Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

autonomie

  • Notre Père (9)

    Actes 10

    30.8.2020

    Notre Père (9)

    Actes 10 : 34-41.     Actes 10 : 44-48.      Matthieu 5 : 43-45

    télécharger le texte : P-2020-08-30.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre parcours du Notre Père, nous arrivons à la fin, qui est le début du Notre Père puisque je l'ai pris en commençant par la fin (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette première phrase est pour moi la plus belle et la plus significative. Elle résume à elle seule l'Evangile et le projet de Jésus : nous amener à avoir une toute nouvelle compréhensoin de Dieu, par rapport à tous les enseignements religieux de l'humanité.

    « Notre Père qui es au cieux ». Jésus est d'accord avec cet enseignement religieux sur un point, sur un seul point : il s'agit de Dieu qui est aux cieux. On parle bien du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de David, etc. C'est de lui qu'il s'agit.

    Comme on l'appelle « Père », qu'il soit « aux cieux » permet de différencier la paternité humaine et biologique d'avec la paternité divine et spirituelle. Parler de paternité divine en s'appuyant sur la paternité humaine est toujours risqué, puisqu'il y a de nombreuses personnes qui ont une mauvaise expérience de la paternité humaine. Si Dieu est comme leur père défaillant ou manquant, alors « non merci » crie leur cœur !

    La mention « qui es au cieux » marque la limite du modèle humain. Dieu n'a pas les défauts des humains, ni leurs limitations. La première limitation absente c'est que Dieu n'est pas genré, il n'est pas masculin ou féminin, aussi cette paternité divine doit être comprise comme incluant la maternité. Le féminin n'est pas exclu de Dieu, même s'il est trop souvent passé sous silence !

    Une prochaine révision du Notre Père devrait nous faire dire : « Notre parent qui es aux cieux » ou Notre père et mère qui es aux cieux. »

    Une nomination de Dieu avec des mots exclusivement masculins laisse trop de place à la récupération patriarchale de Dieu.

    Ceci posé, Jésus parle de Dieu comme de son père et notre prière le désigne aussi comme notre Père. Nous gardons le mot, sans oublier d'y inclure le féminin.

    Quelle est cette fonction de Père dans l'esprit de Jésus, cette fonction de parent ? Le premier rôle d'un parent vis-à-vis de son enfant, c'est de le faire grandir, lui donner un environnement et des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement.

    Le premier ingrédient qui fait grandir, c'est l'amour. Un amour inconditionnel et abondant. Jésus présente Dieu comme son père et notre Père, parce que c'est un Dieu d'amour qui veut une vie abondante, pleine, vraie pour les humains, pour nous.

    Cette représentation est à l'opposé de nombreuses représentations religieuses de Dieu. Cpest le contraire d'un Dieu puissant, dominateur, jugeant les comportements, punissant les déviances ou les désobéissances. Ce type de Dieu juge est très utile pour contrôler une société, c'est pourquoi les hiérarchies religieuses produisent et renforcent ces images d'un Dieu contrôlant et punissant.

    Jésus en prend le contre-pied.

    On le voit illustré dans le récit du fils prodigue (Luc 15). Le fils fait tout faux, mais il est accueilli malgré tout les bras ouverts à son retour.

    Un second aspect de cette parentalité est souligné par l'apôtre Paul lorsqu'il souligne que nous ne sommes plus esclaves de Dieu, mais ses enfants, ses fils, ses héritiers.

    La famille a ceci de particulier, c'est que c'est un système non seulement relationnel, mais économique, mais une économie non monétarisée. Il n'y a pas de Tarmed des services rendus à l'intérieur de la famille, même si on veille à des équilibres, des équilibres le plus souvent différés dans le temps.

    La famille est basée sur des services réciproques, voir des services désintéressés. C'est exactement le sens du mot amour/agapè utilisé dans les Evangiles.

    En appelant Dieu son père et notre Père, Jésus nous invite à une relation démonétarisée avec Dieu. Sortir du donnant-donnant, voir du marchandage : Si tu me donnes cela, alors je te promets ceci... C'était la situation du fils aîné dans le récit du fils prodigue.

    La relation à Dieu ne peut plus être basée sur l'obéissance et la rétribution, mais sur le don, sur l'agapè, le service désintéressé.

    La dernière fonction parentale qu'il ne faut pas oublier, c'est de faire accéder l'enfant à l'autonomie. Paradoxalement, le parent a atteint son but quand l'enfant peut le quitter et vivre sa vie loin de lui. Evidemment, l'autonomie n'exige pas de couper toutes relations, seulement la relation de dépendance.

    Venons-en au premier mot de notre prière : « Notre ». Aujourd'hui, c'est peut-être le mot le plus important de cette adresse. « Notre » est un pluriel inclusif, qui nous met tous ensemble.

    Ce « nous » nous renvoie aux premières pages de la Bible, à Adam et Eve. La Bible affirme — avec ce couple primordial — que toute l'humanité qui habite la terre provient d'un couple d'ancêtre commun. Avant que la science ne le découvre avec homo sapiens — unique souche humaine encore présente sur terre — la Bible l'affirmait comme un axiome : tous les humains font partie de la même famille.

    Toute division, toute hiérarchisation de groupes est contraire à la vision divine.

    C'est la découverte que fait l'apôtre Pierre avec Corneille, l'officier romain. Dien ne regarde pas les étiquettes, la provenance, l'appartenance pour donner son Esprit, pour bénir. Aucune barrière ne résiste devant Dieu.

    Nous, comme humains, nous dressons des barrières, elles nous rassurent, elles nous permettent de classer, de détester, de haïr. Mais elles n'ont aucune pertinence devant Dieu. Lui fait lever so soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45). Il nous appelle à « aimer nos ennemis », c'est-à-dire à ne plus avoir de soi-disants ennemis.

    « Notre Père » est un Dieu inclusif — même s'il doit aller contre sa propre Eglise — c'est ce qui se passe avec Pierre et Corneille.

    Dieu a les idées larges, bien plus larges que nous, qui enfermons trop souvent les gens dans nos cases préfabriquées.

    J'ai un souhait pour l'Eglise, c'est qu'elle soit totalement inclusive. Hier c'était le ministère féminin qui a pu faire son entrée. Aujourd'hui, c'est l'ouverture aux LGBTQI qui doit faire son chemin. Demain, on découvrira encore ceux qu'on a laissé sur le bord du chemin.

    J'ai un souhait pour la société aussi — qui parfois devance l'Eglise, mais parfois retarde sur l'Eglise (je pense au regard sur les étrangers) — je souhaite que la société prenne aussi ce chemin d'ouverture, à l'égard des humains bien sûr, mais également des animaux, de la biodiversité et de la nature.

    Que le « nous » du Notre Père ne cesse de s'élargir !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • On peut être autonome sans couper la relation !

    Romains 8

    1.7.2018

    On peut être autonome sans couper la relation !

    Romains 8 : 12-17       Luc 11 : 9-13

    télécharger le texte : P-2018-07-01.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ, chère famille,

    Nous venons de vivre un baptême. Cela nous donne l'occasion de repenser à notre baptême et à sa signification, ou plutôt à ses significations. Si vous vous souvenez de la scène du baptême de Jésus, l'accent est mis sur deux choses : l'adoption par Dieu : "Celui-ci est mon fils bien-aimé"( Mc 1:11) et sur le don de l'Esprit saint "qui descend comme une colombe" sur Jésus (Mc 1:10). Ce double aspect est relevé par l'apôtre Paul dans le passage de la lettre aux Romains que vous avez entendu, avec cette phrase centrale : "L'Esprit saint fait de vous des enfants de Dieu" (Rm 8:16).

    Il y a dans le baptême un aspect passif et un aspect actif, de notre part. L'aspect passif est dans le fait de recevoir le baptême, recevoir quelque chose qui nous dépasse, que nous ne pouvons pas acquérir ou forcer, c'est l'action de Dieu. Dieu agit, il nous accueille, il nous reçoit, il reçoit cet enfant aujourd'hui, indépendamment de ce qu'il peut ou ne peut pas comprendre en ce jour. Le baptême, l'Esprit saint, nous sont donnés, cela nous dépasse, comme la vie nous a été donnée, sans que nous n'y soyons pour rien.

    Mais il y a aussi un côté actif, quelque chose que nous pouvons faire à partir de notre baptême : c'est d'abord d'accepter ce cadeau, cette adoption, cet amour que Dieu nous manifeste. Recevoir… Et puis, encore plus activement, nous pouvons décider de nous servir de ce que nous avons reçu. Il est inutile de recevoir un cadeau pour le laisser au fond d'un placard. Avec le baptême, Dieu nous donne le saint Esprit. Nous pouvons nous en servir, l'adopter : adopter la façon de penser qui vient de Dieu, se laisser inspirer par sa pensée, choisir Dieu comme source d'inspiration.

    Oui, mais qu'est-ce que Dieu pense ? L'apôtre Paul met en opposition nos désirs égoïstes et la vision de Dieu élargie au bien de tous. Elargir notre horizon… C'est ce que nous faisons dès que nous devenons parents. Nous ne pouvons plus ne tenir compte que de nous. Nous prenons en compte les besoins de nos enfants; et la vie, la vraie vie est dans cet élargissement. Il n'y a pas de bonheur tout seul. Et Dieu élargit son horizon (lui qui pourrait se suffire à lui-même), il l'élargit à toute l'humanité, en faisant de nous ses enfants, en décidant de devenir notre Père.

    La relation entre Dieu et nous est comme une relation de parents à enfants. Là, il y a quelques risques de mécompréhension, si on interprète cela dans un sens infantilisant. C'est vrai, nous n'avons pas envie d'être traités toute notre vie comme des enfants ! L'apôtre Paul a vu l'obstacle et le prévient en disant : "L'Esprit saint ne vous rend pas esclaves, mais enfants de Dieu." (Rm 8:15). Ce qui signifie que Dieu ne nous veut pas dans la soumission, mais dans une relation d'affection.

    Pour ceux qui ont des ados, vous avez sûrement dû vivre des échanges comme celui-ci : Le parent à l'ado :

    — Viens m'aider à mettre, débarrasser la table, faire la vaisselle ou vider la voiture.

    — Je ne suis pas ton esclave ! répond l’ado.

    On demande aux enfants de l'obéissance, mais le but de l'éducation n'est pas de les formater "soumis", c'est de les conduire à l'autonomie. Le but de l'éducation, c'est que les enfants, les adolescents puissent adopter des comportements adaptés, utiles, constructifs.

    Obéir à une règle peut être de la soumission si on ne le fait que par crainte des conséquences, par peur du gendarme. Mais obéir à une règle peut aussi être un choix lorsqu'on comprend le pourquoi de la règle, son sens, son utilité, le bien qui en découle ou la confiance qu'on a dans celui qui la pose.

    L'autonomie, c'est la capacité à choisir d'adopter les règles sociales. Et nous avons, comme parents, le souci de conduire nos enfants de l'obéissance à l'autonomie. Et Dieu a ce même souci de parent par rapport à nous. Il a posé certaines règles de vie — le Décalogue — et, comme Père, il souhaite que nous passions de la soumission à l'autonomie.

    Quelle autonomie voulons-nous pour nos enfants quand ils sont ou seront adultes ? Quelles relations voulons-nous avec eux comme adultes ?

    Est-ce que l'autonomie de nos enfants par rapport à nous doit signifier qu'ils n'ont plus besoin de nous, qu'ils nous quittent et qu'on ne les voit plus ? La liberté doit-elle signifier la distance ? Voir ses parents, passer du temps ensemble empiète-t-il sur la liberté des enfants ?

    Si vous répondez "non", comment expliquez-vous que la plupart des gens ne veulent plus rien avoir à faire avec Dieu parce qu'ils veulent être libres, ou parce qu'ils ont peur de devoir être soumis s'ils s'en rapprochent ?

    Dieu nous veut libres, autonomes, pensant par nous-même; mais il est triste de la distance que nous mettons entre lui et nous. Qu'est-ce qui nous empêche d'être adultes et proches de Dieu, libres et aimants, autonomes et reconnaissants ?

    Dans le baptême, Dieu nous offre une relation qui n'a pas pour but de nous enchaîner, de nous soumettre, mais d'élargir notre horizon, de nous donner une vie pleine, une vie remplie d'amour. N'ayons pas peur, faisons lui confiance et acceptons de devenir "enfants de Dieu" autonomes, mais en relation.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz