Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Célébration œcuménique : l’amour ne s’épuise pas.

    Eglise Anglaise

    Luc 4

    20.1.2019

    Célébration œcuménique : l’amour ne s’épuise pas.

    Deutéronome 16 : 18-20            Luc 4 : 14-21

    télécharger le texte : P-2019-01-20.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le récit de Luc qui nous relate la prédication de Jésus à Nazareth nous amène directement aux sources de l'évangile, à ce que je considère comme essentiel pour nous aujourd'hui. Dans cette prédication, Jésus annonce le programme de son action, de son message, de son enseignement.

    Luc souligne que Jésus est rempli du Saint Esprit, c'est-à-dire en parfaite communion avec Dieu. Luc l'avait déjà mentionné à la naissance, lors du baptême et lors de l'épisode de la tentation au désert. Rempli de l'Esprit, Jésus annonce un programme en 4 points : 1) il est choisi pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, 2) il est envoyé pour proclamer la libération des captifs 3) pour annoncer le retour à la vue des aveugles 4) pour proclamer une année de grâce, de faveur, de bienfaisance de la part de Dieu.

    Ce matin, je ne développerai que le premier de ces points. J'aborderai l’année de grâce du Seigneur lors de la célébration œcuménique de ce prochain vendredi à l’Eglise orthodoxe roumaine à Montriond.

    Luc nous dit que Jésus a été oint (fait Messie, en hébreu, fait Christ, en grec) pour "évangéliser" les pauvres, pour leur faire part d'une bonne nouvelle ! Quelle bonne nouvelle ? Pourquoi les pauvres ? On ne peut répondre à une question sans répondre à l'autre. La pauvreté c'est une certaine position dans le jeu des forces économiques. C'est une situation en rapport avec l'abondance et la pénurie. Dans le Cantique de Marie, Luc met clairement la pauvreté et la richesse en rapport avec la pénurie et l'abondance : (Lc 1:53) "Dieu a accordé des biens en abondance à ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides".

    La bonne nouvelle porte sur le rapport pénurie-abondance. A première vue le rapport instauré par Dieu, la bonne nouvelle, c'est l'inversion, le retournement des situations. Mais à quoi servirait-il de créer des nouveaux riches et des nouveaux pauvres ? La bonne nouvelle c'est qu'il va y avoir un changement, un bouleversement, mais ce n'est pas une simple rocade, un échange de place. La bonne nouvelle, c'est l'annonce de l'abondance, la dénonciation de l'idéologie de la pénurie, du manque.

    Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire qu'il n'existe qu'une seule chose : les règles de l'économie de marché. Ces règles sont fondées sur la pénurie, l'exploitation et la possession. Ces règles annoncent la réussite (accroître son bien-être en possédant) par l'effort et le mérite. La loi du rendement, de l'efficacité, du profit nous prend à la gorge, nous enserre dans ses filets. Il n'y a plus que cela — c'est la crise — il faut s'y faire.

    Jésus proclame que ces règles économiques étouffent le riche comme le pauvre, parce qu’on les a étendues à tous les domaines de la vie. Plus important : ces règles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine des relations. Dans les relations nous pouvons miser sur l'abondance, il n'y a pas crise, pas de pénurie. L'amour ne s'épuise pas dans le partage, au contraire. Si l'on change notre vision du monde, que l'on abandonne la peur de la pénurie contre la reconnaissance de l'abondance — en commençant dans nos relations — il s'en suivra aussi un changement économique. Il y a assez d'abondance en Suisse, ou sur la terre pour que chacun ait une part suffisante; ce qui fait problème c'est la répartition entre tous.

    La bonne nouvelle c'est ceci : Il existe un monde où l'abondance règne, où l'on gagne à donner, où l'on reçoit gratuitement, où la farine et l'huile ne s'épuisent pas (1 Rois 17, à propos du récit de la veuve de Sarepta, il est intéressant de mentionner en passant que Jésus s'est défini comme le pain de vie qui ne s'épuise pas et qui nous nourrit.) Ce monde-là vit sous ce que j'appelle l'économie du Royaume.

    Le pauvre est le premier à souffrir de l'économie du monde de l'argent, c'est pourquoi il sera le premier à se réjouir de découvrir l'économie du Royaume. Cette économie — fondée sur l'abondance — est possible parce que les ressources relationnelles sont infinies. Dieu est amour, Dieu est la source à laquelle nous pouvons constamment venir chercher ce qui nous manque, ce dont nous avons peur de manquer. Si la source coule en permanence, il n'est plus nécessaire d'accumuler pour soi, d'avoir peur de donner autour de soi. Les échanges sont possibles, enrichissants.

    Dans l'économie du Royaume il n'y a pas de salaire au mérite, ni avec Dieu, ni entre conjoints, ni avec ses enfants. Il est si fréquent d'agir comme si l'affection était une denrée rare, de mêler l'argent aux sentiments. — "Tu auras ton argent de poche si tu es sage !". — "Je me suis beaucoup investi dans cette relation, mais maintenant elle ne m'apporte plus rien". etc. Et avec Dieu, qui ne s'est jamais dit en son for intérieur : — "Mon dieu, je n'arrive pas à faire les efforts que nous demande le pasteur (être plus accueillant etc...)

    Pour tous ceux qui font des efforts pour être à la hauteur, Jésus apporte une bonne nouvelle : le Royaume de Dieu n'est pas donné en récompense de vos efforts. Mon amour, dit Dieu, je ne le donne pas comme une contrepartie à vos tentatives de me plaire de faire bien ou d'être meilleurs. C'est gratuit ! C'est donné, c'est à recevoir, voilà une bonne nouvelle !

    Essayons de réaliser ce que nous pouvons ressentir au plus profond de nous, lorsque Dieu nous dit : "Je t'aime, toi, tel(le) que tu es." Prenons conscience de notre corps, de nos membres, des battements de notre cœur. Laissons sortir les tensions, sentons notre souffle, notre respiration : "Nous sommes aimés, acceptés, appréciés." Au cœur de notre être, il y a ce que nous aimons de nous-mêmes, Dieu aime cette partie. Au cœur de notre être, il y a notre part d'ombre, le côté sombre, Dieu aime également cette partie de nous-mêmes. Il ne nous accuse pas comme nous nous accusons nous-mêmes. La bonne nouvelle est aussi pour cette part d'ombre.

    Dieu est amour, il est capable de réconcilier ces diverses parties de nous-mêmes, nous restituer notre intégrité, panser nos cœurs brisés, nous conduire vers la vie au centuple du Royaume. Aujourd'hui cette bonne nouvelle est accomplie en nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019