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L'aveuglement des disciples lorsque Jésus annonce sa Passion

(14.9.2003)

Marc 9

L'aveuglement des disciples lorsque Jésus annonce sa Passion

Esaïe 53 : 1-5.        Marc 9 : 30-37

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Je vous propose ce matin de continuer notre chemin de découverte de l'Evangile de Marc, particulièrement des intentions de l'évangéliste et de sa façon de nous conduire dans la connaissance et la compréhension du Christ. Le but de l'évangéliste Marc est de faire accéder ses lecteurs à la foi. C'est-à-dire à reconnaître que Jésus de Nazareth est bien le Messie et le Fils de Dieu.

Tâche qui n'était pas facile au sein de l'Empire romain où chacun avait devant lui les statues dorées de dieux glorieux et vainqueurs, de vrais héros et modèles.

Comment persuader des païens qu'un condamné à mort — à la mort la plus humiliante, celle des esclaves (pensez à Spartacus) — puisse être le représentant de Dieu, son envoyé, son Fils ! Le philosophe Nietzsche a dit que le christianisme était une religion d'esclaves à laquelle s'oppose une religion de seigneurs. Il est bien question de cela, comment accepter un serviteur pour maître ?

Dans les termes d'aujourd'hui on contesterait plutôt l'impuissance de Dieu, le fait qu'il n'intervienne pas pour arrêter les guerres, pour supprimer la violence. Un Dieu impuissant est-il encore Dieu ? Jésus sur la croix peut-il être le Fils de Dieu ?

Marc construit son Evangile pour en persuader le lecteur. Marc est le premier (à notre connaissance) à avoir rédigé un Evangile, c'est-à-dire un récit suivi des actes et de la Passion de Jésus, en puisant à des sources auxquelles nous n'avons plus accès maintenant. Matthieu et Luc ont pris Marc comme source et se sont servis d'une autre source appelée Logia (Paroles) ou la source Q de Quelle en allemand, source qui ne nous est pas parvenue non plus en dehors des Evangiles de Matthieu et de Luc.

Géographiquement, l'Evangile de Marc est composé de deux parties, le ministère en Galilée (jusqu'à Marc 10) et le récit de la Passion à Jérusalem (dès Marc 11) qui couvre la semaine sainte. Dans la période en Galilée, on peut mettre à part les derniers chapitres (8:22— 10) comme un ensemble cohérent et très construit. Il est ponctué par trois annonces de la Passion où Jésus avertit ses disciples qu'il va souffrir à Jérusalem. Cet ensemble s'ouvre par la guérison d'un aveugle à Bethsaïda (Mc 8:22-26) et se clos par la guérison de l'aveugle Barthimée (Mc 10:46-52). On peut aussi considérer que cette dernière guérison ouvre en fait la partie de l'Evangile sur la Passion.

Conformément à son habitude, Marc utilise ces guérisons — non pas comme des prodiges, des miracles, mais — comme des paraboles. Ces guérisons sont des indications directes au lecteur : "Laissez-vous ouvrir les yeux par Jésus"; "Ouvrez les yeux sur ce qui va suivre si vous voulez vraiment comprendre QUI est Jésus."

Ce signe "ouvrez les yeux" est placé au début d'une partie qui contient trois annonces, par Jésus, de sa Passion. Chacune de ces annonces est suivie d'un épisode qui montre une attitude des disciples vis-à-vis de Jésus ou du Royaume de Dieu. Toute cette partie est destinée à nous faire connaître la messianité de Jésus, une messianité qui n'est pas celle à laquelle on s'attend, une messianité qui choque les disciples.

Voyons cela concrètement. Juste après le récit de la guérison de l'aveugle de Bethsaïda, Pierre confesse : "Tu es le Messie !" (Mc 8:29) Jésus ne conteste pas, mais fait sa première annonce de sa Passion pour qu'il n'y ait pas de malentendu : "Il faut que le Fils de l'Homme souffre beaucoup..." (Mc 8:31). Pierre immédiatement conteste cela et Jésus lui dit le fameux "Vade retro Satanas !" "Va-t-en loin de moi, Satan, car tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les hommes" (Mc 8:33). Ensuite vient la transfiguration de Jésus que les trois disciples ne comprennent pas non plus, et finalement l'échec des disciples à guérir un enfant épileptique.

La première annonce de la Passion est totalement incomprise des disciples et débouche sur leur mise en échec. Les yeux des disciples ne sont pas encore ouverts.

Marc place alors la deuxième annonce de la Passion, celle qui vous a été lue, avec la discussion des disciples qui a suivi sur le thème : "Qui est le plus grand ?" (Mc 9:33-37). L'aveuglement des disciples est l'occasion d'un enseignement : Jésus annonce le renversement des hiérarchies humains : "Si quelqu'un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous " (Mc 9:35). Et Jésus place un enfant au milieu d'eux.

Cet enseignement est tellement important aux yeux de Marc qu'il le dédouble. Quelques versets plus loin, Jésus va bénir les petits enfants (Mc 10:13-16) puis répéter : "Beaucoup qui sont maintenant les premiers seront les derniers et beaucoup qui sont maintenant les derniers seront les premiers." (Mc 10:31).

Dans l'Evangile de Marc ce sont les deux seules fois où Jésus est en contact avec des enfants et les prend en exemple, en modèle. C'est en devenant comme eux qu'on entre dans le Royaume de Dieu.

Après cela on espère que les disciples ont compris. Mais non, la troisième annonce de la Passion est suivie de la demande de Jacques et Jean d'être assis de chaque côté de Jésus lorsqu'il sera sur son trône ! Une façon de demander un portefeuille ministériel et du pouvoir !

Reprenant son enseignement, Jésus recommence à zéro : "Si l'un de vous veut être grand, il doit être votre serviteur et si l'un d'entre vous veut être premier, il doit être l'esclave de tous. Car le Fils de l'Homme lui-même n'est pas venu pour se faire servir, mais il est venu pour servir..." (Mc 10:44-45).

On voit ainsi comment Marc agence son récit, place les actes et les paroles de Jésus pour nous préparer à comprendre le destin de Jésus à Jérusalem. Suite à chacune de ces annonces de la Passion, Marc agence l'enseignement de Jésus, un enseignement qui peut paraître en premier lieu théorique et idéaliste :

tout est possible à celui qui croit (Mc 9:23);

les premiers seront les derniers;

celui qui n'accepte pas le Royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera pas;

si l'un veut être grand, il doit être votre serviteur.

Cela paraît idéaliste, sauf que Marc nous prépare (à travers les trois annonces) au fait que Jésus va vivre ces préceptes jusqu'au bout, jusque sur la croix.

Le mal, la violence — que Dieu semble laisser submerger le monde — vont être portés par Jésus sur la croix — à notre place. Là-dessus nous aurons à ouvrir les yeux — comme Barthimée !

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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