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  • Elie épuisé est nourri, restauré par Dieu

    24.11.2019

    1 Rois 19

    Elie épuisé est nourri, restauré par Dieu

    1 Rois 19 : 1-8          Matthieu 14 : 13-21

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Lorsqu'on entend parler d'Elie, on a des souvenirs d'Ecole du Dimanche qui remontent à notre mémoire, le souvenir d'un grand prophète, d'une grande figure de l'Ancien Testament, et du Nouveau Testament, puisqu'Elie apparaît comme la figure emblématique de tous les prophètes de l'Ancien Testament. Il est celui qui doit revenir pour manifester le règne de Dieu. Certains ont même pensé que Jésus était le nouvel Elie. Il est aussi celui qui se trouve à côté de Jésus et de Moïse lors de l'épisode de la Transfiguration sur la montagne. Une grande figure prophétique donc...

    Pourtant — dans le récit que nous avons entendu aujourd'hui — ce n'est qu'un homme épuisé et las. Cet un homme seul, à bout de force. Il est vide, démuni, désespéré.

    Peu de temps auparavant, Elie a pourtant gagné son challenge contre les faux prophètes, les prophètes de Baal, mais cette réussite s'est retournée contre lui, il est maintenant poursuivi, sa vie est en danger, sa tête est mise à prix. C'est comme s'il devait payer en monnaie de malheur ses succès, ses réussites.

    Elie s'enfuit donc pour sauver sa vie. Il descend jusqu'à la ville de Bersheba, l'extrême sud du pays d'Israël, la limite des terres habitées. Il y laisse son serviteur et continue sa marche vers le sud, dans le désert du Néguev, en direction de l'Horeb, du Sinaï.

    Cette fuite est bizarre. Il fuit pour sauver sa vie, mais en même temps, il demande à Dieu de le laisser mourir, de lui reprendre la vie. C'est comme sauter dans l'eau pour éviter d'être mouillé par la pluie.

    Elie est habité par une lassitude extrême, comme une fatigue épuisante dont on n'arrive pas à se débarrasser. Et dans ces conditions, il exprime le désir de mourir, non pas tant pour la mort, mais plutôt contre la vie, contre cette vie là, cette vie tellement pesante, tellement chargée, écrasante. Après une journée de marche, Elie s'écroule sous un buisson pour dormir.

    On devine son épuisement, physique, mais aussi moral. On devine cette envie de sombrer dans un sommeil qui fait tout oublier, un sommeil qui nous délivrerait de tous nos fardeaux, un sommeil transformateur, libérateur. Combien sommes-nous à espérer cela certains soirs, ou même chaque soir ?

    Elie s'endort, rempli de cet espoir, qui est en même temps désespoir, parce que ce sommeil libérateur n'existe pas — il le sait — et parce qu'il pense que seule la mort peut le délivrer vraiment de ses maux. Ainsi, Elie est là, endormi sous son buisson, dans le désert.

    Dans ce même désert où les Israélites ont erré et souffert pendant 40 ans sous la conduite de Moïse. Dans ce même désert où Moïse a été interpellé par la vue d'un buisson mystérieux, qui brûlait sans se consumer, qui donnait son énergie sans s'épuiser. Dans ce même désert où Dieu s'est révélé, presque face à face, à Moïse. Dans ce même désert où le peuple d'Israël a été nourri avec la manne, avec les cailles. Dans ce même désert où le peuple a été abreuvé de l'eau qui sortait du rocher frappé par le bâton de Moïse. Ce désert où Elie vient échouer pour mourir.

    Ce désert a deux visages. Le visage mortel d'un lieu aride et impitoyable et le visage d'un lieu où l'on rencontre Dieu lui-même, apportant secours et protection à son peuple bien-aimé. Ce désert à deux visages est comme un message pour nous dire que c'est là, lorsque nos vies sont tourmentées, lorsque la lassitude et la fatigue nous écrasent, lorsque le deuil nous assaille, c'est là que Dieu se manifeste, c'est là que Dieu se révèle le plus proche, le plus aimant. Peut-être parce que c'est à ce moment que toutes nos barrières sont tombées, parce que toutes nos protections personnelles, nos carapaces et nos systèmes D pour nous en sortir tous seuls ont montrés leurs limites et leur inefficacité. A ce moment, nous sommes prêt à recevoir ce que Dieu veut nous offrir depuis toujours.

    A ce moment-là un ange vient toucher Elie. A ce moment-là, Elie sent une main sur son épaule, une main caresser ses cheveux comme on éveille un enfant, un contact chaleureux s'établir. Il est touché, il sent la pression, il sent la chaleur, il sent la vie revenir en lui. Et cette voix qui lui dit : "Elie, lève-toi et mange !" (1 R 19:5).

    En cette nuit d'extrême tristesse et de lassitude, Dieu vient restaurer Elie. En nos nuits d'extrême tristesse et lassitude, Dieu vient nous restaurer, il nous apporte réconfort et nourriture pour nous donner la force de continuer notre route, même si elle est encore longue. Une route qui va mener Elie à l'Horeb, la montagne de Dieu où il va faire une rencontre personnelle bouleversante avec un Dieu qu'il n'avait jamais connu de cette façon-là (mais je vous laisse lire le récit de cette rencontre dans 1 R 19).

    Ce que Dieu a fait cette nuit de désespoir pour Elie,, Jésus l'a fait aussi pour cette foule qui le suivait, qui avait faim de sa parole et qui s'est retrouvée dans ce lieu désert, sans ressources. Cette foule fatiguée ce soir-là Jésus l'a restaurée également. Au travers de ses disciples, il a nourrit chacun.

    Aujourd'hui, Jésus répète pour chacun de nous ces gestes de partage pour nous nourrir. A chacun il s'offre lui-même comme pain de vie en nous invitant à sa table pour nous régénérer. A chacun il offre — au travers de ses disciples et des croyants d'aujourd'hui — d'être accueilli dans la prière, d'être touché et béni, d'être déchargé de fardeaux trop longtemps portés seuls. A chacun Jésus offre son accueil et sa vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019.

  • Marie a choisi la bonne part.

    10.11.2019

    Luc 10

    Marie a choisi la bonne part.

    Deutéronome 6 : 4-9    Luc 10 : 38-42

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Jésus est en visite chez Marthe et Marie à Béthanie. Les évangiles nous racontent trois rencontres de Jésus avec ces deux femmes. D'abord le récit dont vous avez entendu la lecture tout à l’heure, qui sera l'objet de notre réflexion de ce matin. Un second récit qui nous décrit la résurrection de Lazarre, le frère de Marthe et Marie. Enfin une troisième rencontre, six jours avant la dernière Pâque de Jésus où Marie versa du parfum de grande valeur sur les pieds de Jésus.

    Jésus semble donc être un familier de cette maison. Lorsqu'il est de passage dans la région de Jérusalem, il fait halte chez Marthe à Béthanie. Marthe est la maîtresse de maison, elle s'occupe à bien recevoir son hôte qu'elle sait être un hôte de marque. Elle fait son devoir, elle remplit bien son rôle, elle soigne le service. Et c'est cela qui l'amène à se disputer avec sa soeur, en prenant Jésus à partie.

    Pourquoi Luc nous rapporte-t-il une scène aussi banale, presque une scène de ménage ? Et il est vrai que pour nous aujourd'hui cette histoire est d'une banalité quasi désolante. On croirait entendre cette phrase commune à bien des ménages : "Chéri ne reste pas planté devant la télévision, viens m'aider à finir la vaisselle !" Pourtant ce récit a un autre sens, et cette histoire est importante pour nous aujourd'hui.

    Essayons de la comprendre dans l'environnement de l'époque de Jésus. Il faut imaginer une société proche de celle que nous voyons aujourd'hui en Arabie Saoudite ou au Pakistan. Des règles strictes régissent les relations entre les hommes et les femmes. Les hommes mènent une vie et des activités publiques. Ils vivent hors des maisons, et dirigent leurs activités comme bon leur semble. Seuls les garçons reçoivent un enseignement, vont à l'école.

    Les filles n'apprennent que ce qui leur est utile pour l'entretien de leur foyer. Les femmes restent à l'in­térieur de leur maison et n'adressent pas la parole à des inconnus. Cela se passait aussi comme cela en Grèce avec les gynécées. Elles vivent sous la protection et dépendance de leur père d'abord, de leur mari ensuite, elles ne sont jamais indépendantes.

    Dans cette situation, l'attitude de Marie est choquante. En se plaçant au pieds de Jésus, Marie prend la position de l'élève, du disciple vis-à-vis de son maître. Marie se prend pour un garçon, un homme qui attend un ensei­gnement auquel les filles n’ont pas droit. Elle usurpe un droit masculin et abandonne les tâches dévolues aux femmes. De plus Marie prend cette attitude face à un homme qui n'ap­partient pas à sa famille; même s'il n'est pas tout à fait un inconnu, cela ne se fait pas.

    Marthe réagit à ces attitudes qui sont à contre-courant de leur éducation. Elle veut remettre Marie à sa place, à sa juste place selon elle.L'attitude de Marthe n'est pas tant motivée par le fait qu'elle aurait besoin d'aide, elle assume son service, le service pour Jésus. Mais elle est choquée par la liberté que prend sa soeur par rapport aux conventions, aux usages, aux bonnes manières.

    Alors Marthe s'adresse à Jésus pour qu'il remette Marie à la place qu'elle n'aurait pas dû quitter. On peut dire que Marthe demande à Jésus de rendre Marie à son rôle de femme soumise, de la rendre aux fonctions qui sont celles des femmes dans son esprit. Marthe demande à Jésus de ne pas laisser Marie devenir un homme, de ne pas sortir de sa condition de femme, de ne pas quitter son rôle fixé par la société. Jésus doit rendre à Marie ce que Marthe pense être sa véritable identité, qu'elle soit une vraie femme.

    Or, c’est ce que Jésus va faire, mais pas de la façon dont Marthe le conçoit. Marthe veut rendre à Marie son rôle de femme, Jésus va rendre à Marie son identité personnelle.

    Avant de voir comment Jésus va s'y prendre, il faut remarquer que Jésus ne méprise pas Marthe et son service. Il reconnaît toute la peine que Marthe se donne pour lui. Il ne rejette pas ce travail, il ne le qualifie pas d’inutile ou de superflu. Il est vrai que ce travail doit être fait, et il en est reconnaissant. Mais il signale tout de même que le moment est mal choisi et qu'en cela Marie a choisi la bonne part.

    Qu'est-ce que la bonne part ? Pendant toute une époque, ce texte a été interprété comme mettant en opposition la vie besogneuse et la vie contemplative. Marthe est une travailleuse alors que Marie consacre tout son temps à l’écoute de Jésus. Et Jésus aurait tranché, la vie contemplative serait la seule forme de vie qui donne accès au salut. Tout le monde devrait avoir Marie pour idéal. Or — s'il est juste que Marie est donnée en exemple ici — ce n'est pas pour mener une vie contemplative.

    Cette opposition entre la travail et la prière n'est pas le sens de ce récit. Jésus ne méprise pas le travail de Marthe, il désire lui révéler quelque chose que Marie a déjà saisi, c'est-à-dire l'importance relative des choses selon le moment vécu. Il faut saisir l'occasion à temps.

    Marie a saisi l'importance de cette visite de Jésus. Elle a compris ce que cette rencontre pouvait avoir d'essentiel pour elle, de déterminant pour toute sa vie.

    L’important, dans ce moment, c’est le temps du passage de Jésus chez eux. Face à cet événement on peut se donner la permission de laisser tomber tout ce qui est secondaire, le service, les convenances, les contraintes sociales. Devant l'important, l'essentiel — devant Dieu — on peut devenir soi-même, exprimer et vivre le désir profond d'habiter son identité vraie.

    Marthe demandait à Jésus de rendre à Marie sa condition de femme (femme au foyer, au travail, au service); mais Jésus s'attache à favoriser l'émergence de la nouvelle identité de Marie. Jésus conforte cette femme dans cette identité personnelle qu'elle se découvre et exprime face à lui. Etre elle-même dans ce moment là, c'est vraiment avoir choisi la bonne part et elle ne lui sera pas ôtée.

    Devant Jésus, on peut se permettre d'être soi-même, d'être vrai, de laisser parler l'essentiel, de laisser vivre son désir. Marie a saisi cette occasion, elle a discerné le temps du passage de Jésus auprès d'elle et elle a profité de devenir elle-même.

    Jésus cherche à faire découvrir cela à Marthe. Il ne lui reproche pas son travail. Il désire qu'elle découvre aussi qu’il existe des occasions où s'ouvrent d'autres possibilités pour sa personnalité que les déterminismes sociaux ou les habitudes. Marie s'est libérée des choses secondaires, des choses imposées de l'extérieur, le temps de la visite de Jésus, pour se consacrer à l'essentiel.

    Nous sommes appelés à discerner, dans le temps de nos existence, ces moments importants où l'essentiel passe à notre portée. Au coeur de nos activités — et nous savons comme elles nous occupent et nous envahissent — au coeur de nos activités apprenons à mettre un temps de côté pour ne pas risquer de passer à côté de l'essentiel.

    Et pour nous tous rassemblés ici ce matin, quand Dieu nous visite, ne manquons pas l'occasion de nous asseoir à ses pieds pour écouter sa parole et faire grandir notre vraie identité à sa lumière.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019