Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

donner

  • Aucune loi ne peut répondre à la question : "Qui est mon prochain ?"

    27.10.2019

    Luc 10

    Aucune loi ne peut répondre à la question : "Qui est mon prochain ?"

    Deutéronome 30 : 11-14.    Luc 10 : 25-37

    télécharger le texte ici P-2019-10-27.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    La parabole du bon Samaritain !

    Voilà une parabole bien connue de tous, au point que le terme de "bon Samaritain" est passé dans le langage courant comme un équivalent de "secouriste". Pourtant, dans ce récit, la partie "secouriste" n'est de loin pas la plus importante.

    Jésus raconte cette parabole au coeur d'un dialogue, d'une conversation assez vive avec un maître de la Loi. Un maître de la Loi — en Israël au temps de Jésus — c'est une personne qui s'est spécialisée dans la connaissance des commandements de Dieu et qui doit d'un côté élaborer des lignes directrices pour les autres, pour bien obéir à Dieu et de l'autre régler des conflits ou des questions délicates en se référant aux données bibliques.

    Il y avait donc souvent des discussions entre maîtres de la Loi pour chercher les meilleures réponses aux questions difficiles. C'est probablement dans ce contexte-là que le maître de la Loi vient interroger Jésus. Cela signifie aussi que Jésus était considéré dans les milieux théologiques comme quelqu'un qui avait des réponses à apporter.

    La question fondamentale que vient poser ce maître de la Loi est celle-ci : "Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ?" (Luc 10:25) Jésus, en bon pédagogue et parce qu'il sait à qui il a affaire, lui retourne la question et le maître de la Loi lui cite les deux grands commandements.

    Le maître de la Loi doit être un peu frustré puisque Jésus n'a rien apporté dans le dialogue. Alors il pose une deuxième question qui a fait — et fait encore — l'objet de beaucoup de discussions : "Qui est mon prochain ?"

    C'est vrai, nous savons tous — du plus jeune au plus vieux, tout autour de la terre — que l'humanité vivrait mieux si chacun aimait son prochain, plutôt que d'être en conflit. Mais qui doit-on aimer ? Il y a, en général, deux sortes de réponses : d'un côté ceux qui disent qu'on doit aimer tout le monde et de l'autre ceux qui limitent cet amour à un groupe donné, et cela peut aller jusqu'à la "préférence nationale" que personne ici ne peut envisager comme réponse.

    On peut présager que la bonne réponse est plutôt du côté d'"aimer tout le monde" et le maître de la Loi en est probablement conscient. Mais comment puis-je aimer tout le monde ? On ne s'en sent pas la force ! Je suis un être limité dans mes forces, dans mes moyens, dans mon énergie ! Alors, qui dois-je aimer ?

    En posant cette question à Jésus, cet homme — maître de la Loi — exprime sa solitude face à toute l'humanité qui attend d'être aimée. Il faut imaginer la scène : un homme seul face à toute l'humanité. C'est une situation impossible, qui fait peur, la peur d'être englouti, d'être aspiré dans un puits sans fonds.

    Face à cette peur, Jésus se met à raconter une histoire : "Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho..." vous avez entendu la suite. Jésus fait passer trois hommes devant le blessé à demi-mort. Un prêtre et un lévite qui ne s'arrêtent pas. Le prêtre et le lévite sont des hommes consacrés au service du Temple de Jérusalem et qui ont des obligations "professionnelles" de ne pas se mettre dans des situations d'impureté. Ainsi la Loi les oblige à ne pas toucher de morts hors de leur famille. Le blessé est "à demi-mort", donc entre la vie et la mort. Il y a là une incertitude et donc un risque que ni le prêtre, ni le lévite ne veulent prendre. Ils ne sont ni méchants, ni sans coeur, ils se meuvent seulement dans un carcan d'obligations et de codes qui délimite leur marge de manoeuvre.

    En racontant cette parabole, c'est à ce carcan de la Loi que s'en prend Jésus. Il veut faire comprendre au maître de la Loi que la recherche d'une réponse définitive, bien cadrée, complète, à sa question "qui est mon prochain ?" est une partie du problème et non de la solution.

    Définir "qui est mon prochain ?" c'est établir un code qui — dans certaines circonstances — va m'obliger à agir comme le prêtre et le lévite, à passer à côté de celui qui n'est pas sur la liste ! Une liste de personne à aimer ne peut plus laisser la porte ouverte au hasard des besoins et des circonstances. Et cette parabole est justement celle qui donne place au hasard. "Un homme descendait..." c'est un quidam anonyme, n'importe qui, le citoyen lambda des sociologues. Les brigands frappent aussi au hasard des circonstances, de façon aléatoire, n'importe qui pourrait être leur victime... et c'est face à ce hasard des circonstances, lorsqu'il survient qu'il faut être prêt à sortir de ses habitudes, de ses obligations, prêt à se détourner de son chemin programmé.

    Le troisième personnage est un Samaritain. Jésus manie l'ironie lorsqu'il désigne un Samaritain comme l'exemple à suivre. Le Samaritain est justement celui que les juifs accusent de ne pas suivre la Loi. Mais c'est justement — aux yeux de Jésus — parce qu'il ne suit pas la Loi, comme le prêtre et le lévite, que le Samaritain se laisse détourner de sa route. Le texte dit qu'il se laisse émouvoir, il se laisse toucher par la détresse du blessé.

    Jésus fait ici l'éloge de la liberté d'esprit et de l'élan du coeur. Ni la liberté, ni l'élan du coeur ne peuvent être définis dans une Loi, sinon on tombe dans le paradoxe psychologique du "soyez spontané !"

    Après avoir raconté cette parabole, Jésus demande au maître de la Loi : "Lequel des trois te semble avoir été le prochain de l'homme blessé ?" (Luc 10:36) En posant cette question, Jésus opère un renversement. Les trois hommes représentent l'humanité qui se trouve face au blessé seul. En posant cette question, Jésus inclut le maître de la Loi dans l'humanité qui fait face au blessé. On n'a donc plus le maître de la Loi seul face à l'humanité, mais le maître de la Loi dans l'humanité, face au blessé seul.

    La question importante — aux yeux de Jésus — n'est plus "qui est mon prochain ?", mais "qui va se mobiliser (parmi tous les humains) pour cet homme qui a besoin de secours!" C'est beaucoup moins effrayant !

    De plus, en posant la question "Lequel des trois ..." — implicitement — Jésus demande au maître de la Loi : "qui voudrais-tu être dans cette histoire ?"

    Et cela nous ramène à la première question du maître de la Loi : "Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle, la vraie vie, celle qui comble nos aspirations les plus profondes ?" Jésus répond en terme d'être : "Qui voudrais-tu être dans la vie ?" Et le maître de la Loi de répondre : "Celui qui a été bon pour le blessé." (Luc 10:37) Et Jésus l'encourage en lui disant "Va et fais de même."

    Ce que je comprends comme "Vis de cette liberté" — qu'aucune loi extérieure ne peut te donner. Vis ton humanité et laisse-toi interpeller par les situations que le hasard te présente, laisse-toi émouvoir, laisse-toi toucher, laisse parler ton coeur, c'est là que naît l'amour du prochain !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

     

  • 1 Timothée 6. Se préparer une vieillesse heureuse (II)


    19.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (II)
    1 Timothée 6 : 17-19       Mat 6 : 19-23
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-19.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé, avec le poème de l'Ecclésiaste, comment il décrivait — soyons directs — la décrépitude du très grand âge. Nous avons vu que l'extrême vieillesse apporte avec elle un immobilisme, un arrêt des changements, des possibilités de transformation de l'être et du caractère. Il en résulte la nécessité de préparer sa vieillesse, d'anticiper pendant que le changement est encore possible.
    Mais en fait, pourquoi faut-il changer quelque chose en nous entre la période active et la vieillesse ? Pourquoi ce que nous avons construit ne peut-il pas se prolonger simplement pendant la vieillesse ?
    Je répondrai par une autre question : Que reste-t-il à faire quand je ne peux plus rien faire ?
    C'est bien le problème de notre société face à la vieillesse ! Notre société est fondée sur le faire, le produire, l'agir. "Vous êtes quelqu'un en fonction de ce que vous faites" nous dit-on. Alors que devenons-nous lorsque nous n'avons plus rien à faire ?
    Si nous voulons une vieillesse heureuse pour nous, il faut trouver autre chose que ce que la société propose. Il faut faire reposer notre valeur sur autre chose que le faire. Nous devons abolir notre dépendance aux valeurs de cette société — du monde — pour nous ancrer ailleurs.
    Jésus disait à ce propos : "Ne vous amassez pas des trésors dans ce monde, mais amassez-vous des richesses dans le ciel." (Mt 6:19-20).
    Il y a un temps pour le confort, mais il y a un temps où il faut passer à quelque chose de plus solide, de plus durable, qui ne soit pas périssable, qui ne puisse partir en poussière dans la perte de nos capacités, de notre mobilité ou de nos sens.
    Mes trésors sont-ils sur terre ou sont-ils au ciel ? Le philosophe allemand Nietzsche propose un test pour évaluer soi-même la valeur de sa vie. Il propose de se demander : si je devais éternellement revivre ma vie, cette vie-là, est-ce que je ferais les mêmes choix, est-ce que je la revivrais de la même façon ?
    Voilà un crible intéressant qui permet de voir ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas ou qui est de valeur négative et qu'on devrait changer. Une infirmière en soins palliatifs américaine a relevé les regrets les plus souvent évoqués par les mourants. Ce sont : "J'aurais souhaité avoir le courage d'exprimer mes sentiments." "J'aurais souhaité rester en contact avec mes amis" et "j'aurais souhaité avoir le courage de vivre la vie que je voulais et non pas celle que les autres attendaient de moi." (Bronnie Ware, The Top Five Regrets of The Dying, Hay House, 2012)
    Vous remarquerez que les souhaits ne portent pas sur des productions, des actions qui n'ont pas pu être réalisées (construire une maison, planter une forêt…) mais chaque regret est en lien avec l'être et la vie. Regrets en liens avec ses émotions qui auraient pu être partagées avec d'autres. Regrets sur les relations abandonnées. Regrets sur des désirs non exprimés, sur une affirmation de soi muselée.
    Réaliser des choses pendant sa vie — avant de mourir — ne demande ni fortune, ni forme physique exceptionnelle, ni compétences hors normes. Réaliser ces choses, c'est amasser un trésor dans le ciel, amasser une estime de soi et un sentiment de valeur et d'accomplissement que rien ne peut ôter, ni la vie en EMS, ni la perte de fonction, ni la mort finalement.
    Se préparer à la vieillesse n'est donc rien d'autre que se donner le sentiment d'avoir réussi sa vie ! C'est aussi simple que cela ;-) !
    Ce qui est compliqué, c'est comment y arriver à ce sentiment d'accomplissement. J'ai trouvé une direction intéressante dans la première lettre à Timothée. Paul fait des recommandations à Timothée et aux autres lecteurs de cette lettre :
    "Recommande à ceux qui possèdent les richesses de ce monde de ne pas s'enorgueillir ; dis-leur de ne pas mettre leur espérance dans ces richesses si incertaines, mais en Dieu qui nous accorde tout avec abondance pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire le bien, d'être riches en actions bonnes, d'être généreux et prêts à partager avec autrui. Qu'ils s'amassent ainsi un bon et solide trésor pour l'avenir afin d'obtenir la vie véritable." (1 Tim 6 : 17-19).
    Il s'agit-là, d'abord, de reconnaître l'illusion de bonheur que propose la société romaine autant que la nôtre, les choses n'ont pas beaucoup changé. Ensuite Paul fait des recommandations positives : dis-leur de faire le bien, d'être riches en belles actions, de donner généreusement, de veiller au bien commun et finalement de se constituer un beau "socle" (je reviendrai sur ce terme) pour l'avenir et pour se saisir de l'essence de la vie, de la vraie vie. N'est-ce pas un beau programme ?
    Le but est de construire une assise, un fondement — un socle — qui soit beau pour sa vie. Imaginez ici un temple grec avec les trois marches en pierres taillées de son socle, l'assise sur laquelle repose tout le temple, même 2'000 ans plus tard. Avec une belle assise comme celle-là, bien solide, notre vie ne sera pas ébranlée par la vieillesse ni par la mort. Ce beau socle est bâti sur de belles actions.
    Il y a plusieurs étapes dans la vie. Une période pour apprendre, une période pour produire et être actif, pour engendrer. Vient ensuite — si nous voulons une belle vieillesse — une période pour faire du bien, pour être bienfaisant, dit l'apôtre Paul. Une période où l'on soigne particulièrement — de l'intérieur — notre façon d'être au monde. Cultiver la joie d'être-là, la joie de s'émerveiller, s'émerveiller de la nature, des créations humaines, des personnes qui nous entourent. Il s'agit d'apprendre à voir le bon et le beau autour de soi et d'entrer dans la danse pour participer à l'embellissement du monde autour de nous.
    Khalil Gibran disait : "Tout ce que vous avez sera donné un jour. Donnez donc maintenant afin que la saison de donner soit vôtre, et non celle de vos héritiers."
    Cette étape consiste à passer du "faire" tout court que prône la société, à "faire du bien" autour de soi. C'est ainsi que se construit la satisfaction intérieure, le sentiment d'accomplissement qui nous aidera au moment de devoir se dépouiller peu à peu de ce qui faisait notre vie.
    La prochaine étape, dimanche prochain, sera d'apprendre à recevoir, une étape qui semble encore plus difficile que celle de faire du bien.
    (à suivre)
    © Jean-Marie Thévoz, 2012