Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Notre Père (7)

    19.7.2020

    Matthieu 20

    Notre Père (7)

    1 Samuel 8 : 1-9.    Esaïe 42 : 1-4.    Matthieu 20 : 20-28

    télécharger le texte : P-2020-07-19.pdf (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père")

    Chers frères et soeurs en Christ,

    La deuxième demande que nous prononçons dans le Notre Père est : « Que ton règne vienne. » Cette venu du règne de Dieu peut être vue — au moins — de trois façons :

    a) comme le jugement dernier — à la fin des temps, à la fin du monde — au moment où Dieu établira une nouvelle terre et de nouveaux cieux, comme annoncé dans le livre de l'Apocalypse (Ap 21:1). Compris comme cela, nous demanderions la fin de ce monde.

    b) ou bien il s'agit de demander à Dieu qu'il établisse son règne sur la terre actuelle, dans notre monde. Cela consisterait à abolir le désordre pour rétablir l'ordre et la justice, faire droit aux humiliés et renvoyer les riches les mains vides (Luc 1:53).

    c) enfin la demande peut aussi porter sur nous-mêmes, demander que Dieu règne sur notre cœur, selon la prédication de Jésus résumée par Marc : « Le règne de Dieu s'est approché, convertissez-vous et acceptez la bonne nouvelle. » (Mc 1:15).

    Pouvons-nous trancher ? Mais devons-nous choisir ?

    Faisons un petit détour par l'Ancien Testament. Les textes nous montrent diverses façons d'agir de Dieu. Il donne ses commandements à Moïse. Il fait se lever des Juges en Israël, il désigne des prophètes pour gouverner.

    Enfin le peuple demande au prophète Samuel un roi pour les gouverner. Dieu voit cela comme une trahison, mais il accepte. Saül est le premier roi, mais ce n'est pas une réussite. Vient David. Le règne commence bien, mais se termine mal ; David finit par abuser de son pouvoir, et il en est de même avec chacun des rois suivants.

    Avec l'Exil, Dieu met fin à l'expérience de la royauté. Les prophètes annoncent — surtout Esaïe avec les poèmes du Serviteur souffrant — qu'il pourrait y avoir une autre forme de souveraineté, un Messie.

    Comme chrétiens, nous reconnaissons Jésus comme Messie, comme Christ. Et Jésus a beaucoup parlé du règne de Dieu, notamment à travers les paraboles du Royaume.

    Le Royaume est en même temps pour le temps présent (paraboles des quatre terrains (Mc 4:1-9), du levain (Mt 13:33), de la graine de moutarde (Mc 4:30-32)) et pour les temps futurs (parabole de l'ivraie (Mt 13:24-30) ou des blés qui poussent pendant le sommeil du semeur (Mc 4:26-29)).

    L'expression la plus claire de Jésus concernant le pouvoir ou le règne est exprimé dans le lavement des pieds des disciples et dans sa réponse à la mère des fils de Zébédée : « Si l'un de vous veut être le premier, il doit être votre serviteur. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. » (Mt 20:27-28)

    Jésus retourne complètement la problématique du règne et du pouvoir. Dans le monde, le pouvoir ne peut rien être d'autre que la réduction des autres à l'esclavage, leur asservissement. De son côté, Dieu est à l'opposé de cette logique de domination et de pouvoir. Le vrai règne est dans le service, le vrai règne est dans le renoncement au pouvoir, à la domination.

    Ce n'est pas une façon plus subtile ou plus douce d'exercer le pouvoir, c'est vraiment renoncer au pouvoir, à la contrainte, à la domination.

    Il nous est difficile de penser que Dieu y a vraiment renoncé. C'est pourtant ce que Jésus nous dit et nous montre en se faisant serviteur et en acceptant la croix. Il a renoncé au pouvoir de descendre de la croix, à appeler des légions d'anges pour établir son règne. Je pense même qu'il a renoncé à revenir avec tambours et trompettes pour mettre fin à notre monde et procéder au jugement dernier.

    Si Dieu est amour, il ne peut être que dans la proposition, dans l'offre, dans l'appel à recevoir une réponse. Dieu fait sa déclaration d'amour à chacun... à nous de répondre, sans contrainte, car l'amour ne peut être forcé sans être dénaturé.

    Mais ici dans le Notre Père, il est question du règne, donc de justice, de droit plutôt que d'amour. Et bien je pense que là aussi, Dieu renonce au pouvoir. Par rapport à la justice, Dieu est aussi seulement appel. Comme à travers tous les prophètes qui appellent à la justice et au droit, comme nous l'avons entendu précédemment (prédication Notre Père (6)).

    Cet appel de Dieu a la même force et la même faiblesse que la Déclaration des Droits humains. C'est juste un écrit avec des articles. Et pourtant, cette Déclaration des Droits humains fait trembler les dictateurs.

    Les dictateurs mettent en place des arsenaux législatifs et répressifs pour que ces Droits humains ne puissent plus être dits, proclamés, revendiqués. Voyez ce qui se passe entre la Chine et Hong Kong ! Un simple appel à la justice — des lettres imprimées sur du papier — fait trembler le président de 1,5 milliards de chinois.

    A Hong Kong, avec la nouvelle loi sur la sédition, toute parole et tout écrit peut vous envoyer en prison. Et pourtant, il y a encore des centaines de citoyens de Hong Kong qui manifestent pour la liberté et le droit.

    Je ne sais pas si vous avez vu comment ils manifestent ? Ils sont sur les balcons intérieurs des grands magasins et tiennent devant eux une feuille blanche. Tous les mots, tous les slogans sont devenus dangereux. Mais peut-on réprimer le fait de montrer que le pouvoir marque sa volonté de retirer tous les mots des pancartes en brandissant des feuilles blanches ? Le pouvoir va-t-il interdire le papier blanc ?

    L'appel à la justice, qu'il soit dans le bouche de Dieu ou imprimé sur la Déclaration des Droits humains est en même temps faiblesse totale et force irrépressible, et pourtant sans force de contrainte.

    Nous participons à cet appel à la justice chaque fois que nous prononçons le Notre Père et disons : « Que ton règne vienne. »

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Amos 2. Notre Père (6)

    5.7.2020

    Amos 2

    Notre Père (6)

    Deutéronome 4:5-8.        Amos 2 : 6-10.       Matthieu 22 : 34-40

    télécharger le texte : P-2020-07-05.pdf (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père")

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans le Notre Père, nous disons : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Que demandons-nous au juste ?

    Nous ne disons pas « Aide-nous à accomplir ta volonté » ou « Aide-nous à obéir à tes commandements ». On dirait bien que nous sommes hors course ou qu'il s'agit de plus que de l'obéissance ou de la pratique.

    Cette demande est un souhait adressé à Dieu lui-même pour que sa volonté se réalise, s'accomplisse pleinement sur la terre, comme elle est réalisée déjà dans le ciel, dans la sphère divine.

    Il y a là — de notre part — une attente, un désir, un souhait que le dessein même de Dieu s'accomplisse, se réalise pleinement dans le monde et en nous. Mais quel et ce dessein, ce plan, cette volonté ?

    J'ai suggéré depuis le début de cette série de prédications sur le Notre Père que l'on pouvait suivre le périple du peuple d'Israël en remontant les phrases du Notre Père.

    Cette phrase sur la volonté nous fait voyager depuis le désert de l'Exode, où Moïse reçoit les tables de la Loi, jusqu'à l’établissement de la royauté en Israël avec sa cohorte de prophètes.

    Tout au long du texte biblique nous rencontrons des lois et des commandements. Au point que notre lecture peut s'en trouver découragée. Lire Lévitique, Nombre et Deutéronome n'est pas très exaltant. Pourtant ces lois sont fondamentales, non pas dans leur lettre — qui est devenue caduque pour nous — mais dans l'idée qu'elles viennent de Dieu et que Dieu les donne à son peuple pour qu'il demeure libre.

    Le Décalogue commence ainsi : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays de l'esclavage » (Dt 5:6). La Loi n'est pas un retour à l'esclavage, elle est garantie de liberté et de sécurité. Le Décalogue est donné par un Dieu qui libère. Et constamment par la suite — après Moïse — Dieu envoie des prophètes pour rappeler la vocation du peuple d'Israël, la vocation des rois d'Israël.

    Le prophète Samuel met en garde le peuple, qui réclame un roi, que la royauté mettra en péril leur liberté (1 S 8). Le prophète Nathan reprendra le roi David pour dénoncer ses abus de pouvoir lorsqu'il séduira Bethsabée et fera tuer son mari (2 S 11—12). Le prophète Elie reprendra Achab et Jézabel quand ils feront tuer Naboth pour s'emparer de sa vigne (1 R 21).

    La Loi divine est là pour protéger le petit contre le puissant, le faible contre le fort, la veuve contre le juge inique.

    On retrouve ces plaidoyers chez les prophètes qui ont un livre à leur nom. Vous avez entendu le prophète Amos condamner ceux qui vendent en esclavage une famille pour récupérer le prix d'une paire de sandale, où ceux qui utilisent le manteau du pauvre pris en gage pour en faire un tapis de prière.

    Ce que Dieu demande, toujours à nouveau, c'est la droiture, la justice, l'équité contre la force et la puissance. L'entier de la Bible est un plaidoyer pour l'établissement de la justice dans les relations autant personnelles qu'institutionnelles.

    La justice est certes une contrainte, une limitation pour les puissants, mais c'est ainsi qu'elle assure la protection de tous, à commencer par les plus faibles. La justice permet des rapports sociaux apaisés. « Pas de paix sans justice » crient les manifestants des « Black lives matter » et ils ont raison. Il n'y a pas de paix sociale sans justice sociale. Et tous les prophètes de la Bible le rappellent au nom de Dieu.

     

    Le Notre Père nous est donné au cœur du Sermon sur la Montagne (Mt 5—7). Ce texte où Jésus reprend les grands commandements pour les pousser dans leurs extrémités. Il ne s'agit pas seulement de ne pas tuer, il s'agit d'aller à la racine et de bannir la source de la violence, dès les premiers mots malveillants, dès les premières injures. Il ne s'agit pas seulement de ne pas haïr, il s'agit d'aimer ses ennemis.

    Et Jésus résume l'intention de toute la Loi et les Prophètes dans les deux commandements d'amour, aimer Dieu et aimer son prochain. Il ne s'agit pas ici du sentiment d'amour, il s'agit du ressort de la Loi, faire justice, respecter l'autre dans son être en le considérant comme aussi respectable et aimable que soi-même.

    Voilà la volonté divine : que tout être humain soit respecté et considéré — dans son être et sa nature propre — comme une créature voulue par Dieu et aimée de lui.

    On voit bien que ce n'est pas le cas dans notre monde. On voit aussi, que aussi grand que soit notre effort individuel pour aimer notre prochain, que cela ne suffit pas à changer notre société, notre monde. Il y a des changements structurels qui doivent être faits, réalisés, accomplis pour que le monde change.

    Nous avons à y apporter chacun notre contribution, mais, dans notre prière du Notre Père, nous reconnaissons que la conversion du monde à la justice nous échappe. Nous demandons à Dieu ce changement.

    Fonder une société sur l'amour et la justice — en écho aux deux grands commandements — c'est vraiment changer la société dans ses fondements mêmes. On peut même dire que c'est une demande révolutionnaire ! C'est ce que nous demandons chaque fois que nous prions le Notre Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020.