Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

covid-19

  • Ezéchiel 37. Dieu a une promesse de vie pour ceux qui sont dans le deuil

    Chers paroissiennes et paroissiens,

    A nouveau les cultes ne peuvent plus avoir lieu et c'est bien triste ! Cette période est difficile en nous forçant à la distance, à la diminution des rencontres. Ne nous laissons pas tomber dans l'isolement et la désespérance.

    Je vous propose une prédication que j'ai dite pour un culte de l'espérance, pour reprendre espoir dans des temps de nuit ou de deuil. Je pense qu'elle peut nous parler dans le temps d'aujourd'hui. Bon courage à toutes et tous.

    Mes amitiés

     

    (7.11.2004) Ezéchiel 37

    Dieu a une promesse de vie pour ceux qui sont dans le deuil

    Ezéchiel 37 : 1-14.      Jean 10 : 7-11.

    télécharger le texte : P-2004-11-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Vous avez entendu le récit de cette vision d'Ezéchiel. Pour bien comprendre le message que Dieu nous transmet par le prophète, il faut la replacer dans son contexte historique.

    Ezéchiel est un prophète qui parle au peuple d'Israël qui a été déporté à Babylone. En 597 et 587 av. J.-C., les armées babyloniennes de Nabuchodonosor ont assiégé, puis détruit Jérusalem. Ses habitants, notamment son élite, ont été déportés à Babylone et dans ses environs (entre le Tigre et l'Euphrate).

    Ces Israélites ont donc perdu leur pays, leur roi et leur Temple. Ils sont privés de leur patrie, de leur indépendance et de leur lieu de culte. Certains pensent même que Dieu les a abandonnés, ou pire encore, que Dieu n'était pas Dieu, puisqu'il a perdu devant les dieux babyloniens.

    Les Israélites sont donc dans une situation de désarroi total. Que peuvent-ils espérer, sinon survivre tant bien que mal ? Vaut-il la peine de garder ses coutumes, son culte ? N'est-il pas préférable de s'assimiler au plus vite pour abandonner ses racines qui les rattachent à la honte des vaincus ? N'est-ce pas un peuple de morts-vivants qui survit à Babylone, des gens sans espoir semblables à ceux qui sont déjà dans la tombe ?

    Cela semble être l'atmosphère, l'état d'esprit des Israélites lorsque Dieu envoie à Ezéchiel une vision. Et quelle vision ! Une large vallée couverte de vieux ossements tout poussiéreux, un cimetière gigantesque, mais qui sous l'impulsion de la parole de Dieu — prononcée par Ezéchiel — se transforme en lieu de vie.

    Cette vision est très intéressante, car en ce temps de l'histoire d'Israël, il n'y a encore aucune croyance en la résurrection. Cette croyance en la résurrection individuelle après la mort n'entrera dans le judaïsme — et encore seulement dans une partie du judaïsme — que trois siècles plus tard.

    Cette vision ne nous dit donc pas "il y a une vie après la mort", elle nous parle de la vie présente, elle nous parle du peuple d'Israël qui vit en exil à Babylone. Elle nous dit que parfois, à certains moments, l'existence n'est plus une vie, qu'elle est tellement noire et désespérée qu'elle est semblable à être mort, être desséché comme de vieux os.

    Cette vision prend acte que nous vivons — à certains moments — des situations où le goût de la vie s'en va et que rien n'a plus de sens. Cela arrive, mais ce n'est pas l'existence que Dieu veut nous voir vivre !

    Dieu a une promesse pour ceux qui vivent cela. Dieu n'est pas indifférent à ceux qui traversent de telles situations, que ce soit au travers de la perte d'un être cher, un deuil, ou au travers d'autres pertes, comme celle de son travail.

    Dans ces situations de perte, non seulement on est dépouillé d'une partie de soi-même, mais on perd ses repères, ses points d'appui et le désespoir menace. Dans ces situations, Dieu nous fait une promesse : il vient remettre de la vie dans notre existence. Lorsqu'on se sent disloqué, lorsqu'on se sent tomber en morceaux, lorsqu'on se sent à ramasser à la petite cuillère, Dieu se met à agir et à parler :

    "Voici ce que le Seigneur Dieu vous déclare :

    Je vais vous réanimer et vous reprendrez vie." (Ez 37:5)

    Et Dieu mobilise le prophète pour redonner espoir à son peuple, comme il mobilise des proches autour de chacun pour nous remonter le moral, pour dire — de la part de Dieu :

    "J'ouvrirai vos tombes et vous en ferai remonter, je vous ferai reprendre vie par mon Esprit, je vous réinstallerai dans votre patrie." (Ez 37:13-14)

    Le Seigneur nous fait la promesse de nous reconstruire et de nous restaurer, individuellement et en communauté. Ce qui a été promis aux Israélites au travers du prophète Ezéchiel nous est répété par Jésus. Cette promesse de Dieu est aussi pour nous aujourd'hui, puisque Jésus nous dit, comme il le disait à ses disciples :

     

    "Je suis venu pour que les humains aient la vie et qu'ils l'aient en abondance.

    Je suis le bon berger." (Jn 10:10-11)

    C'est lui qui nous reconstruit, qui nous nourrit et qui nous guide sur le chemin d'une vie vraie, riche en relations, malgré les pertes, les deuils que nous traversons. Oui, il nous sort de ces situations pour nous redonner une vie de plénitude.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

     

  • Notre Père (3)

    pour le dimanche 24 mai

    Matthieu 4

    Notre Père (3)

    Exode 16 : 1-5.      Matthieu 4 : 1-11.       Matthieu 6 : 13

    télécharger le texte : P-2020-05-24.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre exploration du Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"), nous voyons maintenant la phrase « Ne nous laisse pas entrer en tentation », forme liturgique depuis 2018 qui a remplacé la phrase « Ne nous soumets pas à la tentation » qui résultait d'un accord oecuménique depuis 1966. Cette formulation « ne nous soumets pas » a été trouvée comme impliquant trop l'action de Dieu dans la mise à l'épreuve de l'être humain, ce qui a conduit à son remplacement par la formule plus détachée « ne nous laisse pas entrer... »

    Nous ne pouvons pas savoir quels mots araméens Jésus a prononcé, et le texte grec lui-même peut se laisser traduire par les deux formules utilisées. La question du rôle de Dieu dans la tentation ou la mise à l'épreuve est une questin théologique plus large qu'une question de vocabulaire.

    Quel est le rôle de Dieu dans les épreuves qui nous arrivent ? Avant de questionner ce rôle particulier, il faut se demander quelle place Dieu occupe dans l'univers de la pensée.

    Si l'on considère — comme c'était le cas pour les écrivains bibliques et la pensée philosophique avant le siècle des Lumières — que Dieu est le principe explicatif total de l'univers (jusqu'au Dieu horloger de Voltaire), alors, tout vient de Dieu. Pour le dire autrement, si Dieu et les lois de la nature ne font qu'un, alors tout ce qui se produit vient de Dieu, du microbe aux tremblements de terre.

    Dans ce cas, la tentation ou les épreuves viennent aussi de lui et l'on ne peut que demander qu'il modère ou allège ses offensives contre nous.

    Avec cette vision de Dieu et du monde, nous nous retrouvons dans l'impasse d'un Dieu tout-puissant qui ne peut être en même temps soit compréhensible s'il est bon, soit bon s'il doit être compréhensible (voir ma prédication du 15 septembre 2019).

    Ce rôle total se retrouve dans certaines pages de l'Ancien Testament. Dans d'autres pages, on trouve un Dieu qui teste ses fidèles, comme Abraham (Gn 22:1) ou le peuple d'Israël avec le don de la manne. Un façon de tester l'obéissance du peuple face au don journalier de la manne : vont-ils croire et attendre la portion du lendemain ou faire des provisions ?

    Le Dieu qui tente, qui teste, est bien présent dans la Bible avec un Dieu qui dirige l'Histoire. Mais dans le Nouveau Testament et divers passages de l'Ancien Testament, dont le livre de Job, le rôle du tentateur est laissé à Satan (en hébreu) ou au diable (en grec), ce qui veut dire celui qui divise.

    On voit cette répartition des tâches dans l'introduction au récit des tentations de Jésus. Il est conduit au désert par l'Esprit, mais il y est tenté par le diable.

    Mais peut-être que la question « d'où vient l'épreuve ? » n'est pas pertinente ! La provenance n'est pas aussi importante que l'enjeu de l'épreuve. Que le virus vienne de Chine ou d'ailleurs ne change pas la prise en charge des malades.

    Ce qui est pertinent, c'est qu'il faut faire quelque chose. Un événement a surgit qui demande une action. Tout à coup, l'épreuve est devant nous. La Bible rattache ce temps spécial au « désert » comme un symbole de cet « à côté », de cet « en-dehors » du normal, ce temps qui bouleverse la normalité et nous projette dans un ailleurs qui fait réfléchir et demande à penser le présent et l'avenir autrement. En cela notre confinement a été un « désert » qui soulève des questions et des défis quant à tous nos modes de vie.

    Quelques mots sur les tentations ou épreuves auxquelles Jésus est soumis. Il y a trois tentations, celle de changer les pierres en pain, celle de se lancer dans le vide sans dommage et celle de dominer tous les peuples ou gens de la terre.

    Ces trois tentations offrent un pouvoir hors de portée des humains, un pouvoir de transformer la matière, donc une puissance matérielle illimitée. Un pouvoir d'invulnérabilité, une puissance sur la vie et la mort. Enfin, un pouvoir sur les autres, une domination idéologique sur la pensée des autres.

    Chaque fois, il y a l'offre de passer du fini à l'infini, de sortir des limites du monde. Y céder, ce serait croire à l'illimitation de la planète, de la durée de vie et croire à sa propre supériorité sur les autres.

    Ce qui fait la tentation, dans ces exemples avec Jésus, c'est de devoir choisir entre des valeurs. La tentation n'est pas de succomber à l'envie de s'acheter une pâtisserie. La tentation est de devoir faire un choix éthique, un choix de valeur qui va orienter ma vie, ou le monde, ou la vie des autres vers la vie ou vers la mort.

    C'est une épreuve, dans le sens où cela éprouve, cela challenge les valeurs sur lesquelles on s'appuie, sur lesquelles on bâtit sa vie. Quelqu'un fait une erreur monétaire en ma faveur. Vais-je le signaler ou empocher la somme en me disant que c'est sa faute ? Quelle valeur guide mon action ?

    La pandémie actuelle est une épreuve dans ce sens de challenge éthique, dans ce sens qu'elle révèle les valeurs de notre société. C'est une tentation, au sens théologique : un révélateur de valeurs.

    Les premières réactions et mesures prises ont révélé que, pour nous, la vie a du prix, la protection des personnes est plus importante que les profits économiques, d'où la décision de tout arrêter. Ensuite, on a vu que le même principe de protection des personnes, dans l'aspect « sauvegarde de sa subsistance » demandait de rouvrir l'économie. (Il n'y a pas de sens à opposer « sauver des vies » et « sauver l'économie » parce que notre travail nous nourrit et nous permet de payer le système de santé qui sauve des vies). Sur l'action immédiate, actuelle, l'épreuve dans laquelle nous avons été plongés a révélé une réaction de bonne qualité éthique.

    Par contre, elle révèle que les bases de notre système économique est intenablement fragile et anti-social. Il ne respecte pas la limitation de notre planète (n'est-il pas fou de croire à une croissance infinie sur une planète finie?). Il ne respecte pas la valeur du travail effectué (les métiers les plus essentiels sont les plus mal payés et relégués essentiellement aux femmes). Il ne respecte pas le lien social (il est plus important de faire du profit en délocalisant que de donner du travail et assurer un approvisionnement sûr de la population).

    Cette pandémie est pour nous un « désert » au sens théologique, c'est-à-dire un espace de réflexion à saisir. Comment allons-nous sortir du désert. En retournant à nos marmites pleines en Egypte (Ex 16:3) ou en adoptant un nouveau décalogue pour une société respectueuse de la planète, de soi (avec nos vulnérabilités) et des autres ?

    Quelle que soit la formulation de la phrase du Notre Père d'aujourd'hui, notre demande —lorsque l'épreuve survient — c'est que Dieu ne nous laisse pas tomber au milieu de l'épreuve. C'est qu'il nous accompagne dans nos choix — comme il a accompagné les Israëlites au désert pour les mener dans le pays de Canaan, comme il a accompagné Jésus pour qu'il puisse accomplir son ministère.

    Oui, Seigneur, ne nous laisse pas tomber quand nous traversons l'épreuve. Aide-nous à choisir les valeurs qui préserve notre planète finie, à choisir les valeur les plus humaines et les plus solidaires.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020