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Deutéronome 8. De quoi avons-nous faim ?

(19.9.2004)

Deutéronome 8

De quoi avons-nous faim ?

Deutéronome 8 : 1-6.      Jean 6 : 47-51      Matthieu 6 : 16-18

télécharger le texte : P-2004-09-19.pdf

Avez-vous faim ce matin ?

Je vous pose cette question, parce que nous sommes le dimanche du Jeûne fédéral et qu'à prendre cette appellation au mot, nous devrions jeûner ! J'ai pris mon petit-déjeûner comme d'habitude ce matin, mais cela ne m'empêche pas d'avoir faim :

D'avoir faim de voir le monde changer, la violence diminuer. D'avoir faim de ne pas me réveiller avec les nouvelles de nouveaux attentats, de nouveaux morts sur les routes, ou de famine au Darfour,

J'ai faim de plus d'amour, de plus de gestes de solidarité, de plus de gestes d'accueil, de soutien, d'entraide.

Alors, comment se conjuguent cette faim, ces faims avec cet appel au jeûne ? Il est certain que le jeûne est tombé en désuétude, cela ne fait plus partie des pratiques religieuses, surtout chez les protestants. Le jeûne ne se pratique plus que pour des raisons diététiques ! Pourtant, si nous pensons que nous vivons dans une société d'hyper-consommation, le jeûne pourrait être l'expression d'une protestation, notamment contre la constante sollicitation à acheter, acheter, acheter. Quel bonheur on nous promet à l'achat de tel ou tel produit !

Jeûner, c'est peut-être moins : ne pas ouvrir la bouche pour manger, que de ne pas ouvrir notre porte-monnaie pendant une journée. Allons-nous nous laisser embarquer dans une ouverture de tous les magasins le dimanche, comme le demandent certains ? Le jeûne pourrait retrouver du sens !

Dans un autre registre, mais toujours alimentaire, le jeûne est un moyen de se rapprocher volontairement du tiers de la population mondiale qui ne mange pas tous les jours à sa faim. C'est un geste de solidarité où nous donnons l'équivalent de ce que nous aurions mangé pour aider des plus démunis. Cela sera réalisable au travers de l'offrande du Jeûne fédéral. Nous le réalisons aussi lors des soupes de Carême ou Repas-ceinture.

Ces deux sortes de jeûnes nous invitent à comprendre, à saisir, notre imbrication dans le système économique ainsi que notre dépendance à toutes sortes de produits. C'est ainsi que certains mouvements nous invitent à réfléchir, non pas en nous privant de repas, mais en nous laissant choisir un produit qui envahit notre vie : la télé, la voiture, l'ordinateur, etc.

Le jeûne — même s'il se base sur une idée de privation — vise autre chose que la privation. Il vise la libération, la libération de nos habitudes, de nos entraves, de nos ornières. Je pense que c'est pour cela que Jésus, dans le sermon sur la montagne, en parle d'une manière positive (dans mes mots) : "Ne faites pas une tête de déterrés quand vous jeûnez, au contraire, faites-vous beau/belle" (Mt 6:17) puisque vous partez à la conquête de votre propre liberté.

Et Jésus ajoute que c'est un acte intérieur — cela se passe "dans le secret" (Mt 6:18), là où seul Dieu et soi-même peuvent entrer et regarder. C'est dans son être intérieur, à l'intérieur de soi, dans son intimité que se joue la conquête de l'essentiel, du sens et de la liberté.

Cette quête intérieure de la liberté et du sens n'est pas un chemin facile, ce n'est pas un chemin que nous prenons sans y être poussés, par Dieu ou par les circonstances, par les difficultés ou les épreuves, voire les malheurs de la vie.

Le Deutéronome, compare ce chemin à l'épreuve du désert qu'a traversé le peuple hébreu avant de voir la terre promise et résume ainsi ce chemin :

 

"Souvenez-vous de la longue marche que le Seigneur votre Dieu vous a imposée à travers le désert, pendant 40 ans; il vous a ainsi fait rencontrer des difficultés pour vous mettre à l'épreuve, afin de découvrir ce que vous aviez au fond de votre coeur." (Dt 8:2)

Le jeûne est une façon, un moyen, de quitter le confort qui endort, pour descendre en soi-même et sonder notre coeur, sentir ce qu'il y a au fond de soi. C'est une façon de créer en soi des dispositions pour ressentir ce qui nous habite, pour être présent à soi, aux autres, au monde, pour se poser la vraie question : de quoi avons-nous faim ? Qu'est-ce qui est essentiel dans ma vie, pour ma vie ?

Le Deutéronome esquisse une réponse — qui est reprise par Jésus lors de la tentation — "L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole que Dieu prononce" (Dt 8:3 et Luc 4:4). Ce que le monde nous offre ne suffit pas, son pain ne nous rassasie pas, nous avons besoin de la Parole de Dieu, pour nous nourrir, Parole qui s'est faite chair (Jn 1:14), nous dit Jean, qui ajoute : "Jésus est le pain vivant descendu du ciel" (Jn 6:51).

Dans le partage du repas du Seigneur, nous recevons la Parole sous la forme du pain et ce pain devient nourriture spirituelle pour notre vie, réception de Jésus dans notre existence. Dans la Cène, la Parole se fait pain et le pain se fait signe de vie, de vraie vie.

Oser se priver de nourriture au travers d'un jeûne, c'est peut-être oser reconnaître que notre vie est vraiment ancrée en Dieu, c'est faire le saut de la confiance, c'est prendre conscience que nous pouvons renverser la balance de nos soucis et mettre plus d'énergie à rencontre Dieu et notre prochain qu'à remplir notre caddie de supermarché.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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