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épreuve

  • Matthieu 6. Notre Père (3)

    pour le dimanche 24 mai

    Matthieu 4

    Notre Père (3)

    Exode 16 : 1-5.      Matthieu 4 : 1-11.       Matthieu 6 : 13

    télécharger le texte : P-2020-05-24.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre exploration du Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"), nous voyons maintenant la phrase « Ne nous laisse pas entrer en tentation », forme liturgique depuis 2018 qui a remplacé la phrase « Ne nous soumets pas à la tentation » qui résultait d'un accord oecuménique depuis 1966. Cette formulation « ne nous soumets pas » a été trouvée comme impliquant trop l'action de Dieu dans la mise à l'épreuve de l'être humain, ce qui a conduit à son remplacement par la formule plus détachée « ne nous laisse pas entrer... »

    Nous ne pouvons pas savoir quels mots araméens Jésus a prononcé, et le texte grec lui-même peut se laisser traduire par les deux formules utilisées. La question du rôle de Dieu dans la tentation ou la mise à l'épreuve est une questin théologique plus large qu'une question de vocabulaire.

    Quel est le rôle de Dieu dans les épreuves qui nous arrivent ? Avant de questionner ce rôle particulier, il faut se demander quelle place Dieu occupe dans l'univers de la pensée.

    Si l'on considère — comme c'était le cas pour les écrivains bibliques et la pensée philosophique avant le siècle des Lumières — que Dieu est le principe explicatif total de l'univers (jusqu'au Dieu horloger de Voltaire), alors, tout vient de Dieu. Pour le dire autrement, si Dieu et les lois de la nature ne font qu'un, alors tout ce qui se produit vient de Dieu, du microbe aux tremblements de terre.

    Dans ce cas, la tentation ou les épreuves viennent aussi de lui et l'on ne peut que demander qu'il modère ou allège ses offensives contre nous.

    Avec cette vision de Dieu et du monde, nous nous retrouvons dans l'impasse d'un Dieu tout-puissant qui ne peut être en même temps soit compréhensible s'il est bon, soit bon s'il doit être compréhensible (voir ma prédication du 15 septembre 2019).

    Ce rôle total se retrouve dans certaines pages de l'Ancien Testament. Dans d'autres pages, on trouve un Dieu qui teste ses fidèles, comme Abraham (Gn 22:1) ou le peuple d'Israël avec le don de la manne. Un façon de tester l'obéissance du peuple face au don journalier de la manne : vont-ils croire et attendre la portion du lendemain ou faire des provisions ?

    Le Dieu qui tente, qui teste, est bien présent dans la Bible avec un Dieu qui dirige l'Histoire. Mais dans le Nouveau Testament et divers passages de l'Ancien Testament, dont le livre de Job, le rôle du tentateur est laissé à Satan (en hébreu) ou au diable (en grec), ce qui veut dire celui qui divise.

    On voit cette répartition des tâches dans l'introduction au récit des tentations de Jésus. Il est conduit au désert par l'Esprit, mais il y est tenté par le diable.

    Mais peut-être que la question « d'où vient l'épreuve ? » n'est pas pertinente ! La provenance n'est pas aussi importante que l'enjeu de l'épreuve. Que le virus vienne de Chine ou d'ailleurs ne change pas la prise en charge des malades.

    Ce qui est pertinent, c'est qu'il faut faire quelque chose. Un événement a surgit qui demande une action. Tout à coup, l'épreuve est devant nous. La Bible rattache ce temps spécial au « désert » comme un symbole de cet « à côté », de cet « en-dehors » du normal, ce temps qui bouleverse la normalité et nous projette dans un ailleurs qui fait réfléchir et demande à penser le présent et l'avenir autrement. En cela notre confinement a été un « désert » qui soulève des questions et des défis quant à tous nos modes de vie.

    Quelques mots sur les tentations ou épreuves auxquelles Jésus est soumis. Il y a trois tentations, celle de changer les pierres en pain, celle de se lancer dans le vide sans dommage et celle de dominer tous les peuples ou gens de la terre.

    Ces trois tentations offrent un pouvoir hors de portée des humains, un pouvoir de transformer la matière, donc une puissance matérielle illimitée. Un pouvoir d'invulnérabilité, une puissance sur la vie et la mort. Enfin, un pouvoir sur les autres, une domination idéologique sur la pensée des autres.

    Chaque fois, il y a l'offre de passer du fini à l'infini, de sortir des limites du monde. Y céder, ce serait croire à l'illimitation de la planète, de la durée de vie et croire à sa propre supériorité sur les autres.

    Ce qui fait la tentation, dans ces exemples avec Jésus, c'est de devoir choisir entre des valeurs. La tentation n'est pas de succomber à l'envie de s'acheter une pâtisserie. La tentation est de devoir faire un choix éthique, un choix de valeur qui va orienter ma vie, ou le monde, ou la vie des autres vers la vie ou vers la mort.

    C'est une épreuve, dans le sens où cela éprouve, cela challenge les valeurs sur lesquelles on s'appuie, sur lesquelles on bâtit sa vie. Quelqu'un fait une erreur monétaire en ma faveur. Vais-je le signaler ou empocher la somme en me disant que c'est sa faute ? Quelle valeur guide mon action ?

    La pandémie actuelle est une épreuve dans ce sens de challenge éthique, dans ce sens qu'elle révèle les valeurs de notre société. C'est une tentation, au sens théologique : un révélateur de valeurs.

    Les premières réactions et mesures prises ont révélé que, pour nous, la vie a du prix, la protection des personnes est plus importante que les profits économiques, d'où la décision de tout arrêter. Ensuite, on a vu que le même principe de protection des personnes, dans l'aspect « sauvegarde de sa subsistance » demandait de rouvrir l'économie. (Il n'y a pas de sens à opposer « sauver des vies » et « sauver l'économie » parce que notre travail nous nourrit et nous permet de payer le système de santé qui sauve des vies). Sur l'action immédiate, actuelle, l'épreuve dans laquelle nous avons été plongés a révélé une réaction de bonne qualité éthique.

    Par contre, elle révèle que les bases de notre système économique est intenablement fragile et anti-social. Il ne respecte pas la limitation de notre planète (n'est-il pas fou de croire à une croissance infinie sur une planète finie?). Il ne respecte pas la valeur du travail effectué (les métiers les plus essentiels sont les plus mal payés et relégués essentiellement aux femmes). Il ne respecte pas le lien social (il est plus important de faire du profit en délocalisant que de donner du travail et assurer un approvisionnement sûr de la population).

    Cette pandémie est pour nous un « désert » au sens théologique, c'est-à-dire un espace de réflexion à saisir. Comment allons-nous sortir du désert. En retournant à nos marmites pleines en Egypte (Ex 16:3) ou en adoptant un nouveau décalogue pour une société respectueuse de la planète, de soi (avec nos vulnérabilités) et des autres ?

    Quelle que soit la formulation de la phrase du Notre Père d'aujourd'hui, notre demande —lorsque l'épreuve survient — c'est que Dieu ne nous laisse pas tomber au milieu de l'épreuve. C'est qu'il nous accompagne dans nos choix — comme il a accompagné les Israëlites au désert pour les mener dans le pays de Canaan, comme il a accompagné Jésus pour qu'il puisse accomplir son ministère.

    Oui, Seigneur, ne nous laisse pas tomber quand nous traversons l'épreuve. Aide-nous à choisir les valeurs qui préserve notre planète finie, à choisir les valeur les plus humaines et les plus solidaires.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Se reconstruire après une épreuve

    Ephésiens 3

    26.11.2017

    Se reconstruire après une épreuve

    Ephésiens 3 : 14-19       Matthieu 13 : 45-48

    Télécharger le texte : P-2017-11-26.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Vous venez d'entendre la prière de l'apôtre Paul, ce qu'il demande pour ses auditeurs. Quelques mots sur la situation de Paul et celle de ses auditeurs ou lecteurs. Paul écrit à la communauté d'Ephèse depuis sa prison. Il a été arrêté par les Romains sur des accusations de ceux qui ne supportent pas sa prédication. Paul attend son transfert de Césarée à Rome pour son jugement. Il écrit à une communauté qui est aussi affaiblie, troublée par ce qui arrive.

    Paul essaye donc, non seulement de les rassurer, mais surtout de les fortifier, de les affermir. Paul leur montre le chemin de la reconstruction, ce qui est solide, à quoi ils peuvent se raccrocher, sur quoi ils peuvent tabler, ce qui est sûr et solide. Nous allons nous-mêmes suivre cette voie que montre Paul, pour voir comment, nous aussi, nous reconstruire, être affermis pour traverser les épreuves.

    Dans sa prière, Paul fait trois demandes qui sont assorties de trois buts et de trois moyens. Je les nomme les trois à la suite et nous les reprendrons une à une.

    1) Paul demande à Dieu de "fortifier notre être intérieur" par la puissance du Souffle de Dieu, pour mesurer toutes les dimensions de l'amour de Dieu.

    2) Paul demande que nous laissions le Christ habiter nos cœurs par la foi, pour connaître l'amour du Christ.

    3) Paul demande que nous soyons enracinés et fondés dans l'amour du Christ, pour être comblés de la plénitude de Dieu.

    Je vais reprendre ces trois demandes.

    1) Paul demande à Dieu qu'il fortifie notre être intérieur, par la puissance de son Esprit, de son Souffle, pour que nous puissions comprendre, mesurer toutes les dimensions (la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur) de l'amour du Christ.

    Cette première demande de Paul est entièrement tournée vers Dieu pour que lui agisse à notre égard. A ce stade, nous n'avons rien à faire. Et c'est vrai que — lorsque nous sommes dans une situation difficile, dans une épreuve, dans un deuil — dans un premier temps, nous sommes incapables de faire quoi que ce soit. Nous nous sentons démunis, impuissants, seulement fragiles et vulnérables.

    Dans ce premier temps, Dieu s'occupe de tout. Il vient fortifier notre être intérieur par la puissance de son Souffle. Il nous redonne du souffle lorsque nous en manquons. Lorsque, justement le souffle, la force nous manque, lorsque nous sommes à bout de souffle.

    J'aimerais mettre chacune de ces demandes de Paul en parallèle avec les paraboles que nous avons entendues. Ici, a parabole du filet compare le Royaume de Dieu à des pêcheurs qui ont jeté le filet et reviennent avec du poisson sur la plage. La parabole nous dit que le filet est plein. C'est une image d'abondance dans notre précarité. Dieu est généreux, il nous redonne du Souffle, lorsque nous nous sentons sans force, désemparés. C'est à ce moment que nous pouvons comprendre toutes les dimensions de l'amour de Dieu, sa largeur, sa longueur, sa hauteur et sa profondeur.

    2) Paul demande que nous laissions le Christ habiter dans nos cœurs, par la foi, pour connaître son amour. Cette fois nous avons quelque chose à faire. Pas une tâche immense, mais une tâche nécessaire, sans quoi il ne va rien se passer. Nous avons à ouvrir une porte, à laisser entrer le Christ pour qu'il puisse habiter dans notre cœur. C'est un travail sur nous-même de choisir ce que nous laissons entrer en nous et qui nous laissons habiter dans notre cœur.

    C'est la deuxième partie de la parabole du filet. Les pêcheurs sont assis sur la plage et ils trient les poissons, ils mettent dans des paniers ce qui est comestible et donnent le reste aux mouettes. Nous avons la tâche de rejeter ce qui nous est inutile ou nuisible et de prendre ou garder ce qui nous fait du bien.

    Attention, le plus difficile n'est pas toujours d'écarter ce qui ne nous plaît pas. Souvent ce qui est difficile, c'est de ne pas rejeter ce qui nous ferait du bien : une invitation, un geste d'amitié, une offre d'aide.

    Paul nous dit que le moyen à notre disposition, pour faire ce tri, c'est la foi, la confiance et c'est souvent le pas le plus difficile à faire lorsqu'on a été blessé, lorsqu'on se sent meurtri. Faire confiance et ouvrir son cœur… tout un programme.

    3) La troisième demande de Paul est que nous soyons enracinés et fondés dans l'amour du Christ pour trouver la plénitude. Là il est difficile de savoir si "enraciné" est actif ou passif. Je crois que l'important ici est plutôt le terreau dans lequel doivent descendre nos racines. Ce terreau, c'est l'amour du Christ. Un amour qui nous est donné, sans condition, sans contrepartie.

    Un amour inconditionnel. N'est-ce pas ce que nous cherchons tous dans la vie ? N'aspirons-nous pas tous à être aimés et à recevoir de l'amour ? Et n'est-ce pas ce dont nous sommes justement amputés lorsque la mort nous reprend un être cher ? Nous avons-là le travail de notre vie, de toute notre vie spirituelle, vivre de l'amour des autres, mais sans en dépendre complètement. Apprendre à dépendre de l'amour de Dieu, tout en profitant de l'amour de nos proches.

    C'est le thème de la parabole du marchand de perle. Il est à la recherche de la perle qui va le combler. Il est à la recherche de l'essentiel, de ce qui va donner sens à sa vie. Il est prêt à tout donner pour trouver cette perle et la garder. Lorsqu'il a trouvé le sens de sa vie, il va tout donner pour le garder et ça se comprend.

    Cet essentiel, cette plénitude, c'est l'objet de cette troisième demande de l'apôtre Paul. Ces trois demandes sont axées sur un but final : que nous puissions "être remplis de la plénitude de Dieu." Paul ne craint pas d'utiliser deux fois le même terme : "remplis" et "la plénitude" — le même terme que dans la parabole pour parler du filet qui est "plein" — pour indiquer que Dieu peut vraiment nous combler, combler nos vies, donner un sens à notre vie, au delà du contingent, de ce qui passe et disparaît.

    Et Paul le fait avec l'élément qui revient dans les trois moyens et les trois buts : l'amour que le Christ nous donne. Cet amour qui est la clé de l'évangile, de la Bible, qui est le résumé de tous les commandements et qui est — nous le savons bien intérieurement — la clé du sens de la vie et du bonheur.

    Paul nous donne ici, dans ses trois demandes, un chemin pour reconstruire nos vies après une épreuve, un chemin pour accéder à la paix et au bonheur. Demander à Dieu de fortifier notre être intérieur, laisser le Christ habiter nos cœurs et laisser nos racines se nourrir dans l'amour du Christ.

    Amen     

    © Jean-Marie Thévoz, 2017