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commandement

  • Lévitique 19. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

    Lévitique 19

    17.6.2018

    « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

    Lévitique 19 : 13-18      Matthieu 7 : 1-5      Matthieu 22 : 34-44

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous vivons ce dimanche, le dimanche des Réfugiés. Un dimanche indiqué pour revenir à la base, aux fondamentaux de notre foi et de ce que Dieu attend de nous. On trouve dans le livre du Lévitique cette phrase : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lév. 19:18)

    Cette phrase est certainement la phrase la plus connue de toute la Bible, une phrase connue par tous ceux qui n'ont jamais ouvert une Bible depuis 10, 20 ou 30 ans; une phrase connue de tous, même de ceux qui ne se souviennent de rien de leur catéchisme.

    Cette phrase est reprise par Jésus. Il l'a mise au même rang que le premier des commandements en disant : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. C'est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est d'une importance semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même !" (Mt 22 : 37-39).

    Cette phrase est — ou devrait être — à la base de l'action, des comportements de tous les chrétiens. Et pourtant, dans le christianisme et dans notre société, cette phrase, ce commandement est devenu une phrase insupportable à entendre ! Elle en est venue à illustrer un commandement déplacé (comme si l'amour se commandait — entend-on) ou un rêve idéaliste (comme si on pouvait aimer tout le monde) ou encore la perte de soi-même, de son identité (il faudrait se sacrifier soi-même se perdre dans les bonnes oeuvres). Ce commandement — que nous n'arrivons pas à mettre en pratique tellement nous l'avons étendu et idéalisé — devient contre nous une pesante accusation : "Tu n'arrives même pas à aimer, qu'est-ce que tu vaux ?"

    Oublions donc un moment tout ce que le Nouveau Testament a ajouté à cette phrase de l'Ancien Testament ! Faisons table rase de tout ce que nous avons ajouté à cette phrase. A l'origine, cette phase n'était pas au hit-parade des paroles bibliques, c'est même une petite phrase perdue dans une longue énumération de lois, des lois données au peuple d'Israël déporté à Babylone, en Exil.

    En tant que petite population déportée en terre étrangère, ce peuple d'Israël doit trouver les moyens de garder sa cohésion et son identité. Il doit repenser ses coutumes, ses lois, pour ne pas se perdre et se dissoudre dans son environnement. A l'intérieur d'une petite communauté, dans un environnement hostile, il est primordial de rester soudés, d'éviter de se diviser, et donc d'entrer en conflits les uns avec les autres. Ces lois sont donc d'abord destinées "à l'interne" comme on dit aujourd'hui. C'est entre proche, entre gens vivant ensemble que le risque d'accrochage est le plus grand.

    Cela, on le voit bien aujourd'hui où le groupe qui doit se serrer les coudes s'est le plus souvent réduit au cercle familial. C'est maintenant dans ce cercle que se passent le plus souvent les disputes et que les familles éclatent et se décomposent.

    La phrase "Tu aimeras ton prochain, ton proche comme toi-même" s'inscrit dans ce contexte précis des relations courtes et d'un haut potentiel de conflit dû à cette proximité. Mais cette phrase n'est pas lâchée toute seule et encore moins comme un commandement, un ordre qui tomberait du ciel. Cette phrase arrive comme la conclusion de remarques sur les relations conflictuelles et sur la façon de s'en sortir. En tant que conclusion replacée dans son contexte cette phrase dit à chacun : "alors c'est ainsi que tu aimeras concrètement ton proche comme toi-même." Il est donc important de (re)voir ce qui précède, ce qu'il y a avant cette conclusion, qui n'a rien d'un commandement culpabilisant.

    Réécoutons ces deux versets : "N'aie aucune pensée de haine contre ton frère, mais n'hésite pas à reprendre ton compatriote pour ne pas te charger d'un péché à son égard. Ne te venge pas, et ne sois pas rancunier à l'égard du fils de ton peuple c'est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. C'est moi le Seigneur." (Lév. 19 : 17-18 TOB)

    Nous sommes loin de relations idéales, idylliques. Il est question de haine, de vengeance et de rancune. Autant de sentiments qui mettent en danger la relation. Le texte ne nie pas que de tels sentiments puissent naître et se développer au fond de nous-mêmes.

    Le texte part de l'existence de ces émotions. Oui, cela arrive, il n'est possible ni de les éviter de naître en nous, ni de les faire disparaître en niant leur existence. Ces sentiments négatifs existent et souvent nous habitent. Reconnaissons-le ! C'est la première étape. Reconnaître ce qui est. A partir de là, on peut s'interroger sur les raisons, sur l'origine de ces sentiments. La piste que le texte nous ouvre, c'est qu'un frère, un proche est à cette origine. On a été blessé, on se sent victime, lésé, agressé.

    Eh bien ne nous laissons pas enfermer dans ce rôle en ruminant la rancune, en préparant la vengeance ! Non, l'idée est d'aller trouver ce frère, ce proche pour lui parler, "pour le reprendre / le réprimander" selon diverses traductions. L'important est de ne pas rester seul avec son sentiment négatif, avec sa blessure, ne pas doubler la rupture de la communication, de la communion, en ajoutant au mur de la blessure infligée par l'autre, le mur de sa propre haine, ou désir de vengeance.

    Il est essentiel de s'ouvrir à son frère, à son proche ou à d'autres. Le péché qui est évoqué ici c'est le mur, la rupture de la communication. Lorsque l'autre a brisé quelque chose dans la relation avec nous, ne nous chargeons pas d'une nouvelle rupture à son égard. Rien n'est perdu si nous ne tombons pas dans le piège de la réciprocité négative (le 2e mur). Il reste toujours à notre disposition d'user d'une réciprocité positive (j'enjambe le mur de l'autre pour lui proposer une réconciliation). C'est difficile, cela demande une emprise sur soi-même — reconnaître ses faiblesses et peut-être sa part de torts, la poutre qui est dans mon oeil — c'est difficile, mais cela est possible.

    S'ouvrir, sortir de l'enfermement dans lequel nous place le fait d'avoir été blessé, voilà qui constitue l'acte concret d'aimer. Chaque fois que nous y arrivons, alors nous aimons notre prochain comme nous-mêmes. "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Tu aimeras ton prochain comme toi-même, chaque fois que tu reconnaîtras que tu as été blessé, que ça fait mal, mais que tu ne veux pas te laisser enfermer dans ta douleur, parce qu'il est plus important de restaurer la relation.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Matthieu 22. Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture.

    Matthieu 22
    13.9.2015
    Jésus, guide dans l’interprétation de l’Ecriture

    Marc 10 : 1-9       Matthieu 22 : 34-40

    Télécharger le texte : P-2015-09-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Comme chrétiens, mais plus encore comme protestants réformés, nous affirmons que la Bible est notre livre de référence, notre mode d’emploi de notre relation à Dieu et le guide de nos valeurs éthiques ou de nos comportements. Nous obéissons à ce que dit la Bible !
    Vraiment ? En fait pas tellement ! Et là je ne parle pas de nos faiblesses ou de nos transgressions, comme de mentir sciemment pour nous tirer de ce que nous pensons être mauvais pas. Cela nous arrive, et nous avons mauvaise conscience et nous nous en repentons. Donc dans ce domaine la Bible reste notre référence.
    Quand je dis que nous n’obéissons pas à la Bible, je parle de toutes ces prescriptions bibliques que nous avons abandonnées, en toute bonne conscience, comme des prescriptions caduques, dépassées, inutiles ou inappropriées. Alors que c’est interdit par la Bible, nous mangeons du lapin, de l’autruche, des fruits de mer ou du porc. Alors que c’est prescrit par la Bible, nous ne faisons plus de sacrifices d’animaux, nous ne consacrons plus à Dieu les prémices de nos récoltes, nous avons d’autres lieux de culte que Jérusalem, et nous ne lapidons pas les couples adultères.
    Nous ne considérons donc pas que toute phrase imprimée dans la Bible a une valeur de commandement. Nous n’accordons pas à toutes les lois bibliques la même valeur, la même autorité. Enfin, nous — en tant que protestants réformés — ne le faisons pas.
    Mais certaines personnes ou certains groupes prennent une autre position et adoptent une lecture plus littérale. J’ai identifié trois positions différentes :
    A. Ceux qui croient à la vérité littérale de l’entier de la Bible, groupe dans lequel on trouve beaucoup d’évangéliques, dont, à l’extrême, les créationnistes qui pensent que le poème de la création est une description littérale de la formation de l’univers à valeur égale avec la science.
    B. Les détracteurs du judéo-christianisme, qui s’emparent de quelques versets violents pour discréditer toute la Bible, comme si les chrétiens appliquaient cette violence dans la réalité.
    C. Enfin les opportunistes qui piquent l’un ou l’autre verset de la Bible pour asseoir leurs préjugés personnels d’une aura divine. Nous en avons eu un exemple cet été dans la bouche de l’évêque de Coire.
    Comme réformés, nous pensons qu’il existe une hiérarchie des textes, que certains sont plus importants, plus normatifs que d’autres et qu’il faut donc toujours faire un travail d’interprétation. En résumé nous refusons de dire que l’Ecriture est la Parole de Dieu, nous disons qu’elle contient la Parole de Dieu.
    Voici comment notre Eglise l’exprime dans ses principes constitutifs : « A la lumière du Saint Esprit, l’Eglise cherche à discerner dans les Ecritures la Parole de Dieu. (…) Avec les Eglises de la Réforme, elle affirme que la Bible doit toujours être interprétée et soumet cette interprétation à la Bible elle-même. »*
    Ce principe n’a pas été inventé de toute pièce par les réformés au XVIe siècle ! Il vient de la lecture de la Bible elle-même, de la compréhension de ce que Jésus fait lui-même.
    Lorsque les pharisiens essaient de tendre un piège à Jésus — justement sur la question de la hiérarchie des commandements — en demandant : « Quel est le plus grand commandement ? » (Mt 22:36) Jésus répond par une hiérarchie : « Tu dois aimer Dieu… c’est le plus grand commandement et voici le second qui est d’une importance semblable… Tu aimeras ton prochain… » (vv. 37-39)
    1. Le premier principe que Jésus applique, c’est de soumettre toute la loi de l’Ancien Testament à une relecture, en fonction de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Tout doit s’ordonner, s’aligner sur ces deux commandements. Et tous ce qui pourrait leur être contraire sera réinterprété ou aboli. Aussi devient-il inutile de ressortir un verset particulier — qui prône la violence par exemple — pour discréditer toute la Bible ; nous avons fait ce travail d’élagage avant nos opposants. Et les chrétiens qui prôneraient cette violence — comme l’apartheid — se discréditent eux-mêmes.
    2. Le deuxième principe que Jésus applique, nous le voyons dans la discussion qu’il a à propos du divorce. Là aussi les pharisiens essayent de lui tendre un piège. La méthode de Jésus, c’est de remettre les choses en perspective, du point de vue de l’intention de Dieu. Jésus fait dire aux pharisiens ce qui est prévu dans la loi et il leur explique qu’il y a deux niveaux en jeu. Il y a l’intention divine « Au commencement… » (Mc 10:6) et Jésus cite deux verset de Genèse 2 et 3 où il montre que Dieu a fait l’homme et la femme l’un pour l’autre. Puis, Jésus explique que la réalité (nous avons le cœur dur) oblige à trouver des solutions pratiques quand la vie commune est devenue impossible. Par-là Jésus montre que le commandement pointe vers un idéal — ce qui est voulu par Dieu — mais que cet idéal n’est pas donné pour l’asservissement de l’être humain, c’est un idéal de bonheur. On voit la même méthode à l’œuvre quand il s’agit de l’observance du sabbat :  « Le sabbat est fait pour l’être humain, pas l’être humain pour le sabbat. » (Mc 2:27)
    3. Le troisième élément, c’est que la Parole de Dieu s’est incarnée en Jésus-Christ. « La parole s’est faite chair » (Jn1:14) nous dit l’évangéliste Jean. La clé d’interprétation de l’Ecriture devient toute la vie et tous les gestes de Jésus. Notamment le mystère de la croix et de la Passion. L’épître aux Hébreux définit Jésus comme le nouveau grand-prêtre (Hb 9:11); et l’Évangile selon Jean le définit comme l’agneau du sacrifice (Jn 1:36). Si bien que les premiers chrétiens ont vu dans la personne de Jésus le remplacement de toutes les normes cultuelles de l’ancienne alliance.
    Ainsi ces trois éléments, (i) la suprématie de l’amour, (ii) le retour à l’intention première de Dieu et (iii) la personne même de Jésus-Christ comme Parole de Dieu ont conduit la première Eglise à abolir les lois coutumières (alimentaires et sociales), les lois cultuelles et les lois morales, pour ne retenir que les deux commandements d’amour. Les questions morales devant être toujours à nouveau reprises, réfléchies, réinterprétées en fonction de la suprématie de l’amour et de la réalité de nos cœurs endurcis.
    C’est peut-être pourquoi il est difficile d’être protestant : rien n’est acquis. Toujours à nouveau il faut se remettre en question et faire appel à sa conscience pour prendre une bonne décision.
    Mais c’est aussi la grandeur de notre protestantisme de ne pas nous considérer comme des automates qui obéissent aveuglément à des lois pré-écrites.
    Dieu fait confiance à notre liberté, à notre réflexion, pour faire des choix qui ne sont pas dictés par la Loi mais inspirés par l’amour.
    Amen


     * Principes constitutifs de l’Eglise Evangélique Réformée du Canton de Vaud, article 2.
    © Jean-Marie Thévoz, 2015