13.6.2010
Dans la création, Dieu se donne lui-même
Genèse 1—2:4a, Mt 6 : 25-27
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Chers habitants de Bussigny et visiteurs venus d'ailleurs,
Nous sommes réunis ici sur cette place, dans la forêt, à l'occasion de la Charbonnière de Bussigny. Il est rare que nos paroisses se réunissent en pleine nature pour célébrer Dieu. Pourtant beaucoup de nos contemporains trouvent un ressourcement dans la nature. Ils vont en forêt ou en montagne. Ils admirent les couchers de soleil et, devant ces merveilles de la nature, vivent un sentiment de communion, un moment de spiritualité.
Quel est notre rapport à la nature, en tant que chrétiens ? Le poème de la création que nous avons entendu (Gn 1) nous offre une confession de foi en un Dieu créateur. Il nous dit que le monde est l'œuvre de Dieu, qu'il a voulu l'existence du monde et qu'il l'a façonné d'une certaine façon.
Pour éviter tout malentendu, je répète que ce texte est un poème et une confession de foi. Nous ne faisons pas une lecture créationniste de ce récit. Il n'est pas pour nous une explication de "comment cela s'est passé," mais une réflexion sur le sens du monde pour aujourd'hui et surtout sur notre place dans ce monde et le rapport entre Dieu et le monde.
Le récit parle par des images pour situer chacun : Dieu, le monde, l'être humain, les uns par rapport aux autres. Lorsque le récit place Dieu à l'origine de l'univers et le façonnant par séparations successives, cela nous indique que la nature n'est pas Dieu, la nature, le monde est subordonné à Dieu. Ensuite, cela nous dit que la nature n'est pas notre mère, que nous avons une filiation au-dessus de la nature, même si nous faisons partie de cette nature.
Le récit de la création affirme l'existence du spirituel au-dessus du matériel et notre lien, notre filiation au spirituel en même temps que notre enracinement terrestre. C'est notre foi qu'il y a un surplomb au-dessus du matériel, au-dessus de la nature.
En d'autres mots, lorsque nous cherchons notre modèle de comportement, nous ne devons pas le chercher dans l'organisation des fourmilières ou même dans celle des chimpanzés (même s'ils sont nos cousins), mais chercher ce modèle au-dessus de nous, en Dieu. Notre port d'attache est "au ciel" même si nous sommes issus de la glaise, que nous descendons du singe et que nous vivons sur terre !
Ce récit du premier chapitre de la Genèse, comme confession de foi, nous révèle des choses sur Dieu, sur le monde et sur nous-mêmes. J'ai déjà parlé de l'affirmation que Dieu surplombe le monde. L'autre affirmation, c'est qu'il crée de bonnes choses. Sept fois de suite, il est dit que Dieu voit que ces éléments qu'il a créés sont de bonnes choses. La terre n'est pas créée pour que les humains débarrassent le ciel pour le laisser aux dieux. Non, la volonté de base, c'est que les choses soient bien faites et que l'être humain puisse vivre dans un monde habitable.
Si vous relisez le texte attentivement, vous verrez que les trois premiers jours, Dieu crée des habitats et que dans les jours 4-5-6, Dieu crée les habitants correspondants pour ces espaces, c'est pourquoi le soleil et la lune ne sont créés que le 4e jour alors que la lumière est là dès le premier jour.
Cela nous dit quelque chose sur le monde, sur la terre : elle est là pour nous, elle nous est confiée, comme un cadeau. Si elle nous est confiée, cela veut dire de la confiance accordée. Vous savez comment c'est quand on fait un beau cadeau à un enfant. On le lui donne, mais on lui fait aussi des recommandations sur le bon usage. "N'use pas toutes les piles le premier jour…" Ne le casse pas, ne l'abime pas…" C'est plein de bonnes intentions, mais cela marque un manque de confiance envers l'enfant.
Dans le récit de Genèse 1, il n'y a aucune réticence à donner de la part de Dieu. Il n'y a aucune recommandation préalable. Il nous fait confiance ! Il n'a pas mis de barrières. Sommes-nous à la hauteur ? C'est là qu'on voit que le récit parle aussi de l'être humain. Il est fait à la ressemblance de Dieu. Il lui est donné du pouvoir sur la création. Il a pour mission de transmettre la vie. On ne peut pas dire que Dieu mette des bâtons dans les roues de l'être humain.
C'est un Dieu généreux qui se donne lui-même dans la création. Il met en nous une part de lui-même, pour que nous ayons une ressemblance, une parenté avec lui, ce que j'ai appelé au début cette filiation, cette filiation qui nous permet de l'appeler Notre Père, même si nous avons aussi deux parents ici-bas.
Ce récit est un texte plein de confiance puisqu'il nous ouvre l'espace de la terre comme "terrain de jeu" qui n'est pas encore assorti d'un règlement limitatif. Ne faudrait-il pas dire que Dieu est trop confiant à notre égard ?
Le récit laisse vraiment penser que Dieu nous fait suffisamment confiance pour penser que nous — les humains — allons nous organiser pour cultiver la terre et la maintenir belle et propre. Il devait penser que nous serions suffisamment intelligents pour reconnaître cette confiance et faire non seulement bon usage de cette confiance et de cette liberté, mais encore que nous saurions remercier l'auteur de cette confiance et de cette liberté ? A voir le monde actuel, nous avons dû dérailler quelque part, non ?
Et si nous essayions de nous remettre sur les rails, de revenir dans le chemin de confiance sur lequel Dieu nous attend ? Regardons la nature autour de nous et contemplons tout ce que Dieu nous a donné. N'est-il pas temps de le remercier, de nous tourner vers lui et d'honorer sa confiance ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2010
Commentaires
Que pensez-vous de cette interprétation qui fait coincider la création de la Genèse de Moïse avec le Grand Oeuvre des alchimistes?
C'est le cas, par exemple, de Gérard Dorn et de Paracelse.
Cfr le livre paru récemment aux éditions Beya: PARACELSE DORN TRITHÈME, Grez-Doiceau 2012.