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  • Etre chrétien, c'est ... ?

    (12.8.2001)

    Marc 2

    Être chrétien, c'est ... ?

    Esaïe 1:10-17

    Matthieu 5:17-19

    Marc 1:14-22

    télécharger le texte : P-2004-08-29.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Il existe des moments où l'on ne peut éviter de revenir à des questions fondamentales et ce matin j'aimerais reprendre une question toute simple, mais combien centrale pour l'Eglise : « Etre chrétien, c'est quoi ? »

    Cette question se pose et se repose dans différents contextes : a) le catéchisme par exemple. Son but est fondamentalement de conduire les catéchumènes à devenir des chrétiens; b) dans le dialogue interreligieux : qu'est-ce qui nous différencie des juifs ou des musulmans ? c) dans le dialogue avec nos voisins qui sont souvent assez déchristianisés et qui nous disent en même temps : "de toute façons, les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres" et "vous savez, j'ai mes croyances !".

    Que dire si l'on veut répondre « Etre chrétien, c'est ...» ou si quelqu'un demande : « Que dois-je faire pour être chrétien ? ». Etre chrétien, c'est quoi ?

    Je vous laisse deux minutes pour y réfléchir et ensuite notre conseillère de paroisse va passer dans les bancs avec le micro pour récolter quelques réponses.

    Réponses de l'assemblée, que je regroupe sous 4 catégories

     

    Ethique

    apprendre à bien faire

    vivre honnêtement, de manière intègre

    appliquer les lois de Dieu

     

    Action, solidarité

    être tolérant

    m'engager dans la communauté

    chercher de nouveaux membres

     

    Inspiration

    se tourner vers Dieu

    être en devenir, en recherche

    placer sa journée devant Dieu

    être éclairé par sa grâce

    accepter Dieu et vivre dans l'espérance de la résurrection

    croire que Jésus a existé

    accepter d'être accepté

    Rituels

     

    ---

     

    On voit dans ces réponses que vous avez bien intégré le plaidoyer d'Esaïe contre une religion faite seulement de rituels. Les réponses se partagent entre un agir moral (l'éthique protestante ?) et une inspiration par Dieu de la vie de tous les jours. Le fait d'"être chrétien" ne peut pas se résumer dans le "faire" et cela est déjà présent chez les prophètes de l'Ancien Testament comme nous l'avons entendu très fort chez Esaïe. Le Dieu biblique ne peut pas se contenter d'une pratique rituelle qui ne soit pas accompagnée d'une pratique éthique et d'une adhésion du coeur à l'alliance avec Dieu.

    S'il est sûr qu'il y a une pratique chrétienne — peut-être faudrait-il le dire plutôt en termes négatifs : les chrétiens ne peuvent pas faire certaines choses et se prétendre chrétiens en même temps — la pratique n'a pas de sens si elle n'est pas habitée par une attitude de sincérité, d'authenticité et d'attachement à Dieu et à Jésus.

    C'est pourquoi les chrétiens n'ont pas une loi, un catalogue de prescriptions à suivre, ce qui rend parfois difficile la visibilité des chrétiens, d'ailleurs. Nous ne suivons pas un catalogue de lois, mais nous suivons la personne de Jésus. Les actes chrétiens en découlent.

    Jésus — avant d'appeler à suivre les commandements donnés par son père — est celui qui appelle des disciples à le suivre. La priorité des chrétiens, c'est de suivre Jésus. Ses disciples abandonnent leurs filets et suivent physiquement Jésus. Aujourd'hui, nous sommes appelé à lâcher certaines choses (mais la liste n'est pas définie) pour suivre Jésus, c'est-à-dire nous mettre en marche selon son exemple. Cela signifie que le chrétien est en mouvement (il n'est pas figé sur un certain nombres de tâches à accomplir) et qu'il privilégie l'être plutôt que le faire.

    Jésus est une personne vivante, et même si les textes qui nous parlent de lui sont déjà écrits, ils sont suffisamment riches et ouverts pour être une inspiration chaque jour renouvelée. Les comportements chrétiens sont donc à inventer constamment. Les récits bibliques nous donnent des exemples à interpréter, qui peuvent nous inspirer, mais non nous limiter.

    La loi limite ! Mais Jésus, dans le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) ouvre la loi pour que nous en trouvions l'esprit, à l'exemple de Jésus face aux pharisiens. A l'exemple de Jésus, nous sommes appelés — parce que nous voulons le suivre — à pardonner, à servir, à aimer jusqu'à l'extrême.

    A celui qui demande "que faire pour être chrétien ?" on ne peut que l'encourager à découvrir Jésus, à approfondir sa connaissance de Jésus au travers des Evangiles, puis de la Bible toute entière et au travers de la communauté de l'Eglise.

    Suivre Jésus, marcher après lui, c'est marcher vers ce Royaume dont Jésus annonce qu'il s'est approché et que c'est là une bonne nouvelle ! Oui, être chrétien, c'est vivre une bonne nouvelle et non pas être chargé d'un lourd fardeau. En effet, serions-nous plus heureux à haïr qu'à aimer, à garder rancune qu'à pardonner, à donner des ordres qu'à rendre service ?

    Le Christ est venu annoncer la bonne nouvelle du Royaume, de la proximité de Dieu et non pas pour nous charger du fardeau d'une loi irréalisable. Réjouissons-nous de cette grâce et de cette bonne nouvelle !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    (12.8.2001)

    Marc 2

    "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    Marc 2 : 13-17.       2 Corinthiens 4 : 6-7.        Matthieu 5 : 1-2 + 13-16

    télécharger le texte :P-2001-08-12.pdf

    Chers amis,

    J'ai entendu plus d'une fois des gens — des adultes, des jeunes ou des enfants — me dire qu'il aurait quand même été plus facile de croire en Jésus si nous avions pu le voir à l'oeuvre de nos propres yeux. Oui, on pense souvent que les contemporains de Jésus, les gens de son époque, avaient de la chance, en tout cas plus que nous.

    Et bien moi je ne le crois pas du tout. Je crois que c'est nous qui avons de la chance. Je crois que nous avons tout — aujourd'hui — pour croire; plus facilement que pour les gens de l'époque de Jésus. Même si des foules suivaient Jésus pour l'entendre, bien peu finalement le suivaient et s'attachaient à mettre en pratique ce qu'il demandait. Ce n'était pas une époque en or comparée à la nôtre.

    Il semble que Jésus attirait plus souvent le scandale que l'admiration. En fait, Jésus intriguait, soulevait la curiosité, mais il bouleversait, il troublait trop les habitudes, l'ordre social de son temps pour être vraiment apprécié.

    Dans le récit que nous avons entendu (Mc 2), Jésus est accompagné d'une grande foule qui vient l'écouter. Mais il semble que de cette multitude, un seul homme soit devenu et surtout resté son disciple. La présence de cet homme, Lévi — aussi appelé Matthieu — va être cause de scandale pour ceux qui observent Jésus.

    Lévi est un agent du fisc romain, donc un collabo à la solde de l'occupant. On peut aussi penser (à la manière d'aujourd'hui) qu'il faisait partie de la mafia locale. Il a du pouvoir, un pouvoir illégal, assis sur le racket, et un pouvoir légal venant de l'occupant. Et voilà que Jésus va manger chez lui avec ses disciples et que Jésus en fait un compagnon permanent. Jésus fréquente des gens infréquentables !

    Aujourd'hui, on a de la peine à voir le scandale que c'était d'aller manger chez certaines personnes. Jusqu'à il y a peu, le mélange qu'on vit aujourd'hui était inconcevable. Et bien cela ne gène pas Jésus. Et cela n'a pas gêné non plus la nouvelle Eglise de raconter que Jésus se permettait d'aller partout où il trouvait utile de se rendre, partout où il trouvait nécessaire d'aller enseigner.

    Jésus n'a pas hésité à rencontrer cette mafia de péagers, mais aussi des bourgeois comme Marthe, Marie et Lazare, ou des exclus comme les lépreux, les mendiants ou les aveugles. Il a également osé parler à des femmes de toutes conditions, tout comme aussi à des étrangers, qu'ils soient romains ou samaritains.

    Pourquoi Jésus faisait-il cela ? Avait-il le goût de la provocation et du scandale ? Je ne le crois pas. Je crois simplement que Jésus avait une vision toute particulière de l'être humain, une façon de considérer l'être humain qui est simplement celle de Dieu : regarder l'être profond de chacun, au-delà des apparences. Jésus voyait au fond de chaque être, traversant toutes les couches de souffrances, toutes les armures, les carapaces et les boucliers que chacun a forgé autour de lui pour se protéger, pour moins souffrir, ou pour camoufler ses manques.

    Jésus voit en nous-mêmes au-delà de toutes ces protections, au-dedans de toutes ces murailles qui nous empêchent d'être simplement nous-mêmes, de sentir et de ressentir toutes les émotions liées à la vie. Il regarde au dedans de nous sans aucun jugement, sans critique ni dénigrement, sans s'arrêter aux défauts superficiels.

    C'est pourquoi Jésus va remettre à leur place les personnes scandalisées, ses accusateurs, en leur disant :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin". (Mc 2:17).

    Jésus voit les souffrances intérieures, nos souffrances intérieures ! Il sait que nous ne sommes que "des vases d'argile" (2 Co 4:7) comme l'a dit l'apôtre Paul, lorsqu'on nous regarde de l'extérieur, avec un oeil superficiel, avec un jugement rapide et critique. Mais Jésus ne s'arrête pas à ce vase d'argile, il ne veut voir que ce qui s'y cache, ce que le vase contient, à l'intérieur, ce que Paul appelle le "trésor spirituel"(id.). C'est ce que Jésus veut nous faire comprendre lorsqu'il dit aux hommes et aux femmes des foules qui l'écoutent :

    "Vous êtes le sel de la terre, (...) Vous êtes la lumière du monde" (Mat 5:13,14). Jésus ne dit pas : Vous devez vous efforcer de devenir le sel de la terre et la lumière du monde. Il dit "Vous êtes..."

    C'est avec ce nouveau regard que Jésus a appelé chacun de ses disciples, c'est de ce nouveau regard qu'est née l'Eglise, rassemblement de gens de toutes sortes, sans distinction de classes, de provenances, de nationalités.

    Ce regard qui accepte l'être tout entier — sans réserve, sans jugement — pour ne voir que le trésor, la richesse intérieure qui habite chacun, c'est le regard que Dieu porte maintenant sur chacun d'entre vous, sur toute personne présente ici ce matin, sur chaque personne dans le monde. Ce regard nous dit : Toi, suis-moi, pour découvrir que tu es le sel de la terre, que tu es la lumière qui éclaire le monde. Et si tu ne me crois pas encore, si tu n'arrives pas encore à y croire, si tu ne te sens pas à la hauteur de mon appel, si tu ne te sens pas assez digne, si tu ne pense pas avoir un trésor merveilleux à l'intérieur de toi, alors je te le répète :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin. Je ne suis pas venu appeler des personnes respectables, mais des gens de mauvaise réputation". (Mc 2:17).

    Nous avons la chance, aujourd'hui — contrairement aux contemporains de Jésus — d'entendre ce message en entier, de connaître la vie de Jésus avec son dénouement, sa mort et sa résurrection. Oui, nous avons cette chance de pouvoir être touchés maintenant par cet appel de Jésus et par cette acceptation sans condition de notre être, par cet accueil inconditionnel.

    Qu'allons-nous faire de cette chance ?

    Mettons cette chance à profit, pour avancer sur le chemin de notre vie — sous le regard de Dieu — et pour faire grandir notre être intérieur, notre trésor spirituel !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022