Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

doxologie

  • Notre Père (1)

    pour le dimanche 10 mai

    Matthieu 6

    Notre Père (1)

    Matthieu 6 : 5-13

    télécharger le texte ici : P-2020-05-10.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Je commence ici une suite de prédication sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette prière a été adoptée par la première Eglise et n'a cessé d'être dite depuis lors dans toutes les Eglises chrétiennes de la terre. Elle est dite dans une forme liturgique ancrée dans le texte des Evangiles.

    Deux Evangiles nous rapportent ces paroles de Jésus : Luc dans une version courte et Matthieu avec deux phrases de plus : la phrase sur la volonté et la phrase sur la délivrance du mal, chacune de ces deux phrases étant un développement ou une explication de la phrase précédente.

    La formule finale « Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles, amen » a été ajoutée dans les manuscrits à partir du IIe siècle, mais était probablement prononcée bien avant. C'est une finale classique des prières juives.

    Tout laisse penser que cette prière a été prononcée par Jésus lui-même. Le vocabulaire est celui de la prière juive des synagogues. Mais le Notre Père « ne comporte aucune trace de la théologie des premiers chrétiens » nous dit Jean Zumstein*, pas de mention du Saint-Esprit ni de la foi en Jésus, ni de sa mort. Par contre le Notre Père accentue le thème du règne, du Royaume cher à Jésus et celui de la bienveillance divine.

    Ces deux thèmes : le Royaume de Dieu et la sollicitude divine structurent le Notre Père. La première partie, avec ses trois demandes, concernent Dieu. Les demandes sont en « tu » et appellent à la venue du règne et de la volonté de Dieu. La seconde partie en « nous » se centre sur les besoins des humains : le pain, le pardon et la confrontation au mal.

    L'énoncé de ces besoins est presque en style télégraphique. Cela concorde bien avec l'enseignement de Jésus sur la prière dans le Sermon sur la Montagne : « Quand vous priez, ne prononcez pas un grand nombre de paroles comme les païens... car Dieu sait ce dont vous avez besoin. » (Mt 6:7-8).

    L'enseignement de Jésus sur la prière est très paradoxal et très peu favorable à l'Eglise et à la vie communautaire ! Jésus demande d'abord de quitter les lieux publics et de s'enfermer dans sa chambre. La prière est de l'ordre de l'intime. Jésus aussi se retirait pour prier, dans le désert (Mc 1:35), sur la montagne (Luc 9:29) ou à l'écart des disciples dans le jardin de Gethsémané (Mc 14:32). C'est dans ce lieu secret que se passe la rencontre avec Dieu « qui voit dans le secret » (v.6), dans l'intime.

    Et puis Jésus nous coupe l'herbe sous les pieds : « Votre Père sait déjà de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez » (v.8). Alors, pas de vaines paroles, pas de quantité, pas d'exposé sans fin de ses besoins... que reste-t-il à faire quand on prie ? Il reste la posture. Une posture de louange (Dieu est saint), de désir ardent (du règne et de la volonté divine) et les demandes qui disent que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes.

    Une fois cela posé, nous pouvons entrer dans le texte de cette prière enseignée par Jésus. Au cours des prochains dimanches, nous allons voir ces mots, ces phrases. Mais nous allons le faire en remontant le texte, en partant de la fin pour revenir au début.

    Cette prière est un peu comme l'échelle de Jacob (Genèse 28:10-15) que les anges montent et descendent. Nous la prions en descendant du Père vers les humains, du règne de Dieu vers notre engluement dans le malheur. Pour comprendre et approfondir cette prière, je vous propose de partir de notre situation — en bas de l'échelle — et voir comment par cette prière, Dieu nous attire à lui, par étapes.

    Jésus lui-même a descendu le Notre Père parce qu'il vient du Père. Nous avons besoin de le remonter pour l'assimiler et pouvoir le prier en redescendant.

    Le Notre Père se termine donc par ce qu'on appelle une doxologie, un énoncé de louange. On vient de dire que nous avons besoin de Dieu opur être délivré du mal et l'on finit la prière par une confession de foi : « Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles. Amen ».

    Nous avons là le fondement, la fondation sur laquelle repose notre prière et notre foi. « Car ». C'est en raison de la nature de Dieu que nous pouvons prier et croire. C'est le socle sur lequel repose l'échelle (de Jacob).

    Dire que « le règne, la puissance et la gloire » appartiennent à Dieu, c'est, en creux, dire que cela n'appartient pas aux humains. Personne ne peut revendiquer le règne, la puissance et la gloire pour lui dans le monde. Ceux qui le font quand même, nous pouvons les démasquer comme des usurpateurs.

    En prononçant cette phrase, nous affirmons que notre confiance va à Dieu — qui en Jésus s'est fait serviteur de tous — et pas aux prétendus puissants de la terre qui cherchent nos faveurs ou notre obéissance. Notre salut n'est pas auprès ds multimilliardaires ou autres célébrités et héros télévisuels.

    Notre confiance va à « Notre Père » qui a montré son vrai visage en Jésus, sur la croix, transformant toute vaine idée de règne, de puissance et de gloire. Nous avons vu ces derniers temps que les vrais héros étaient des personnes humbles et trop souvent déconsidérées qui se mettaient au service des autres au risque de leur santé, aux caisses des supermarché et au chevet des malades.

    Le « Amen » final (qui ne veut pas dire « c'est fini ! ») signifie : voici ce qui est vrai. Amen en hébreu veut dire : être solide, ferme, être digne de confiance, vrai. Les Evangiles rapportent nombre de paroles de Jésus qui comprennent cette expression « en vérité je vous le dis... ». « En vérité » traduit chaque fois le mot Amen retranscrit tel quel de l'hébreu en grec. On trouve cette expression 30 fois chez Matthieu, 13 fois chez Marc, 10 fois chez Luc et 25 fois chez Jean.

    Cet Amen est donc la pierre solide sur laquelle nous pouvons poser l'échelle qui nous fera remonter le Notre Père. Cet Amen final est une approbation de ce qui précède, une façon de dire : c'est vrai, je suis sûr que c'est vrai, je le confirme et l'affirme.

    Amen.

    * Jean Zumstein, Notre Père, La prière de Jésus au cœur de notre vie, Poliez-le-Grand, Ed. du Moulins, 2001, p. 11.

    © Jean-Marie Thévoz, 2020