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  • Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Jean 2

    16.10.2016

    Jésus vient libérer l’être humain de la religion

    Amos 5 : 21-24      Michée 6 : 6-8      Jean 2 : 13-22

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    On a l’habitude d’entendre ce récit de Jésus chassant les marchands du Temple. Bien que son geste soit scandaleux, on se dit que Jésus avait de bonnes raisons de faire cela puisqu’il est notre héros. Du coup on ne voit plus le côté choquant, scandaleux, de l’agir de Jésus. Non mais, vous imaginez, si quelqu’un venait ici et se mettait à renverser nos présentoirs et notre vaisselle liturgique, en nous disant que ce n’est pas comme cela qu’il faut adorer Dieu ! Comment réagirions nous ? Ne demanderions-nous pas, nous aussi, des explications, des justifications ?

    Reconnaissons-le, Jésus se comporte scandaleusement, pour les responsables du Temple de Jérusalem, mais peut-être pour nous aussi. Enfin, nous verrons ce que ces agissements d’alors ont pour conséquences pour nous aujourd’hui. Nous serons peut-être aussi choqués par les bouleversements que cela exige que nous, dans nos vies d’aujourd’hui.

    Oui, parce que cet événement — dans le Temple — est programmatique, il annonce le sens de la mission de Jésus. L’évangéliste Jean a placé deux récits — après la présentation de Jésus et l’appel des disciples dans le chapitre 1 — deux récits, dans ce chapitre 2, qui annoncent son plan, son programme, sa mission.

    Le premier récit est celui des noces de Cana, qui annonce que Jésus est venu apporter du goût à la vie, de la joie dans une vie insipide. Jésus est venu pour donner à chacun accès à la vraie vie. Il a changé l’eau en vin, la vie plate en une vie pleine, ce que j’ai appelé la vie en 3D dimanche dernier. Dans le récit qui se passe au Temple, Jésus annonce l’autre partie de son programme, ou le moyen d’arriver à la vraie vie : trouver Dieu, entrer en vraie relation à Dieu.

    En plaçant l’un à la suite le récit de Cana et le récit de Jésus qui chasse les marchands du Temple — et cela tout au début de son Évangile (alors que les Synoptiques placent cet épisode après le ministère de Jésus au Galilée, à son arrivée à Jérusalem, juste avant sa Passion) — Jean montre qu’il y a un lien étroit entre la vraie vie et la juste relation à Dieu. Alors en quoi épisode où Jésus chasse les marchands du Temple exprime-t-il la juste relation à Dieu ?

    D’abord, le geste de Jésus est une condamnation sans appel de certaines pratiques religieuses, de certaines idées sur Dieu. En chassant les vendeurs d’animaux et les changeurs, Jésus s’en prend à la commercialisation de la religion et à la vision de Dieu qu’elle implique. Il y a deux aspects. L’aspect commercial, c’est-à-dire faire du profit sur la faiblesse humaine est dénoncé, c’est clair. Cela vise l’instrumentalisation de la religion, autant par le pouvoir économique (ça rapporte) que par le pouvoir politique (ça tient les gens tranquilles ou bien ça les rend dociles).

    Le second aspect, qui préoccupe davantage Jésus, c’est l’image de Dieu que ce commerce renvoie. Cela signifie : Dieu s’achète ! Un petit don peut effacer un petit péché, un gros don peut effacer un gros péché. C’était le système des indulgences au Moyen Âge. C’était déjà présent dans le système commercial des sacrifices au Temple. Avec cette pratique Dieu ne peut plus exercer son amour et sa grâce, il est enfermé dans des barèmes et dans la rétribution. A tel péché, telle punition, à tel don, telle rémission.

    C’est cela que Jésus vient casser, détruire, cette fausse image, cette fausse représentation de Dieu. Cette image est tellement forte qu’il faut a une grande violence pour la renverser, la mettre à bas.

    Là, Jésus s’inscrit dans la droite ligne de la violence des prophètes. Déjà ceux-ci s’en prenaient à la pratique religieuse, à cette pratique qui donnait bonne conscience, mais qui ne se traduisait pas en termes de relations justes. Déjà les prophètes s’élevaient contre la religiosité et les bondieuseries, ils invitaient à rendre le culte vrai à Dieu : celui de pratiquer la justice et d’agir avec bienveillance (Michée 6:8). Voilà également le programme de Jésus.

    Il s’agit de libérer l’être humain de la religion qui asservit, de la religion du marchandage, de la rétribution, de la religion du bâton et de la carotte, de la religion du calcul.

    Évidemment, en face, les responsables du Temple, demandent à Jésus de se justifier et de s’expliquer. Et Jésus leur donne une explication énigmatique : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le rebâtirai. » (Jn 2 :19) C’est typique de l’évangéliste Jean de construire de telles phrases, où il introduit en même temps une ambiguïté (un malentendu sur un mot) et un double sens (sur la phrase). Je m’explique. Le malentendu porte sur le mot « Temple ». Pour les juifs il s’agit du monument en pierre. Pour Jésus, et les lecteurs de l’Évangile, il s’agit du corps de Jésus. Les uns et les autres ne parlent pas de la même chose, tout en étant d’accord sur le fait qu’en disant « Temple » on parle du lieu où Dieu se trouve.

    Les juifs disent donc que Dieu se trouve dans le monument, alors que l’Évangile dit que Dieu se trouve dans le corps du Christ. Ceci pour le malentendu. Ensuite c’est la phrase à double sens. La phrase de Jésus peut être entendue au premier degré comme un ordre, ce que comprennent les juifs. Mais elle peut aussi être entendue comme une annonce prophétique : et bien détruisez ce Temple et vous verrez bien, je le rebâtirai, c’est bien ce qui arrivera. Sous-entendu : Dieu n’est pas là où vous le pensez, il n’est pas dans le Temple de pierre, il est dans le corps du Christ.

    L’enjeu n’est pas Jérusalem, l’enjeu est de savoir où chercher Dieu, de savoir où on le trouve. Et l’évangéliste Jean l’annonce dans ce récit programmatique : Dieu n’est pas dans les structures de la religion. Dieu est dans le corps du Christ qui va souffrir, être exécuté et être ressuscité par Dieu le troisième jour. Et les disciples — après Pâques — se souviendront de ce qui s’est passé au Temple et comprendront. Il y a donc bien plus qu’un enjeu économique dans ce récit. Il y va de la libération de l’être humain des contraintes de la religion. Et dans ce sens là on ne devrait pas parler du christianisme comme d’une religion ! Jésus est venu libérer l’être humain de la religion pour lui donner un accès libre et direct à Dieu.

    Jésus a libéré l’être humain de la contrainte locale, géographique. Quand la Samaritaine demande à Jésus où il faut aller pour adorer Dieu, « sur cette montagne ou à Jérusalem ? » (Jn 4:20) Jésus répond : « les vrais adorateurs doivent adorer en esprit et en vérité » (v.23). Jésus a libéré l’être humain des pratiques sacrificielles pour nous ouvrir à la grâce, à la gratuité.

    Jésus n’a institué aucune pratique religieuse, aucune forme autorisée de pratiques de la foi, si ce n'est de partager nos repas. Il n’y a pas aux yeux de Jésus de formes de culte plus autorisées que d’autres, pourvu que la priorité soit donnée à la pratique de la justice et de la réconciliation.

    Jésus n’a pas formé de prêtres ou d’intermédiaires patentés entre l’être humain et Dieu. Il a seulement envoyé des disciples pour annoncer l’entrée libre auprès de Dieu, l’invitation à tous de venir au grand banquet du Royaume.

    Quel programme ! Agir non par devoir, mais par reconnaissance. Vivre le culte, non pour plaire à Dieu, mais pour recevoir des forces. Agir dans le monde, non pour obtenir quelque chose de Dieu, mais pour faire jaillir la justice comme un torrent intarissable (Amos 5:24). Oui quel beau programme ! Quel joie de marcher dans les traces de ce Jésus.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016