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  • Esaïe 4. Un reste, un germe ? Un trésor.

    Esaïe 4
    13.10.2013
    Un reste, un germe ? Un trésor.
    Esaïe 4 : 2-6      Marc 4 : 30-34
    Téléchargez la prédication ici : P-2013-10-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans le dernier journal Bonne Nouvelle (oct 2013, p.17) il y a un article intitulé « La religion des vaudois » accompagné de graphiques qui montrent les pourcentages confessionnels en l’an 2000 et 2010. En bref, on voit que les catholiques restent stables à 31 % quand, dans le même temps, les protestants diminuent, passant de 42 à 29 % de la population résidant dans le canton. Les sans confession doublent leur part de 13 à 26 % pendant la même période.
    Le nombre de protestants est donc en diminution… qu’en penser ? D’abord, j’aimerais vous remercier d’être là dans cette église, parce que vous êtes les protestants fidèles qui faites vivre l’Eglise. Il n’y a donc pas lieu de se culpabiliser et de sombrer dans le pessimisme et les lamentations. Je préfère être reconnaissant de votre présence. Mais nous devons tout de même réfléchir à notre situation et à notre avenir de protestants dans la société.
    J’aimerais mettre notre situation en perspective avec d’autres situations où les croyants se sont trouvés minoritaires. On trouve quelques exemples dans la Bible et dans l’histoire.
    Dans la Bible, on nous présente le peuple hébreu en Egypte, oppressé par le pharaon et obligé de fuir dans le désert vers la terre promise. On nous présente le prophète Elie, prophète minoritaire, resté fidèle, opposé aux prophètes de Baal. On nous présente les rescapés de l’Exil à Babylone, minoritaires de retour à Jérusalem et en Israël. C’est justement la situation que nous avons entendue dans le texte d’Esaïe qui nous a été lu.
    Puis, il y a eu les disciples de Jésus, dont on voit le début du parcours dans le livre des Actes des Apôtres. On peut penser ensuite à des mouvements à l’intérieur de l’Eglise, comme les franciscains, les dominicains, les vaudois de Pierre Valdo et enfin les Réformés, minoritaires, mais très influents.
    Que nous disent ces paroles d’Esaïe à propos des rescapés, du « reste » revenu de Babylone et qui a de la peine à vivre sa foi en Israël ? Esaïe parle de ce qui reste, mais il en parle en terme de « germe » qui va porter du fruit. Ils seront porteurs de la gloire de Dieu, ils pourront être fiers (Es 4:2), ils recevront le titre de « saint », de « consacrés au Seigneur » et ils verront leurs noms inscrits dans son livre de vie (v.3). Leur mémoire ne sera pas perdue, leurs noms seront sauvegardés. Ceux qui avaient l’air de n’être qu’un reste, ceux qui avaient l’air d’être délaissés, abandonnés, Esaïe nous dit que Dieu les sauvegardera, qu’ils ne seront pas oubliés.
    Dieu va procéder à une purification, par le moyen d’un vent de justice dit la traduction, mais il s’agit de l’esprit de Dieu qui va souffler, l’esprit prophétique, celui que nous nommons l’Esprit-saint qui rétablira la justice (v.4).
    Esaïe n’indique pas ce que les rescapés doivent faire. Il ne donne pas de mode d’emploi pour que le germe devienne plante et porte du fruit. Esaïe rappelle seulement l’action de Dieu (v.5). Il dit que Dieu va créer à nouveau — allusion à Genèse 1 et à la création du monde. Esaïe mentionne que Dieu va à nouveau créer la nuée qui accompagnait les hébreux pendant l’Exode le jour, et la fumée et le feu qui les accompagnaient la nuit.
    En rappelant la création et la nuée, Esaïe renvoie les fidèles de Jérusalem à leurs sources, aux récits qui décrivent l’action de Dieu pour leurs pères. Esaïe suggère de venir repuiser aux sources qui nous ont désaltérées et restaurées précédemment. 
    Revenir aux sources de la foi de la Genèse et de l’Exode, de la Bible toute entière pour nous. Le germe se trouve dans la graine. La sève se trouve dans la souche, dans les racines enfouies et qui dorment près de l’eau de source.
    Quand Esaïe parle de re-création, il mentionne qu’elle va avoir lieu sur la montagne de Sion et sur l’assemblée qu’il a convoquée. Pour désigner cette assemblée, Esaïe utilise un mot hébreu qui sera traduit ensuite en grec dans la LXX (la Septante, l’Ancien Testament traduit de l’hébreu en grec) par le mot « ekklesia » qui a donné notre mot « église » — assemblée appelée, convoquée pour écouter Dieu.
    Le message d’Esaïe s’adresse donc particulièrement à nous, petite assemblée qui avons entendu l’appel de Dieu, petit reste, petit germe que Dieu appelle et recrée toujours à nouveau. C’est à ce germe que Dieu promet d’être porteur de sa gloire, de son éclat. Comme la graine de moutarde devient un arbre dans lequel viennent habiter les oiseaux (Mc 4:32).
    Mais la promesse porte aussi sur la protection. Le dernier verset (v.6) promet une hutte, un toit qui protège aussi bien des ardeurs du soleil qui fait dépérir, que de la violence des orages qui emporte tout sur son passage.
    Même si nous sommes peu nombreux, Dieu veille sur nous et nous protège. Il nous invite à retourner aux sources de notre foi. Qu’est-ce qui nous a touché dans le message de l’Evangile ? Qu’est-ce qui nous a mobilisé, appelé, convoqué ? Qu’est-ce qui nous ressource, nous nourrit, nous enrichit ?
    Cela n’est-il pas un trésor que nous pouvons partager avec ceux qui vivent autour de nous, avec ceux que nous côtoyons ? Si l’Evangile nous nourrit, pourquoi le taire ? Pourquoi ne pas dire simplement ce que nous en retirons ? Pourquoi ne pas transmettre à nos enfants, petits-enfants, ce qui nous fait du bien, ce qui nous donne de la force, ce qui nous aide à franchir les obstacles et les difficultés de la vie ?
    Nous avons reçu un trésor, il est en germe, il promet beaucoup de fruits : contribuons à sa germination.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Luc 9. Pouvons-nous vivre avec une image bouleversée de Dieu ?

    Luc 9
    29.9.2013
    Pouvons-nous vivre avec une image bouleversée de Dieu ?
    Esaïe 53 : 2-8    Luc 9 : 18-25
    Téléchargez la prédication ici : P-2013-09-29.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    On n’imagine pas le bouleversement que Jésus apporte à l’image de Dieu, à la compréhension de Dieu ! On sous-estime encore aujourd’hui cette transformation !
    Au milieu de son parcours, Jésus demande à ses disciples ce que les gens disent de lui. Puis Jésus veut vérifier si ses propres disciples le comprennent mieux. S’ils se font une image plus claire, plus juste. Et voilà que Pierre déclare à Jésus qu’il est le Messie, le Christ, l’envoyé de Dieu. Bonne réponse ou pas ?
    Si Pierre a en tête l’idée d’un Messie glorieux qui va appeler une armée d’anges pour renvoyer les Romains chez eux et établir le Royaume de Dieu sur terre, alors il se trompe du tout au tout. Si Pierre a dans la tête les poèmes du Serviteur que l’on trouve dans le livre d’Esaïe et dont vous venez d’entendre un passage, alors il est près de la bonne réponse.
    Jésus va tout de suite mettre les pendules à l’heure pour qu’il n’y ait pas de malentendu, il dit : « Il faudra que le Fils de l’Homme souffre beaucoup » (Lc 9:22)
    Voilà pour ce qui en est de Pierre. Mais qu’en est-il aujourd’hui, autour de nous ? Comment les gens voient-ils Dieu ? Quand on les interroge, on entend souvent ces réponses : « c’est l’être suprême » ; « une puissance d’en-haut » ; « une force qui nous dépasse » ; « une énergie dans l’univers, au-dessus de nous. » Et on attend de lui qu’il mette de l’ordre dans le chaos de notre monde, qu’il stoppe les guerres, qu’il corrige les injustices criantes, qu’il protège chacun et nous rende invulnérables et immortels.
    Ce n’est finalement pas très différent du rêve des zélotes qui attendaient que Jésus chasse les Romains et leur assure liberté et prospérité. Mais voilà, Jésus dit tout autre chose. Le Messie, le Fils de l’Homme doit souffrir, être rejeté, être mis à mort avant de revenir à la vie le troisième jour. (v.22)
    Pouvons-nous vivre avec cette image bouleversée de Dieu ? Jésus ne nous dit-il pas, là, que Dieu renonce à sa toute-puissance à son trône dans le ciel ? Qu’avons-nous à y gagner ? Qu’avons-nous à y perdre ?
    Ce que nous perdons, c’est la possibilité de lui reprocher de ne pas intervenir dans les affaires humains. C’est perdre la possibilité de le confondre avec la nature : il n’est pas le dieu qui déclenche les tremblements de terre et les épidémies. Il n’est pas même « celui qui rappelle à lui les humains. » Jésus nous dit : Dieu n’est pas à cette place, il n’est pas la météo, la nature, le régisseur de l’univers. Inutile de s’en prendre à lui quand on tombe malade ou qu’il nous arrive un malheur.
    Mais où est-il alors, notre Dieu ? Il n’est plus au-dessus de nous : il est à côté de nous, il est en nous et il souffre de nos propres souffrances. « Ce sont nos maladies qu’il subit, ce sont nos souffrances qu’il porte » comme de dit le prophète Esaïe (Es 53:4). Non pas parce que nous les lui infligerions, mais parce qu’il a choisi de vivre avec nous, en nous. Il porte nos souffrances avec nous. Il subit nos malheurs avec nous, il est sur la même route que nous, il nous accompagne et nous soutient.
    Dieu en Jésus est venu assumer notre pleine condition humaine, dont on sait qu’elle est faite de joie et de tristesse, de bonheur et de malheur, de naissances et de décès, de force et de fragilité. Il n’y a pas d’un côté la force de Dieu et de l’autre la fragilité humaine, comme si nous étions adversaires.
    Dieu en Jésus s’est laissé dépouillé de sa force pour venir habiter notre vulnérabilité, notre absolue nudité face à la maladie, au malheur et à la mort. Dieu n’est pas contre nous, il est avec nous dans tous les aspects de notre existence. Cette présence qui habite tous les événements de nos vies nous permet de vivre différemment.
    En effet, le bouleversement que Dieu s’est imposé à lui-même pour nous rejoindre là où nous sommes, ce bouleversement se répercute aussi sur notre image de nous-mêmes. Nous n’avons plus besoin d’être forts et invincibles pour être digne de notre condition humaine. Nous n’avons plus besoin d’être archi-compétents et productifs pour être digne de notre condition humaine. Nous n’avons plus besoin d’être jeunes, beaux et en bonne santé pour être digne de notre condition humaine.
    Hélas, le malheur, les défauts, les erreurs, la maladie, les chutes font partie de la condition humaine. Mais avec Jésus — acceptant ces aspects de la condition humaine — nous n’avons plus besoin de les cacher et d’en avoir honte. Il a déjà tout porté sur la croix, il a déjà tout élevé sur la croix, de sorte que nous pouvons porter, porter haut, élever nos croix sans honte.
    Jésus dit à ses disciples : « Celui qui veut venir avec moi, qu’il cesse de penser à lui-même, qu’il porte, qu’il élève sa croix chaque jour et me suive. » (Luc 9:23). Verset que je comprends comme disant : « celui qui veut venir avec moi, qu’il cesse de penser à son image, à sa réputation, qu’il élève sa condition humaine comme un étendard et qu’il me suive. »
    Il n’y a pas de faute à être humain et à ressentir des émotions humaines dans le malheur. Il n’y a pas de honte à être découragé, abattu par la maladie, à être triste dans le deuil, à avoir peur dans la précarité. La société a peur de tout cela, parce que cela lui renvoie en miroir une image qu’elle déteste.
    Dieu n’est pas comme cela en Jésus-Christ. Dieu nous accueille tels que nous sommes, avec nos émotions, avec nos fragilités et nos vulnérabilités, parce qu’il sait que la vraie vie y trouve son terreau. C’est de cette profondeur humaine que Dieu fait rejaillir de la vie, de la lumière et une force de guérison. C’est de cette profondeur humaine que Dieu ressuscite, re-suscite, en nous la vie et l’amour de la vie, après et malgré les malheurs subis.
    Jésus a accepté toutes les facettes de la condition humaine et par là il renverse non seulement notre image de Dieu, mais également la valeur de notre vie humaine. Ce que le monde méprise, Dieu lui donne de la valeur. Ce que le monde abaisse, Dieu le relève. Ce que le monde abandonne, Dieu en prend soin. Nous qui sommes touchés et fragilisés, Dieu nous accompagne, nous aime et nous soutient.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013