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  • Luc 5. "… alors ils firent signe à leurs compagnons de venir les aider."

    Luc 5
    29.1.2012
    "… alors ils firent signe à leurs compagnons de venir les aider."
    Jérémie 1 : 4-10    Luc 5 : 1-11

    Télécharger ici le texte de la prédication P-2012-01-29.pdf


    Ne croyez pas que cela n'arrive qu'à vous… Ne croyez pas que vous êtes les seuls à reculer, à avoir peur, à trouver toutes sortes d'excuses. Vous n'êtes pas les seuls à avoir des difficultés à parler de Dieu à d'autres personnes, à témoigner de votre expérience de Dieu.
    Vous n'êtes pas seuls, vous êtes même en bonne compagnie, vous êtes compagnons de Moïse, de Jérémie, de Jonas… et de tous les autres dont on n'a pas retenu les noms parce qu'ils n'ont — finalement — pas ouvert la bouche.
    J'aimerais, à travers les textes qui parlent d'appel et de vocation, partager une préoccupation, dont plusieurs livres récents témoignent et qui ne concernent pas que nos villages ou notre canton : Comment regarnir les bancs de nos églises ? La situation est préoccupante. Pour faire bref : il manque deux générations dans la vie de l'Eglise.
    Vous êtes-là, nous sommes-là, mais ni nos enfants, ni nos petits-enfants ne sont-là.
    Face à cette situation, nous avons deux possibilités : (i) soit nous restons ce petit nombre et considérons, qu'entre nous, nous sommes l'Eglise. Mais alors, il faut apprendre à nous gérer nous-mêmes, avec nos effectifs et nos forces vieillissantes : à vous de venir prendre les postes à responsabilité. Soit (ii) nous devons mobiliser une nouvelle génération pour leur confier les postes à responsabilité. Cette mobilisation, c'est la tâche de la communauté actuelle, ici présente, il n'y a pas d'ailleurs en dehors de nous, ici !
    C'est pourquoi j'ai choisi, pour ce matin, ces deux récits de vocation que vous avez entendus. La vocation de Jérémie et l'appel des premiers disciples par Jésus. Voyons ce que nous révèle la vocation de Jérémie.
    Le récit commence par une déclaration de Dieu : "Avant que tu ne sois dans le ventre de ta mère : je te connaissais, avant que tu ne naisses : je t'avais consacré…" (Jér 1:5). Oui, Dieu nous connaît avant que nous levions les yeux sur lui. Dieu nous rend saint, nous met à part, nous individualise, dans le sens de nous remarquer et de pouvoir mettre un nom sur nous, même au milieu d'une foule. Jérémie n'est pas n'importe qui pour Dieu. Nous ne sommes pas n'importe qui pour Dieu, il nous connaît par notre nom et attend quelque chose de chacun de nous.
    Bien sûr la première réaction de Jérémie — mais n'est-ce pas la nôtre aussi ? — c'est de vouloir échapper à cet appel, à cette vocation. Jérémie invoque l'excuse de son jeune âge. Quelle excuse invoquons-nous généralement ?
    Mais Dieu balaie les réticences de Jérémie. Dieu fait preuve d'autorité — rien à discuter, vas-y ! Ça nous choque, non ? Je crois que c'est un essai de rendre compte qu'il y a des choses, des décisions qui s'imposent à nous. Parfois, on ne peut pas faire autrement. Il y a des situations face auxquelles on ne peut pas se taire, quelles que soient les conséquences (pensez aux dissidents chinois). Il y a des situations où un geste d'impose, quelles que soient les conséquences. Là, je pense à ce jeune batteur du bateau Le Concordia, Guiseppe, qui a laissé sa place sur une chaloupe de sauvetage à un enfant. Il a disparu depuis.
    Aujourd'hui on dit : "sa conscience lui a dicté de laisser sa place…" Autrefois on disait : "Dieu…" parce que cette force ne pouvait pas venir de soi-même, on ressent l'irruption de quelque chose de tout autre, mais de tellement incontournable.
    Voilà l'appel, le mot d'ordre — effrayant, mais incontournable — face auquel Dieu rassure "Ne crains rien" (Jér 1:8) dit-il à Jérémie. Jésus le dira également à ses disciples "N'ayez pas peur" (Luc 5:10). Dieu rassure et assure, ceux qu'il appelle, de son soutien : "Je serai avec toi" dit-il à Jérémie, comme il l'avait dit à Moïse du milieu du buisson ardent (Ex 3:12). Et Dieu fait un geste – il pose la main sur la bouche de Jérémie et lui donne un ordre de mission.
    On retrouve plusieurs de ces éléments dans le récit où Jésus appelle ses premiers disciples. Cet appel se fait dans un contexte où Jésus enseigne les foules. Il y a tellement de monde qu'il doit monter dans une barque pour leur parler. Après avoir renvoyé la foule, Jésus fait aussi preuve d'autorité en demandant à Simon d'aller au large et de jeter le filet.
    Simon proteste, comme Jérémie : "Enfin, on a travaillé toute la nuit sans rien prendre !" (Luc 5:5). Il ne veut pas, mais il finit par céder — par confiance "puisque c'est toi qui me le demande." Simon ne comprend pas cet ordre, mais, puisqu'il a confiance en Jésus, il veut bien faire ce qu'il demande. Simon accepte de se lancer dans l'expérience que Jésus lui propose, même s'il a bien des objections.
    C'est le début de la foi : accepter de faire un pas en avant pour expérimenter ce qui arrive quand on fait ce que Jésus demande. C'est peut-être cette foi-là qui nous manque et nous empêche d'entraîner quelqu'un d'autre dans l'expérience de la vie chrétienne. Nous ne croyons plus que les gestes peuvent précéder, entraîner la compréhension et la découverte. On veut tout savoir et comprendre dans la tête, avant de se lancer à faire. Ici le Christ demande à Simon de faire les gestes d'abord, avec la promesse qu'il découvrira ensuite et comprendra finalement.
    Et voilà qu'effectivement — à la suite des gestes — il se passe quelque chose : il y a du poisson en quantité ! Et alors vient ce verset 7 qui aujourd'hui me semble être pour nous le centre du récit :
    "leurs filets commençaient à se rompre, alors ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de venir les aider."
    C'est ici que commence la transmission de l'Evangile : "Venez nous aider à ramasser ce que nous avons découvert auprès de Jésus." Nous n'avons pas à enseigner. Nous n'avons pas à transformer les gens. Nous avons juste à partager ce que Jésus nous a fait expérimenter. A partager notre pêche.
    Chacun a fait une expérience différente de sa rencontre avec le Christ, chacun a donc quelque chose de différent à partager avec autrui. Je ne peux donc que devenir plus général, mais je pense fondamentalement que dans ce monde où chacun est en train de perdre ses racines : la Bible, Dieu offre une généalogie, des ancêtres inspirants. Dans ce monde où tout semble s'écrouler, où on nous annonce des années d'austérité et de sacrifices (pour les plus faibles) : la Bible, Jésus-Christ nous offre de construire le Royaume de Dieu.
    Nous avons de quoi redonner une espérance au monde, ou au moins à notre prochain, ici. Nous avons un filet rempli de poissons : il y en a assez pour le partager avec une multitude de gens.
    Que nous manque-t-il pour répondre à l'appel de Jésus-Christ.
    Que nous manque-t-il pour faire savoir autour de nous ce que nous avons reçu de Jésus-Christ ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012