5.2.2012
Le monde s'est éloigné des valeurs chrétiennes.
1 Pierre 3 : 8-9+13-17 Matthieu 5 : 38-48
téléchargez ici le texte : P-2012-02-05.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Lorsque l'apôtre Pierre écrit aux Eglises qui sont en Asie Mineure, celles-ci traversent des temps difficiles. Le christianisme est une nouvelle religion, qui vient d'ailleurs, dont les principes sont encore mal connus. Devant tant d'étrangeté, les gens sont méfiants. Les chrétiens sont donc en butte à des tracasseries, des calomnies, des moqueries.
Pierre leur écrit donc pour les encourager, les fortifier dans leur vie chrétienne. Notre situation n'est pas identique et pourtant nous pouvons aussi profiter des encouragements de l'apôtre Pierre, profiter de ses conseils et de son soutien.
En fait, le mal n'a pas vraiment diminué entre son époque et la nôtre, le mal a seulement changé de vêtement. Nous ne sommes pas persécutés, nous sommes plutôt victimes de l'indifférence des gens vis-à-vis de l'Evangile. De temps en temps, un philosophe ou un écrivain attaque de front le christianisme et en dit du mal, et la majorité approuve, ajoutant "les églises se vident, elles ne servent plus à rien, les vertus chrétiennes n'ont plus de valeur. Les vertus chrétiennes ont perdu leur valeur dans le monde actuel."
Ce qui est vrai là-dedans, c'est que le monde s'est éloigné des valeurs chrétiennes. Les valeurs mises en avant aujourd'hui sont : le confort matériel, le succès, la célébrité, le paraître, l'autarcie (dans le sens de se suffire à soi-même), l'immédiateté, le défoulement, et vous en trouverez encore d'autres.
Que valent encore les quatre vertus que cite l'apôtre Pierre lorsqu'il dit : "Soyez dans les mêmes dispositions : compatissants, fraternels, miséricordieux et humbles" ? (1 P 3:8).
Voici les quatre vertus auxquels sont appelés les chrétiens dans la situation difficile qu'ils traversent. Prenons-les une à une.
a) En premier vient la compassion. C'est l'équivalent de la sympathie en grec. C'est la capacité à "souffrir avec" quelqu'un. A se mettre sur la même longueur d'onde que lui, à se projeter dans ce qu'il vit, dans ce qu'il ressent. C'est la possibilité de se sortir de soi-même, de ses pensées, de ses préoccupations pour faire de la place à celles de l'autre et voir ce qu'il vit, ressent, pense. Cela implique d'entrer en communion et d'accueillir l'autre tel qu'il est — et pas tel qu'on voudrait qu'il soit.
Pierre demande au chrétien de développer ce type d'écoute et de relation à l'autre : se décentrer pour faire une place à l'autre.
b) Il enchaîne avec la fraternité, les liens fraternels. Si vous avez des frères et sœurs, vous savez que les liens fraternels ne sont pas toujours au beau fixe, sans vague et sans heurt. L'accent, ici, n'est pas sur une harmonie réalisée, toute rose.
Du fait de tensions possibles, l'accent est peut-être davantage sur le mot "lien." Quelles que soient les disputes entre frères et sœurs, le lien reste… C'est dire que si l'on se dit frères et sœurs dans l'Eglise, c'est que nous avons des liens indestructibles plus forts que les brouilles. Et que l'on doit toujours espérer une réconciliation, des retrouvailles, une communion rétablie.
c) La troisième vertu dont parle l'apôtre est la miséricorde. L'étymologie latine de ce mot est un cœur qui sait prendre pitié. Le mot grec que Pierre utilise signifie "être ému jusqu'aux entrailles, jusqu'à la matrice." La miséricorde est différente de la compassion. La compassion, c'est la capacité de se décentrer et de faire une place à l'autre.
La miséricorde va plus loin, c'est la capacité à se laisser émouvoir par l'autre, se laisser toucher au plus profond de soi-même. Se laisser transformer par la situation de l'autre, au point qu'on ne peut plus rester sans rien faire pour lui. La miséricorde devient moteur de la charité.
d) Enfin, l'apôtre nous appelle à l'humilité, à la modestie. Ne nous montons pas la tête, ne nous croyons pas supérieurs.
Ce sont quatre attitudes que nous recommande l'apôtre, à l'intérieur de l'Eglise comme à l'extérieur. Ce sont nos "armes" contre le monde extérieur.
Comme vous pouvez le remarquer, ce sont des armes qui ne blessent pas, qui ne peuvent pas faire du tort à autrui. C'est bien l'enjeu pour l'apôtre, face au mal du monde. Nous devons redoubler de bien, de bénédiction, de bienfaisance.
Le monde peut nous blesser, nous n'avons que la bonté à lui opposer, c'est notre seul réponse disponible. L'apôtre souligne que c'est même notre meilleur témoignage face au monde. Faire du bien, compatir, être fraternels, miséricordieux et humbles, c'est notre spécificité comme chrétiens.
Autour de nous ici, ou bien au loin avec des frères et des sœurs d'Eglises d'autres continents, notre tâche de chrétiens c'est de compatir (faire en nous de la place pour accueillir leur situation), être fraternels (créer des liens durables, malgré nos différences ou nos différends), être miséricordieux (nous laisser émouvoir par leur vie, leur situation, leurs joies et leurs détresses), et rester humbles pour que l'aide donnée de devienne pas un pouvoir sur l'autre.
Ces valeurs chrétiennes ne sont plus celles du monde d'aujourd'hui. Raison de plus de les mettre en pratique, de ne pas les laisser perdre. Plus le monde va mal, plus les humains ont besoin de compassion, de fraternité, de miséricorde et d'humilité.
Unissons-nous pour les mettre en pratique afin que nos vies soient des exemples de témoignage de ces valeurs que le Christ nous a enseignées.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2012