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Matthieu 5. Dieu est l’unificateur de l’humanité

Matthieu 5

4.9.2016

Dieu est l’unificateur de l’humanité

Aggée 2 : 11-13        Matthieu 9 : 13-22     Matthieu 5 : 13-16

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,

J’ai une bonne nouvelle ! Jésus nous dit : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ! » Cela devrait nous remplir de joie, mais cela a un certain goût de rabâché, voir un arrière goût de reproche. On se dit : « je n’ai pas particulièrement brillé ces derniers temps ». Ou « le témoignage ne fait pas partie de mon vocabulaire ». « De manière générale, les chrétiens ne se font pas remarquer par une saveur particulière… » Alors qu’est-ce que Jésus voulait dire par là ?

Il faut faire un retour en arrière pour comprendre, à partir de la société dans laquelle Jésus vivait. Il faut s’imaginer une société compartimentée entre divers groupes qui ne se fréquentent pas. D’abord entre hommes et femmes : chacun son domaine. Entre juifs et samaritains. Entre autochtones et occupants romains. Entre malades et bien portant. Entre les vivants et les morts. Toutes ces séparations sont bâties sur la notion de pur et d’impur. Entre purs, on est en sécurité, mais dès qu’on sort, on risque d’être contaminé par l’impureté. Le mécanisme est simple comme le résume Aggée : l’impur contamine le pur, c’est toujours dans ce sens. Aussi le pur doit-il se protéger, ériger des barrières, des murs, des remparts pour rester pur. Ce n’est pas une société où l’on se serre la main et où on se fait la bise. On s’évite, on se craint. Gare aux intouchables !

Or que fait Jésus selon le témoignage des Evangiles ? Il parle en tête-à-tête avec la Samaritaine. Il guérit le fils d’un officier romain. Il touche les sourds et les lépreux. Il se laisse toucher par la femme qui perd son sang. Il se laisse oindre de larmes ou de parfum par une femme. Il va manger chez Zachée et chez Mathieu ! Jésus renverse complètement la logique d’Aggée sur la pureté et l’impureté. Pour Jésus — et c’est son pouvoir divin — la pureté est plus forte que l’impureté !

La femme qui perd son sang — ce qui la rend impure selon la loi du Lévitique (Lév 15:19) — en a l’intuition : « si je peux seulement toucher son vêtement, je serai guérie. » (Mt 9:21) Un lépreux — directement après le Sermon sur la Montagne — l’explicite ouvertement en disant à Jésus : « Maître, si tu le veux, tu peux me rendre pur ! » (Mt 8:2)

Jésus renverse complètement le code de pureté du Lévitique. Jésus pratique la contamination positive ! Il rend pur ce qui était considéré comme impur, parce que rien est impur à ses yeux et aux yeux de Dieu. (Reprendre aujourd’hui une seule phrase du Lévitique pour condamner une catégorie de personne, c’est se dresser contre le Christ).

Cette attitude de Jésus a des conséquences pour la société. Elle a eu des conséquences gigantesques pour le monde. Le monde méditerranéen d’abord, puis l’Europe jusqu’en Irlande, et le Moyen-Orient, en ont été transformés en quelques centaines d’années ! Toutes ces régions se sont converties au christianisme. Cela a été une traînée de poudre. Le christianisme était le sel de la terre et la lumière du monde.

Quel sel, quelle lumière ? Une ouverture à l’autre, un accueil de l’autre, aussi différent qu’il soit de nous, pas d’importance. Porte ouverte au prosélytisme, parce que l’ouverture est contagieuse. Le message est positif : les barrières sont tombées.

Y a-t-il eu des réticences à propager le message que le mur de Berlin était tombé, que le rideau de fer n’existait plus ? Le message de Jésus est pareil. Il n’y a plus de barrière entre juifs et grecs, nous dit l’apôtre Paul aux Galates (Ga 3:28), c’est-à-dire plus de barrière religieuse — en clair, il n’y a pas d’impureté à accompagner un voisin à l’Eglise, à la synagogue ou à la mosquée ! Il n’y a plus de statut d’homme libre ou d’esclaves — tous les humains ont la même valeur. Il n’y a plus de barrières entre hommes et femmes, chacun peut serrer la main de chacun, chacun peut montrer son visage à l’autre, personne ne rend personne impur ! Voilà le message de Jésus, voilà le message du christianisme dont nous sommes porteur ! Ah voilà du sel, voilà de la lumière !

Nous proclamons que nous sommes tous frères et sœurs, même si rares sont les prédicateurs qui saluent l’assemblée d’un « frères et sœurs ». Proclamer que les chrétiens sont frères et sœurs, cela signifie une dé-sexualisation des relations humaines (la sexualité est réservé à la conjugalité) et donc la possibilité de se côtoyer, de se regarder dans les yeux, et de se toucher sans ambiguïté. Cela permet de travailler ensemble, de prendre le bus ensemble, d’être sur la même plage ensemble.

Jésus à mis en marche un mouvement d’unification du genre humain. Bien sûr, il y a des résistances et des retours en arrière, et il y en a eu beaucoup dans l’Eglise même. Mais ce mouvement est en marche, et l’Eglise devrait être un moteur pour le propager, le répandre, pour disséminer cette doctrine de l’accueil universel et de la valeur égale de toute personne. Le mouvement de contamination positive a été lancé par Jésus, ne vaut-il pas la peine de le propager, de le répandre, comme le levain dans la pâte, comme le sel et la lumière ?

Vous aurez remarqué que les images du levain, du sel et de la lumière utilisées par Jésus sont positives aussi. Il ne s’agit pas de casser les pieds des gens que nous rencontrons avec un témoignage à l’eau de rose. Nous avons bien plus précieux que cela : les valeurs de Jésus. L’égale valeur de tout individu, hommes et femmes, handicapés et bien portant, autochtones ou étrangers, religieux ou pas religieux.

Jésus a une vision universaliste de l’être humain parce qu’il a une vision universaliste de Dieu. Le Dieu de Jésus est l’unificateur de l’humanité. C’est très en contraste avec la place des religions dans le monde d’aujourd’hui, qui semblent plutôt être des obstacles.

Cela questionne notre pratique religieuse ! Cela questionne notre façon de percevoir, de comprendre ce que Jésus voulait mettre en place. Je ne crois pas que Jésus entendait mettre en place un culte particulier, une forme nouvelle du judaïsme qui se rattacherait à lui. Jésus a une vision de Dieu plus large, à la façon des prophètes de l’Ancien Testament qui réclament la justice avant la dévotion. Dieu n’est pas là pour diviser l’humanité sur des questions de culte. Dieu est l’unificateur de l’humanité, le pourfendeur des barrières qui divisent l’humanité en catégories qui s’excluent.

Si notre pratique religieuse nous sépare des autres humains, alors nous ne suivons pas correctement le Christ ! C’est bien sûr la tentation de toutes les religions, de toutes les Eglises : chercher la pureté, une doctrine plus pure que les autres. Mais cela conduit à la séparation, c’est donc contraire au message du Christ.

Suivre le Christ — en Eglise, en paroisse — c’est témoigner de cela et mettre en pratique cette ouverture, cette contamination positive à l’égard de tous. Comme cela nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde ! Comme cela nous sommes disciples du Christ.

Amen

 © Jean-Marie Thévoz, 2016

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