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Genèse 32. Le combat de Jacob, blessure et bénédiction

(4.7.2004)

Genèse 32

Le combat de Jacob, blessure et bénédiction

Genèse 32 : 23-32.      Ephésiens 1 : 3-6

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Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers invités aux baptêmes,

En voilà une histoire énigmatique que ce combat de Jacob au milieu de la nuit. Est-il agressé par quelqu'un pendant son sommeil ? Est-il en proie à un cauchemar ? Combat-il ses démons intérieurs ? Je crois qu'il ne faut pas trancher tout de suite, pas avant de mieux comprendre le personnage et le récit qui met en scène cette lutte.

Jacob fait partie de la lignée des patriarches bibliques, ses grand-parents étaient Abraham et Sarah, ses parents Isaac et Rébécca et il a un frère jumeau : Esaü avec qui il a beaucoup lutté pour lui ravir son droit d'aînesse et la bénédiction de leur père. Oui, son attitude et ses agissements à ce sujet étaient clairement hors-la-loi. Son frère et lui sont restés fâchés des années...

Ainsi, Jacob est loin d'être un saint ! Mais cela n'empêche pas qu'il ait sa place dans la Bible. Les personnages choisis par Dieu ne le sont pas pour leur exemplarité morale. Ils ont leur place dans la Bible pour ce qu'ils peuvent nous apprendre sur la vie et sur les choix de Dieu.

Ainsi, c'est cet homme Jacob, qui est au coeur de cet étrange combat, au moment de passer le gué d'une rivière appelée Yabbok. Passer un gué est déjà un élément symbolique fort qui nous indique que Jacob va vivre un temps important dans sa vie, un passage d'un avant à un après, passage qui va le transformer.

Ce passage se fait à travers une lutte, un combat. Le récit commence dans la confusion, il y a comme un voile d'obscurité sur le texte qui utilise des mots vagues. "Jacob resta seul et quelqu'un lutta avec lui (Gn 32:25) Ce "quelqu'un" reste dans l'indéfini. Au verset suivant, il devient "l'adversaire" ce qui n'explique rien de plus. Ce qui est sûr, c'est que dans l'obscurité de la nuit Jacob est entraîné dans une lutte, un combat qu'il n'a pas choisi. Il est entraîné malgré lui et il se débat comme il peut, comme un malade se bat contre la maladie, ou un handicapé contre les barrières architecturales, comme chacun se bat contre ses soucis ou ses angoisses, comme chacun se bat contre ses zones d'ombres ou les oppressions de son passé.

Et, contre toute attente, Jacob n'est pas vaincu ! L'adversaire est toujours de taille, l'adversaire est blessant et peut nous laisser sans force et presque anéanti, cependant l'issue du combat n'est jamais déterminée d'avance. Contre la vie et ses épreuves, contre la maladie et le malheur, contre les abus et la violence, nous avons toujours notre chance, le mal n'a pas le dernier mot.

Je crois qu'il y a deux phases dans le combat de Jacob, d'abord le corps à corps, la prise à bras le corps avec l'adversité, puis le temps de la prise de parole, de la dispute, de la réclamation, de la revendication du sens.

Jacob, blessé dans son corps, ne veut pas laisser partir l'adversaire avant d'avoir reçu une bénédiction et découvert le nom de cet adversaire. L'être humain a besoin de sens, de signification pour vivre. Survivre ne suffit pas, nous avons besoin de donner sens à notre vie et c'est ce qui nous fait quitter le rôle de simples victimes des événements, des malheurs, des accidents de la vie, pour devenir des acteurs qui reprenons les guides de nos existences.

Il faut que de nos malheurs, nous puissions voir jaillir du bien. Il faut qu'après le dur combat, il en sorte du bon. Voilà la quête de sens de Jacob. Le combattant de Jacob va lui laisser trois choses : une blessure à la hanche, un nouveau nom et une bénédiction.

La blessure est la marque du corps à corps, la marque qui entretient le souvenir que le combat a bien eu lieu, ce n'était ni un mirage, ni un rêve. Jacob a bien traversé cette épreuve et il y a survécu. Personne ne peut douter que cela a eu lieu, puisque désormais Jacob boite.

Mais Jacob reçoit aussi un nouveau nom : Israël. Ce nom est le signe de son combat puisqu'il signifie "celui qui a lutté avec Dieu." C'est aussi une bénédiction, le changement de nom est signe d'une transformation de sa personnalité. Ce combat — qu'il n'a pas perdu contre un adversaire incroyablement plus puissant que lui — l'a transformé. Qu'est-ce qui a été transformé en lui ? Le récit ne nous le dit pas !

La transformation intérieure qui découle d'un tel combat contre l'adversité et la mort, pour la vie et le bonheur, cette transformation ne peut être décrite que par ceux qui ont passé par cette expérience. Ceux qui l'ont vécue reconnaissent ce passage, cette expérience. C'est une traversée, une nouvelle vie, comme un baptême où de nouveaux horizons sont ouverts et déployés devant soi.

La blessure n'est pas effacée, oubliée, elle devient le signe que, malgré l'adversité, le sens, la vie, la joie, l'amour sont possibles. La blessure cicatrisée devient souvent la source d'une nouvelle énergie, comme chez ces personnes qui créent des groupes de soutien pour des gens qui passent par les mêmes épreuves qu'elles ont traversées. La blessure n'est plus le souvenir du mal subi, mais le rappel de la victoire conquise sur l'adversité.

La bénédiction assortie à ce combat, c'est la certitude de pouvoir vivre, expérimenter de telles luttes et y survivre.

Jacob — après coup, parce qu'on ne peut le reconnaître qu'en se retournant soi-même sur son chemin de vie — reconnaît que Dieu était présent dans tout ce qu'il a vécu, y compris dans le combat. Mystérieusement, il peut confesser qu'il a "combattu avec Dieu" comme son nouveau nom le dit, et qu'il a rencontré Dieu face à face, en ce lieu.

En ce lieu de passage — le gué du Yabbok — Jacob découvre un Dieu qui préfère perdre et bénir, alors qu'il aurait été en droit de punir Jacob pour toutes ses entourloupes à l'égard de son frère.

Oui, quoi que nous vivions, quelle que soit notre situation, Dieu met devant nous ses bénédictions et nous les offre. A nous de les voir, de les identifier et de les recevoir avec reconnaissance.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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