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aliment

  • Jésus, une nourriture pour notre faim

    Marc 8

    11.9.2016

    Jésus, une nourriture pour notre faim

    Aggée 2 : 3-5       1 Corinthiens 1 : 4-9       Marc 8 : 1-10

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Pendant cet été, je vous ai fait découvrir quelques petits prophètes : Amos, Osée et Michée. J’avais gardé pour aujourd’hui le prophète Aggée qui intervient après le retour de l’Exil à Babylone. La population qui est revenue d’exil à Jérusalem ne retrouve que des ruines, notamment celles du Temple de Salomon. Et ils sont découragés devant l’ampleur de la tâche. Comment relever le Temple qui n’a plus la splendeur d’autrefois, avec des ressources de réfugiés revenus au pays ?

    On peut facilement transposer cela à notre Eglise vaudoise, qui n’a plus le lustre et le faste d’antan. La fréquentation du culte a baissé, les parents n’envoient plus leurs enfants au culte de l’enfance ou au catéchisme comme avant. Plus rien est comme avant, peut-on se lamenter.

    Pourtant la promesse de Dieu continue à se faire entendre : «Mettez vous au travail, je serai avec vous — dit Dieu par la bouche d’Aggée — je vous le promets ! Je serai donc présent au milieu de vous et vous n’aurez rien à craindre » (Ag 1:4-5). Et le livre d’Aggée se termine par la promesse de la venue d’un Messie.

    Comme chrétiens nous croyons que ce Messie annoncé est Jésus. C’est lui qui vient accomplir cette promesse de présence de Dieu auprès de chaque peuple, de chaque être humain. Le Temple à reconstruire a été remplacé par une Eglise, toujours à construire et reconstruire, mais qui s’appuie non sur des pierres, mais sur le Christ et ses disciples.

    C’est dans ce sens là que j’ai choisi le récit de la multiplication des pains. C’est un miracle, mais je vais lire ce récit comme une parabole, comme une parabole de l’Eglise. Ce récit nous décrit les rapports entre le monde, l’Eglise et le Christ. La foule représente le monde, les disciples représentent l’Eglise et le Christ joue son propre rôle.

    Le récit commence au moment où la foule, qui suit Jésus, n’a plus rien à manger. La foule a un creux à l’estomac, ce qui veut dire dans le langage des paraboles que le monde a faim, faim de sens, faim d’une direction, faim pour des valeurs, pour ne pas tomber dans l’absurde et le désespoir d’une vie vide.

    Cela ne passe pas inaperçu aux yeux de Jésus. A voir cette faim, Jésus est ému aux entrailles, touché aux tripes. Jésus n’est pas indifférent à notre sort, au contraire, il est plus que préoccupé par cet état au bord de l’inanition de la foule. Cet état précaire, en sursis, est marqué et accentué par la précision : « voilà trois jours qu’ils n’ont rien à manger ». Trois jours dans l’Évangile fait immanquablement penser aux trois jours que Jésus passe au tombeau. Au bout de trois jours, soit il ne se passe rien et c’est la mort pour toujours, sois Dieu intervient et on peut espérer. Ces trois jours, dans ce récit, montrent qu’on est arrivé au point que c’est une question de vie ou de mort. On a dépassé un point de non-retour, les gens n’auront pas la force de rentrer chez eux si on les renvoie. Jésus en est conscient et expose la situation aux disciples. Ceux-ci sont bien désemparés et disent leur impuissance : où pourrait-on trouver de quoi les faire manger dans cette endroit désert ?

    Jésus leur demande alors de faire l’inventaire de leurs ressources : c’est maigre, sept pains et quelques petits poissons. Jésus ne semble pas se soucier du peu à disposition, ce qui importe ce n’est pas ce qu’on a, mais qui est là pour le distribuer. Jésus organise la foule, il prend le pain, il remercie Dieu, il le rompt et le donne aux disciples pour qu’ils distribuent les morceaux.

    Il y a là en même temps un miracle et une parabole. Pour le miracle, c’est la constante disproportion entre la réalité et l’idéal, entre les ressources et les besoins, entre les personnes disponibles et la mission. « La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Luc 10:2).

    Dans ce récit, cette distance, cette disproportion est comblée. Le miracle c’est que ce n’est pas aux disciples de combler cette distance, cette disproportion. C’est Jésus qui fait ce travail-là. C’est le Christ qui voit la réalité et en est ému. C’est le Christ qui s’en soucie. C’est le Christ qui mobilise les disciples. C’est le Christ qui multiplie les pains de sorte que chacun mange à sa faim.

    Et c’est là qu’il faut revenir à la parabole. Le récit dévoile — entre les lignes, entre les mots — où réside vraiment le miracle. Il ne s’agit pas d’un miracle de boulangerie. Il s’agit de comprendre ce qui se passe au-delà de la réalité visible, dans le monde invisible, dans notre monde intérieur qui a faim.

    Le récit, en utilisant exactement les mots de la liturgie de cène : « Jésus prend le pain, remercie Dieu, rompt le pain et le donne à ses disciples », le récit nous dit que ce qui est donné à la foule pour la rassasier, c’est le Christ lui-même.

    Dans ce désert où rien ne nourrit, le Christ se donne lui-même comme nourriture spirituelle pour la foule, pour le monde. Dans ce monde — notre monde qui n’a que des voitures, des téléphones ou des assurances à nous vendre pour calmer notre faim de sens et notre angoisse face à la mort — Jésus s’offre lui-même pour remplir notre vie. Le pain qui est donné dans ce désert à la foule, c’est la présence même de Jésus, comme dans la Cène. Ce pain qui rassasie (au-delà de nos espérances) c’est la présence du Christ, c’est sa Parole, ce sont ses valeurs qu’il nous a transmises.

    Nous n’avons pas à créer cette présence ou ces valeurs : Jésus en est porteur. Il nous demande de les distribuer, de les donner au monde, qui a tellement faim.  « Jésus donna les pains à ses disciples pour qu’ils les distribuent à tous, et chacun mangea à sa faim, et les disciples emportèrent sept corbeilles pleines des morceaux qui restait. » (Mc 8:6,8)

    La présence du Christ est inépuisable, il y en aura toujours des surplus. Les valeurs du Christ sont permanentes, inépuisables, toujours actuelles : l’égale et infinie valeur de tout être humain ; l’abolition de toutes les barrières entre les personnes ; l’existence d’une place pour toute personne dans la société ; la valeur de l’amour, des relations, qui subsistent malgré les épreuves et même la mort.

    Avec le Christ, avec l’Évangile, il nous est remis un trésor entre les mains, un trésor inépuisable qui peut nourrir les aspirations spirituelles de tous nos contemporains. Nous ne pouvons pas garder cela pour nous. C’est un trésor, du levain dans la pâte, du sel dans la nourriture, de la lumière pour le monde.

    Jésus ne nous demande pas de les fabriquer — il est déjà là — il nous demande de les distribuer à tous ceux qui ont faim. Notre richesse c’est l’Évangile, c’est le Christ !

    Je vais partir pour une autre paroisse. Un autre pasteur arrivera pour me remplacer. Nous sommes de simples disciples. Peu importe la main qui vous tend le pain, c’est le pain qui nourrit, c’est la présence du Christ qui rassasie, c’est Jésus qui est le pain de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016