Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

fb) Jérémie

  • Jérémie 17. Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    (10.6.2001)

    Jérémie 17

    Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    Deutéronome 7 : 7-12.       Jérémie 17 : 5-8.      Actes 2 : 41-47

    télécharger le texte : P-2001-06-10.pdf

    Chers Amis,

    Dimanche passé, nous fêtions la Pentecôte, commémoration du don de l'Esprit saint aux disciples, et à l'Eglise. Par l'Esprit saint, Dieu se rend présent — d'une façon qui reste mystérieuse — en chacun. C'est un passage important en termes d'histoire des religions.

    Jusqu'à la Pentecôte, le Temple, celui de Jérusalem, était le lieu où Dieu était le plus proche. Les juifs déjà étaient conscients que Dieu ne pouvait pas habiter le Temple, on ne met pas un Dieu infini dans une maison, aussi vaste et belle soit-elle. Le Temple était le marchepied de Dieu sur terre.

    Mais voici qu'avec Jésus, Dieu se rapproche des humains, il marche à leurs côtés, il entre dans le corps d'un homme autant que dans notre histoire humaine. Voilà qu'à Pentecôte, Dieu affirme qu'il vient habiter en chacun de nous, en chaque être humain. L'être humain, chaque être humain devient le Temple du Saint-Esprit. Quel changement ! Quelle transformation de la relation à Dieu.

    Dans le livre du Deutéronome, nous avons entendu que Dieu avait choisi son peuple — non pour sa grandeur, pour ses mérites propres — mais simplement par amour. "Le Seigneur vous aime," c'est pourquoi il vous a choisi.

    C'est une décision unilatérale que Dieu a prise. Il n'a pas attendu pour voir qui nous serions, il n'attend pas de savoir ce que vont devenir les bébés, les enfants pour les accueillir dans le baptême. Dieu nous prend tels que nous sommes. Il n'y a pas de conditions préalables pour être accueillis par lui, pour être aimés, pour être secourus.

    Dieu fait le premier pas, il ouvre ses bras le premier. Et l'amour de Dieu n'est pas passif. Cet amour de Dieu est communicatif, actif. Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il a sorti de l'esclavage d'Egypte son peuple, ce qui peut signifier pour nous qu'il souhaite nous aider à sortir de nos conflits relationnels qui nous enferment dans des attitudes de repli, de déprime ou de méfiance vis-à-vis des autres.

    Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il nous a donné sa loi, comme points de repères pour ne pas foncer dans les impasses de la violence et de la destruction. Dieu nous offre le mode d'emploi du bonheur et ... — bien qu'il passe aujourd'hui pour démodé, dépassé ou ringard — ce mode d'emploi reste solide et plein de bon sens, si on accepte de bonne foi de le mettre en pratique.

    C'est pourquoi le prophète Jérémie peut faire cette comparaison à son auditoire — le peuple d'Israël de son époque, qui n'était pas très différent de nous : Comment préférez-vous vivre ? Comme un buisson malingre dans la steppe aride ou comme un arbre vert toute l'année parce qu'il est planté auprès d'un ruisseau ?

    A quoi ressemble votre vie ? Etes-vous toujours en quête de ce qui étanchera votre soif de satisfaction, de tendresse, d'amour, de relations véritables ? A quelle distance de vous se trouve l'eau qui vous fait vivre ? Où est l'eau de votre baptême ? Où est la vie que Dieu souhaite pour vous ?

    Qu'en est-il de notre vie ? Vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ? Vivons-nous la vie telle que nous l'espérons ? Si nous ne sommes pas satisfait de la vie que nous menons, des relations que nous entretenons, qu'est-ce qui nous empêche de changer, de commencer une transformation ? Qu'est-ce qui nous empêche de changer le centre de notre existence, de changer notre centre de référence ? Chacun possède sa réponse personnelle à cette question.

    Le baptême est une invitation à installer son campement auprès de cette rivière de vie et d'y plonger sa vie pour prendre racine et n'être plus jamais en manque, assoiffé.

    L'enfant baptisé ce matin a reçu quelques gouttes de cette eau, comme un semis de graines nouvelles reçoit un peu d'eau. Mais le baptême n'est pas que l'événement d'un jour. Pour que la graine germe, pour que les racines se développent et que l'arbre prenne sa pleine stature, il faut que quelqu'un en prenne soin, qu'il l'alimente, le chérisse.

    Nos vies ont besoin de ces soins, nos vies ont besoin d'être baignées dans la Parole de Dieu qui fait vivre et grandir. C'est le rôle des parents pour les enfants. C'est le rôle de l'Eglise de seconder les parents dans cet effort. C'est le rôle de chacun pour soi-même de se mettre et remettre toujours à nouveau dans le bain de la Parole, du partage, du chant et de la prière.

    Dans le livre des Actes, la première communauté chrétienne est décrite comme une communauté

    - qui écoute la Parole de Dieu,

    - qui participe au partage du pain

    - qui chante et prie ensemble.

    Toutes ces choses sont encore possible aujourd'hui, près de 2'000 ans après la première Pentecôte. C'est un énorme privilège pour nous d'avoir accès à cette eau, à cette rivière, à cette vie de Dieu.

    Nous pouvons plonger nos racines à cette source, pour grandir et déployer nos ramures, pour abriter et nourrir ceux qui nous entourent de nos fruits.

    N'est-ce pas là un grand bonheur ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Jérémie 7. Jérémie prêche la cohérence entre l'être et le faire, pour ne pas perdre le pays

    (1.8.2004)

    Jérémie 7

    Jérémie prêche la cohérence entre l'être et le faire, pour ne pas perdre le pays

    Deutéronome 12:1-5 + 16:18-20          2 Rois 21 : 10-16      Jérémie 7 : 1-15

    télécharger le texte : P-2004-08-01.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Comme j'en ai pris l'habitude pendant les derniers étés, je vais vous proposer une suite de trois prédications. Le fil conducteur en sera l'épisode historique de l'Exil à Babylone dans l'histoire du peuple d'Israël.

    Cet Exil — qu'on date de 587 avec un retour dès 540 av. J.-C. — a un rôle central dans l'histoire de la Bible, bien que, paradoxalement, la Bible en parle peu directement. En effet, les livres historiques qui nous retracent l'histoire du peuple d'Israël s'arrêtent (à la fin de 2 Rois ou 2 Chroniques) sur le départ en exil. Nous n'avons donc pas directement de récits concernant le devenir des exilés ou leur vie à Babylone. La Bible ne relate donc pas l'Exil en termes d'histoire, comme si l'histoire d'Israël s'était terminée avec la perte du pays, du Temple et de la royauté. Pourtant, l'Exil a un rôle central pour la Bible et l'Ancien Testament !

    D'abord le thème de l'Exil tient une très grande place dans le message prophétique. Les messages des trois grands prophètes — Esaïe, Jérémie et Ezéchiel — sont centrés sur cette période. La première partie d'Esaïe porte sur la perte du Royaume du Nord. Jérémie annonce l'Exil à Babylone. Ezéchiel est un prophète en exil qui parle aux exilés. La deuxième partie du livre d'Esaïe porte sur le retour de l'Exil. Si l'Exil n'a pas été raconté, il est l'objet d'une multitude de messages prophétiques et de réflexions sur la relation entre Dieu et son peuple.

    Ensuite, on peut dire que la Bible, l'Ancien Testament, est née de l'Exil et de la réflexion sur cet événement. L'ancien Testament est une longue réflexion — évolutive — sur la signification des événements historiques lorsque ceux-ci sont reçus comme des messages divins.

    Ainsi, les textes bibliques, qui nous sont parvenus, sont le résultat d'un immense travail rédactionnel où des textes anciens sont réinterprêtés, remis en perspective pour expliquer les événements récents. Il y a dans l'Ancien Testament, un travail d'interprétation et de réactualisation du message qui s'est étendu sur plusieurs siècles avant que le texte ne finisse par se stabiliser dans la forme que nous connaissons. En cela la Bible se différencie complètement du Coran, texte reçu littéralement.

    Le texte biblique est en prise constante avec l'histoire. A partir de deux sortes de sources principales, les récits tribaux (par ex. les Patriarches) et les Prophètes, et à travers les catalyseurs de l'histoire, le texte actuel de l'Ancien Testament s'est développé pour rendre compte de la foi d'un peuple qui a traversé plusieurs catastrophes, dont la perte du Royaume d'Israël du Nord en 721 et l'Exil de 587 sont les principales et les plus marquantes.

    La perte du Royaume du Nord, qui avait Samarie pour capitale et Silo comme lieu de culte a été le premier choc. Les élites du Royaume d'Israël se sont réfugiées à Jérusalem, emportant avec elles leurs traditions, leurs récits et leurs codes de lois. Les spécialistes de l'Ancien Testament pensent que le noyau du livre du Deutéronome a été une production du Royaume d'Israël, arrivé avec les réfugiés à Jérusalem. Ce noyau du Deutéronome (dont vous avez entendu quelques paroles) est très proche du message du prophète Jérémie.

    Jérémie prêche trois choses : la sincérité de la foi, la justice sociale et la confiance politique en Dieu seul. C'est pourquoi Jérémie — dans le récit que nous avons entendu — se place à l'entrée du Temple pour annoncer les oracles du Seigneur. Il interpelle directement ceux qui montent au Temple ! Il leur demande une conduite éthique qui soit en accord avec leur venue au Temple pour adorer Dieu.

    Jérémie lie la possession du pays au respect des commandements divins, c'est-à-dire le refus de l'idolâtrie et le respect du droit, de la justice, de la loi. Jérémie rappelle les événements politiques antérieurs : la chute du Royaume d'Israël (Samarie et Silo) qui préfigure ce qui peut arriver à Jérusalem et au Royaume de Juda.

    Les habitants de Jérusalem prennent le Temple — en lui-même — comme une assurance écartant tout risque pour Jérusalem. "C'est ici le Temple où demeure le Seigneur, le Temple du Seigneur, le Temple du Seigneur..." (Jér 7:3) Comme si cette litanie pouvait les sauver et leur permettre n'importe quels agissements dans leur vie privée ou dans la vie économique !

    Aussi Jérémie annonce-t-il que le Royaume de Juda connaîtra le même sort que le Royaume d'Israël, si le message et les commandements de Dieu ne sont pas respectés. Jérémie est donc un prophète de malheur — et toute sa vie il en souffrira dans sa chair. Mais c'est aussi un prophète d'espoir, puisqu'il annonce que la conversion peut tout changer. La conversion à laquelle Jérémie appelle, c'est de mettre en cohérence sa vie cultuelle avec ses comportements. Il fustige une religion qui pourrait rester extérieure, seulement rituelle, l'idée que le bon sacrifice fait au bon moment puisse rendre blanc comme neige. Cette cohérence entre culte et éthique ou justice est présente chez tous les prophètes et constitue une spécificité et une constante dans la Bible, et Jésus s'inscrit aussi dans cette longue lignée.

    Jérémie, mais aussi le Deutéronome dans ses éditions successives, vont ainsi lier le don du pays à cette obéissance, cette cohérence entre l'être et le faire. Le don du pays est lié à l'obéissance à la loi, c'est-à-dire au respect et à l'amour pour Dieu. C'est ainsi que Jérémie pourra aussi annoncer un retour, retour d'Exil et retour à Dieu — qui vont de pair.

    Il y aura un nouveau don du pays pour un reste, pour les exilés, pour ceux qui vivent cette cohérence intérieure. Le salut passe par l'intériorisation du message de Dieu, comme le dit Jérémie :

     

    "Quand le royaume de Babylone aura duré 70 ans, alors j'interviendrai pour vous et je réaliserai le bien que je vous ai promis : je vous ferai revenir ici à Jérusalem. Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous; et je vous l'affirme : ce ne sont pas des projets de malheurs, mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir à espérer. Si vous venez alors m'appeler et me prier, je vous écouterai; si vous vous tournez vers moi, vous me retrouverez. Moi, le Seigneur, je vous le déclare : si vous me rechercher de tout votre coeur, je me laisserai trouver par vous. Je changerai votre sort, je vous ferai sortir de chez toutes les nations et de tous les endroits où je vous ai dispersés. " (Jr 29:10-14)

    Cette intériorisation finira même par prendre le pas sur le don du pays : il est possible de bénéficier des bénédictions de Dieu sans avoir une terre à soi.

    En ce 1er août, peut-être devrions-nous aussi réfléchir à ce que signifie "posséder ce pays" et les conditions éthiques, de justice, qui sont nécessaires pour que nous en soyons encore les dignes habitants et gouvernants.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Jérémie 7. Nos actes ont des conséquences.

    Jérémie 7
    19.2.2012
    Nos actes ont des conséquences.
    Jérémie 7 : 1-15     Matthieu 5 : 21-24

    téléchargez la prédication ici : P-2012-02-19.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J'ai repris ce matin, pour notre réflexion, le texte du prophète Jérémie qui a été le texte de notre première Exploration biblique (groupe de lecture biblique en paroisse). Cette Exploration biblique part à la découverte de la période de l'Exil à Babylone, une période clé, tant pour le peuple juif, que pour l'écriture de l'Ancien Testament.
    L'épisode de Jérémie 7 que nous avons entendu — cette prédication du prophète Jérémie à la porte du Temple de Salomon — se situe vers 600 av. J.-C., sous le règne du roi Josias. La situation politique est tendue. Le Royaume de Juda — avec Jérusalem comme capitale — se trouve dans le corridor qu'empruntent aussi bien le voisin du sud, l'Egypte, que le voisin du nord, l'Assyrie, pour se faire la guerre. En 722 (donc bien avant la prédication de Jérémie) l'Assyrie a envahi le Royaume d'Israël, la Samarie; et Silo, le Temple du Nord, a été détruit, ce que rapporte la fin de notre texte. Le Royaume d'Israël du Nord a donc perdu son indépendance.
    Là au milieu, le Royaume de Juda hésite entre se faire tout petit ou bien s'allier à l'Egypte. Là au milieu, Jérémie prêche la Parole de Dieu : "Améliorez votre façon de vivre et d'agir, alors je vous laisserai habiter dans ce pays." (Jr 7:3) et il ajoute : "Allez voir ce qui est arrivé à Silo ! Si vous ne changez pas de comportement, il arrivera la même chose à ce lieu." (Jr 7:12).
    Quelques années plus tard, en 598, Jérusalem est assiégée par les Babyloniens (qui ont remplacé les Assyriens). Et en 587, Jérusalem est prise, la ville ravagée et le Temple détruit. Les élites, l'administration royale et le personnel du Temple sont déplacés, déportés à Babylone, envoyés en Exil.
    Ce qui nous choque aujourd'hui dans ce texte, c'est que ces événements, l'invasion, la guerre, la prise d'une ville ou d'un pays sont déclarés être des actes voulus par Dieu, même être une punition divine. Il faut se rendre compte que dans le schéma de pensée de l'époque, il n'y a pas d'autres explications des causalités que la volonté de Dieu.
    Tout ce qui arrive vient de Dieu. C'est lui qui dirige les peuples, les actes des rois et des armées. Plus tard, Esaïe dira que c'est Dieu qui a envoyé Cyrus (le roi des Perses) pour libérer les juifs de Babylone et les faire rentrer en Israël. C'est un schéma de pensée.
    Mais il faut reconnaître que dans ce schéma se dessine aussi une ouverture. Le destin n'est pas écrit définitivement. Le prophète en appelle à un changement de comportement : Dieu n'est pas fermé à d'autres issues. L'être humain n'est pas impuissant. Au contraire, le prophète ne cesse de rappeler notre responsabilité dans le devenir du pays : "Si vous améliorez votre façon de vivre et d'agir, alors je vous laisserai habiter dans ce pays." (Jr 7:3)
    C'est une façon de dire : Attention, vos actes ont des conséquences. Vous n'êtes pas impuissants, vous pouvez changer les conséquences en changeant de comportement.
    Aujourd'hui, nous connaissons un peu mieux les causalités, quels effets produisent quelles conséquences. Nous savons même qu'il est tout à fait inutile que Dieu intervienne pour nous "punir", nous arrivons tout seuls à la destruction de notre environnement. Nous savons bien tout ce qui nuit à la nature ou à la cohésion sociale, mais nous renonçons si souvent à changer nos comportements ou nos modes de consommation.
    Les habitants de Jérusalem avaient un mantra pour se rassurer et ne pas changer : ils disaient ou chantaient, selon Jérémie : "Palais du Seigneur, Palais du Seigneur, Palais du Seigneur !" (Jér 7:4)
    Quels sont nos mantras aujourd'hui pour nous donner l'illusion que tout va bien, que nous n'avons pas besoin de changer radicalement de comportement ? Quels sont nos mantras ?
    Un des mantras que j'entends souvent, mais qui n'est pas le vôtre puisque vous êtes venus dans cette église ce matin, c'est : "Vous savez, Monsieur le Pasteur, je ne viens pas à l'Eglise, mais je suis croyant(e)." Etre croyant non-pratiquant, voilà un mantra. Ceux-là se donnent bonne conscience, à bon marché, vis-à-vis de Dieu.
    Quels sont nos mantras à nous ? Je pense à celui-là : "Je ne peux rien faire, je ne suis qu'une goutte d'eau dans l'océan." Evidemment, si tout le monde pense comme cela, le changement n'est pas pour demain et inévitablement, sur cette pente douce, nous arriverons à la catastrophe annoncée, pas besoin de Dieu pour nous donner un coup de pouce. Nous y arriverons tout seuls.
    Un autre mantra, plus insidieux, c'est : "Mieux vaut ne pas savoir !" Mieux vaut ne pas savoir comment sont fabriqués nos ordinateurs et nos téléphones, nos chaussures, nos T-shirts et nos Jeans en coton, les jouets que nous offrons à nos petits-enfants et d'où viennent nos asperges d'hiver.
    Arrivé-là, j'aimerais dire un mot à Jérémie :
    « Jérémie, dans notre monde globalisé, où la moitié de nos produits sont fabriqués en Chine ou en Indonésie, dans des conditions de travail que nous ne tolérons pas chez nous, comment puis-je faire pour ne pas nuire à mon prochain, là-bas ? L'exigence est devenue illimitée et il me semble que mon effort de bien faire ne sera jamais suffisant ! Jérémie : Comment serais-je acceptable aux yeux de Dieu ? Comment sortir de là ? Ne pas être paralysé ? Je veux, mais la tâche me semble impossible ! »
    Voilà ce que j'aimerais dire à Jérémie. Je nous sens coincés entre la bonne volonté et l'impuissance. Nous ne pouvons pas nous en sortir tout seuls. N'avons-nous pas besoin d'être sauvés de cette culpabilité qui nous conduit à la paralysie ?
    Mais le Christ n'est-il pas venu pour nous sortir de cette paralysie, par le pardon des péchés, lorsqu'il dit au paralytique : "Lève-toi et marche, tes péchés sont pardonnés !" (Mt 9:6). Seule la grâce de Dieu peut nous donner le courage d'avancer, d'améliorer notre conduite, de nous relever sans cesse, malgré nos chutes et nos manquements.
    Sans cette grâce, nous sommes impuissants et condamnés au désespoir et au sentiment de l'inutilité de nos efforts. Souvenons-nous — avec Jérémie, avec Jonas aussi — qu'avec Dieu, le pardon répond toujours à la repentance sincère.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jérémie 23. Les rêves dans la Bible (III). La critique prophétique des rêveurs.

    Jérémie 23
    17.7.2011
    Les rêves dans la Bible (III). La critique prophétique des rêveurs.
    Dt 13 : 2-5     Jér 23 : 25-32

    Télécharger la prédication : P-2011-7-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre série sur les rêves dans la Bible de ce mois de juillet, nous avons déjà vu le rêve de Jacob. Il reçoit une révélation personnelle qui lui fait découvrir un Dieu qui va l'accompagner partout sur sa route. Nous avons vu les rêves de la saga de Joseph et leur rôle dans cette littérature de sagesse : les rêves y sont la trace de l'action divine en arrière-plan des vies humaines. Une façon de montrer que Dieu a bien en mains nos histoires de vie et l'histoire de son peuple.
    Ce matin, il n'y a pas de rêve raconté, mais la prise de position des prophètes sur le rêve et ceux qui interprètent les rêves. Ce que nous voyons tout de suite avec les deux exemples que nous avons entendus — dans le Deutéronome et chez Jérémie — c'est que les prophètes sont très méfiants vis-à-vis des rêves.
    Le Deutéronome met en garde contre le risque d'être détourné de Dieu vers d'autres dieux, par des rêves, des signes ou des prodiges. Le rêve est donc mentionné, mais il n'y pas l'exclusivité du risque. Il est un moyen parmi d'autres pour affirmer une origine divine et essayer de convaincre. Le texte nous met en garde de ne pas accepter trop facilement tout ce qui est mystérieux comme venant de Dieu.
    Jérémie est plus méfiant encore. Pour lui, les prophètes qui racontent leurs rêves sont des menteurs. Ils racontent de pures inventions, ils ne transmettent pas des paroles divines. Jérémie oppose très fermement le rêve et la Parole de Dieu qu'il compare, respectivement, à la paille et au grain (Jr 23:28).
    La Parole de Dieu a une autre consistance que le rêve, elle est comme un feu, elle est comme le marteau qui fracasse le rocher (v.29). La Parole de Dieu est solide et forte, tout le contraire du rêve.
    Se pose alors la question de savoir comment distinguer l'inspiration divine de l'invention, de la projection de ses propres désirs ? Comment reconnaître une parole divine d'une parole humaine ? Comment distinguer le grain de la paille ? Comment valider un "Dieu m'a dit que…" ?
    Cette problématique est au cœur du ministère prophétique de Jérémie. Lui qui doit annoncer la perte du Royaume suite à l'invasion des Babyloniens et en même temps dire que Dieu n'abandonne pas son peuple ! Personne ne croit Jérémie, parce qu'il est un prophète de malheur. Les rois et la population préfèrent de beaucoup croire les autres prophètes qui annoncent une future victoire, même si elle ne vient pas. L'enjeu du ministère de Jérémie, c'est bien de dire de ne pas croire ceux qui se bercent d'illusions et ceux qui vivent dans les rêves d'une issue favorable.
    La question de savoir comment faire la différence entre parole humaine et parole divine subsiste au-delà de Jérémie. Cette question continue à se poser pour nous. Elle se pose et s'est souvent posée en terme d'Histoire de l'humanité. Dans cet ordre de grandeur, c'est souvent l'épreuve du temps qui va donner la réponse.
    Sous l'empire romain, quand les théologiens discutaient de savoir s'il fallait abolir l'esclavage au nom du Christianisme ou laisser les structures sociales en place telles qu'elles étaient, le temps a montré que le respect humain demandé par le Christ exigeait l'abolition de l'esclavage.
    Quand la question de savoir si les indiens d'Amérique étaient pourvus d'une âme ou non a été discutée, là aussi l'Histoire — contre certains prophètes/théologiens — a tranché. Idem pour les tenants de l'infériorité des Noirs ou des Eglises favorables à l'Apartheid.
    Mais il y a des questions qui doivent être tranchées plus vite. Comment reconnaître une parole divine ? Un chemin a été emprunté qui a été de se mettre d'accord sur des textes de références et de les considérer comme éclairants. C'est le cas de la Bible qui a été considérée comme "contenant la Parole divine" par les réformés, ce qui n'est pas identique à "être la parole divine" (comme le considèrent les évangéliques). Cela signifie que la Bible doit également être interprétée, qu'on en peut pas la lire littéralement.
    Comme protestants, nous affirmons que "l'Ecriture interprète l'Ecriture", c'est-à-dire que les critères d'interprétations se trouvent eux-mêmes à l'intérieur de la Bible. En raccourci, cela signifie que les textes bibliques sont eux-mêmes hiérarchisés, certains plus importants que d'autres.
    Un exemple : le Lévitique et le Deutéronome présentent plusieurs situations qui demandent comme sanction la lapidation des coupables. Dans le Nouveau Testament nous est raconté l'épisode de la femme adultère (Jn 8) que Jésus ne condamne pas. A partir de là, nous considérons que toute la Loi de l'Ancien Testament n'est plus normative, au minimum concernant les peines requises.
    En fait, le Nouveau Testament a complètement modifié notre lecture de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament reste un témoignage de la parole de Dieu, mais soumis à une relecture, une réinterprétation, passée au crible du double commandement d'amour.
    Saint Augustin formulera cela dans la phrase lapidaire : "Aime et fais ce que tu veux." Le "Aime" étant l'expression de la plus haute charité (la caritas latine, l'agapè grecque) et pas le sentiment amoureux qui suit le coup de foudre.
    Le philosophe protestant Emmanuel Kant dira dans une formule plus universelle : "Traite toujours autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen."
    Ces critères d'interprétation permettent de faire le tri entre les messages qui peuvent se dire d'inspiration divine ou humaine. Et donc nos rêves peuvent également être passés à ce crible, de la même façon que nos décisions et nos actions.
    C'est comme cela que nous pouvons faire le tri entre les rêves et les paroles solides, entre la paille et le grain dont parle Jérémie. Et cela nous permet de comprendre pourquoi Jérémie compare la Parole de Dieu à un feu ou à un marteau. La Parole de Dieu est à l'épreuve du temps, de l'Histoire, elle est plus solide que le roc que le marteau peut briser.
    La Parole de Dieu — particulièrement celle portée par le Christ, pensez au Sermon sur la montagne, aux béatitudes — paraît extrêmement fragile et vite balayée par les humains et par nos sociétés. Pourtant, c'est cet amour qui est finalement durable. C'est cette charité qui est la valeur suprême et qui donne le sens le plus éprouvé à l'existence. Cette Parole est bien plus solide que tous nos rêves humains.
    Amen

    ©Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Jérémie 33. D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jérémie 33

    29.11.2009

    D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jér 33:12-16 + 19-22 Mc 1 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous vivons le premier dimanche de l'Avent, temps de préparation à Noël. Temps de notre préparation et rappel du fait que Dieu lui-même a préparé son peuple à accueillir Jésus comme son Fils. Il y s donc un double mouvement : (i) faire mémoire de l'Ancien Testament pour nous rappeler les promesses de Dieu et comment il les réalise et (ii) comme Jean Baptiste : préparer le chemin du Seigneur, nous préparer intérieurement à le recevoir, à lui faire une place dans nos vies.

    Vous avez entendu trois petits textes transmis par le prophète Jérémie, rappelant les promesses de Dieu. Jérémie parle dans une période de profond bouleversement, puisqu'il parle alors que Jérusalem et les contrées environnantes sont occupés, pillées et détruites par l'ennemi d'Israël, le royaume de Babylone.

    Le premier texte promet le retour à la normalité : "dans ce pays dévasté, il y aura de nouveau place pour des bergers qui surveillent leurs moutons pendant la nuit." (Jr 33:12) Un texte qui trouve un écho dans le récit de Noël, où les anges annoncent la naissance de Jésus aux bergers qui gardent leurs troupeaux dans les champs. Une première promesse réalisée au moment de la naissance de Jésus.

    Le deuxième texte parle de la naissance d'un vrai descendant de David. Ce descendant a pour caractéristique de "faire appliquer le droit et de rendre la justice." (Jr 33:15) La libération du pays de Juda et de Jérusalem a pour but l'établissement du droit et de la justice, c'est-à-dire rendre justice aux plus faibles, à ceux qui sont lésés. Du Décalogue à la prédication des prophètes, Dieu s'affirme comme le défenseur de la justice.

    Enfin, le troisième texte promet une descendance à Israël, une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel ou que le sable de la mer, les termes mêmes de la descendance promise à Abraham. Il y a aussi dans ce troisième texte la promesse d'avoir perpétuellement un roi, un descendant de David à Jérusalem. Cela pose évidemment un problème, puisque le trône de David n'a pas pu être rétabli de façon durable à Jérusalem. Le peuple d'Israël n'a pu se gouverner lui-même que pour de très courtes périodes entre le retour de Babylone et la destruction de Jérusalem en 70 après J.-C. par les Romains.

    Clairement, la royauté que les chrétiens attribuent au Christ n'est pas de même nature que celle promise dans ce passage. Comprendre ce décalage, c'est comprendre la pédagogie de Dieu. Comprendre cette pédagogie, nous permettra de comprendre ce que Dieu veut pour nous aujourd'hui.

    La pédagogie de Dieu pour se faire comprendre est adaptée à nos moyens et à nos limites humaines. Dieu ne pouvait se révéler d'un coup — comme il l'a fait au travers de Jésus — dès qu'il a abordé l'être humain. Il n'aurait pas été compris. Jésus a déjà été si peu compris après des siècles de préparation, d'Abraham à Jean Baptiste. Qu'est-ce que cela aurait été sans cette préparation ?

    On peut schématiser la découverte de Dieu par l'être humain en trois phases.

    Première phase. L'être humain pense que Dieu et le cosmos sont une seule et même entité. L'être humain comprend les phénomènes naturels comme des gestes, des mouvements, des expressions de Dieu. La foudre de Zeus en est un exemple. (Mais nos contemporains pensent aussi souvent comme cela, soit lorsqu'ils adorent la nature et les couchers de soleil, soit quand ils pensent que les catastrophes naturelles viennent de Dieu). Dans le judaïsme et le christianisme, Dieu et la nature sont clairement séparés : il a fallu l'apprendre.

    La deuxième phase a servi à sortir de la première phase. Dieu s'est présenté comme celui qui dirige l'Histoire et les événements. Il n'est plus le Dieu-cosmos, il est dans l'Histoire et il guide son peuple, comme ses dirigeants, et fait gagner les batailles. Dieu a pris ce rôle, un temps, de manière limitée, envers Israël, pour le faire sortir de ce qu'on appellera le paganisme : confondre Dieu et la Nature.

    Dans cette deuxième phase, Dieu se fait connaître à son peuple, pour le mettre sur la voie de la troisième phase. Il se montre comme un Dieu qui se rapproche de son peuple, comme un Dieu qui exige le droit et la justice (qui sont différents des lois de la nature, de la loi de la jungle).

    La promesse d'un roi, d'un royaume terrestre appartient à cette phase intermédiaire, mais qui n'est pas l'accomplissement de la révélation divine. Cela prépare à la troisième phase qui est révélée à Noël, en Jésus-Christ : Dieu vient habiter parmi nous, en nous.

    Dieu devait être séparé du cosmos, il doit maintenant être séparé de l'Histoire, pour entrer dans le cœur de l'être humain, au cœur du culte et de la culture.

    La troisième phase est un processus d'intériorisation. Dieu habite parmi nous, en nous, en chacun et entre chacun. Si le droit et la justice doivent régner dans la société, il est plus important encore que la paix et l'amour vive en chacun et entre chacun d'entre nous. C'est la troisième phase, celle que Jésus inaugure à Noël, celle que nous préparons pendant le temps de l'Avent.

    Jean Baptiste appelle au changement de comportement. Chacun est appelé à changer parce que le Royaume de Dieu s'est approché, parce que Dieu est là, tout près, et il veut entrer en nous, nous habiter. Les contes de Noël nous invitent à ce changement intérieur : creuser de la place en nous, valoriser l'être plutôt que les choses, s'offrir, offrir sa présence, plutôt que chercher à acquérir ou à prendre, s'émerveiller comme les bergers, plutôt qu'exercer le pouvoir et la violence comme Hérode.

    Où en sommes-nous de notre compréhension de Dieu ? Fait-il partie de la nature, tantôt belle, tantôt cruelle ? L'attendons-nous dans l'Histoire, pour faire à notre place ce qui est de notre ressort ? Ou bien allons-nous lui faire une place à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre cœur, dans nos relations, dans nos familles ?

    Laissons-nous questionner par ce Dieu qui réclame une place au milieu de nous ! Une place qui n'est pas demandée au moyen de la foudre, une place qui n'est pas demandée par un roi entouré d'une grande armée, mais une place qui est demandée par un bébé dans une crèche.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009