïse (3) Dieu vient sanctifier notre réalité, aussi banale soit-elle.

    Exode 3

    4.10.2009
    Moïse (3) Dieu vient sanctifier notre réalité, aussi banale soit-elle.
    Ex 2 : 23 — 3 : 8 Jn 4 : 19-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous retrouvons Moïse dans son parcours à la rencontre de Dieu. Nous avons vu comment il a grandi à la cour du Pharaon et fait l'apprentissage du pouvoir exercé avec violence. Vu comment il a découvert ses origines, son peuple, et les violences qu'il subit jour après jour. Partagé entre ces deux origines, Moïse s'exile au désert où il découvre une autre façon d'être dans la vie nomade du désert.
    Moïse est un homme en chemin, à la recherche de lui-même, de son identité et de sa personnalité. Cette découverte de lui-même, de soi-même, ne peut se faire sans être confronté à Dieu lui-même. Le récit de ce matin nous raconte donc la rencontre entre Moïse et Dieu, ou plutôt entre Dieu et Moïse. Car ce qui apparaît d'abord, c'est que c'est Dieu qui interpelle Moïse.
    On ne nous présente pas Moïse en quête de Dieu, ou en prière, ou en pèlerinage… Le récit nous parle d'abord de Dieu, puis de Moïse et ensuite encore de Dieu. C'est Dieu qui aborde Moïse, c'est Dieu qui se révèle à nous. En dehors de ce mouvement de Dieu vers nous, Dieu serait totalement inaccessible.
    C'est lui qui fait le premier pas. En même temps, Dieu n'est pas totalement inaccessible, parce qu'il tend l'oreille vers nous. Les derniers versets du chapitre 2 nous disent : "Les Israélites, du fond de leur esclavage, se mirent à gémir et à crier, et leur appel au secours monta jusqu'à Dieu. Dieu entendit leur plainte et se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Il regarda les Israélites et se rendit compte de leur situation." (Ex 2:23-25).
    Dieu entend, Dieu se souvient, Dieu voit, Dieu re-connaît leur situation. On voit qu'avant de nous aborder, Dieu étudie dans quelle situation nous nous trouvons, il regarde, il écoute, il cherche à savoir et lorsqu'il sait ce qui se passe, ce que nous endurons, il intervient.
    Comment intervient-il ? Par un jour tout ce qu'il y a de plus ordinaire, alors que Moïse conduit les troupeaux de son beau-père vers leurs pâturages, au-delà du désert. Moïse voit — au loin — quelque chose d'intriguant. Ce qui se passe n'est pas sous les yeux de Moïse, ce n'est pas directement sur son chemin, c'est en marge, c'est de côté, c'est à l'écart.
    Le texte nous dit clairement : "Moïse décida de faire un détour pour aller voir." (Ex 3:3) Liberté que Dieu nous accorde : décider d'aller voir, ou non ! Difficulté pour nous : faire un détour, se laisser entraîner hors du chemin tracé, se laisser dérouter, sortir de nos routes, de nos ornières ou de nos habitudes. Oui, difficulté des "pas évident", des "ça va me prendre du temps", du "qu'est-ce qui va m'arriver ?" ou du "qu'est-ce que les autres vont penser ?" Faut-il que je sorte des sentiers battus pour aller vers Dieu ?
    Moïse fait ce détour, il se laisse dérouter, se laisse intriguer. C'est une fois le détour commencé que retentit l'appel de Dieu : "Moïse, Moïse !" La rencontre avec Dieu commence lorsqu'il nous voit faire un pas hors de nos routines, dès que nous faisons le premier pas dans sa direction.
    Et voilà que, bizarrement, Moïse se fait arrêter dès ce premier pas. "Ne t'approche pas de ce buisson, enlève tes sandales, tu te trouves dans un endroit consacré." (Ex 3:5) Qu'est-ce que ce buisson qui brûle sans se consumer ?
    Pourquoi un buisson ? N'est-ce pas un peu petit pour abriter Dieu ? N'aurait-il pas fallu un olivier centenaire ou un figuier ou mieux un grand cèdre, quelque chose à la mesure de Dieu ? Non, c'est un buisson, un chétif buisson du désert, un arbuste vulgaire, sans prétention, qui ne fait d'ombre à personne, négligeable… Une façon de nous dire que Dieu habite nos réalités les plus simples, les plus banales, notre réalité quoi !
    Et le feu ? Le feu évoque le monde d'en haut, le divin. Le divin vient habiter la simple réalité, pour l'illuminer sans la détruire. La démesure est telle entre le divin et le terrestre que l'on pourrait craindre que notre réalité soit immédiatement détruite par le contact du divin, comme la matière au contact de l'anti-matière. Dieu nous rassure, il n'en est rien. L'intention divine est d'habiter notre réalité sans la détruire, seulement d'y mettre sa chaleur et sa lumière. Dieu veut illuminer nos réalités du dedans.
    Enfin, ce caractère divin du feu, du buisson, illumine, contamine tout ce qui l'entoure. L'endroit devient saint. Là où Dieu vient habiter, il sanctifie ce lieu. Dieu vient sanctifier — rendre saint — notre réalité, nos réalités, aussi banales soient-elles. Comme le pain du boulanger et le vin du vigneron deviennent Présence du Christ pour nous dans la Cène, toute réalité peut devenir porteuse de la Présence de Dieu.
    Nous pouvons offrir la réalité de nos vies, de nos personnes — notre travail, notre famille, nos biens — à Dieu pour qu'il les habite et qu'ils deviennent des actions, des personnes ou des biens sanctifiés. Dieu voit notre réalité, Dieu connaît nos situations et vient habiter notre monde.
    En Jésus, il est venu habiter notre monde. Par le saint Esprit, il vient nous habiter et nous devenons nous-mêmes le temple du saint Esprit, de sorte que — comme Jésus le disait à la Samaritaine — on peut adorer Dieu en esprit et en vérité dans n'importe quel lieu (Jn 4:24).
    A nous d'oser nous laisser dérouter, pour marcher dans les pas de Dieu, lui qui nous entend, qui nous voit et qui nous connaît.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 2. Moïse (2) Moïse découvre ses origines.

    Exode 2

    13.9.2009
    Moïse (2) Moïse découvre ses origines.
    Exode 2 : 11-22    Mt 5 : 21-26

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la naissance de Moïse et son adoption par la fille du pharaon nous indiquait une séquence de vie : origine misérable -> présent princier -> avenir ouvert. Dans l'épisode de la vie de Moïse que nous venons d'entendre, nous allons continuer d'observer comment Moïse grandit et développe son humanité.
    Moïse a donc grandi dans les palais des pharaons. Il a reçu une éducation princière égyptienne, mais il éprouve la soif de connaître sa vraie origine. Comme le dit notre récit : "Un jour, Moïse devenu adulte, alla voir ses frères hébreux" (Ex 2:11). Ce qu'il voit alors le révolte. Il voit deux choses, nous dit le texte : il voit la situation générale, les corvées auxquelles son peuple est astreint et il voit une situation précise où un égyptien, un gardien, frappe un hébreu.
    C'est une révélation pour Moïse, assez semblable à celle de Bouddha Gautama ! Les deux ont été "élevés dans du coton" à l'abri de la souffrance, dans des palais princiers. Moïse est atterré par la découverte de la misère de son peuple — le peuple dont il est issu — et son sang ne fait qu'un tour lorsqu'il voit l'un des siens se faire bastonner. Il tue l'égyptien. [J'ai beaucoup hésité à prêcher sur ce texte, que dire à propos d'un meurtre et que penser du fait que le fondateur du judaïsme, et reconnu par le christianisme, est dès l'origine un meurtrier ?]
    Cette violence de Moïse nous dit deux choses sur l'être humain. Le premier réflexe, lors de la découverte d'un comportement révoltant (la bastonnade), c'est de faire cesser l'action par tous les moyens, par n'importe quel moyen. Et la violence est le premier moyen à disposition, le premier qui vient à l'esprit. La seconde chose que cela nous enseigne, c'est que Moïse utilise-là la culture qu'il a reçue à la cour de pharaon. N'était-ce pas pharaon qui — confronté à la croissance de la population des hébreux — a ordonné de tuer tous les nouveaux-nés mâles ?
    Moïse a grandi dans une culture de la violence, dans une culture qui dit que la violence est une solution possible à tous les problèmes. Moïse utilise donc ce que sa culture, celle de la haute société égyptienne de l'époque, préconisait.
    Et l'on voit que cet acte de violence va déployer sa spirale et son effet boomerang dans le récit. "Veux-tu me tuer comme tu as tué l'égyptien ?" (Ex 2:14) va rétorquer quelqu'un. Et plus tard, le pharaon "va chercher à faire mourir Moïse" (Ex 2:15). Aujourd'hui encore nous voyons les effets d'une culture de la violence — violence économique ou sociale surtout — qui conduit des individus à plonger dans la violence physique.
    Moïse doit fuir, s'exiler, après avoir fait l'apprentissage des conséquences de la mise en pratique de la culture de sa jeunesse. Moïse a donc découvert ses origines, sa culture de naissance — la maltraitance subie — et sa culture d'éducation — la maltraitance commise.
    C'est avec ce bagage — ce lourd bagage — que Moïse s'exile dans le désert, dans la péninsule du Sinaï, le désert de Madian, avec pour nécessité de réapprendre à vivre. Qui pourrait vivre en ayant à choisir entre une culture de victime ou une culture de bourreau ?
    Moïse doit trouver une troisième voie, sa voie propre. Chacun de nous, en sortant de l'adolescence et en entrant dans la vie d'adulte doit réviser son héritage, choisir ce qu'il garde de ce qu'il a reçu et choisir ce qu'il jette de ce qu'on lui a imposé, et finalement compléter sa panoplie avec du neuf. C'est un nouvel apprentissage qui peut durer de nombreuses années de notre vie d'adulte. Beaucoup en font l'expérience.
    Dans le désert de Madian, Moïse découvre une troisième culture, celle du désert, celle des nomades, la vie sous la tente, la vie autour du puits (qui ne va pas sans violence), la lutte pour la survie, mais aussi l'hospitalité, l'humanité de ceux qui n'ont presque rien mais qui le partagent.
    La culture du désert nous est étrangère, mais nous pouvons faire un parallèle avec la culture du montagnard des Alpes. Nous avons tous entendu un guide de montagne parler du respect devant la montagne. Comme humains, nous ne sommes rien face à la montagne et sa grandeur. Elle appelle le respect, ce doit être la même chose dans le désert.
    On prend un soin particulier de la vie, des sources de vie, des relations. On apprend que notre vie dépend des autres comme la leur peut dépendre de nous. Avec l'hospitalité se développe la fraternité, la loyauté, la solidarité, l'entraide.
    Dans cet environnement, Moïse apprend et choisit son camp : on nous montre qu'il prend la défense des filles de Jéthro contre des bergers qui les importunent, qui usent de la violence comme d'un passe-droit pour utiliser le puits. Moïse apprend le service, il fait l'apprentissage de l'humanisation.
    Le chemin de tout être humain arrivé à l'âge adulte est d'humaniser ses forces, ses pulsions, pour les mettre au service d'une cause. Le chemin de toute société est de mettre en place des institutions qui humanisent sa culture, de manière à ce que la violence diminue, le respect augmente et que chacun — jusqu'au plus petit — ait une place digne.
    Moïse réalisera un bout de ce chemin à travers son travail de législateur. Jésus le parachèvera en nous donnant le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) et surtout en enseignant, en paroles et en actes, le renoncement à toute violence pour faire place à l'amour des uns pour les autres.
    Nos sociétés, hélas, sont encore loin d'avoir intégré cet amour, ce respect, cette non-violence à sa culture. Il semblerait même qu'on s'en éloigne par moment. C'est pourquoi le travail de chacun et de l'Eglise pour annoncer l'évangile est plus nécessaire que jamais. La prédication de l'Evangile n'est rien d'autre que cet appel de Dieu à l'humanisation de nos personnes et de nos sociétés pour que chacun puisse vivre en paix et en bonne harmonie avec tous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 2. Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.

    Exode 2

    6.9.2009
    Moïse (1) D'une naissance en péril à un avenir ouvert.
    Ex 2 : 1-10    Jér 29 : 10-14

    Je pense que vous connaissez tous le conte du "vilain petit canard" :
    « Quand le vilain petit canard est né, il ne ressemblait pas à ses frères et soeurs de couvée. Rejeté de tous, à cause de ce physique différent, il est contraint de quitter « sa famille » et de partir, loin, pour ne plus subir leurs moqueries et leurs coups. Sur son chemin, ceux qu'il rencontre ne l'acceptent pas vraiment non plus. Un jour, cependant, ébloui par la beauté des cygnes, le vilain petit canard décide d'aller vers eux. Les cygnes ne le chassent pas et bien au contraire l'accueillent comme l'un des leurs. Et pour cause... Le vilain petit canard a grandi et s'est métamorphosé en un magnifique cygne blanc...*»
    Il y a d'autres contes sur ce modèle, où l'enfant élevé dans une pauvre chaumière découvre qu'il est prince, fils de roi, et finit par regagner son château et mener une vie de prince.
    Ces contes sont utiles pour les enfants qui traversent une enfance difficile, où ils se sentent rejetés, méprisés. Ils peuvent ainsi garder, enfouie au fond d'eux-mêmes, leur estime de soi et devenir un jour, enfin, ce qu'ils étaient dès le commencement. Ce genre de contes est construit sur la séquence :
    origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    L'histoire de Moïse, de sa naissance et de son enfance est construite sur une autre séquence, une séquence utile à notre devenir d'adulte. En tant qu'adultes, nous ne pouvons pas vivre sur la séquence du vilain petit canard. Comment croire, à 30, 50 ou 70 ans, que nous allons enfin nous révéler être autre chose que ce que nous sommes ? Nous ne pouvons pas passer notre vie à faire le gros dos — en attendant un bonheur futur. En rester là, ce serait accepter d'être malheureux jusqu'à la fin de nos jours.
    La jeunesse de Moïse nous offre un autre modèle, plus proche de notre réalité — puisque nous avons dû accepter la réalité d'une naissance tout ce qu'il y a de plus modeste. Moïse naît d'un couple ordinaire et anonyme, tout ce qu'on sait, c'est qu'il est issu de la tribu de Lévi. La période historique est plus que troublée, puisqu'il y a une persécution contre les hébreux qui se trouvent en Egypte. Le Pharaon a décidé d'un génocide sur tous les enfants mâles. Vous remarquerez en passant l'écho que donne l'Evangile de Matthieu lorsqu'il décrit le massacre des bébés ordonné par Hérode (Mt 2:16).
    Donc Moïse naît, mais sa vie est menacée. Il devrait mourir et s'il vit, il devrait être esclave. On ne peut pas naître dans de pires conditions. C'est a priori un bébé sans avenir. C'est sans compter sur la famille, la mère et la sœur qui vont tout faire pour qu'il vive : la corbeille, le choix du lieu le long du Nil, la veille attentive de la sœur, la rencontre avec la fille de Pharaon, l'organisation de l'allaitement, etc…
    Et voilà que Moïse, une fois sevré est élevé à la cour du Pharaon, tout hébreu qu'il est. Paradoxe, retournement, il est élevé comme un prince, il a tout un avenir ouvert devant lui. La séquence indiquée par la jeunesse de Moïse est donc : passé d'esclave —> présent de prince —> avenir ouvert. C'est bien différent de la séquence du vilain petit canard : origine princière —> présent malheureux —> futur radieux.
    Dans la "séquence Moïse", on peut y vivre, on peut y rester tout en avançant, puis que le malheur est déjà derrière soi. Cela ne signifie pas qu'aucun malheur ne peut plus survenir — la vie de Moïse se révélera pleine de hauts et de bas — cela signifie que le malheur a déjà été traversé et que cette traversée, qui ne nous a pas anéanti, nous arme pour traverser les épreuves à venir.
    Il faut clarifier ce qu'on doit comprendre par "présent de prince." Je n'entends pas cela comme un train de vie princier, vautré dans le luxe et les plaisirs. Je l'entends comme la reconnaissance que nos choix de vie sont entre nos mains, que nous pouvons prendre la direction de notre vie, faire des choix et voir comment nous recevons les événements de la vie. C'est le contraire de subir.
    Cette façon de vivre le présent n'est possible que si on le considère comme habité par Dieu, même de façon cachée. Dans le récit de la naissance de Moïse, Dieu n'est pas mentionné. Mais est-il absent ?
    Dieu est présent dans la volonté de résistance de cette mère. Dieu est présent dans ce plan, dans les gestes des unes et des autres, même dans les gestes de la fille de Pharaon, l'ennemi des hébreux. Il y a une confession de foi permanente dans le livre de l'Exode : tout est entre les mains de Dieu.
    Le peuple hébreu est mystérieusement protégé. Le peuple hébreu va être guidé, sauvé. Même Pharaon n'échappe pas à cette emprise du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Même son endurcissement est dirigé par Dieu, jusqu'au moment où il craque.
    Il n'y a de "présent de prince" qu'avec la confiance que tout est entre les mains de Dieu, qu'il nous conduit, qu'il nous accompagne, qu'il nous soutient dans chacun de nos pas, au travers de chacune des épreuves de notre vie.
    Au travers de cette sorte de main mise de Dieu sur Pharaon, le récit nous dit que si Dieu n'abolit pas le mal, il le contient, il le limite, il y met des bornes. Nous pouvons donc regarder notre présent et y trouver toujours à nouveau des signes de sa présence, des sujets de reconnaissance. 
    Si le conte du vilain petit canard est utile pour les enfants, l'exemple de la jeunesse de Moïse est plus utile pour nous adultes. Sa naissance est comme un résumé du projet de Dieu pour son peuple et pour nous : à partir d'une situation de malheur — où nous sommes en sursis — Dieu veut nous donner un présent et un avenir.
    Comme Dieu va sortir le peuple hébreu d'Egypte, Dieu veut nous sortir de notre malheur. Comme Dieu va donner sa loi au peuple hébreu comme charte de liberté, Dieu veut nous rendre libre pour que nous puissions faire nos choix et qu'un avenir soit ouvert devant nous. Dieu ouvre un avenir devant nous (Jér 29:11), faisons-lui confiance.
    Amen
    * http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Vilain_Petit_Canard
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Nombres 13. Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.

    Nombres 13

    14.6.2009
    Selon ce que nous choisissons, nous modelons notre vie.
    Nb 13 : 1-3, 17-24    Nb 13 : 25-33 — 14 : 1-9    Mt 7 : 7-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles,
    Le peuple d'Israël se trouve à une frontière, faut-il avancer ou faire demi-tour ?
    Souvenez-vous, le peuple d'Israël est sorti de son esclavage en Egypte, il a échappé à la tyrannie du Pharaon, traversé la Mer des Roseaux et l'armée de Pharaon a été engloutie par les eaux. Le peuple d'Israël a traversé la péninsule du Sinaï où il a rencontré Dieu et reçu les Tables de la Loi. Le peuple d'Israël est libre, il est en route vers la Terre promise, il est à bout touchant : la Terre promise est devant eux. Vont-ils y entrer ?
    Des explorateurs ont été envoyés en reconnaissance, ils sont douze, un explorateur par tribu d'Israël. Ils reviennent avec des nouvelles, des nouvelles contrastées. "C'est un pays où coulent le lait et le miel" (Nb 13:27), ils y ont trouvé des fruits en abondance. Mais c'est une région habitée par des géants (Nb 13:33), les villes sont fortifiées, tout cela paraît bien risqué !
    Maintenant, quittons la géographie et l'histoire et faisons une lecture symbolique de cet épisode. Je crois que ce récit dépeint beaucoup de nos situations de vie, où nous nous sentons devant un avenir inconnu.
    •    Le petit enfant qui craint d'être séparé un jour de ses parents.
    •    L'enfant qui s'interroge sur sa capacité à grandir, à être à la hauteur du "plus grand" qu'il va devenir.
    •    L'adolescent qui se demande comment il va fais son entrée dans la vie active, indépendante.
    •    L'adulte qui se demande comment il va s'adapter à son nouveau travail, à une nouvelle entreprise.
    •    Les parents qui se demandent comment vont grandir leurs enfants.
    •    Les adultes qui s'interrogent sur le passage à la retraite ou leur entrée dans la vieillesse et, quand l'âge nous rattrape, que faire si je deviens dépendant, si je dois entrer en EMS ?
    A tout âge, on peut se trouver devant une frontière et se demander, vais-je avancer ou faire demi-tour. Remarquons que le récit nous dit que le demi-tour est un retour en arrière, vers la mort.
    Le futur — comme inconnu — est toujours ambivalent, en même temps "pays où coulent le lait et le miel" et pays "habité par des géants" face auxquels je me sens comme un microbe (l'hébreu dit "sauterelles", la traduction en français courant dit "fourmis").
    Que croire ? Que penser ? Quelle est la réalité, la réalité vraie, comme on dit ?
    Un phénomène bien vu dans le texte est ce jeu entre géants et microbes. Dans une situation inconnue, je me sens dé-sécurisé, je me sens tout petit et les autres me paraissent géants, compétents, assurés, tout ce qu'on veut, en contraste de moi. Et nous projetons notre propre perception sur les autres. "Nous nous sentions comme des fourmis, et c'est bien l'impression qu'ils devaient avoir de nous !" (Nb 13:33).
    Nous ne savons pas ce qu'ils pensent, mais nous projetons notre vision des choses dans leur cerveau. Une bonne façon d'augmenter notre peur ! Mais comment l'éviter ? Quels sont les ingrédients de la peur ? Quels sont les ingrédients pour franchir le pas et aller de l'avant ?
    Le récit nous présente un affrontement entre ceux qui veulent faire demi-tour et ceux qui veulent entrer en Terre promise. On peut voir comment ils argumentent :
    Les ingrédients du refus sont :
    - de gommer les éléments positifs,
    - d'augmenter — même faussement — l'attrait du présent ou du passé (argument du bon vieux temps),
    - accentuer les éléments négatifs de l'avenir,
    - projeter ses propres sentiments sur les autres,
    - avoir une faible estime de soi (se voir comme des microbes),
    - entretenir sa peur des autres (les voir comme des géants).
    Quels ingrédients sont-ils avancés pour faire le pas et accueillir l'avenir ?
    - considérer les éléments positifs (l'abondance dans le pays),
    - faire confiance dans le plan de Dieu (si Dieu le veut, alors cela se réalisera !),
    - avoir confiance en soi-même, cela fait baisser la peur des autres,
    - croire au soutien, à l'accompagnement de Dieu : nous ne serons pas seuls sur le chemin de l'avenir.
    Entre ces deux positions, quelles voix écouter ? Comment faire son choix ? Qu'est-ce qui fait la différence ? La différence entre l'attitude de refus d'avancer et celle de franchir le pas est une différence de vision du monde, d'interprétation de la réalité. Le monde, l'avenir, la Terre promise comportent deux réalités, l'abondance et le danger — on ne peut gommer ni l'une ni l'autre — mais c'est nous qui rencontrerons plutôt l'une ou plutôt l'autre selon notre attente !
    Nous décidons si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Selon que nous choisissons d'avancer avec confiance ou de reculer avec peur, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de croire en la promesse d'un avenir ouvert et riche. Selon que nous croyons en la promesse d'être accompagné sur le chemin et soutenu pour traverser les épreuves et les difficultés, nous modelons notre vie. Selon que nous choisissons de nous croire abandonnés ou seuls, nous modelons notre vie.
    Quelle voix voulons-nous faire entendre à nos enfants : la voix de la peur ou du repli, ou celle de la confiance, celle de l'assurance d'une promesse de vie riche et pleine — ce qui ne veut pas dire dépourvue de difficultés — celle d'être accompagnés et soutenus au long du chemin ?
    La Bible, l'Evangile nous répètent que Dieu nous accompagne dans toutes les étapes de notre vie, qu'il nous soutient. Nous ne sommes pas seuls, abandonnés. Nous ne sommes pas des microbes face à des géants. Nous sommes simplement des humains qui pouvons avancer — sans crainte — faisant confiance en Dieu qui nous guide, qui nous soutient, qui nous accompagne de sa bonté. Un Dieu dans lequel nous pouvons mettre notre confiance, sur lequel nous pouvons nous appuyer pour asseoir notre estime de nous-mêmes.
    Nous croyons en un Dieu avec lequel avancer et affronter sereinement l'avenir. Voilà une base solide pour construire notre vie et éduquer nos enfants. 
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz

  • Genèse 18. Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.

    Genèse 18

    8.2.2009
    Dans la Sainte-Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine.
    Gn 18 : 1-8        Luc 15 : 11-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pourquoi partageons-nous la sainte Cène ? Pourquoi est-ce important pour nous, en tant que chrétiens ? Bien sûr, il y a l'aspect "commémoration." Nous rappellons la mort de Jésus, comme il nous l'a demandé. Mais nous pourrions le faire avec des mots plutôt qu'en nous rassemblant autour d'une table et en partageant du pain et du vin (ou du jus de raisin).
    Il se trouve que dès le début du christianisme, il a été important de vivre un repas, avec du vrai pain et du vrai vin. La quantité n'est pas importante, mais la réalité du pain et du vin le sont. D'ailleurs dans notre tradition protestante, c'est le seul moment où nous faisons passer les gestes et le vécu avant la pensée et les paroles !
    Nous sommes dans la réalité, tangible, concrète, pendant le repas de la Cène. Une façon de nous dire — même plus — de vivre le fait que la réalité de Dieu vient toucher notre réalité concrète, notre vie, notre existence dans ce qu'elle a de plus vrai et de plus matériel. Dans la Cène, la réalité divine rejoint intimement notre réalité humaine. Il y a là un point de rencontre entre ces deux réalités.
    C'est ce qu'expérimente Abraham sous les chênes de Mamré, lorsqu'il reçoit la visite de ces trois mystérieux personnages. Trois voyageurs qu'Abraham reconnaît comme des envoyés de Dieu. Tout à coup, dans la vie de tous les jours d'Abraham, Dieu fait son entrée. Ce qui est remarquable, c'est que cette jonction se fait autour d'un repas. Je pense que la Cène est un de ces points de jonction où la réalité divine fait irruption dans notre réalité. Si vous connaissez la série télé "Stargate" eh bien, la sainte Cène est une de ces "portes des étoiles" qui font la jonction entre deux mondes et permet le passage de l'un à l'autre.
    Dans la Cène, le pain est du pain, celui qu'on trouve chez le boulanger, le vin est du vin, celui qu'on trouve dans les vignes de la région. Pourquoi le voyageur est-il un visiteur spécial pour Abraham, pourquoi le pain de la Cène est-il aussi autre chose ? Pourquoi le vin de la Cène est-il aussi autre chose ?  C'est une question de foi et c'est une question de vision, d'ouvrir les yeux sur la réalité derrière la réalité.
    Vous avez devant vous une image toute brouillée, pourtant, je vous le dis, il y a une autre image dans cette image brouillée ! [Télécharger]

    oeil2.gif

    (il est préférable d'agrandir l'image jusqu'à 13x18cm)
    Pour la voir, il faut changer de regard. Pratiquement, il faut regarder à l'horizon, derrière le papier, en décontractant complètement son regard pour garder les "rayons" de ses yeux tout à fait parallèles. On peut coller le papier sur son nez, regarder à l'infini et éloigner petit à petit le papier jusqu'à une distance d'environ 25 cm, mais sans essayer de fixer le papier ! Quelques-uns d'entre vous vont y arriver. A mon signal, vous direz tous ensemble ce que vous avez vu en relief, dans l'image brouillée.
    Voilà, plusieurs d'entre vous ont pu voir des dauphins (2 dauphins sautant dans un arceau) en trois dimensions dans le gribouillis. Certains d'entre vous n'ont pas pu le voir. Faites-vous confiance aux autres que les dauphins existent, même si vous ne les avez pas vus vous-mêmes, en attendant de les voir vous-mêmes ?
    Cette vision nouvelle demande de l'exercice, comme la foi ! Il faut faire confiance au témoignage des autres jusqu'à ce qu'on le vive soi-même. La Cène est un de ces lieux où — au-delà de notre réalité tangible, descriptible — peut se voir, se vivre, une autre réalité qui vient de Dieu.
    Dieu est venu nous rendre visite. Dieu nous envoie des signes, dans ou derrière notre réalité. A nous d'ajuster notre regard, de trouver où, quand, comment les recevoir et les lire. Cela demande de l'exercice, par exemple la lecture régulière de la Bible pour découvrir quels signes Dieu utilise, sous quelles formes il se fait connaître. A chacun d'entre nous de partir à la recherche de ces signes, dans cette quête de la réalité divine qui s'inscrit dans notre réalité.
    Un jour, un jeune homme est parti mener sa quête après avoir reçu sa part d'héritage. Il a arpenté le monde, dépensé son avoir dans sa quête de bonheur, jusqu'au moment où il s'est retrouvé seul face à lui-même. Il a réalisé que tout ce qu'il avait pu acquérir avec son héritage le laissait sur sa faim. Tout ce qu'il avait espéré trouver ailleurs se révélait vain. Il était toujours aussi vide qu'au départ. Il retourne chez lui, vers ce qu'il avait quitté ou fui. Il retourne à la source de sa vie. Et que découvre-t-il ? Qu'on l'attend et que l'on est si content de son retour qu'un festin lui est offert. On tue le veau gras, comme pour les visiteurs d'Abraham.
    Nous avons chacun besoin de mener notre quête, chercher ce qui va nous nourrir, nourrir notre existence, donner sens à notre vie. Où que nous fasse voyager notre quête, n'oublions pas qu'elle nous renvoie sans cesse à l'intérieur de nous-mêmes. Parce qu'aucune source extérieure ne peut nous rassasier et étancher notre soif.
    Un autre feuilleton télé disait "la vérité est ailleurs." Mais l'évangile nous dit "la vérité est ici." Dieu a inscrit sa Présence au milieu de nous, à l'intérieur de nous-mêmes. C'est en nous retrouvant qu'on retrouve la Présence de Dieu. C'est en retrouvant sa Présence qu'on se retrouve soi-même. La jonction entre Dieu et nous se fait à l'intérieur de nous-mêmes, chaque fois que nous nous rebranchons à la Source.
    Le repas de la Cène, la communion à la Table du Seigneur, la communion avec les autres membres de l'Eglise, c'est le moment où nous sommes en contact avec la source, avec l'Amour qui comble notre quête. Vivons dans ce repas, l'accueil du Grand Visiteur.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Exode 19. Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler

    Exode 19

    21.9.2008
    Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler
    Ex 19 : 1-11    Ex 19 : 16-25   

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce récit de l'Exode, nous sommes au cœur de la révélation biblique : c'est le moment où Dieu se révèle à son peuple, au peuple qu'il a choisi. Le peuple se trouve au Mont Sinaï, à l'endroit où Moïse a vécu l'épisode du buisson ardent (Ex 3). Après cette révélation personnelle — où Moïse a appris que Dieu avait entendu les cris de détresse des Hébreux en Egypte et l'a envoyé en mission — c'est au tour du peuple d'Israël de rencontrer son Dieu.
    Il a fallu une préparation, un chemin pour arriver à cette révélation. Elle va se dérouler et nous allons regarder de près comment cela nous est raconté. Cette révélation va se passer en deux étapes. Pendant la première étape, il y a une remémoration de ce que Dieu a déjà fait pour le peuple, puis l'annonce et la description de ce qui va se passer.
    Dieu rappelle la délivrance d'Egypte. Le Dieu qui va se révéler est le Dieu libérateur. Cela se répétera au chapitre suivant qui nous donne le Décalogue : c'est bien le Dieu libérateur qui donne la Loi, les 10 commandements. Ce Dieu qui va se révéler offre une alliance au peuple d'Israël, alliance signifie protection de la part de Dieu et obéissance aux commandements de la part du peuple.
    Cette alliance transforme la nature même du peuple d'Israël. Le vocabulaire ici est intéressant. Le peuple qui n'était qu'une nation parmi les nations — le mot utilisé pour "nation" est le mot "goy", le mot que les juifs utilisent pour parler des non juifs, des romains autrefois — cette nation devient une "nation consacrée", devient le peuple de Dieu. Israël passe du statut de nation étrangère au statut de peuple de Dieu.
    Ensuite, Dieu annonce qu'il va descendre vers Moïse et le peuple. Dans tout ce chapitre 19, il y a un jeu entre les mots "descendre" et "monter." Moïse ne cesse de monter, puis de redescendre de la montagne. Et voilà que Dieu va descendre vers Moïse et vers le peuple.
    Il est précisé que Dieu va descendre "aux yeux de tout le peuple" (Ex 19:11). C'est très étrange, puisqu'il est interdit de voir Dieu et qu'il est encore répété au v. 21 que le peuple ne doit pas se précipiter vers la montagne "pour voir Dieu" de peur de mourir. Mais peut-être y a-t-il une différence entre "apparaître aux yeux de" et "chercher à voir" comme il y a une différence entre "être réceptif" et "chercher à percer le mystère." Une autre piste pourrait être dans une interprétation symbolique par glissement du vocabulaire. Dans certains textes (comme Ex 15:27) le mot œil est utilisé pour désigner la source : un œil d'eau est une source. Notre texte pourrait alors se comprendre comme disant : "Dieu descendra pour être la source de tout le peuple."
    Après le temps de l'annonce de la révélation, vient un intermède, un temps pour se préparer, pour se purifier. La deuxième étape, la révélation elle-même suivra. Elle est introduite (au v. 16) par ces mots : "Le troisième jour, à l'aube…" (Ex 19:16). Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Il y a vraiment des résonances entre tous les textes bibliques. Les évangiles nous disent — dans les annonces de la Passion — que le Fils de l'Homme ressuscitera le troisième jour et les femmes se rendent au tombeau à l'aube du premier jour de la semaine. Le tombeau vide sera aussi le lieu d'une révélation étonnante !
    Mais revenons à notre récit. Le troisième jour, donc, Dieu se révèle dans le fracas du tonnerre et des éclairs, dans la nuée — qui a conduit le peuple depuis le passage de la mer Rouge— et dans un son, le son de la corne de bélier, le schophar. Cette corne est sonnée dans les fêtes du nouvel an juif et de Yom Kippour, la fête du Grand Pardon. Ce son du schophar est la voix que le peuple entend. Seul Moïse entend les paroles de Dieu (Ex 19:16).
    Et voilà que le texte nous dit que Dieu descend sur le sommet de la montagne du Sinaï (Ex 9:18, 20). Dieu descend vers Moïse, il rejoint les humains. Il y a un intéressant parallélisme de nouveau. On nous dit d'abord que Dieu descend et que la fumée monte, puis on nous répète que Dieu descend et fait monter Moïse. La fumée qui monte rappelle les sacrifices de bonne odeur qui sont entièrement brûlés et qui plaisent à Dieu. Avec le parallélisme, on peut dire que toute personne qui monte vers Dieu, qui cherche la rencontre avec Dieu est comme ce sacrifice de bonne odeur, il est une source de joie et de plaisir pour Dieu.
    Lorsque Moïse est monté rejoindre Dieu qui est descendu sur le sommet du Sinaï, il est dit : "Moïse parlait et Dieu lui répondait par une voix" (Ex 19:19). Le dialogue s'instaure, le dialogue avec Dieu est possible pour toute personne qui se met en quête de Dieu. Dieu transmet sa parole à qui s'approche de lui avec un cœur réceptif et préparé.
    Après ce dialogue, Moïse redescend vers le peuple et lui transmet ce qu'il a reçu. Il ne nous est pas dit directement ce que Moïse transmet au peuple, mais comme le chapitre suivant expose le décalogue, on peut bien penser que Moïse leur communique les 10 Paroles qui vont assurer la vie et la liberté de chacun. Le chapitre se termine donc sur cette transmission.
    Ce qui est intéressant là, c'est ce que le texte ne dit pas ! Un silence très révélateur !
    A aucun moment, le récit ne dit que Dieu est remonté du Sinaï au ciel. Le texte a dit que Dieu descendait, mais il ne dit pas qu'il remonte. Une façon indirecte de nous dire la chose la plus importante du message biblique : Dieu reste auprès de nous, il nous a donné sa Présence pour toujours. Cette présence est là, dans le son du schophar, dans la Parole et l'Alliance, dans la loi et la grâce, dans la vie du Ressuscité sorti du tombeau à l'aube du troisième jour. Dieu est descendu et sa Présence est toujours parmi nous !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Genèse 17. L'héritage d'Abraham, notre héritage.

    Genèse 17

    22.6.2008
    L'héritage d'Abraham, notre héritage.
    Gn 17 : 1-8    Rm 4 : 13-17a

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai choisi Abraham pour nous accompagner dans notre réflexion ce matin et parmi les épisodes de la vie d'Abraham que nous rapporte la Bible, ce rappel de l'alliance que Dieu conclut avec lui. Ce récit a plusieurs choses à nous dire aujourd'hui.
    D'abord, c'est Dieu qui interpelle Abraham. Dieu prend l'initiative de se faire connaître, de se révéler à Abraham. Dieu se rend disponible à nous, il nous appelle à lui répondre, à le suivre, à l'écouter. Et Dieu vient avec une offre, où Dieu ne vient pas d'abord demander, réclamer quelque chose de nous pour ensuite nous donner quelque chose, non, c'est le contraire : il donne d'abord et nous pouvons lui répondre ensuite.
    Dieu vient offrir à Abraham une alliance : "Je m'engage envers toi" dit Dieu à Abraham. A quoi Dieu s'engage-t-il ? A donner à Abraham un avenir ! A cet homme âgé, Dieu annonce un avenir, un futur, une descendance. Comme marque de cet avenir, Dieu change le nom d'Abraham : d'Abram (père très haut), il devient Abraham (père d'une multitude de peuples).
    Une alliance, le don d'un nouveau nom, dans notre terminologie chrétienne on parlerait d'un baptême : une promesse de vie donnée à une personne pour qu'elle marche sous le regard et sous la protection de Dieu.
    Cet avenir, pour Abraham, se décline de deux façons : il va devenir l'ancêtre d'une descendance nombreuse et le destinataire d'une terre, d'un pays. Ce destin, nous le voyons se dérouler dans l'histoire que la Bible nous raconte en suivant les personnages bibliques. Isaac, Jacob et Esaü, Joseph. Puis le peuple en Egypte libéré par Moïse et conduit dans le désert jusqu'au bord du Jourdain. Ensuite, Josué qui fait entrer le peuple hébreu dans le pays de Canaan, le pays de la promesse. Etablissement de la royauté avec Saül, David, Salomon et d'autres rois. Puis, histoire moins connue, les invasions, assyriennes qui prennent le royaume du Nord (Samarie) puis babyloniennes qui prennent le royaume de Juda.
    C'est l'Exil, la pays est perdu, l'élite, les prêtres, l'administration sont exilées à Babylone. Et c'est là, pendant cet exil, que sont reprises les traditions des patriarches, les récits, les annales royales pour tisser un récit qui rappelle au peuple juif ses racines et son histoire.
    Et notre texte — au sujet d'Abraham — est repris lui aussi dans ce contexte de l'Exil et de la perte du pays pour redonner espoir aux juifs de ce temps. Qu'en est-il — au bord des fleuves de Babylone (Ps 137:1) — de l'alliance et des promesses faites à Abraham ? Si le pays est perdu, que reste-t-il ?
    Le récit nous dit que l'alliance tient toujours, que Dieu est toujours présent auprès de son peuple. Il n'y a plus de Temple, mais il y a toujours la Torah, l'alliance, la loi qui permet d'être connecté à Dieu. Il n'y a plus de pays, mais il y a les enfants qui sont toujours porteurs de la promesse et de l'avenir.
    Les enfants sont un signe que l'alliance faite avec Abraham par Dieu est toujours valide. Les générations qui se succèdent sont le signe de la permanence de l'alliance de Dieu avec son peuple. La promesse persiste et persistera tant qu'on transmettra la Parole de Dieu de génération en génération.
    Nous sommes les descendants d'Abraham, nous sommes les récipiendaires de cette promesse et nous avons la responsabilité de la transmettre à notre tour. Si une génération s'arrête, tout s'arrête ! Nous avons une responsabilité : recevoir et transmettre le don que Dieu nous a fait, le transmettre à la génération suivante. Il n'y a plus de pays à transmettre, mais il y a un héritage bien plus important : la richesse d'une promesse d'avenir.
    La Bible, après Abraham, nous détaille cette richesse, ces valeurs qui se développent dans le don de la Loi qui rappelle l'exigence de respect et de justice dus à tous les êtres humains. Ensuite vient le don que Jésus fait de sa vie sur la croix, où il nous apprend la valeur du pardon, du don de soi et de l'amour suprême. Voilà notre héritage, celui que nous recevons d'Abraham, héritage bien plus précieux que n'importe quelle terre, n'importe quelle possession.
    Et puis j'aimerais faire un dernier lien avec notre texte, puis que ce dimanche et le dimanche des réfugiés. Ce récit rappelle qu'Abraham est étranger sur cette terre au moment où il reçoit cette alliance et cette promesse comme le peuple d'Israël qui relit ce récit alors qu'il est en exil à Babylone.
    Et pourtant, il nous est dit qu'Abraham est le père d'une multitude de peuples, autre façon de dire que — même en appartenant à des peuples différents — tous les êtres humains sont frères ou cousins aux yeux de Dieu. La provenance, l'origine géographique n'a pas d'importance aux yeux de Dieu. Il nous appelle à partager les valeurs que j'ai énumérées précédemment : le respect et la justice dus à tous les êtres humains, le pardon, le service et l'amour du prochain sans distinctions.
    Voilà nos valeurs, notre héritage, le fruit de l'alliance que Dieu conclut avec nous. Apprenons à partager ces fruits autour de nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Genèse 26. Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Genèse 26

    26.11.2000
    Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Gn 26 : 12-25 + 32-33        Luc 15 : 8-10

    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on se sent complètement vide, sans ressort, sans énergie, sans élan.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où tout semble gris, sans relief, tout semble bouché, on se sent piégé au fond d'un trou, au fond ... ? Au fond d'un puits qui a été comblé de terre. Le puits semble desséché, bouché, inutile.
    Il y a des événements dans la vie, des accidents, des ruptures, des séparations, des deuils qui mettent nos fontaines à sec, qui comblent nos puits, qui nous éloignent de nos sources.
    C'est l'histoire d'Isaac qui nous est racontée ce matin. Il a été béni de Dieu, il reçu tout ce qui peut combler un homme — ne se dit-on pas parfois : "n'ai-je pas tout pour être heureux ? N'ai-je pas tout pour être heureuse ?" — et pourtant, après la mort de son père, Abraham, Isaac découvre que les puits dont il a hérité ont été comblés. Il ne donnent plus d'eau. Ils sont secs.
    Chacune, chacun d'entre nous a reçu un puits, source d'eau vive, source d'énergie vitale, au fond de lui-même.
    L'évangile, en relisant l'Ancien Testament, affirme même que l'effigie de Dieu a été gravée en nous (Mt 22:21), comme est frappée sur chaque pièce d'argent l'effigie de celui qui émet la monnaie. Deux images pour dire une même réalité : le puits, source de vitalité; la pièce de monnaie : image de Dieu, source de tout amour, gravée au fond de nous.
    Une pièce et un puits. Un puits et une pièce. Ces deux mots ensemble me font immanquablement penser à ces lieux touristiques où les gens ne peuvent s'empêcher de jeter une pièce de monnaie dans le puits, la fontaine ou le bassin qui s'ouvre devant eux. Ils le font pour faire un voeu.
    Ce voeu que l'on ne dit pas à haute voix, mais dont on espère la réalisation, c'est l'espérance de quelque chose de nouveau dans notre vie, l'espérance d'un changement ou d'une délivrance. C'est le souhait de pouvoir commencer à creuser ce puits pour retrouver la source qui est toujours au fond, avec son eau, au fond de nous-mêmes, mais qui est temporairement inaccessible.
    C'est le souhait de descendre en soi — jetant derrière soi (hors du puits) tout ce qui nous encombre, tout ce qui nous fait mal, tout ce qui pèse sur nos épaules — regrets, remords, rancunes, révoltes — pour retrouver la pièce qui est au fond de nous.
    Il faut du temps pour désensabler le puits, pour le vider. Il faut du temps, mais ce n'est pas le temps qui creuse ! Souvenez-vous de la femme qui recherche sa pièce de monnaie. Elle allume une lampe pour y voir clair dans sa vie, elle prend un balai pour évacuer tout ce qui encombre et visite tous les recoins de son âme. Un vrai travail, mais un travail qu'on ne fait pas tout seul.
    Ce travail de recherche — autant du berger qui cherche sa centième brebis, que de la femme qui cherche sa pièce, ou du père qui cherche le contact avec ses deux fils (tous dans Luc 15) — c'est un travail que Dieu fait avec nous, que Dieu fait en nous.
    Le berger, la femme, le Père, Isaac, ce sont aussi bien des figures de Dieu qui cherche à retrouver et à redonner vie à notre être intérieur, que des images de nous-mêmes à la recherche de l'essentiel qui habite au fond de nous-mêmes.
    Cet essentiel qui habite au fond de nous-mêmes, nous savons qu'il est là, qu'il vit et qu'il n'aspire qu'à être découvert, à être exhumé et à reprendre vie pour devenir à nouveau source, source d'énergie dans notre existence.
    Cet essentiel — qui demeure au fond du puits qui nous a été donné — est une pièce de monnaie tout à fait exceptionnelle, telle qu'on n'en trouve dans aucune banque. Cette pièce a deux faces. Non pas un côté face avec un visage et un côté pile avec un nombre. Cette pièce a deux faces, deux visages.
    D'un côté, il y a notre propre visage, ce visage qui nous révèle mystérieusement, qui dit qui nous sommes, tels que nous sommes, visage humain et absolument unique, personnel, singulier, exceptionnel.
    De l'autre côté, il y a un autre visage, unique et humain, le visage que Dieu a pris en son fils unique, devenu pleinement humain en prenant sur lui la souffrance et les malheurs de nos existences.
    Deux visages si semblables sur une même pièce, enfouis au fond de nous-mêmes, en attente d'être retrouvés, réunis en un seul, réconciliés. Une réconciliation qui devient source de vie et de joie pour tous.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut tenir cette pièce dans la main et sentir la force qui émane de ces deux visages réunis.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut sentir l'apaisement et la joie d'avoir retrouvé l'essentiel en soi, la source d'eau vive et son propre visage qui se reflète dans celui de Dieu, au fond du puits, désensablé.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

     

    Selon une idée d'Origène :

    « Chacune de nos âmes contient un puits d'eau vive, il y a en elle (...) une image de Dieu enfouie. C'est ce puits que (...) les puissances adverses ont obstrué de terre. * (...) Mais maintenant qu'est venu notre Isaac (le Christ), accueillons son avènement et creusons nos puits, rejetons-en la terre (...) : nous trouverons en eux l'eau vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive jailliront de sa poitrine » (Jn 7:38). (...)
    Car il est là, le Verbe de Dieu, et son opération actuelle est d'écarter la terre de votre âme à chacun, pour faire jaillir votre source. Cette source est en vous, et ne vient pas du dehors, car « le Royaume de Dieu est en vous » (Lc 17:21). Ce n'est pas au dehors mais chez elle, que la femme qui avait perdu sa pièce de monnaie la retrouva : elle avait allumé sa lampe, elle avait balayé sa maison (...) et c'est là qu'elle retrouva sa pièce de monnaie. (Lc 15:8)
    Quant à vous, si vous allumez votre lampe, si vous vous servez de l'illumination du Saint-Esprit, si vous « voyez la lumière dans sa lumière » (Ps 36:10), vous trouverez la pièce de monnaie en vous. Car c'est en vous que se trouve l'image du roi céleste. Quand Dieu fit l'homme au commencement, il le fit à son image et ressemblance (Gn 1:26); et il n'imprima pas cette image à l'extérieur mais au-dedans de l'être humain. (...) Faites resplendir en vous maintenant « l'image de l'homme céleste ». (...) L'artisan de cette image est le Fils de Dieu. Artisan d'une telle valeur que son image peut bien être obscurcie par la négligence, mais non pas détruite par le mal. L'image de Dieu demeure toujours en toi. »

    * Origène fait allusion à Gn 26:15-25 : Isaac doit creuser une deuxième fois les puits creusés déjà par son père Abraham parce que les Philistins les avaient bouchés et comblés de terre.

    Homélie sur la Genèse XIII, 3-4, in Olivier Clément, Sources, Les mystiques chrétiens des origines, Stock, Paris, 1982, p. 118, trad. O. Clément.
    Extrait publié dans : Soyons l'âme du monde, Textes choisis des chrétiens des premiers siècles. Les Presses de Taizé, 1996, pp. 46-48