Actes 2
27.5.2012
Il est temps de passer du Dieu extérieur au Dieu intérieur
Jérémie 31 : 31-34 Actes 2 : 1-4 2 Corinthiens 4 : 6-8
Téléchargez la prédication ici :P-2012-05-27.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Aujourd'hui à Pentecôte, nous fêtons le don de l'Esprit saint aux disciples. C'est l'accomplissement que Jésus avait annoncé et promis. Lui-même n'étant plus là, Dieu envoie l'Esprit saint comme présence divine auprès des disciples, des croyants.
L'Evangéliste Luc en fait une représentation, une traduction dans la visible : même des inconnus autour de la maison entendent et voient des choses, même s'ils l'interprètent mal en pensant que les disciples sont ivres.
Cette représentation s'inscrit dans le plan de Luc pour le livre des Actes, ce livre qui montre comment l'Esprit de Jésus anime les apôtres et dirige l'annonce de l'évangile depuis Jérusalem jusqu'à Rome.
Cette représentation peut devenir pour nous, aujourd'hui, un obstacle, si nous nous attachons aux "signes extérieurs", à la manifestation bruyante et visible. Cela risque de nous faire oublier que le don de l'Esprit est la réalisation de la nouvelle Alliance qu'annoncent tous les prophètes : Dieu se rend présent à nous. Jérémie annonce cette nouvelle Alliance et nous pensons avec raison que le Christ l'a réalisée.
Cependant, je pense que nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de l'enseignement de Jésus, nous n'en avons pas tiré toutes les conséquences ! Nous avons retenu que Jésus est le Fils de Dieu, c'est-à-dire que Jésus est habité pleinement par l'Esprit de Dieu. Nous avons retenu que le visage de tout prochain est porteur de l'image de Dieu, qu'il est le reflet du visage du Christ. Mais, nous hésitons à franchir le pas suivant, qui en est la suite logique : Dieu habite en nous. Dieu est au fond de nous-même.
Si mon prochain est visage du Christ, pourquoi ne le suis-je pas pour moi-même ? Si Dieu est venu pleinement habiter dans l'homme Jésus, pourquoi n'habiterait-il pas en moi, comme il l'a promis ?
Bien sûr, énoncer que "Dieu habite au plus profond de chaque être humain" est un courant minoritaire dans la Bible. Mais "le Messie souffrant" aussi était un courant minoritaire jusqu'à la mort sur la croix. Et pourtant, c'est la clé d'interprétation qu'a choisi le Christianisme pour relire l'Ecriture. A partir de la croix, le Christianisme a laissé tomber toute une partie de l'Ancien Testament, tout ce qui concerne le culte au Temple et les lois sacrificielles.
N'est-il pas temps, aujourd'hui, de prendre au sérieux ce courant qui fait passer Dieu "de l'extérieur à l'intérieur" ? N'est-il pas temps de renoncer au Dieu extérieur, le maître de l'Histoire des peuples, le Dieu horloger, le Dieu "cause première" pour considérer le Dieu dont nous parle réellement Jésus : celui qui change les cœurs, celui qui soigne et guéri les plaies de l'âme, celui qui relève.
A quoi sert de garder ce Dieu du dehors qui ne sert que de réceptacle aux reproches de nos contemporains qui disent avec raison de Lui : "pourquoi permet-il le mal s'il est tout-puissant" ?
La Pentecôte est la fête de l'Esprit de Dieu qui vient en nous. C'est une représentation pour marquer qu'on entre dans une nouvelle période de la révélation. C'est la nouvelle Alliance préparée par les prophètes, celle qui concerne notre cœur de chair (Ez 11:19), celle qui s'inscrit dans nos consciences, à l'intérieur de nous, au plus profond de notre être intérieur.
Que Dieu habite en nous reste difficile à croire et l'apôtre Paul marque le paradoxe en parlant de la lumière divine que nous portons dans des vases d'argile (2 Co 4:7). Rien dans l'aspect de ces vases ne laisse apparaître qu'ils contiennent quelque chose d'aussi précieux… et pourtant.
Pas d'orgueil pour nous de porter Dieu au fond de nous-mêmes. C'est un cadeau, souvent un cadeau difficile à découvrir. Nous sommes nous-mêmes tellement "à l'extérieur." Anthony de Mello déclare : "nous accumulons des choses parce que notre cœur est vide." En effet, tant que nous n'avons pas découvert la lumière dans le vase d'argile, la présence de Dieu au plus profond de nous-mêmes, nous sentons le vide en nous.
A la Pentecôte, Dieu vient habiter notre cœur vide, il le remplit de sa présence. Comme dans les paraboles, la perle est déjà dans le coquillage, le trésor est déjà dans le champ quand ils sont découverts. Ils sont là, maintenant, dans l'attente d'être découverts.
Et je finirai par cette phrase de Rûmi : "Bien que tu sois ensorcelé par ce monde, au secret de toi-même, tu es un trésor caché. Ouvre les yeux intérieurs, reviens enfin à l'origine de ta propre origine."
Que cette Pentecôte soit pour nous l'occasion de plonger en nous-mêmes — dans nos vases d'argile — pour y découvrir la lumière de Dieu, l'Esprit de Dieu, la Présence de Dieu qui nous habite.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2012