Exode 17
20.11.2016
Recevoir la force de ne pas baisser les bras
Exode 17 : 8-13 Ephésiens 3 : 14-19 Matthieu 7 : 24-29
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Chers frères et sœurs en Christ,
Plusieurs d'entre vous sont venus ce matin en réponse à notre invitation, pour vivre un culte de l’espérance. Un temps de culte pour nous rappeler les deuils vécus, les séparations subies, les chagrins éprouvés. Cependant, je n'ai pas l'intention de vivre ce culte avec vous en me tournant vers le passé. Je souhaite que nous vivions d'abord dans le présent un temps reconstituant, un temps de reconstruction, de re-création avec Dieu.
Pour retrouver ainsi des forces et avancer vers un avenir plus serein, plus confiant, j'ai choisi ce texte de l'Exode qui nous montre Moïse soutenir un combat. Je prends délibérément l'option d'une interprétation symbolique de ce récit.
On nous dit que Josué, à la tête du peuple hébreu combat le peuple des Amalécites, leurs ennemis. L'issue du combat repose sur les épaules de Moïse. "Tant que Moïse tenait un bras levé, les Israélites étaient plus forts, mais quand il le laissait retomber, les Amalécites l'emportaient" (Ex 17:11) dit le récit. Dans le récit, il y a deux armées en présence qui combattent pour avoir le dessus. Mais bizarrement, l'issue du combat ne dépend aucunement de ces forces en présence, mais d'un homme (en dehors du combat) qui lève ou baisse les bras ! Tout est lié à la position du bras, tout est lié au lieu que désigne le bras. Soit il montre le ciel, soit il montre la terre. Le bras désigne, montre, deux réalités différentes, les réalités auxquelles on peut se raccrocher, se rattacher, se confier lorsqu'on est engagé dans un combat, dans une lutte pour la vie.
Je crois que lorsqu'on est touché par le deuil, lorsqu'on perd quelqu'un qu'on aime, on est entraîné au cœur d'une bataille entre les forces de vie et les forces de mort. Un combat qui se déroule à l'intérieur de soi-même, où l'on est ballotté d'une pensée à une autre, d'une émotion à une autre, d'un comportement à un autre. Il y a des moments où l'on s'accroche à toute parole rassurante, à tout signe, à tout espoir, et des moments de découragement, de tristesse, de lassitude ou de rage, où l'on a envie de laisser tomber ses bras et de tout abandonner. Parfois on lève les bras vers le ciel pour demander un peu de force, parfois on baisse les bras et on est tenté de s'abandonner au malheur.
Même Moïse fatigue et peine à tenir le bras levé. Il y a une inertie, une réalité de la nature, qui va dans le sens du bas, de l'abandon. Il est "dans la nature des choses", "dans la nature du monde" que tout aille vers sa dégradation, vers la mort.
Cependant, la Bible, l'Evangile, nous alerte sur l'existence d'une autre force, d'une autre réalité, qui tend vers le haut, qui tend vers la vie, vers la vraie vie.
J'aimerais illustrer ces deux réalités par une petite histoire tirée du bouddhisme :
"Bouddha rencontre un bandit qui a l'habitude de tuer ceux qu’il rencontre.
Bouddha demande au bandit :
— Peux-tu me faire le plaisir de couper une branche avec ton épée ?
Le bandit coupe la branche et lui demande ce qu'il doit en faire.
— Remets-la à sa place, dit Bouddha.
Le bandit se met à rire :
— Tu deviens fou de penser qu'on peut faire ça !
— Au contraire, c'est toi qui est fou de penser qu'on est puissant parce qu'on peut blesser ou détruire. C'est une pensée d'enfant. Les puissants sont ceux qui savent comment créer et guérir." *
La vraie puissance n'est pas dans "la nature des choses", dans la réalité des apparences. La vraie puissance est ailleurs. La vraie puissance est dans la possibilité :
- de rendre l'espoir à un être fragile,
- de réconforter celui qui pleure,
- de tourner vers la vie celui qui baisse les bras.
La Bible, l'Evangile et le témoignage des croyants, nous rappellent que Dieu a abandonné la toute-puissance du bandit pour développer la puissance fragile du simple, celle qui crée, construit et guérit, celle qui redonne de la force, là où l'on pensait que tout avait été épuisé.
La résurrection de Jésus fait partie de ces signes à la fois fragiles — nous n'en avons aucune preuve, c'est une question de foi — et en même temps puissants : le signe dit qu’on est en droit de croire que la mort n'a pas le dernier mot — malgré toutes les apparences contraires. Croire cela en dépit de tout, parce que c’est notre dignité d’être humain de donner du sens, même — surtout — quand tout paraît absurde. Lever le bras vers Dieu pour recevoir cette foi et le reconnaître à nos côtés dans notre souffrance, c'est le premier geste que nous pouvons faire. Cette confiance est le premier pas, confiance dans la bonté de Dieu.
Dans la lutte du deuil pour reprendre pied dans la vie, il est important de bien identifier qui sont nos alliés et qui sont nos ennemis. Si nous mettons Dieu du côté de la nature et de l'inertie, qui pourra nous sauver du désespoir et de la haine ? En Jésus-Christ, Dieu a clairement montré qu'il s'est placé à nos côtés, du côté de la vie, des relations vraies, de l'amour et de la vérité. Nous avons, dans les paroles et les gestes de Jésus, de quoi construire nos vies comme une maison bâtie sur le roc (Mat 7 : 24-29).
Lever les bras n'est pas toujours facile et le récit nous montre que lorsque Moïse faiblit, Aaron et Hour viennent le soutenir. Qui sont les Aaron et Hour qui sont venus à vous pour vous soutenir ? La foi est aussi affaire de relations, de solidarité, de communauté. Comme vous en avez fait l'expérience, c'est souvent dans les moments dramatiques qu'on découvre ce qui nous est précieux, combien les relations et le soutien que l'on reçoit sont importants, combien l'essentiel de la vie se trouve dans l'amour partagé, donné et reçu. Dommage qu'il nous faille passer par des événements tragiques pour le découvrir et nous mettre à apprécier cet essentiel. Tâchons au moins de ne pas perdre cette découverte !
Vous avez passé par ce combat — pour certains ce combat est encore la dure réalité quotidienne — alors j'aimerais que vous puissiez réaliser que la communauté paroissiale (celle-ci ou celle de votre domicile) est là pour soutenir vos bras levés vers le ciel. Vous n'êtes pas seuls dans votre combat, vous n'êtes pas abandonnés, mais ou contraire entourés de l'amour de Dieu.
C'est pourquoi j'aimerais reprendre — pour vous — la prière de l'apôtre Paul :
"Je demande à Dieu (…) qu'il fortifie votre être intérieur, par la puissance de son Esprit, et que le Christ habite vos cœurs par la foi.
Je demande que vous soyez enracinés et solidement établis dans l'amour, pour être capables de comprendre (…) combien l'amour du Christ est large et long, haut et profond.
Oui, puissiez-vous connaître son amour (…) et être ainsi remplis de toute la richesse de Dieu." (Eph 3:16-19).
Amen
* Antoine Nouis, Un catéchisme protestant, Lyon, Réveil Publications, 1997, p. 263
© Jean-Marie Thévoz, 2016