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esaïe - Page 2

  • Esaïe 2. Mettre notre énergie à faire confiance

    Esaïe 2

    1.2.2009
    Mettre notre énergie à faire confiance
    Exaïe 2 : 1-5 Mat 9:35 — 10:4

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons aujourd'hui notre culte Terre Nouvelle, autrefois appelé Dimanche missionnaire. Pendant longtemps, la mission a consisté à envoyer des personnes, du territoire où il y avait beaucoup de vocations vers un autre territoire où il y avait peu ou pas de chrétiens. Et nous sommes arrivés à la situation paradoxale, aujourd'hui, où les Eglise du Sud sont remplies pendant que celles du Nord se vident.
    Des hommes et des femmes du Sud se lèvent avec des vocations de témoignage, de service et de pastorat, alors que chez nous, on assiste à une baisse des vocations et des engagements dans le ministère diaconal et pastoral, et paroissial. Nous avons les postes, mais nous n'avons ou n'aurons bientôt plus les personnes. Ils ont les personnes, mais n'ont pas les postes ou les financements pour ces postes, c'est pourquoi nous ne devons pas baisser les bras et continuer de les aider. Ce sera l'objet de notre offrande d'aujourd'hui.
    Notre situation ressemble beaucoup à celle que Jésus rencontre lorsqu'il parcourt les campagnes de Galilée : "Jésus parcourait villes et villages (…) Son cœur fut rempli de pitié pour les foules qu'il voyait, car ces gens étaient fatigués et découragés, comme un troupeau qui n'a pas de berger." (Mt 9:36)
    N'est-ce pas ce que nous voyons aujourd'hui, autour de nous ? Des gens fatigués de courir partout, de travailler dur pour voir tous les prix, leurs loyers et leurs cotisations d'assurance grimper plus vite que leurs salaires. Des gens découragés de voir leurs retraites menacées par une crise financière, découragés face à une nature et un climat qui se dégradent, découragés face à des rapports humains de plus en plus juridiques et lointains. Des gens découragés face à un égoïsme et un repli sur soi qui semble devenir la norme.
    Oui, le tableau est bien sombre. La misère est bien réelle, d'autant plus douloureuse qu'elle doit rester cachée, pense-t-on. Face à cela, le cœur de Jésus est rempli de compassion, "ému dans ses entrailles, dans ses tripes" dit l'Evangéliste. Oui, Jésus est ému, bouleversé parce qu'il sait qu'il est possible de vivre autrement.
    Jésus est porteur du grand remède face à cette fatigue et ce découragement : la promesse d'un Dieu proche : "Le Royaume de Dieu s'est approché !" proclame-t-il (Mt 10:7).
    C'est la promesse déjà prononcée par le prophète Esaïe : la Présence de Dieu sur la colline de Jérusalem, un phare qui éclaire toutes les nations, un arbitre pour tous les conflits, une paix qui permettra de transférer toute l'énergie placée dans les préparatifs de guerre vers la production de nourriture pour tous : "de leurs épées, ils forgeront des charrues, de leurs lances, ils feront des faucilles." (Es 2:4)
    Combien d'énergie mettons-nous dans nos vies à éviter les autres, à nous défendre, à refuser d'être aidé, à nous protéger ou à attaquer les autres ? Toute cette énergie, pourquoi ne pas la mettre dans l'écoute, dans l'accueil de l'autre, dans la compréhension de celui qui nous parle.
    Avez-vous déjà remarqué à quel point — dans une conversation — une grande partie de notre cerveau est occupée à se demander "qu'est-ce que je vais lui répondre ?" plutôt que de se demander "qu'est-ce qu'il veut me dire ? qu'est-ce qu'il veut me faire comprendre ?" Combien de fois sommes-nous sur la défensive, avant que l'autre n'ait ouvert la bouche ?
    Jésus nous dit : "Le Royaume de Dieu s'est approché !" Ce qui peut être décodé en "du calme, détendez-vous." Personne ne vous en veut, Dieu vient en ami, vous pouvez faire confiance aux autres, vous pouvez sortir de votre solitude.
    Bien sûr, cela paraît impossible, ou dangereux, de faire confiance à tout le monde, aux inconnus ! C'est pourquoi, on a formé, ce que j'appellerai "des cercles de confiance," des ensembles de personnes qui partagent une même aspiration à baisser les armes. Un de ces cercles de confiance s'appelle l'Eglise, la paroisse !
    "Le Royaume de Dieu s'est approché !" dit Jésus, vous pouvez le vivre, au moins dans le cercle de l'Eglise. Laissez tomber vos armes, laissez tomber vos défenses, abandonner votre solitude et vos peurs. Oui, la paroisse, l'Eglise peut devenir ce havre de paix, ce lieu de trêve où se reposer de la fatigue de nos combats dans la société. Un lieu de trêve et de ressourcement où déposer le découragement et la lassitude que crée en nous la vue d'un monde qui se perd.
    Pouvons-nous réaliser cela ? Ne serait-ce pas un beau témoignage chrétien qui montrerait que le Royaume de Dieu s'est approché ? Je ne veux pas que notre Eglise disparaisse dans l'indifférence et l'épuisement de tous. Il y a à faire, ici et au loin. Retroussons nos manches. Reprenons confiance et ouvrons nos âmes et nos cœurs.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Esaïe 43. Dieu est prêt à tout pour nous sortir de notre détresse.

    • Esaïe 43

    23.11.2008
    Dieu est prêt à tout pour nous sortir de notre détresse.
    Es 43 : 1-4        Mt 13 : 44-46

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Comment être armés contre les épreuves qui nous tombent dessus ? "Un malheur est si vite arrivé" nous dit la sagesse populaire. Vous êtes nombreux aujourd'hui à ce culte à avoir vécu un deuil dernièrement, d'autres ont vécu des chagrins, des séparations, la perte d'un emploi, une désillusion ou des inquiétudes. Comment surmonter les épreuves ?
    En disant cela — qu'on se comprenne bien — je ne dis pas qu'il faut tourner la page, passer par dessus la peine en quelques minutes. Je pense à la façon de vivre l'épreuve, la traverser, mais sans perdre espoir, sans se laisser submerger, anéantir, sans se voir perdre pied et tout abandonner.
    Le prophète Esaïe nous donne quelques pistes dans le message qu'il adresse au peuple d'Israël. "Maintenant Israël, le Seigneur te dit…" (Es 43:1). Dans ce "maintenant" il y a la prise en compte de la situation réelle du peuple d'Israël lorsque le prophète parle. Dans ce "maintenant" le peuple est en exil à Babylone. Il a dû tout quitter : son pays, ses maisons, sa liberté, son autonomie. C'est dans cette situation de déracinement, de perte des repères que Dieu s'adresse à son peuple, celui qu'il a créé, celui qu'il a formé et il lui dit : "N'aie pas peur, je te libère, je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi !"
    Dieu rappelle qu'il est à l'origine, de la vie, de la création (Gn 1:1); qu'il est à l'origine de la vie de l'être humain, qu'il a formé à partir de la terre (Gn 2:7). Le Dieu de notre origine ne nous a pas oublié, il nous reconnaît, aussi bien dans le sens qu'il peut mettre un nom sur notre visage, qu'une reconnaissance de paternité : "Tu es à moi", tu viens de moi.
    Dans notre exil, dans notre deuil, dans nos peines, nous ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes, nous ne sommes pas délaissés, lâchés. Dieu est présence auprès de nous, de chacun d'entre nous. Et cette présence est assortie d'une promesse : "Quand tu traverseras l'eau profonde, je serai avec toi, quand tu passeras les fleuves, tu ne te noieras pas. Quand tu marcheras au milieu du feu, il ne te brûlera pas, les flammes ne te toucheront pas." (Es 43:2).
    La vie n'est pas présentée comme un long fleuve tranquille. Oui, il y a des tempêtes, des abîmes, des traversées périlleuses, des enfers effrayants. Mais ces épreuves ne nous noieront pas, ne nous consumeront pas. Il est possible de les traverser et d'en émerger. Il est possible de les vivre et d'y survivre, plus même, de découvrir qu'on peut même en ressortir grandi, plus fort, même si cela apparaissait impossible au début du chemin.
    Le prophète cite trois épreuves, les eaux profondes, les fleuves et le feu. A tout israélite, lecteur de la Torah, cela rappelle trois épisodes du cheminement des hébreux. Les eaux profondes rappellent la traversée de la Mer Rouge, qui a englouti les armées égyptiennes,  première épreuve traversée avec succès par les hébreux.  Le feu rappelle la révélation du Sinaï, épreuve initiatique, mais terrifiante. Les fleuves rappellent les traversées du Jourdain, une fois joyeusement pour entrer dans la terre promise, et une fois tristement pour partir en exil à Babylone.
    Le prophète en appelle au souvenir des épreuves déjà traversées et surmontées pour affronter les épreuves du présent. Souvenons-nous comme nous avons été soutenus, accompagnés, relevés précédemment. Nous avons tous un bagage de confiance auquel nous pouvons revenir pour vivre la peine d'aujourd'hui.
    Cette promesse de traversée est appuyée sur les secours reçus dans le passé. Elle est accompagnée d'une promesse d'avenir. Une promesse qui repose sur l'être de Dieu et sur les actions qu'il prépare. "Moi, le Seigneur, je suis ton Dieu. Moi, le Dieu saint d'Israël, je suis ton sauveur. Pour payer ta libération, je donne l'Egypte, je donne l'Ethiopie et Séba en échange de toi." (Es 43:3).
    Dieu affirme que ce qu'il a fait lors de la sortie d'Egypte, l'Exode, il va le refaire pour sortir de Babylone. Il y aura une fin à l'Exil. Ce que Dieu a fait pour mettre un terme à l'esclavage en Egypte et à Babylone, il le renouvelle chaque fois que nous sommes éprouvés. Il vient à nous pour nous sauver de nos détresses.
    Le prophète utilise ici l'image du rachat, de la rançon. Dieu est prêt à payer cher pour nous sortir des griffes du malheur. Pour le petit Israël, qui n'a même plus de terres, Dieu est prêt à donner des pays immenses, l'Egypte, l'Ethiopie et le royaume de la reine de Saba !
    Cela donne un sens nouveau aux paraboles de Jésus. L'homme des paraboles, ce n'est pas nous qui devons nous efforcer de chercher le Royaume de Dieu et tout abandonner pour lui. Ces paraboles nous parlent de Dieu et de son attitude vis-à-vis de nous. Dieu est cet homme qui vend tout ce qu'il a pour acquérir le champ dans lequel il a repéré un trésor ou le marchand qui a déniché une perle incroyable.
    Le trésor, la perle rarissime, c'est nous, dans notre détresse, dans notre chagrin. Dieu est décidé à tout troquer pour nous acquérir et nous ramener à la lumière.
    Et la déclaration d'Esaïe se termine par un chant d'amour. "Oui, je tiens beaucoup à toi, tu es précieux et je t'aime. C'est pourquoi je donne des peuples à ta place, des êtres humains en échange de toi." (Es 43:4).
    Dieu tient à nous comme à la prunelle de ses yeux, il est prêt à tout pour nous sortir de nos enlisements. Dieu nous repêche quand nous nous noyons dans nos larmes. Dieu nous guide sur le gué lorsque nous devons traverser des passages trop mouvementés dans nos existences. Dieu nous raffermit dans les moments où la douleur nous brûle.
    Nous ne sommes pas seuls, Dieu nous tend les bras et nous secourt. 
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 57. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer

    Esaïe 57

    17.8.2008
    A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer
    Es 57 :14-19    Es 62 : 1-5    Luc 13 : 6-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voici arrivés dans la troisième partie du livre d'Esaïe. Nous avons vu le prophète Esaïe, fils d'Amots, à l'œuvre entre 740 et 700 av. J.-C. dans la première partie du livre. Le prophète était conseiller des rois et le schéma théologique était en gros le suivant : quand les dirigeants obéissaient à Dieu, ils étaient victorieux; quand ils désobéissaient, ils perdaient face à leurs ennemis.
    120 ans plus tard, Jérusalem est dévastée par les babyloniens, le Temple détruit et le peuple et ses dirigeants emmenés en Exil. Un nouveau prophète — anonyme — encourage les exilés en leur disant, vous êtes punis, mais la punition prendra fin. Dieu vous enverra un libérateur et vous pourrez rentrer d'exil et vous établir à nouveau sur la terre promise. Cela se passe effectivement lorsque Cyrus, roi des Perses, défait Babylone en 540 av. J.-C. et permet, par décret, aux juifs de retourner sur la terre d'Israël.
    S'ouvre alors une troisième période, avec des messages contenus dans les chapitres 55 à 66 du livre d'Esaïe. Le retour se fait petit à petit, mais sans gloire. Le retour est difficile, les terres sont occupées par ceux qui sont restés. Ceux qui reviennent ne sont pas les bienvenus. Jérusalem est toujours en ruine et le pays ne retrouve pas son indépendance. Pas de gouvernement autonome, pas de nouveau Temple. La vie est plutôt misérable. La punition continue-t-elle ?
    Là au milieu, le prophète cherche à comprendre, cherche à percevoir, à discerner la volonté de Dieu. Dans la liturgie, nous avons entendu les prières que le prophète partage avec son peuple :
    - repentance et appel à Dieu "ah si tu déchirais le ciel et si tu descendais" (Es 63:15-19);
    - la grâce au travers de la mission du Messie de "remplacer les marques de tristesses par autant de marques de joie" (Es 61:1-3)
    - la louange : "le Seigneur est pour moi une source de joie débordante" (Es 61:10-11).
    Quelle est l'intention de Dieu, le sentiment de Dieu à l'égard de son peuple ?
    Et le prophète a une révélation. Et il traduit pour nous le travail de réflexion, d'introspection de Dieu lui-même. Il semble qu'on l'entend réfléchir :
    "Moi, le Dieu saint, j'habite là-haut, mais je suis avec les hommes qui se trouvent accablés et ont l'esprit d'humilité, pour rendre la vie aux humiliés, pour rendre la vie aux accablés. (…) Les torts d'Israël m'ont irrité un instant. Dams ma colère je l'ai frappé, je ne voulais plus le voir. Mais il est resté infidèle, il n'en a fait qu'à sa tête, je connais bien sa conduite.
    Or voici ce que sera ma revanche : je le guérirai, je le guiderai, je le réconforterai ! Quant à ceux qui portaient le deuil, je mettrai sur leurs lèvres des exclamations de joie. Paix pour les plus lointains, paix pour les plus proches, dit le Seigneur. Oui, je guérirai mon peuple." (Es 57:15,17-19)
    Oui, on assiste-là au travail de pensée intérieur de Dieu lui-même. On le sent à la croisée des chemins, comme le propriétaire du figuier stérile (Luc 13:6-9). Face à ce peuple récalcitrant, que faire ? Les sanctions n'ont pas porté de fruits. La punition n'a rien donné, elle n'a pas ramené son peuple à lui. Que faire ? Faut-il abattre l'arbre et le brûler ?
    Quand on se demande quoi faire — et qui n'a pas été devant une telle situation face par exemple à un enfant adolescent ou à un employé au travail ? — il est de bon conseil de se demander : au fond, qui suis-je ? Qui est-ce que je veux être dans ma vie ?
    Etre et actions sont intimement liés. Ce que je fais façonne aussi qui je suis, alors, ce que je suis, ou veux être, doit guider ce que je fais.
    Qui suis-je — se demande Dieu — ou pour être plus modeste : qui est Dieu se demande le prophète. Dieu est le Très-Haut, celui qui est saint et très élevé, le Tout-Autre. Mais il est aussi celui qui s'est révélé à Moïse, dans le buisson ardent, comme celui qui entend les cris de son peuple maltraité en Egypte (une figure de l'Exil). Dieu ne peut pas rester lui-même si son amour des humains, de son peuple, ne dirige pas ses actions.
    Et nous le voyons — dans ces mots du prophète — reconnaître qu'il a été irrité, qu'il a punit, sanctionné, et que cela n'a pas donné d'effet. Et nous le voyons revenir à son être-même, renoncer à la colère pour tendre la main et reproposer, inlassablement, son amour. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit de revenir vers son peuple pour le guérir, pour lui apporter la joie et la paix.
    L'amour peut comporter des temps de colère, des actes de punition. Poser des normes, des interdits dans l'éducation est un acte d'amour. Tenir aux principes, les faire respecter, sanctionner est un acte d'amour aussi, lorsque c'est fait avec mesure et proportionnalité.
    Mais l'amour sait aussi revenir après la colère, pardonner après la transgression, réhabiliter après la sanction. Et c'est le rôle du fort de faire le premier pas, de proposer la réconciliation et d'effacer l'ardoise. Voilà ce que Dieu décide, après réflexion, un retour unilatéral vers son peuple, vers ceux qui sont accablés, humiliés. Malgré tout, il décide de guérir, guider, réconforter son peuple et de le faire avec joie.
    Dans le deuxième texte que nous avons entendu (Es 62:1-5), le prophète compare ce retour à une noce, un mariage La relation avec Dieu peut être joyeuse, un plaisir, un bonheur, comme la rencontre du marié avec la mariée. La relation à Dieu prend deux dimensions dans cette troisième partie du livre d'Esaïe.
    Une dimension personnelle, interpersonnelle d'abord. Tout en restant communautaire — l'individualisme n'as pas encore le sens et l'importance d'aujourd'hui — la relation est personnelle entre Dieu et l'être humain, c'est une relation de cœur et de volonté, une relation qui engage l'intérieur de l'être humain. On connaît les violentes diatribes des prophètes contre les signes extérieurs de religiosité qui ne sont pas accompagnés d'une justice personnelle et sociale par exemple. Voilà pour la dimension personnelle : elle demande de l'authenticité et de la sincérité.
    L'autre dimension, très présente chez le prophète, c'est l'universalité. Jérusalem devient une sorte de phare dans le monde pour faire connaître l'amour que Dieu a pour son peuple. "Les nations constateront que le Seigneur t'a délivrée, tous les rois contempleront ta gloire." (Es 62:2). Le Temple, lorsqu'il sera rebâti, sera une "maison de prière pour tous les peuples" (Es 56:7) comme le rappellera Jésus lui-même. Il y a une volonté de réconciliation de l'humanité toute entière sous la bannière de l'amour que Dieu a pour tous les humains.
    - L'amour de Dieu bien plus fort que sa colère,
    - une relation personnelle et engagée envers Dieu,
    - un amour universel et inconditionnel pour tous les humains.
    Ces trois thèmes sont exposés dans cette troisième partie du livre d'Esaïe et verront leur déploiement s'effectuer dans la personne et le message de Jésus, quelques siècles plus tard. Ils sont encore, pour nous, la manifestation vraie de l'être de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 53. Un prophète partagé

    Esaïe 53

    10.8.2008
    Un prophète partagé
    Es 51 : 12-16    Es 53 : 1-5    Ac 8 : 26-38

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la première partie du livre d'Esaïe s'inscrit dans l'histoire du peuple juif entre les années 740 et 700 av. J.-C. Le prophète Esaïe, fils d'Amots, conseille les rois dans leur politique, afin que Dieu leur assure la victoire, ou au moins la survie. L'idée de base est le lien entre obéissance à Dieu et victoire sur les ennemis, la désobéissance conduisant à la défaite.
    La première partie du livre d'Esaïe se termine sur la libération miraculeuse du siège de Jérusalem, ce qui confirmait le schéma d'Esaïe. Cependant, un peu plus d'un siècle plus tard, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, détruit le temple et déporte les habitants vers Babylone. Une nouvelle réflexion s'impose sur le rôle d'Israël et de Dieu dans ces nouveaux événements. Le Dieu d'Israël a-t-il été battu par les dieux babyloniens ? Ou bien Dieu a-t-il abandonné son peuple ?
    Un nouveau prophète, anonyme, se lève pour encourager le peuple déporté à Babylone. Ses paroles sont recueillies et appondues au premier livre d'Esaïe. Elles forment les chapitres 40 à 55. Que nous dit ce prophète ? Il annonce la délivrance du peuple déporté. Il annonce que Dieu n'a pas abandonné son peuple, il ne l'a pas oublié, au contraire : il prépare son avenir, son retour vers la terre promise.
    Le prophète affirme que le Dieu d'Israël est le maître des éléments naturels : "il excite la mer, il fait mugir les flots" (Es 51:15), bien plus, "il a déploié le ciel et posé les bases de la terre" (Es 51:13). Dieu règne sur l'univers, il est le maître des rois et des peuples et il a déjà convoqué Cyrus, le roi des Perses pour envahir Babylone et libérer le peuple juif pour qu'il puisse retourner sur la terre promise.
    Ce langage est dans le prolongement de la pensée d'Esaïe, fils d'Amots. Un prolongement qui va un peu plus loin, puisque la souveraineté de Dieu ne s'étend pas seulement au peuple d'Israël, mais à toutes les nations, à la terre entière. L'inconvénient de cette affirmation, c'est d'éloigner Dieu de son peuple !
    Si Dieu est le maître de l'univers, pourquoi aurait-il encore à se préoccuper de ce petit peuple d'Israël ? Et pourquoi ce peuple plutôt qu'un autre ? Si Dieu est le maître de l'univers, cela renforce l'idée que tout vient de Dieu, aussi bien le bonheur et la délivrance que le malheur et l'adversité.
    Le prophète est partagé. Il ne peut pas y avoir que la voie de la puissance, de la force, de la violence. L'action de Dieu ne peut pas se voir que dans l'Histoire. Dieu n'a-t-il pas d'autres projets pour son peuple, pour les humains ?
    Le prophète est partagé parce que dans le projet de Dieu de délivrer son peuple, il voit — au-delà du projet politique — tout le cœur, tout l'attachement, tout l'amour que Dieu a pour ces gens qui souffrent. Le but de Dieu est de redonner confiance et espoir à son peuple, de lui redonner vie, d'ôter le sentiment d'abattement, de découragement, de faute.
    Le prophète découvre une autre facette de Dieu, celle du Dieu qui vit au côté de son peuple, du Dieu qui ressent ce que ressentent les humains. Le prophète découvre combien Dieu veut abolir la distance entre lui et les humains, combien Dieu veut abolir cette mécompréhension qui fausse cette relation entre humains et Dieu.
    Cela lui inspire les quatre poèmes du "serviteur souffrant" (Es 42:1-4; 49:1-6; 50:4-9; 52:13—53:12) mystérieux textes où se montre non seulement la miséricorde, la compassion de Dieu, mais où toutes les valeurs sont renversées. Où l'être humain découvre que tout ce qu'il croyait savoir de Dieu est remis en question :
    "Qui de nous a cru la nouvelle que nous avons apprise ?
    Qui de nous a reconnu que le Seigneur était intervenu ?
    Car devant le Seigneur, le serviteur a grandi comme une simple pousse, comme une pauvre plante qui sort d'un sol desséché. Il n'avait pas d'allure ni le genre de beauté qui attirent les regards. Il était trop effacé pour se faire remarquer.
    Il était celui qu'on dédaigne, celui qu'on ignore, la victime le souffre-douleur. Nous l'avons dédaigné, nous l'avons compté pour rien, comme quelqu'un qu'on n'ose pas regarder.
    Or il supportait les maladies qui auraient dû nous atteindre, il subissait la souffrance que nous méritions.
    Mais nous pensions que c'était Dieu qui le punissait ainsi, qui le frappait et l'humiliait.
    Pourtant il n'était blessé que du fait de nos fautes, il n'était accablé que par l'effet de nos propres torts. Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés; il a reçu les coups, et nous sommes épargnés. (Es 53:1-5)
    Nous croyions que Dieu était opposé à nous et il est de notre côté. Nous croyions ne pas être digne de lui et il s'abaisse jusqu'à nous. Nous croyions qu'il nous punissait, alors qu'il souffrait notre propre souffrance !
    Ces paroles du prophète anonyme — ajoutées au livre d'Esaïe — sont comme un filon d'or qui parcourt le terreau de la Bible. Ces paroles permettront de comprendre la Passion de Jésus — qui donne sa vie à notre place, comme le serviteur souffrant.
    Comme nous l'avons entendu dans le récit de la conversion du fonctionnaire éthiopien, ces paroles d'Esaïe ont servi de catéchisme pour comprendre la mort de Jésus, le don de sa vie.
    Dieu n'est pas un Dieu lointain, un Dieu distant qui tire les ficelles d'un monde qui nous dépasse. Dieu, au contraire, se veut proche de nous, de chacun d'entre nous, du plus petit au plus âgé, du plus fort au plus faible. Dieu se place lui-même à nos côtés, dans le bonheur comme dans le malheur. Il n'est pas là pour ôter les pierres, les obstacles qui se trouvent sur notre chemin, mais pour nous aider à les contourner, les écarter ou les surmonter.
    Dieu nous soutient dans tous les moments de notre vie. Nous pouvons lui faire confiance et vivre de cette force.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 1. Un prophète dans les tourmentes politiques

    Esaïe 1

    3.8.2008
    Esaïe, un prophète dans les tourmentes politiques
    Es 1 : 21-28    Es 2 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dimanche et les deux prochains, j'aimerais vous conduire dans les paysages variés et accidentés du livre du prophète Esaïe. Le plus long livre de prophète de la Bible, 66 chapitres, se présente en fait un trois parties. La première partie (chap. 1-39) présente la collection des paroles du prophète Esaïe, fils d'Amots, paroles prononcées entre 740 et 700 av. J-C., sous les règnes successifs de quatre rois de Juda.
    Le pays du peuple élu est alors divisé en deux royaumes, celui du Nord, appelé Royaume d'Israël et celui du Sud, appelé Royaume de Juda, avec Jérusalem comme capitale. Esaïe conseille donc les rois de Juda, à Jérusalem.
    Pendant ces 40 années, l'empire assyrien s'empare du Royaume du Nord (720) et grignote le Royaume de Juda, jusqu'à assiéger Jérusalem (701).  Cependant, les  troupes assyriennes lèvent le siège et s'en vont, sans prendre la capitale. Cette libération est vue comme un miracle de l'action divine à l'égard de son peuple. Les messages d'Esaïe s'arrêtent sur cette note d'espoir.
    Le prophète est un conseiller critique des rois. Pendant toute cette période mouvementée et menaçante, il apporte les oracles de Dieu. En résumé, les rois veulent se prémunir militairement contre l'envahisseur assyrien (qui vient du nord) en concluant des alliances avec l'Egypte (au sud). Esaïe prône une politique de neutralité : pas d'alliance militaire, seule l'alliance avec Dieu peut préserver Juda et Jérusalem. Il faut mettre sa confiance en Dieu, pas dans les armes.
    Le prophète délivre ses messages à contretemps et à contre-courant. Quand la menace militaire se fait forte, il rappelle l'exigence de se reposer sur Dieu seul et soutient l'espoir de la délivrance. Quand l'étau de relâche, il prêche le jugement de Dieu : attention à ne pas se reposer sur nos forces humaines et à ne pas négliger la justice.
    C'est pourquoi cette première partie du livre d'Esaïe est remplie — ce qui rend sa lecture difficile — de jugements, de condamnations, d'annonces de châtiments, pour Israël, Juda, Jérusalem, mais aussi tous les peuples voisins.
    Fondamentalement, il y a dans le livre d'Esaïe une recherche de compréhension du sens de l'histoire, de ce qui arrive au peuple de Dieu. En fait, les malheurs ne cessent d'arriver pendant toute la période d'activité du prophète. Le territoire du pays ne cesse de rétrécir, jusqu'à n'être plus que la citadelle de Jérusalem ! Que fait Dieu pendant ce temps ? Pourquoi cela arrive-t-il à son peuple, à celui qu'Il a choisi ?
    Esaïe essaie de répondre à ces questions à partir d'un axiome de base : "Tout est entre les mains de Dieu." En partant de là, comment comprendre les malheurs qui ne cessent d'arriver ? Et comment garder espoir ?
    Esaïe expose alors que ces malheurs sont la sanction des fautes des dirigeants et du peuple. A cause de l'injustice, des crimes et de l'idolâtrie, Dieu punit son peuple jusqu'à ce qu'il revienne dans le droit chemin. Ce schéma : "le malheur est une punition - le repentir conduit au retour en grâce" est très culpabilisant, mais comporte aussi une espérance : la possibilité de revenir à la justice, au juste culte, à la juste relation avec Dieu.
    Ce schéma signifie également que ces malheurs ne sont pas une défaite du Dieu d'Israël face aux dieux assyriens, Dieu garde le contrôle et reprendra la main en temps voulu.
    La délivrance de Jérusalem en 701 — racontée comme miraculeuse dans le livre d'Esaïe et dans son parallèle en 2 Rois (c'est un ange du Seigneur qui décime l'armée assyrienne pendant une nuit devant Jérusalem, Es 37:36 et 2 R 19:35) — vient confirmer ce schéma. Cette délivrance de Jérusalem est vue comme la fin du châtiment, le retour en grâce et valide — temporairement — le schéma de pensée d'Esaïe : transgression - punition - retour en grâce.
    Il est intéressant de noter que la Bible nous montre un processus de pensée théologique en cheminement. Avec d'autres témoignages bibliques (Job dans l'Ancien Testament, les Evangiles dans le Nouveau) nous ne pensons plus comme Esaïe, que nos malheurs sont une punition méritée (du moins j'espère que vous ne le pensez pas !) Mais la Bible n'a pas peur de laisser et de montrer des voies qui se sont révélées sans issue. On voit que la découverte de l'être, de la nature de Dieu s'est faite aussi par essais-erreurs et que le souvenir d'erreurs passées peut nous éviter de les reproduire aujourd'hui. La grâce et l'amour fidèles de Dieu priment sur le jugement.
    La validation du schéma d'Esaïe par la délivrance inexpliquée de Jérusalem explique probablement pourquoi deux autres parties sont venues s'ajouter à cette première partie du livre d'Esaïe. Le livre pourrait se terminer là sur une victoire de Dieu sur les armées assyriennes. Mais l'Histoire (avec un grand H) ne le permettra pas. 113 ans après cette délivrance miraculeuse, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, la détruit et déporte les élites. C'est l'Exil.
    A ce moment-là, il faut repenser la théologie d'Esaïe, il faut explorer d'autres pistes théologiques. Sans effacer cette première partie — qui témoigne des relations entre Dieu et son peuple, des efforts de compréhension et des relations mutuelles — il faut écrire de nouvelles pages à l'histoire de Dieu et de son peuple. C'est une relation en mouvement, en marche, pour nous encore aujourd'hui.
    Nous explorerons donc dimanche prochain cette nouvelle étape avec la deuxième partie du livre d'Esaïe (chap. 40-55). A dimanche prochain.
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 6. Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner.

    Esaïe 6

    29.6.2008
    Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner.
    Es 6 : 1-13        Mc 4 : 10-12

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Quand on choisit un texte biblique au début de la semaine pour la prédication du dimanche, on peut être très surpris par ce qu'on y découvre, même si on pensait bien le connaître. J'avais choisi ce récit de la vision d'Esaïe pour deux raisons : d'abord, je me disais que ce récit, qui nous replace avec Esaïe face à Dieu, face à sa splendeur, pouvait nous stimuler dans notre quête de Dieu avant l'été, pouvait nous aider à approfondir notre relation à Dieu. Ensuite, j'ai fait le projet de prêcher cet été — au mois d'août — sur des passages du livre d'Esaïe pour vous faire (re)découvrir ce prophète. Commencer aujourd'hui par le récit de sa vocation me paraissait naturel.
    Mais voilà, le texte peut nous surprendre ! Même un texte bien connu — peut-être d'autant plus un texte trop connu — peut s'être affadi dans notre souvenir. On a tendance à gommer ce qui nous dérange, à embellir ce qui nous fait peur !
    Essayons de saisir ce que vit Esaïe, pas encore prophète. Au moment où Esaïe s'aperçoit qu'il voit Dieu, qu'il est en sa présence, il prend conscience de l'abîme qui le sépare de Dieu ! Il est perdu, il va mourir, puisqu'il est indigne et transgresse l'interdit de voir Dieu ! Esaïe doit être terrifié par la grandeur et la puissance de Dieu.
    Les anges flamboyants, les séraphins, ne doivent pas être rassurants non plus ! Il ne faut pas imaginer des angelots joufflus, des petits cupidons Renaissance, mais plutôt des sortes de dragons ailés et crachant du feu, formant la garde rapprochée d'un grand souverain. Ces êtres terrifiants crient la louange de leur roi et ces cris ébranlent les portes et dégagent de la fumée. Rien de rassurant là-dedans.
    Vient ensuite l'épreuve du feu, du tison sur les lèvres d'Esaïe. Un geste bienveillant de la part de Dieu qui admet ainsi Esaïe en sa présence en le purifiant, mais qui ressemble plus à une épreuve initiatique ou à une torture qu'à un signe de bienvenue. A cela s'ajoute la mission confiée à Esaïe : il est chargé d'empêcher le peuple de revenir vers Dieu !
    Et quand Esaïe se soucie de la durée de cette mission "jusques à quand ?" pour découvrir le but ultime, le but réel après la phase d'endurcissement, Dieu lui répond que c'est la destruction qui attend le peuple, sans sursis, sans rémission et jusqu'aux derniers. S'il en réchappe un dixième, ceux-là encore seront fauchés, comme ce qui repousse d'une souche !
    Voilà pour la belle vision, voilà pour la belle vocation, voilà pour la belle mission !
    Que faire d'un tel message ? Car il faut en faire quelque chose, d'autant plus que Jésus reprend à son compte la mission d'Esaïe lorsqu'il explique pourquoi il parle en parabole. Cette mission ne peut pas être gommée, effacée en disant simplement que cela appartient à une conception de l'Ancien Testament.
    On ne peut pas non plus tout effacer à cause de la dernière ligne qui redonne espoir : "Mais cette souche est le gage divin d'un nouveau commencement" (Es 6:13).
    Il faut prendre en compte que Dieu est fâché. Il est fâché de cet Israël qui compte sans cesse sur sa bonté, sa miséricorde, son pardon pour continuer à mal se comporter, à exploiter son prochain, à fausser la justice, à adorer d'autres dieux.
    A un moment, Dieu dit STOP. Cessez de considérer ma miséricorde, mon amour comme une garantie d'impunité renouvelable à l'infini. STOP.
    Esaïe doit annoncer au peuple que, dorénavant, Dieu refuse de pardonner, Dieu refuse d'être miséricordieux, que Dieu refuse d'être son Dieu ! Aie, aie, aie, comment prêcher cela, comment comprendre cela, comment comprendre que Jésus ait repris cela ?
    Vous n'en avez jamais eu marre de bien faire, d'être gentil, de faire du bien, d'aider et que cela ne mène à rien ? Alors vient l'idée de dire stop et de faire voir ce que cela fait lorsqu'on change d'attitude du tout au tout. Puisque les êtres humains sont contre Dieu, pourquoi ne pas utiliser cette attitude, ce comportement comme levier pour faire prendre conscience de ce qui se passe ?
    Puisque les êtres humains disent non à Dieu — et c'est ce qu'on voit dans le monde actuel et c'est ce que Jésus voyait autour de lui et l'a conduit à la Passion — puisque les êtres humains disent non à Dieu, au Dieu aimant, peut-être diront-ils non à Dieu, au Dieu juge et destructeur, retrouvant par là la valeur de ce qu'ils avaient négligé et qu'ils ont maintenant perdu !
    Peut-être les êtres humains vont-ils s'indigner que Dieu affirme qu'il va renoncer à son amour, à son pardon et que cette indignation va leur rappeler qu'ils ont eux-mêmes — et les premiers — renoncé à l'amour et au pardon dans leurs relations.
    En se présentant aux êtres humains comme un juge, comme un procureur inflexible, Dieu se place en miroir de nous-mêmes pour que nous nous y voyions tels que nous sommes, dernier espoir de transformation ! Lorsque Dieu se présente comme juge et procureur, parce que nous abusons de sa patience, il ne cherche pas notre destruction — nous nous en occupons très bien tout seuls — mais il cherche, en fin de compte, notre transformation, notre purification, comme pour Esaïe.
    Dieu utilise des voies paradoxales pour nous mettre en face de nous-mêmes. C'est souvent dur, mais c'est toujours, en fin de compte, par amour. Aussi dur que soit le texte, sa dureté est égale à la dureté de notre cœur et de nos attitudes. Aussi dur que soit le texte, il débouche sur une promesse de renouveau : Dieu a toujours à cœur de nous accueillir dans son amour.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 58. Le jeûne que Dieu préfère, c'est la libération des captifs

    Esaïe 58
    21.9.1997
    Le jeûne que Dieu préfère, c'est la libération des captifs
    Es 58:6-11 Gal 5:13-14 Lc 6:6-11

    (Cette prédication fait suite à celle sur Luc 4 du 7.9.1997)

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, je continue la ligne commencée il y a 15 jours. Lors de sa première prédication à Nazareth, Jésus avait lu ce passage du livre d'Esaïe :
    "L'Esprit du Seigneur est sur moi,
    il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
    Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
    et le don de la vue aux aveugles,
    pour libérer les opprimés,
    pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
    et il avait ajouté: Aujourd'hui ces paroles sont accomplies !
    Aujourd'hui j'aimerais développer cette parole d'Esaïe que cite Jésus :
    "Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux captifs."
    Comme nous vivons aujourd'hui le Jeûne fédéral, j'ai rappelé un autre texte d'Esaïe qui lie directement le jeûne et la libération des captifs :
    "Le jeûne tel que je l'aime, dit le Seigneur, le voici, vous le savez bien : c'est libérer les homme injustement enchaînés, c'est les débarrasser du joug qui pèse sur eux, c'est rendre la liberté à ceux qui sont opprimés, bref, c'est supprimer tout ce qui les tient esclaves." Esaïe 58:6
    Le jeûne, au temps d'Esaïe comme au temps de Jésus et plus tard était au coeur de la pratique religieuse.
    Jeûner c'est aborder différemment la faim et ce qui nous alimente, la nécessité et ce dont nous dépendons. Jeûner, c'est casser (pour un temps) le lien de dépendance (à la nourriture et pourquoi pas à la TV ou à la fumée, etc.), c'est prendre conscience de nos automatismes et de nos vrais besoins, du manque qui se creuse (au ventre) et du manque de l'autre qui ne jeûne pas forcément volontairement.
    Le jeûne n'est pas qu'affaire d'alimentation. On peut transposer cela dans nos relations. Nous avons tous faim de statut, d'image ("Je suis devenue transparente pour lui, il ne me voit plus"), de reconnaissance, d'affection, de tendresse, d'amour.
    Nous avons tous un appétit (légitime) pour cela, car c'est indispensable à la vie !
    Pour satisfaire cette faim, nous avons nos petites stratégies. Certaines sont innocentes, d'autres sont exaspérantes pour ceux qui les subissent.
    On connaît tous quelqu'un qui ne cesse de se plaindre, de montrer comme il est une victime impuissante. Cette façon d'être avec les autres est une stratégie pour obtenir de l'attention, de la commisération, de la reconnaissance.
    D'autres stratégies passent par diverses formes de prises de pouvoir et autres manipulations.
    Ces stratégies sont d'autant plus manipulatrices qu'elles ont été acquises tôt dans un environnement affectivement frustrant.
    Dès la naissance, tout enfant a un appétit relationnel. Si ses demandes directes sont généralement satisfaites, il continuera de dire ses besoins clairement et directement.
    Mais si ses demandes directes ne reçoivent pas de réponses, l'enfant va penser qu'il fait "faux" et cherchera d'autres voies plus détournées, voire franchement manipulatrices. Il va se battre par tous les moyens pour survivre affectivement.
    Nous sommes tous liés par cette faim affective parfois exacerbée par des carences vécues. Nous grandissons liés à ces stratégies. Ces stratégies satisfont un temps notre faim, mais elles ne nous rassasient pas. Devenus adultes, nous sommes limités par ces stratégies mises en place dans la petite enfance. Elles nous limitent, elles nous enferment, parfois nous oppriment. Souvent elles nous empêchent d'aimer et d'être aimés. Nous en sommes devenus captifs.
    Lorsque Jésus annonce la libération des captifs (pour aujourd'hui), il ne parle pas de vider les prisons. Mais il parle de cette libération intérieure des chaînes qui nous retiennent d'être aimés et d'aimer.
    Jésus veut nous rendre notre liberté, la même liberté dont il usait lorsque les pharisiens cherchaient à l'entraîner dans un conflit ou un piège.
    On voit dans le récit de la guérison de l'homme à la main paralysée (Luc 6:6-11) comment Jésus ne se laisse pas enfermer dans une situation programmée par d'autres. Il ne se met pas sur la défensive, il n'a pas besoin de devenir agressif pour s'imposer, simplement il suit sa ligne, il guérit.
    Etre rendu libre, c'est possible. C'est un chemin ouvert à tous, qui passe par plusieurs étapes.
    D'abord reconnaître que l'amour que l'on recherche, dont on a faim, existe et qu'il est disponible. Il n'est pas nécessaire d'écraser les autres pour l'obtenir.
    Ensuite, reconnaître que nos stratégies viennent des détresses que nous avons subies. (Ce sont ces liens provenant de la méchanceté ou de l'injustice dont parle le prophète Esaïe.) Nous ne faisons que répéter ce qui nous a fait tant souffrir.
    Enfin, pour savoir ce que nous avons subi, il faut faire un retour en soi-même, vers son passé, et y découvrir nos manques, nos carences.
    Si nous avons beaucoup souffert dans notre existence, ce chemin ne peut peut-être pas être suivi en solitaire, il nécessite une écoute attentive et compassionnelle.
    Esaïe disait : le jeûne tel que Dieu l'aime, c'est libérer les captifs.
    On peut dire aujourd'hui :
    La pratique religieuses que Dieu aime :
    - c'est créer, dans l'Église, un environnement relationnel où chacun puisse se sentir écouté et aimé,
    - c'est créer, à la maison, un climat où les enfants puissent recevoir l'affection dont ils ont besoin pour grandir,
    - c'est apprendre à recevoir l'Amour qui vient du Père pour se sentir assez riche et suffisamment libre pour le répandre autour de soi.
    Amen.

    Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz