Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Luc 24. Lire la Bible dans une perspective nouvelle.

    Luc 24
    13.5.2012
    Lire la Bible dans une perspective nouvelle.
    Luc 24 : 36-49
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-05-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous suivons l'Evangile de Luc, le chapitre 24, qui nous présente les apparitions du Christ ressuscité. Un premier récit avec les femmes devant le tombeau vide, récit de Luc où les femmes repartent vers les disciples sans avoir vu Jésus, mais fortes de la parole des anges. Un second récit, celui des pèlerins d'Emmaüs, où Jésus chemine avec eux, sans qu'ils ne le reconnaissent tout de suite, où Jésus leur explique toutes les Ecritures et où leurs yeux s'ouvrent au moment de la fraction du pain. Mais alors, il disparaît de leur vue. Enfin ce troisième récit, où Jésus apparaît aux disciples, mais où ceux-ci le prennent pour un esprit, un fantôme. Après avoir montré ses pieds et ses mains et mangé du poisson, Jésus leur explique à nouveau les Ecritures.
    Il y a donc deux thèmes dans le récit d'aujourd'hui : montrer que Jésus n'est pas un fantôme et renvoyer aux Ecritures pour comprendre le ministère de Jésus. C'est ce deuxième thème que j'aimerais aborder aujourd'hui, parce qu'il me semble central dans la pensée de l'évangéliste Luc. Comprendre les Ecritures, ce qu'elles disent du Christ, c'est vraiment l'enseignement central du Christ ressuscité. Souvenez-vous de ce que disent les anges aux femmes : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit lorsqu'il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l'homme soit livré à des pécheurs, qu'il soit cloué sur une croix et qu'il se relève de la mort le troisième jour. »" (Luc 24:6-7). Les femmes sont mises en mouvement lorsqu'elles se souviennent des paroles de Jésus annonçant sa Passion.
    Ensuite, dans le récit des pèlerins d'Emmaüs, on lit ceci :" Alors Jésus leur dit : « Gens sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d'entrer dans sa gloire ? » Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des Prophètes." (Luc 24:25-27). Après coup, les disciples réalisent : "N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?" (v.31). Enfin le troisième récit : "Jésus leur dit : « Quand j'étais encore avec vous, voici ce que je vous ai déclaré : ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les livres des Prophètes et dans les Psaumes, tout cela devait se réaliser. » Alors il leur ouvrit l'intelligence pour qu'ils comprennent les Écritures, et il leur dit : « Voici ce qui est écrit : le Messie doit souffrir, puis se relever d'entre les morts le troisième jour." (Luc 24:44-46).
    Dans les trois récits, le renvoi — pour comprendre et croire — porte toujours sur les souffrances du Messie, de l'envoyé de Dieu, du Christ. L'enseignement de tout ce chapitre, de ces trois récits est que la clé de compréhension de la vie et de la mort de Jésus se trouve dans la Bible.
    Jésus invite les disciples à reprendre la lecture de la Bible avec un angle nouveau, une question nouvelle, une lumière, une perspective nouvelle ! Il ne s'agit pas de lire des histoires diverses sur les patriarches, le peuple hébreu, les rois d'Israël. Il s'agit de découvrir la trace de Dieu dans l'histoire des êtres humains. Il s'agit de reprendre toute la lecture sous un jour nouveau, faire une nouvelle recherche avec une nouvelle grille d'interprétation. Il s'agit de lire entre les lignes des histoires pour voir la trace du Christ, pour découvrir le projet de Dieu, déjà écrit en filigrane dans le Premier Testament. C'est ainsi que Jésus leur ouvre l'intelligence (v.45).
    Et c'est bien ce dont nous avons besoin — à nouveau — aujourd'hui, pour nous et pour nos contemporains. Pourquoi personne ne lit-il plus la Bible aujourd'hui ? Parce qu'on ne sait plus quoi y chercher qui nous concerne, qui concerne aujourd'hui. Il semble que ce ne soient plus que de vieilles histoires. Exactement comme pour les disciples avant la croix.
    Jésus donne aux disciples une clé d'interprétation nouvelle. Il leur dit (v.46-47) : Dans l'Ecriture, vous allez voir le Messie souffrir, ressusciter le troisième jour et annoncer le changement de mentalité vers la libération. A nous, aujourd'hui, de laisser tomber les interprétations anciennes qui nous enferment et reprendre la lecture avec ces critères retrouvés.
    A. Premier critère. Où et comment les textes montrent-ils que Dieu souffre avec l'humanité ? Ça c'est un changement de perspective ! L'évangile nous dit : Dieu souffre. Dieu souffre avec l'humanité, avec le malade, avec l'endeuillé, avec l'humilié, avec celui qui est trompé. Chercher où et comment les textes nous montrent que Dieu souffre de nos situations et qu'il est à nos côtés. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    B. Deuxième critère. Chercher partout où Dieu relève, où il fait pencher les choses du côté de la vie, où il transforme le malheur en promesse de vie, là où il suscite la résilience. L'évangile nous dit : Dieu ressuscite, il relève, il transforme le malheur en ressource, en relèvement. La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    C. Troisième critère. Cela se passe le troisième jour. Etrange critère. Je le comprends comme disant : il faut savoir — non pas attendre passivement mais— laisser mûrir ! Nous voudrions que la résurrection ait lieu une seconde après la mort. Nous voudrions que nos malheurs cessent avant d'avoir commencé. Nous voudrions que la souffrance cesse tout de suite, que le deuil ne suscite pas de peine. La vie a un rythme, le corps a son rythme, l'âme a son rythme. Il faut apprendre "la calme lenteur de toute germination*." La Bible n'est pas muette de ce côté-là.
    D. Enfin, le quatrième critère pour relire la Bible, c'est de voir qu'elle annonce "la conversion en vue de la rémission des péchés" dit Luc. Voilà du vocabulaire qu'il faut apprendre à traduire, et traduire avec les critères précédents. La "conversion" (metanoia), c'est un changement de l'esprit, c'est le changement de perspective dont j'ai déjà parlé. Dans tout son ministère, Jésus a parlé et agit pour changer les mentalités. Il a défait les liens entre maladie et faute, entre maladie et exclusion, entre différence de nationalité ou de sexe et mépris, entre contrainte et service libre de Dieu, pour ne citer que quelques-uns de ces changements. La "conversion pour la rémission." La rémission, c'est l'action de laisser partir, c'est le mot qui est utilisé pour libérer quelqu'un de ses obligations militaires ou pour remettre une dette. C'est donc libérer d'un fardeau, de quelque chose qui empêche d'être libre. Enfin, il y a ce terme de "péché" (la rémission des péchés) qui nous embarrasse aujourd'hui, tellement il a été lié à la faute, à la faute morale. Bien sûr, nous ne sommes pas exempts de fautes, mais les malheurs n'arrivent jamais en proportion de nos fautes. Le mot grec signifie, à la base : manquer sa cible. Il n'y a aucune connotation morale. C'est la flèche de l'archer qui dévie de sa trajectoire et qui manque sa cible. D'où la notion d'égarement, puis de se tromper de chemin, jusqu'à l'idée de faute.
    Le changement de perspective que Jésus a toujours voulu faire comprendre, c'est que notre situation de vie ne tient pas de la faute, mais plutôt de la déviation de trajectoire, de la trajectoire voulue par Dieu. Et Jésus est venu pour nous remettre sur la bonne trajectoire, c'est pourquoi il peut pardonner la déviation du paralytique et le remettre debout.
    Le changement de perspective auquel Jésus nous invite dans la lecture de la Bible et de notre trajectoire de vie, c'est à être libéré de notre égarement, à être libéré du fardeau qui consiste en l'obligation de réussir notre vie. Notre vie est faite de trajectoire en zigzag, de réussites et d'échecs, de joies et de deuils, de gestes amicaux et de coups tordus.
    Le Christ ressuscité nous invite à trouver Dieu au cœur de nos souffrances et de nos rattages, comme un ami bienveillant, à patienter jusqu'au troisième jour pour être relevé et pour recevoir cette compréhension que Dieu œuvre en nous pour nous libérer de la peur de rater notre vie.
    Amen.

    * Règle de Reuilly, p. 57.
    © Jean-Marie Thévoz

  • Luc 24. Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.

    Luc 24
    6.5.2012
    Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.
    Luc 24 : 13-35

    Télécharger la prédication ici : P-2012-05-06.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Christ est ressuscité ! C'est ce que nous proclamons depuis Pâques, comme chrétiens. C'est ce que les premiers chrétiens ont proclamé, cru et transmis, et que d'autres chrétiens ont relayé jusqu'à aujourd'hui. Il y a des Eglises encore aujourd'hui, et nous sommes-là en ce moment, parce que ce message a été proclamé.
    Il n'en reste pas moins que cette proclamation reste difficile à comprendre, à saisir ou à accepter. Et c'est bien aussi ce que nous dit le récit de Luc, de ces "pèlerins d'Emmaüs" qui cheminent, qui s'éloignent de Jérusalem pour retourner chez eux. Ils étaient montés à Jérusalem plein d'espoir, ils pensaient que ce Jésus était celui qui allait délivrer Israël (Luc 24:21). Ils rentrent attristés, déçus, tout a mal tourné.
    C'est dans ce contexte, cette situation, triste et bouchée, que Luc vient parler de résurrection, de Jésus ressuscité. Luc veut nous faire comprendre de quelle nature est la résurrection. Luc était médecin, il avait fait des études, ce n'était pas un illuminé, prêt à croire une fable ou l'illumination d'exaltés. Luc ne cherche donc pas à éblouir ou à aveugler par des éclairs. C'est le contraire; le récit est tout en retenue, Luc est même extrêmement économe dans ses récits d'apparition de Jésus.
    Dans ce récit des "pèlerins d'Emmaüs" Jésus chemine avec Cléopas et un autre homme, mais sans qu'ils ne le reconnaissent. Pour eux deux, c'est un inconnu qui chemine avec eux. Cela peut-être n'importe quel voyageur. Ensuite, quand les yeux de Cléopas et de l'autre homme s'ouvrent, Jésus disparaît.  Jésus n'est reconnu qu'après coup. (v.31)
    Pourquoi Luc joue-t-il à ce jeu de cache-cache ? Parce qu'il doit exprimer par des mots une réalité qui nous échappe, une réalité inconnue, toute nouvelle : Jésus est présent malgré le fait qu'il soit mort sur la croix. Sa présence persiste au-delà du mur de la mort. Mais cette présence n'est pas celle de quelqu'un qui aurait été réanimé, ni la présence d'un fantôme.
    Cette présence de Jésus chemine avec nous et dialogue avec nous. Jésus n'est ni sous terre, ni loin dans le ciel, il est sur les chemins de nos vies et il vient pour partager nos moments de vie et il vient incognito.
    Nous ne pouvons pas dire — à coup sûr — "il n'est pas là maintenant !" parce que nous ne le voyons pas. Il est dans notre cheminement. Il est dans notre questionnement, dans nos interrogations, dans nos déceptions ou nos joies.
    Il nous invite à penser notre vie. "De quoi discutiez-vous", "qu'est-il arrivé" demande-t-il. Il nous invite à raconter ce que nous vivons, à mettre des mots sur les faits, sur nos pensées, sur nos sentiments, sur nos émotions.
    Alors, ce processus nous met en contact avec nous-mêmes, avec notre être intérieur, avec notre histoire, pour coller ensemble, pour rassembler les différents épisodes de nos vies pour en faire un récit qui ait du sens. C'est dans ce processus que les yeux des deux hommes vont s'ouvrir. Ils racontent leur histoire, leurs pensées, leurs sentiments.
    Ensuite, Jésus fait deux choses : a) il relie ces faits et ces pensées avec la tradition, l'histoire du peuple d'Israël qu'on trouve dans l'Ecriture, dans la Bible. b) ensuite il répète les gestes que les disciples ont vécu : le partage du pain, vécu lors du dernier repas avec Jésus.
    Là, ça leur fait tilt. Leurs yeux s'ouvrent, ils comprennent, l'histoire a, tout à coup, un sens. Ce qui était absurde et désespérant prend la forme d'une histoire avec un plan, un but, une orientation. La mort de Jésus n'était pas la fin de l'histoire, mais le début. Jésus n'a pas été assassiné, mais il a donné sa vie pour nous ouvrir les yeux.
    Quand tout s'illumine pour ces deux disciples, Jésus n'a plus besoin d'être assis avec eux à la table, la présence de Jésus est maintenant en eux-mêmes, ils sont habités, ils peuvent se lever, se relever — c'est le verbe de la résurrection qui est utilisé là. Ils peuvent retourner à Jérusalem vers les autres disciples, parce que l'histoire commence maintenant.
    Dans ce récit, ce que Luc montre, c'est qu'il y a deux lieux où l'on peut reconnaître la présence du Christ : premièrement, c'est dans les Ecritures, dans la Bible. A la lumière du Premier Testament, la vie de Jésus et sa mort prennent un sens nouveau, qui est le début d'un histoire et non le terminus. Deuxièmement, c'est dans le partage du pain, dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité. C'est là, dans l'Ecriture et dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité.
    Pour Luc, il n'y a pas de vision directe du ressuscité. Il n'y a pas besoin de vision directe pour être croyant, pour comprendre. La vérité du Christ n'est ni sous terre dans un tombeau, ni au ciel — en sécurité dans le ciel, loin de la méchanceté humaine. Non, la vérité du Christ est dans cette présence invisible parmi nous qui se vit dans le lien entre notre histoire et l'histoire des croyants racontée dans la Bible et dans le partage du pain, signe du partage des biens et du partage des soucis de la vie quotidienne.
    A nous d'ouvrir les yeux pour voir qui chemine avec nous. Pour entendre les questions que nous posent ceux qui cheminent avec nous. Pour entendre les liens que tissent notre histoire avec les personnages de la Bible. Pour reconnaître le Christ dans ceux qui partagent le pain de l'existence avec nous.
    Christ n'est ni enfermé dans son tombeau, ni éloigné dans le ciel. Il chemine avec nous pour nous ouvrir les yeux, pour nous relever et pour nous donner la vraie vie avec lui.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012